Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire,
Chers collègues,
Je voudrais tout d'abord vous remercier, Monsieur le Président, de nous recevoir dans cette région si authentique et de nous donner ainsi l'occasion d'apprécier l'hospitalité britannique dans un cadre chaleureux et sympathique.
Je souhaite également te remercier, cher Jack, du sujet de réflexion qui nous est aujourd'hui soumis, car il recoupe à mes yeux plusieurs des thématiques les plus importantes sur lesquelles nous devrons nous prononcer dans le cadre de la réforme de la PAC.
« L'élevage dans les zones à environnement fragile de l'Union européenne » est un sujet important et sensible qui touche à la réforme de deux secteurs de production qui ont connu de fortes perturbations au cours des dernières années.
Je veux parler de la production laitière et de celle de viande bovine même si c'est la seconde qui est au centre de nos débats d'aujourd'hui.
J'apprécie d'autant plus le thème qui nous est proposé, qu'il traite également de la multifonctionnalité de l'agriculture. Ce qui est vrai sur l'ensemble du territoire européen l'est tout particulièrement dans les zones à environnement fragile.
Ce thème est également particulièrement important pour la France dans la mesure où, comme vous le signalez dans votre excellent document, mon pays compte l'une des plus vastes régions d'Europe dont l'économie agricole repose pour une très large part sur l'élevage extensif, allaitant : c'est le grand Massif central. Le gouvernement français est particulièrement soucieux que la pérennité de la filière bovine de cette région soit assurée.
Lors du Conseil européen de Luxembourg, les chefs d'Etat et de gouvernement ont entériné nos conclusions : l'agriculture européenne doit rester répartie sur l'ensemble du territoire de l'Union. La question se pose : Comment atteindre cet objectif ? Comment garantir la pérennité de certaines filières agricoles, en particulier dans les régions défavorisées ?
Une voie pourrait être de différencier les soutiens en fonction de critères sociaux ou territoriaux, qui pourraient être zonés. Nous mettrions alors en place une politique différenciée régionalement. Mais cela relève à mes yeux d'une autre logique que celle qui inspire la PAC : celle des fonds structurels, dont la vocation première et directe, au titre de la cohésion, est de compenser les déséquilibres territoriaux. Même si ces objectifs ne sont pas étrangers à la PAC, je crois donc que cette voie n'est pas la meilleure pour atteindre notre objectif au travers de la politique dont nous avons la charge.
En revanche, il me paraît indispensable que les outils que nous mettrions en place permettent de favoriser les systèmes de production qui correspondent le mieux aux attentes du consommateur et du citoyen. En effet, tous les modes de production ne sont pas équivalents en terme de protection de l'environnement et des paysages.
C'est particulièrement clair en matière bovine où il me paraît souhaitable de favoriser l'élevage extensif, allaitant, dans la mesure où il est à l'origine d'un produit de qualité qui correspond à l'image de la viande bovine qu'attend dorénavant le consommateur.
C'est le choix politique que l'Europe a fait en 1992 et il serait incompréhensible qu'une option différente soit privilégiée aujourd'hui, après les crises que nous avons connues. C'est pourquoi toute remise en cause de cette orientation en faveur de l'élevage extensif, et c'est ce que propose semble-t-il de manière de plus en plus explicite la Commission, n'est pas acceptable pour la France.
Or, une autre voie est possible pour encourager les systèmes de production qui, au-delà de leur seule fonction de production, assurent la protection de l'environnement et la qualité des produits, participent à l'aménagement du territoire et au maintien d'emplois. Des outils existent pour intégrer d'autres objectifs sans introduire des distorsions qui nuiraient à l'unité de marché. Par exemple, la mise en place d'une prime à l'hectare de superficie fourragère peut constituer un instrument d'orientation. De même, la revalorisation des primes à la vache allaitante et au bovin mâle doit être faite dans des proportions permettant d'éviter la remise en cause de l'équilibre entre les divers systèmes de production de la filière bovine. Tel n'est pas le cas dans la proposition de la Commission.
Enfin, les critères d'attribution du complément extensif doivent être suffisamment progressifs pour permettre d'encourager vraiment le processus d'extension et ne pas constituer un seuil d'exclusion dont les effets seraient contre-productifs.
Notre Conseil doit être cohérent avec les objectifs qu'il s'est lui même fixé en novembre 1997 : assurer la présence de l'agriculture sur l'ensemble du territoire, en particulier dans les zones difficiles qui nous réunissent aujourd'hui, où le revenu agricole est très souvent largement inférieur à la moyenne communautaire. Cela suppose une politique de marché adaptée.
Je l'ai déjà dit le 31 mars. Le Président de la République a eu l'occasion de le rappeler encore récemment: les baisses de prix d'intervention proposées par la Commission ne sont pas acceptables.
Si l'on s'attache à regarder ce que nous propose en la matière la Commission, on comprend en outre qu'il serait illusoire d'imaginer compenser par les enveloppes nationales de flexibilité les déséquilibres qui résulteraient des baisses de prix et des revalorisations inéquitables des primes communes de base.
Voilà donc un premier volet indispensable : une politique de marché équitable fondée sur des instruments permettant de rémunérer les systèmes de production les plus respectueux de l'environnement et des territoires, ceux qui sont à l'origine des produits de qualité réclamés par les consommateurs.
Mais cela ne suffira pas.
Au-delà, en effet, nous devons prévoir les moyens de rémunérer, sur la base du volontariat, les agriculteurs qui, outre leur activité principale de production, rendent d'autres services à la société, au titre de ce qu'il est convenu d'appeler la multifonctionnalité de l'agriculture.
La Commission nous propose plusieurs outils spécifiques de modulation. Un effort accru de cohérence et des moyens supplémentaires sont également proposés par la Commission en faveur du développement rural et je souscris à cette orientation.
Il faut toutefois, tout en prenant en compte la contrainte budgétaire qui s'impose à nous, pousser jusqu'au bout la logique dans laquelle s'est inscrite la Commission à travers la modulation des aides. Il faut pour cela que l'on puisse utiliser davantage les aides directes, qui représenteront près des trois quarts du budget agricole communautaire, pour rétribuer l'ensemble des fonctions que remplissent les agriculteurs au bénéfice de la société.
Afin de financer cette action déterminante pour assurer la pérennité de la PAC, en renforçant sa légitimité aux yeux des citoyens, je propose que les Etats membres soient autorisés à redistribuer une part significative des aides directes.
Les outils existent dans les propositions de la Commission et il importe simplement de les rendre, me semble-t-il, plus cohérents, plus efficaces et d'en assurer, de façon stable, le financement.
C'est pour cela que nous demandons que les Etats membres puissent asseoir un prélèvement sur l'ensemble des aides directes versées aux agriculteurs.
Les crédits ainsi mobilisés serviront à financer des aides découplées de la production, relevant des aides agri-environnementales, comme le propose la Commission, auxquelles pourraient être ajoutées l'ensemble des mesures relevant du règlement développement rural ainsi qu'éventuellement d'autres mesures.
Dans mon esprit, ces mesures devraient rester optionnelles pour les Etats membres afin que chacun puisse les adapter à ses propres objectifs et à la situation de son agriculture. Ces mesures étant découplées, elles ne seront pas à l'origine de distorsions de concurrence.
A ce titre, elles relèveront pour l'essentiel de la « boîte verte » et ne poseront donc pas de difficulté dans les prochaines négociations à l'OMC. Enfin, elles seront transparentes puisqu'elles devront être notifiées et approuvées par la Commission, et que les Etats membres en seront informés par l'intermédiaire du comité STAR, chargé d'approuver les différents programmes. Tout cela doit nous garantir contre les risques de distorsion de concurrence et de renationalisation de la PAC.
Je vous propose donc que nous nous dotions de ces deux outils :
- une politique de marché plus soucieuse d'orienter la production vers les systèmes d'élevage les plus respectueux de l'environnement et des paysages et les plus à même de produire la viande de qualité qu'attend le consommateur ;
- une politique fondée sur la modulation des aides permettant de financer, entre autres, des actions agri-environnementales et de développement rural plus ambitieuses et de rémunérer ainsi non seulement la fonction de production mais également l'ensemble des services que l'agriculture rend à la société, et ils sont nombreux.
Je pense que nous aurons alors fait un grand pas pour assurer la vitalité d'une agriculture multifonctionnelle sur l'ensemble du territoire européen et singulièrement dans les zones rurales fragiles. Ce faisant, nous répondrons davantage aux attentes des agriculteurs et de l'ensemble des citoyens et nous assurerons une plus grande pérennité et légitimité de la politique agricole commune.
De même, en matière de développement rural, je peux accepter que certaines mesures de diversification permettant de promouvoir le développement d'exploitations agricoles plus multifonctionnelles puissent être financées sous la ligne directrice. De même, il doit être possible d'encourager les agriculteurs à intervenir en dehors de leur exploitation pour assurer des prestations de service d'intérêt général notamment en utilisant leur matériel. Mais le lien avec le monde agricole ne doit pas être rompu. A défaut, nous entrerions dans une logique qui serait celle des fonds structurels, et non de la PAC. La politique de cohésion restera demain, à travers les nouveaux objectifs 2 et 3, un instrument en faveur du développement rural.
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire,
Je souhaite également attirer votre attention sur le marché du porc et cela à la veille d'un comité de gestion. La situation de ce marché s'est en effet fondamentalement dégradée ces derniers semaines, sous l'effet combiné de différents facteurs, internes comme externes.
Ceci doit inciter le Commissaire, je le crois, à procéder à un dégagement immédiat du marché et je me permets d'y inviter le Commissaire Fischler à l'occasion du comité de gestion de demain.
Cher Jack,
Monsieur le Commissaire,
Mes chers collègues,
Nous abordons aujourd'hui, à travers l'élevage bovin, le coeur des enjeux de la réforme de la PAC. Pour cette OCM comme pour les autres, adaptons les instruments de la première des politiques communes aux attentes de nos agriculteurs et de l'ensemble de nos concitoyens, soucieux de l'équilibre des territoires et de la prise en compte des besoins des zones les plus fragiles. Nous aurons alors fait oeuvre utile et durable.