Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la filière des fruits et légumes, notamment la mise en oeuvre des mesures d'urgence dans ce secteur, Paris le 15 mai 1998.

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Circonstance : Table ronde sur le secteur fruits et légumes à Paris le 15 mai 1998

Texte intégral

Je vous avais proposé, voici un mois, de réunir une table ronde pour aborder l’ensemble des questions structurelles qui se posent à votre secteur, et qui appellent des réponses appropriées de la part des Pouvoirs publics, bien sûr, mais aussi des professionnels concernés.

Je me réjouis par conséquent de retrouver vos organisations professionnelles, représentées au plus haut niveau, pour traiter de l’avenir d’une filière à laquelle j’attache la plus grande importance.

J’ai tenu à faire précéder cette table ronde d’une visite de terrain, trop brève à mon goût : je remercie le Président BOISSON d’en avoir permis l’organisation et le bon déroulement.

J’ai pu mesurer concrètement, en rencontrant ces arboriculteurs et ces serristes, à la fois leur rôle économique et social local, et leur attente d’une position claire des Pouvoirs publics face à leurs difficultés.

Ces difficultés, je les rencontre avec vous au fil des saisons depuis près d’un an : crise de la tomate en juillet dernier, surproduction de pommes à l’automne, désordre interrégional sur l’endive et la salade cet hiver, problème du chou-fleur en avril, gel arboricole enfin dans le sud-est.

Il est devenu évident qu’une telle succession de difficultés, venant parfois après plusieurs années perturbées pour des raisons climatiques ou de marché, n’est pas simplement la conséquence de conjonctures défavorables, mais résulte d’une situation structurellement dégradée.

Le Gouvernement, parce qu’il sait l’importance économique et sociale de votre secteur, a la volonté de rechercher avec vous les moyens appropriés pour y faire face.

Mais nous savons tous que nous ne trouverons les bonnes réponses que si nous sommes d’accord sur les causes des difficultés rencontrées.

La complexité de votre secteur et de ses produits fait, bien entendu, qu’elles sont multiples.

Nous ne pourrons donc être exhaustifs, mais je souhaite vivement que la table ronde d’aujourd’hui permette à chacun d’exprimer celles des raisons qui lui paraissent être les plus importantes.

Je vous dirai également l’analyse que nous faisons de votre secteur, même si cela doit heurter telle ou telle idée reçue, ou telle ou telle tradition du secteur.

Car je crois très sincèrement que nos responsabilités face à l’avenir de votre filière sont partagées.

Aux Pouvoirs publics, la charge d’accompagner le redressement et le développement de toutes les filières importantes de l’agriculture, et j’ai souvent eu l’occasion de souligner que le secteur des fruits et légumes en était une. Son rôle éminent dans la politique alimentaire nationale, dans l’occupation du territoire et le maintien de l’emploi rural en témoigne.

Je souhaite vous proposer dès aujourd’hui une étape concrète supplémentaire dans cette voie.

Mais une telle démarche n’a de sens que dans une perspective de mobilisation des producteurs eux-mêmes dans une stratégie à moyen et long terme.

J’associe naturellement les coopératives à cette dynamique : elles sont très certainement, et devront probablement être encore plus à l’avenir, le fer de lance commercial des exploitations fruitières et légumières.

Cet aspect du renforcement de l’organisation commerciale, qui va bien au-delà de la simple adhésion à l’organisation économique au sens européen du terme, est à nos yeux un axe structurel majeur pour rendre crédible votre filière.

Je souhaite, par conséquent, entendre vos points de vue sur ce sujet, à propos duquel certaines pesanteurs pourraient, si elles perduraient, s’assimiler à des archaïsmes.

Bien entendu, et les difficultés récentes sur certains produits les ont fréquemment mis en lumière, d’autres problèmes structurels se posent.

Je pense en particulier à la capacité collective de tous les opérateurs de la filière à avoir un vrai dialogue interprofessionnel.

L’interprofession ne règle pas tous les problèmes, mais elle est, par construction, un lieu incontournable du débat sur les questions d’organisation des marchés.

Je crois savoir que des progrès sont à faire dans ce domaine, tant au niveau régional que national.

C’est peut-être dans ce cadre que doit s’organiser le débat sur la qualité et l’identification de vos produits.

Nous sommes entre nous, et pouvons donc dire que, là encore, même si des efforts incontestables ont été conduits, beaucoup reste à faire.

Vous savez comme moi que c’est l’avis largement partagé des consommateurs, et que, sur un tel sujet, ils ont toujours le dernier mot.

Nous devrons également évoquer les problèmes structurels liés à vos outils de production.

La spécialisation de vos activités impose aux arboriculteurs et aux maraîchers une technicité importante : vos outils de production, que ce soit des serres ou des vergers, imposent aux chefs d’exploitation et au personnel de vos entreprises, des compétences qui, sans cesse, doivent être actualisées.

Je pense, par conséquent, que la recherche de la performance technique doit intégrer largement cette obligation, tout autant que la nécessaire modernisation régulière de vos exploitations.

Si des aides publiques doivent accompagner vos investissements, ce paramètre sera à prendre en compte, y compris dans les conditions de compétence et d’emploi des personnels salariés.

Voilà donc d’autres pistes, qu’il me parait nécessaire d’intégrer dans nos réflexions stratégiques.

Je souhaite donc vous entendre à leur propos.

Et bien entendu, je sais que vous évoquerez aussi l’ensemble des questions plus liées à la situation détériorée de beaucoup de vos exploitations.

Avant de vous donner la parole, Messieurs Les Présidents, je vous propose de réserver pour la seconde partie de notre entretien, d’éventuelles questions plus techniques sur la mise en place des différentes mesures d’urgence décidées le 28 avril dernier.

Non pas parce que ces mesures seraient secondaires, bien au contraire, mais parce qu’il me paraît important, ainsi que certains représentants spécialisés l’ont fréquemment rappelé, de « traiter le problème au fond, en s’attaquant aux racines du mal ».