Texte intégral
MENER LA BATAILLE DE LA RÉGULATION CONTRE LA GUERRE ÉCONOMIQUE.
Née le 1er janvier 1995, l'organisation mondiale du commerce (OMC) a succédé au Gatt, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui était en vigueur depuis près de cinquante ans. La création de l'OMC, à l'issue des négociations de l'Uruguay Round qui se sont achevées en décembre 1993, a marqué une nouvelle étape dans l'organisation du commerce international. Celle-ci n'est plus le résultat d'un simple accord entre pays, mais fait désormais l'objet d'une législation appliquée par une institution internationale.
La libération des échanges et les règles de l'OMC conditionnent l'emploi, les conditions de travail et de vie d'un nombre toujours croissant de travailleurs dans le monde : le quart des échanges commerciaux a désormais un caractère international, les négociations au sein de l'OMC qui concernaient initialement la seule industrie, sont maintenant étendues à de nouveaux secteurs (agriculture, services, technologies de l'information et de la communication, produits pharmaceutiques, investissements étrangers directs, politique de concurrence, propriété intellectuelle, etc.) et le nombre de pays adhérant à l'OMC continue à s'accroître, représentant plus de 95 % des échanges mondiaux.
Dans un monde où chacun essaie de développer ses exportations tout en protégeant son marché intérieur, l'essor des échanges s'accompagne inévitablement d'une montée des tensions et des conflits. Dans ce contexte, la création de l'OMC peut être pour une Union européenne « parlant d'une seule voix » un moyen de s'appuyer sur le reste du monde pour contrer les pratiques commerciales américaines. Pour les « pays riches » en général et les Etats-Unis en particulier, c'est aussi un moyen d'imposer, d'un point de vue juridique, aux « pays du Sud » l'ouverture des marchés, en inscrivant les règles du libre-échanges dans le domaines du droit international.
Les pays en développement qui y adhérent encourent en effet un risque avec cette institutionnalisation du libre échange : ils n'ont plus la possibilité de protéger leurs industries naissantes, comme les Etats-Unis avaient pu le fait au XIXe siècle face à l'Angleterre, et comme les nouveaux pays industrialisés ont pu le faire précédemment. Cependant la création de l'OMC, sur le plan juridique peut constituer une avancée pour les pays en développement par rapport au système antérieur : en mettant sur un pied d'égalité juridique tous les pays membres, elle donne, pour la première fois de l'histoire du commerce, la possibilité aux « petits » de se retourner contre les « grands ». Ces pays le font effectivement.
Pour autant, il nous faut rester lucides et vigilants. Censées agir pour maîtriser les effets de la mondialisation, les organisations économiques internationales, bien souvent sous l'influence des Etats les plus puissants ou des grands acteurs privés, prolongent et reproduisent les inégalités tant par leurs actions que par leurs démissions.
Ainsi la chambre internationale de commerce, lobby patronal international, a obtenu de se faire désigner comme « arbitre impartial » pour le règlement des conflits entre les gouvernements et les grandes entreprises ! La banque des règlements internationaux (BRI) a accepté que les grandes banques internationales définissent elles-mêmes les règles qu'elles doivent s'appliquer pour pouvoir « répondre à des coups durs » : le contribuable français a compris ce que cela voulait dire avec le Crédit Lyonnais, mais il n'est pas le seul, la dernière décennies ayant été émaillée de « scandales mondialisés » du même type notamment aux Etats-Unis et au Japon.
Qui plus est, les organisations économiques internationales dépensent beaucoup d'énergie pour se concurrencer plutôt que pour coopérer, au détriment de leurs missions. Ainsi lors de la crise asiatique, le fonds monétaire international (FMI(6)), sous l'influence de fait des Etats-Unis a « seul dans son coin » défini les programmes de réformes bancaires dans les pays asiatiques, sans coordination avec la BRI, donc c'est pourtant a priori la mission.
Trop souvent, dans la dernière décennie, les actions des institutions financières et commerciales de l'ONU auront plutôt contribué à creuser le fossé entre les « riches » et les « pauvres », à multiplier le nombre des pays classés dans les « moins avancés », à déstructurer l'économie et les systèmes de protection sociale.
Cependant les carences et les dérives de fonctionnement des organismes internationaux ne doivent pas nous faire conclure à en abandonner le principe ou à prôner leur suppression pure et simple au lieu de leur réformation.
La CGT avec le mouvement syndical international et la CES(5) fait sienne l'exigence de la mise en oeuvre au niveau international d'un système de régulations qui contribue à nous faire sortir de l'idéologie et de la pratique de la « guerre économique », prenant le relais de la « guerre froide ». Une telle régulation est notamment nécessaire pour les échanges mondiaux et son établissement nous commande de faire avancer certaines priorités et revendications fondamentales dans l'évolution du fonctionnement et des prérogatives de l'OMC.
La transparence et la démocratisation doivent devenir la règle de travail de l'OMC : en particulier les organisations syndicales internationales, et les grandes Organisations non gouvernementales (ONG) universelles concernées, doivent être associées au processus de négociation et aux mécanismes d'évaluation ou de contrôle. Mais il faut aussi obtenir que son action s'inscrive dans un système de valeurs qui rompe fondamentalement avec ce que le sociologue Pierre BOURDIEU dénommait récemment comme « la philosophie sociale du néolibéralisme ».
Le respect des droits humains doit être une valeur intangible de toutes les régulations internationales, la violation des droits humains ne peut en aucun cas être assimilée à un « avantage comparatif » ni constituer un terrain admissible de « compétitivité ».
Il est donc indispensable que s'instaure une coopération effective et efficiente entre l'OMC et l'OIT, par la mise en place à l'OMC d'un groupe de travail permanent « Normes sociales et échanges », fondé sur l'expertise de l'OIT, et la prise en compte du respect de ces normes sociales fondamentales comme critère à part entière lors de l'examen régulier par l'OMC des politiques commerciales de chaque pays.
Il en est de même de la protection de l'indépendance et de la promotion de la diversité des activités culturelles, car la création culturelle et intellectuelle ne peut être assimilée à une marchandise.
Enfin nous avons le devoir d'être offensif pour faire (re)gagner chez nous et dans la conscience universelle la réalité et le réalisme d'un modèle social et de développement fondé sur l'accès à la protection sociale collective et aux services publics, la reconnaissance des droits des travailleurs et du rôle des syndicats, et pour que ce modèle soit perçu comme le témoin ou la promesse d'une alternative mobilisatrice face à celui de la jungle libérale. C'est une des tâches essentielles que devrait s'assigner le mouvement syndical français dans son activité au niveau national, européen et international.
Dans cette perspective, l'adoption par les cinq confédérations syndicales françaises d'une position commune, reposant sur une analyse et des objectifs revendicatifs partagés relatifs au cycle de négociation qui s'ouvre dans le cadre de l'OMC, est un premier pas significatif qui augure bien de la possibilité de rassemblements futurs pour des actions indispensables à la défense des salariés.
Le mouvement syndical est directement intéressé par les travaux de l'OMC car sont en jeu les droits humains, les possibilités de développement, la protection de l'environnement.
Si aujourd'hui la mondialisation, dominée par la concurrence, la compétitivité et les critères de rentabilité financière, est source de tensions pour l'accaparement des marchés, pour la CGT, elle doit appeler des coopérations pour le développement de toute l'humanité, pour des rapprochements entre les peuples.
Ainsi se trouve posée la capacité du mouvement syndical, dans chaque pays, en Europe et dans le monde, à se rassembler et à lutter pour imprimer un contenu favorable aux salariés dans l'économie et les échanges internationaux, dans le droit national et international.
Nous nous félicitons que les organisations syndicales françaises aient adopté une déclaration commune qui énonce clairement un positionnement offensif.
Le quart des échanges commerciaux a désormais un caractère international. Cette proportion ne va cesser de croître, en particulier avec l'adhésion envisagée de nouveaux pays à l'OMC et avec l'extension des négociations, qui concernaient initialement l'industrie, à de nouveaux secteurs : agriculture, services, technologies de l'information et de la communication, produits pharmaceutiques, investissements étrangers directs, la politique de concurrence, la propriété intellectuelle, etc. Ces nouveaux thèmes et le nouveau cycle ne font pas l'objet d'un accord unanime au sein de l'OMC. A l'heure ou se creusent les inégalités de développement entre pays et dans les pays, une approche qui se réduirait au libre – échange n'est pas acceptable pour le mouvement syndical qui demande que la négociation prenne en compte les intérêts des populations, le respect de la dimension sociale et l'impact à long terme des politiques commerciales.
La libéralisation des échanges et les règles de l'OMC conditionnent l'emploi, les conditions de travail et de vie d'un nombre toujours croissant de travailleurs dans le monde. La négociation qui va s'ouvrir rassemble des pays aux niveaux de développement et aux systèmes sociaux très différents, ce qui rend plus impérieux la prise en compte des garanties fondamentales d'exercice des droits humains au travail, des droits à un environnement sain, à un développement durable, à des produits sûrs qui ne font pour l'instant pas partie intégrante des règles de l'OMC, et n'y bénéficient donc pas d'une protection adéquate.
Dans ce débat, la capacité des Etats à exercer leur souveraineté économique et sociale, à décider de la maîtrise de leurs ressources naturelles et de leurs richesses humaines et culturelles se trouve interpellée, en particulier face à l'influence grandissante des firmes transnationale et des investissements étrangers directs.
Les salariés, les opinions ont le pouvoir d'intervenir pour réorienter le cours des choses. C'est ainsi que le projet sur l'AMI(2) visant à garantir les droits des investisseurs partout dans le monde et négocié en secret à l'OCDE(3), a été combattu et mis en échec par l'action conjuguée des syndicats et nombreuses ONG(4). Ou encore, au Brésil, le mouvement des Sans-Terre ouvre la voie pour une agriculture liée aux besoins du peuple.
On ne peut accepter la poursuite d'une situation ou l'OMC établirait des règles pour le commerce, l'environnement, les droits des actionnaires et refuserait de contribuer au respect des droits sociaux fondamentaux des salariés, facteurs de développement et de paix.
Les positions de la CGT en ce domaine sont liées à tout ce que nous avons développé au moment du Sommet mondial de Copenhague. Elles ont valeur vis-à-vis de toutes les institutions internationales.
1 – POUR LE RESPECT DES DROITS SOCIAUX FONDAMENTAUX
Tirant parti des avantages comparatifs, les firmes transnationales entretiennent la cassure du monde : les PVD sont ravalés au rang de fournisseurs de matières premières et de main d'oeuvre à bon marché, ressources exploitées sans scrupules, sans souci de protection, sans respect des légitimes droits sociaux (hygiène et sécurité, salaires décents, formation). L'action syndicale internationale en leur sein et en leur direction est décisive.
Dans le cadre de sa mission, l'OIT a la responsabilité de produire et de faire respecter les normes sociales de travail avec expertises, assistance technique et examen de plaintes.
Tous les salariés, où qu'ils soient, doivent exiger la prise en compte et l'application des droits sociaux fondamentaux adoptés par tous les Etats à l'OIT, et pour leur insertion dans les critères qui fondent des échanges participant réellement à la promotion des hommes et des femmes, pour le développement durable.
Cet objectif peut être atteint en instaurant une coopération entre l'OIT et l'OMC pour faire en sorte que les régulations commerciales tiennent compte des droits des salariés. Cela suppose que les Etats décident que l'inscription des normes de travail fondamentales soit portée à l'ordre du jour de la conférence.
Non seulement l'OIT devrait obtenir le statut d'observateur lors des réunions de l'OMC mais un groupe de travail paritaire OIT/OMC devrait être mis en place. A partir de là, l'OMC pourrait entreprendre, en collaboration avec l'OIT, des évaluations de l'impact social des conséquences de la politique commerciale et mettre ses services à la disposition des investigations de l'OIT.
Des dispositions doivent être fixées pour sanctionner les firmes transnationales ne respectant pas les droits fondamentaux des salariés, les normes sociales et les règles environnementales.
Dans ce cadre, les syndicats européens, avec la CES, devraient soutenir que les Etats européens et la commission adoptent et mettent en place les mécanismes concrets de mise en oeuvre de ces objectifs.
2 – POUR LA PROMOTION DE LA PAIX ET DU DÉVELOPPEMENT
Il est également vrai qu'on ne pourra pas faire respecter partout les droits si on ne change pas les politiques de financement internationales et les stratégies des firmes qui poussent à la concurrence sauvage. Comment, par exemple, abolir le travail des enfants dans le monde si on ne favorise pas le développement des emplois et des systèmes éducatifs dans les pays concernés ?
L'objectif primordial des institutions économiques, financières, internationales doit être de créer les conditions d'une autre croissance visant au plein emploi partout dans le monde. Il s'agit de tenir compte des besoins de toutes les populations, quel que soit leur niveau de développement. Cela nécessite que l'on ne s'intéresse pas uniquement à ses intérêts égoïstes mais de travailler sur des synergies qui favorisent le développement de tout le monde.
Pour des milliards d'être humains, l'enjeu fondamental consiste à revoir la logique à l'oeuvre dans les institutions internationales. Il faut rompre avec la logique ultralibérale qui domine, à des degrés divers, les institutions internationales, en particulier le FMI. Il en est de même avec les institutions et organismes dépendant de l'ONU comme l'OMS(7), l'UNESCO(8), la CNUCED(9), la FAO(10), etc. Il faut en revenir à l'esprit de la Charte de l'ONU.
L'argument de la mondialisation est souvent avancé pour minimiser, voire nier la possibilité des actions aux échelons moins élevés, comme par exemple au niveau national. Le fait est que les principaux acteurs du processus de mondialisation, les firmes transnationales, continuent au niveau du centre de leurs intérêts financiers de s'appuyer sur une base nationale.
La construction des espaces régionaux, de libre échange et de zones économiques intégrées, constitue un fait marquant de l'évolution de l'économie mondiale. Il en est ainsi de l'Union européenne.
L'Europe ne peut rester un espace permettant aux entreprises de conduire leurs restructurations en toute liberté. Dotée de politiques structurelles communes elle doit favoriser le social, la réponse aux besoins des populations, éviter le dumping social et maîtriser les flux financier, permettre aux pays qui la composent de développer les services publics répondant aux exigences de justice sociale et d'égalité. Dans son rapport aux autres continents, elle peut et doit promouvoir une politique de co-développement.
Celle-ci suppose en particulier :
Une mobilisation d'envergure pour la résorption du chômage et du sous-emploi qui frappent des centaines de millions d'êtres humains dans le monde.
De concilier l'utilisation de la croissance économique dans chaque pays avec l'accès et le partage des connaissances, des technologies et des ressources énergétiques. La responsabilité des firmes multinationales doit être directement engagée par obligation de résultats en matière de croissance économique et de développement social durable des pays où elles sont implantées.
Les échanges et le commerce international ont besoin d'une régulation plus grande des marchés financiers et des termes de l'échange. Elle est possible avec, dans un premier temps, la taxation internationale des opérations de change, des mouvements spéculatifs des capitaux du type de la « taxe Tobin » et d'une réorientation du système bancaire.
L'annulation de la dette des pays pauvres et l'abandon des politiques dites d'ajustement structurel sont des mesures décisives afin de promouvoir le développement social, le respect des droits fondamentaux des travailleurs, des systèmes publics de santé et d'éducation de qualité.
L'exigence de démocratie et de transparence nécessite de tenir compte des différences des structures sociales, politiques, culturelles avec comme objectif de réduire les écarts des niveaux de développement. Les politiques libérales fondées sur le principe du marché jouent – avec le cynisme insolent – de ces différences, ce qui aboutit à leur amplification.
Les salariés et les populations doivent être impliqués dans la définition et l'élaboration de la stratégie des institutions internationales. C'est pourquoi leurs organisations respectives devraient pouvoir intervenir dans les travaux de l'OMC.
La CGT et le mouvement syndical, en relation avec le mouvement associatif, entendent contribuer au débat et aux mobilisations populaires, en France, en Europe et jusqu'à Seattle, sur un enjeu de grande portée pour combattre les inégalités et promouvoir le développement durable et la paix dans le monde.
(1) OMC : Organisation mondiale du commerce
(2) AMI : Accord multilatéral sur l'investissement
(3) OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
(4) ONG : Organisation non gouvernementales
(5) CES : Confédération européenne des syndicats
(6) FMI : Fonds monétaire international
(7) OMS : Organisation mondiale de la santé
(8) UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture
(9) CNUCED : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
(10) FAO : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
OMC,ENJEUX DE LA NÉGOCIATION DU MILLÉNAIRE
Le quart des échanges commerciaux a désormais un caractère international. Cette proportion ne va cesser de croître, en particulier avec l'adhésion envisagée de nouveaux pays à l'OMC et avec l'extension des négociations, qui concernaient initialement l'industrie, à de nouveaux secteurs : agriculture, services, technologies de l'information et de la communication, produits pharmaceutiques, investissements étrangers directs, la politique de concurrence, la propriété intellectuelle, etc. Ces nouveaux thèmes et le nouveau cycle ne font pas l'objet d'un accord unanime au sein de l'OMC. A l'heure où se creusent les inégalités de développement entre pays et dans les pays, une approche qui se réduirait au libre – échange n'est pas acceptable pour le mouvement syndical qui demande que la négociation prenne en compte les intérêts des populations, le respect de la dimension sociale et l'impact à long terme des politiques commerciales.
La libéralisation des échanges et les règles de l'OMC conditionnent l'emploi, les conditions de travail et de vie d'un nombre toujours croissant de travailleurs dans le monde. La négociation qui va s'ouvrir rassemble dans des pays aux niveau de développement et aux systèmes sociaux très différents, ce qui rend plus impérieux la prise en compte des garanties fondamentales d'exercice des droits humains au travail, des droits à un environnement sain, à un développement durable, à des produits sûrs qui ne font pour l'instant pas partie intégrante des règles de l'OMC, et n'y bénéficient donc pas d'une protection adéquate.
Dans ce débat, la capacité des Etats à exercer leur souveraineté économique et sociale, à décider de la maîtrise de leurs ressources naturelles et de leurs richesses humaines et culturelles se trouve interpellée, en particulier face à l'influence grandissante des firmes transnationales et des investissements étrangers directs.
Aussi, devient-il essentiel de progresser sur des règles commerciales multilatérales au service d'un développement durable et équitable, qui réponde aux préoccupations croissantes en matière d'environnement et de satisfaction des besoins sociaux, au moyen d'une négociation globale.
A l'heure où l'OMC s'affirme comme l'instrument international des échanges mondiaux, et où ses moyens d'intervention se renforcent, elle doit réformer et rendre transparent son mécanisme de règlement des différends, et s'ouvrir au dialogue avec les organisations compétentes du système des Nations unies, en matière de travail, d'environnement, de développement, de santé, de culture et d'assistance, ainsi qu'avec les ONG, et les syndicats au premier chef.
Dans cette négociation, l'Europe doit parler d'une seule voix et peser de tout son poids. Pour le mouvement syndical, il est essentiel qu'elle y valorise son modèle social et de développement, fondé sur la reconnaissance des droits sociaux des travailleurs et du rôle des syndicats, l'accès à la protection sociale collective et à des services publics, sa diversité culturelle et le respect des droits humains.
Nous nous inscrivons, avec le mouvement syndical international et la CES, dans l'exigence d'une régulation des échanges mondiaux qui nécessite de faire avancer certaines priorités et revendications fondamentales. Cela concerne particulièrement :
- La dimension sociale des échanges : les droits fondamentaux des travailleurs définis dans l'agenda de Copenhague (1995) et dans la déclaration de principes de l'OIT de 1998 sur les droits fondamentaux de l'Homme au travail doivent être progressivement reconnus et appliqués dans tous les pays, et inscrits dans les clauses de l'OMC, car la violation des droits humains ne peut en aucun cas être assimilée à un avantage comparatif ni constituer un terrain admissible de compétitivité.
- Il est indispensable que la coopération prévue à Singapour entre l'OMC et l'OIT s'instaure. Cela suppose, dans le cadre de la négociation du cycle, la création à l'OMC d'un groupe de travail « Normes sociales et échanges » s'appuyant sur l'expertise de l'OIT. Son mandat serait de faire des propositions pour améliorer les règles de procédures sur la base d'une analyse des déficiences relatives au traitement de l'ensemble des droits des travailleurs dans le système commercial international. De même, une coopération réelle et efficace entre l'OMC et l'OIT devrait trouver une traduction concrète lors de l'examen régulier par l'OMC des politiques commerciales de chaque pays prenant en compte l'état des normes sociales fondamentales.
- La nécessité de réussir le développement et l'insertion des pays en développement, en particulier les PMA, est un enjeu fondamental. Ils doivent être partie prenante de la négociation ce qui suppose une augmentation du budget de coopération de l'OMC. Ils doivent bénéficier de règles préférentielles et d'un rythme différencié pour réduire les inégalités, par exemple, en référence aux systèmes de préférences généralisées pratiqués par l'Union européenne.
- Des clauses environnementales et le droit au développement durable doivent faire partie des règles applicables.
- Le principe de précaution doit être privilégié en matière de sécurité des produits et des consommateurs. Le caractère multifonctionnel de l'agriculture doit être reconnu.
- La création culturelle et intellectuelle ne peut être assimilée à une marchandise.
- La transparence et la démocratisation doivent devenir la règle en ce qui concerne les négociations, les études menées par l'OMC, le travail des comités et commissions mis en place, et le règlement des différends, à l'intention du public (publications, information à la presse, site internet…), mais aussi en associant les organisations syndicales internationales et les grandes ONGs universelles concernées au processus de négociation et aux mécanismes d'évaluation ou de contrôle afin qu'elles puissent y promouvoir la dimension humaine qui fait actuellement défaut.
Enfin, les organisations syndicales demandent que la concertation soit permanente tout au long du processus de négociation. Ce processus doit se dérouler dans la transparence et la concertation à chacune de ses étapes.
OMC : INTERVENTION URGENTE POUR L'EMPLOI, LES DROITS SOCIAUX ET LE DÉVELOPPEMENT
Manifestations le 27 novembre 1999
La libération des échanges et les règles de l'Organisation mondiale du commerce conditionnent de manière croissante l'emploi, les conditions de vie des salariés et des populations dans le monde.
La répercussion concrète de la mondialisation sauvage se fait sentir dans tous les aspects de la vie quotidienne des salariés et dans tous les secteurs d'activités. Ce sont les délocalisations, les restructurations opérés par les multinationales et les licenciements qui les accompagnent. Il faut stopper ce pouvoir démesuré des multinationales.
La négociation de l'OMC à Seattle va s'ouvrir, rassemblant des pays au niveau de développement et aux systèmes sociaux très différents. Il est impérieux d'exiger la prise en compte des garanties fondamentales des droits humaines au travail, des droits à un développement durable, à un environnement sain, à des produits sûrs.
La CGT ne peut accepter la poursuite, voire l'aggravation d'une situation où l'OMC refuserait de contribuer au respect de ces droits, facteurs de développement et de paix. La responsabilité des gouvernements est totalement engagée.
Tous les salariés, les peuples, où qu'ils soient, doivent exiger la prise en compte et l'application des droits fondamentaux adoptés à l'OIT (Organisation internationale du travail). Sans eux, comment permettre réellement la promotion des hommes et des femmes pour le développement durable qui doit être le fondement des échanges ?
L'Europe et la France doivent promouvoir une politique de co-développement, d'emploi et de progrès social. Celle-ci suppose :
- une mobilisation d'envergure pour la résorption du chômage et du sous-emploi qui frappent des centaines de millions d'être humains dans le monde ;
- de concilier l'utilisation de la croissance économique dans chaque pays avec l'accès et le partage des connaissances, des technologies et des ressources énergétiques ;
- d'engager directement la responsabilité des firmes multinationales par l'obligation de résultats en matière de croissance économique et de développement social durable des pays où elles sont implantées ;
- une régulation plus grande des marchés financiers et des termes de l'échange. Elle est possible avec, dans un premier temps, la taxation internationale des opérations de change, des mouvements spéculatifs des capitaux du type de la « taxe Tobin » et d'une réorientation du système bancaire ;
- l'annulation de la dette des pays pauvres et l'abandon des politiques dites d'ajustement structurel sont des mesures décisives ;
- l'exigence de démocratie et de transparence nécessite de tenir compte des différences des structures sociales, politiques, culturelles avec comme objectif de réduire les écarts des niveaux de développement.
Les enjeux de la conférence de l'OMC sont d'importances pour aujourd'hui et l'avenir. Le mouvement syndical à une grande responsabilité pour y répondre et la mobilisation des salariés est indispensable.
La CGT est partie prenante de l'appel d'une trentaine d'organisations syndicales, associatives et politiques pour faire du 27 novembre 1999 une grande journée de manifestations en France.
La CGT appelle les salariés, les privés d'emplois, les précaires, les jeunes et les retraités, à manifester massivement le 27 novembre 1999 pour que leurs voix soient entendues jusqu'à Seattle.