Texte intégral
RTL - vendredi 23 août 1996
RTL : Avez-vous été convaincu par les explications fournies par le ministre Jean-Louis Debré ?
G. de Robien : On est toujours déçu quand une affaire aboutit aux images qu’on a vues ce matin, qui étaient des images dont personne ne peut se réjouir mais dont je comprends que le gouvernement puisse justifier les raisons. J’ai été déçu parce que dans un premier temps j’ai proposé une méthode. La méthode, elle est connue, et je n’en ai pas l’exclusivité, loin s’en faut : le dialogue. Alors, j’ai espéré, après avoir été entendu par le Premier ministre. C’est ainsi que Jean-Louis Debré a reçu en audience une délégation de Saint-Bernard et que le Premier ministre lui-même – c’était une revendication – a certifié que les dossiers seraient étudiés au cas par cas. J’ai espéré. Maintenant, je suis déçu parce que je n’ai pas entendu hier soir un écho positif venant de Saint-Bernard. Je trouve que là, il y avait à attendre beaucoup des deux ouvertures importantes qui ont été faites par le gouvernement. Il y avait à attendre au moins un début de réflexion de leur part, peut-être la demande d’un petit délai, où ils auraient pu finalement dire : « Le gouvernement a fait deux pas de géant dans notre direction. Nous ne sommes pas satisfaits, mais au moins nous ne refusons pas obstinément de revenir sur les exigences du départ ». Je suis un peu déçu qu’il n’y ait pas eu d’écho positif de la part de Saint-Bernard et qu’on en soit arrivé à cette solution.
RTL : Fermeté et humanité, disait Jean-Louis Debré ce matin. Le ministre doit-il insister sur le volet humanité ?
G. de Robien : La fermeté, c’était ce matin. Maintenant, il faut penser à l’humanité. L’humanité, c’est d’une part que ces personnes soient le mieux traitées possible. Surtout, que la promesse du Premier ministre qui sera honorée, ce soit l’humanité dans l’examen au cas par cas des dossiers, car on sait aujourd’hui, et on le savait déjà hier, que le malentendu vient aussi du fait qu’à des cas identiques, à des situations identiques, il n’y avait pas de régularisation identique. Il y avait une sorte de sentiment d’injustice qui régnait à Saint-Bernard, parce que des personnes qui avaient, par exemple, un conjoint en situation régulière, l’un avait une carte de séjour, l’autre pas. Maintenant, le regard humain est nécessaire pour régler tous ces problèmes individuels. Je lis des dépêches. J’ai vu que le ministre de l’Aménagement du territoire Jean-Claude Gaudin avait largement entamé avec d’autres l’examen particulier, tel que l’avait souhaité le Premier ministre hier. J’espère que, maintenant, c’est le volet humanité qui va prendre le pas sur le volet fermeté. On sait que la loi doit être appliquée. Mais le Conseil d’État dit lui-même que l’appréciation en revient à l’autorité.
RTL : Est-ce un signal du gouvernement en direction de l’électorat de droite, voire d’extrême droite ? Y en aura-t-il des traces dans la majorité ?
G. de Robien : On ne peut pas faire de ce débat un débat franco-français, entre opposition et majorité. C’est Monseigneur Lustiger qui l’écrit aujourd’hui. Vraiment, ramener ça à la politique ou à la politique politicienne alors qu’il s’agit d’un débat de fond, la politique d’immigration, l’application juste de la loi sur tout le territoire français – autre débat, la politique de coopération qui est une tradition de la France : quelle politique de coopération ? Monsieur le président de la République est allé au Gabon il y a trois semaines. Le président de la République, et c’était un honneur pour la France, avait à sa droite lors des défilés militaires du 14-Juillet le Président Mandela, qui est tout un symbole dans le monde entier. Quelle politique de coopération la France va avoir ? Surtout, comment va-t-elle convaincre ses collègues européens d’avoir une très grande politique de coopération en direction de l’Afrique ? Troisième débat politique, qui est un peu hexagonal, mais qui est indispensable : c’est la politique d’intégration en France. On doit la réussir. C’est un défi que s’est fixé la France. Il faut remplir des conditions. Beaucoup y travaillent. Le ministre de l’Intégration y travaille. Là encore, lorsqu’on aura réussi une grande politique d’intégration, il n’y aura plus ces conflits à propos de personnes qui viennent et qui sont en situation illégale en France.
Europe 1 - vendredi 23 août 1996
V. Parizot : Vous aviez souhaité il y a quelques jours que place soit faite à la négociation. Quel est votre sentiment ce matin ?
G. de Robien : C’est un peu une déception, parce que je trouve qu’après les deux gestes qu’avait faits le gouvernement – recevoir les sans-papiers et affirmer que les études des cas individuels seraient effectuées très rapidement –, j’imaginais qu’on arriverait à une solution la plus douce possible et volontariste de part et d’autre, et qu’il y aurait du côté de l’église Saint-Bernard quelques gestes de bonne volonté. Hier soir, j’ai été déçu par l’absence de gestes en réponse aux gestes de bonne volonté du gouvernement. Ce matin, je suis déçu de constater qu’une suite logique est apportée à cette non-réponse.
V. Parizot : Êtes-vous surpris de la rapidité de l’intervention policière moins de 12 heures après l’intervention d’Alain Juppé ?
G. de Robien : Ce n’est pas une question de surprise. Je suis triste qu’il n’y ait pas eu de réponses de part et d’autre, surtout de la part des personnes de Saint-Bernard, aux deux gestes de bonne volonté de la part du gouvernement. S’il y avait eu la moindre réponse positive, je pense que l’on n’en serait pas là ce matin.
V. Parizot : Que peut-il se passer selon vous ? Y aura-t-il une étude au cas par cas ?
G. de Robien : Je suppose que le gouvernement va étudier maintenant très rapidement les cas individuels les uns après les autres et que les solutions les plus humaines vont pouvoir être trouvées pour tout le monde.