Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand plaisir et un honneur pour moi d'installer la Commission nationale de la coopération décentralisée en qualité de président délégué par le Premier ministre de cet organe consultatif paritaire qui rassemble collectivités territoriales et représentants de l'État.
Forum de concertation, de dialogue et de proposition, notre commission couronne le très important édifice institutionnel mis en place depuis quatre ans par la France, pionnière en ce domaine en Europe et peut-être dans le monde, et qui permet à la coopération décentralisée de se développer sur des bases claires et solides tout en respectant les prérogatives de l'État.
Cette installation a connu quelque retard depuis que les décisions législatives et réglementaires de création ont été prises. Je vous prie de nous en excuser.
Mais ce décalage a été pour ainsi dire mis à profit puisque la coopération décentralisée a entre temps progressé encore de manière tout-à-fait significative.
Je rappellerai brièvement les étapes de la création de ce nouveau cadre institutionnel (I), avant de décrire les perspectives de la coopération décentralisée devenue un élément très important de l'action extérieure de la France (II).
I. L’instauration d’un cadre institutionnel adéquat interne et externe
Le cadre institutionnel interne a été pour l'essentiel mis en oeuvre il y a quatre ans à partir de la loi du 6 février 1992, et perfectionné grâce à une nouvelle loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Ainsi s'est trouvée légitimée la coopération décentralisée, sous réserve naturellement que les conventions correspondantes respectent les compétences des uns et des autres, les engagements internationaux de la France et bien entendu l'intérêt local, dont la jurisprudence du Conseil d'État vient d'élargir l'interprétation.
Un accompagnement financier complète ce cadre indiqué : c'est la politique de co-financement mise en oeuvre par la France pour susciter des synergies entre les opérations de coopération décentralisée entreprises par les collectivités territoriales et celles conduites par l'État au plan bilatéral et multilatéral. Ces actions, qui se chiffrent par plusieurs centaines au titre des ministères des Affaires étrangères et de la Coopération réunis, mettent en jeu des financements de l'ordre de 65 millions de francs en 1996, pour la part de l'État, complétant les financements accordés par les collectivités elles-mêmes.
Le cadre institutionnel externe, quant à lui, résulte des accords internationaux auxquels la France a souscrit et même qu'elle a bien souvent initiés.
Ils visent d'abord une coopération transfrontalière élargie et approfondie. C'est en fait une véritable « diplomatie de la proximité » qui s'est développée depuis 1993 :
1. L'accord franco-italien signé à Rome le 26 novembre 1993 constituait une sorte de banc d'essai ;
- le traité franco-espagnol, signé le 10 mars 1995 à Bayonne, négocié et conclu dans des délais exemplaires (six mois), va beaucoup plus loin que l'accord franco-italien puisqu'il s'étend à une zone de près de 250 km de part et d'autre des Pyrénées et comporte l'appel possible, au choix, à un maître d'ouvrage français ou espagnol ;
- enfin, l'accord quadripartite signé à Karlsruhe le 23 janvier 1996 associe sur le Rhin Supérieur, la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse. Les zones frontalières concernées couvrent une profondeur de 400 km au centre de l'Europe occidentale. Cet accord crée un instrument nouveau et sans précédent, le « groupement local de coopération transfrontalière », qui pourra notamment servir à instituer des communautés urbaines internationales comme Strasbourg-Kehl par exemple. Sa ratification est en cours. Il constitue une pièce maîtresse, en particulier, de notre relation avec l'Allemagne.
Tous ces accords facilitent des coopérations concrètes de terrain et une meilleure prise en compte des besoins des populations intéressées ?
2. Sur le plan multilatéral, il convient de rappeler que toutes les collectivités locales de pays membres du Conseil de l'Europe ont la faculté de créer des maîtres d'ouvrage transfrontaliers, conformément au protocole additionnel à la convention de Madrid négocié sous présidence française et largement inspiré de notre expérience. Ce protocole a déjà été signé pour l'instant par la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suède. Il concernera à terme trente-huit pays représentant 600 millions d'habitants et est appelé à occuper une place éminente dans la construction de la grande Europe.
3. Enfin, je rappellerai qu'un article concernant la coopération décentralisée figure systématiquement dans les accords instituant des commissions mixtes, en particulier avec les pays africains.
II. Les succès et les espoirs suscités par la coopération décentralisée sont ainsi mieux fondés. Quels sont-ils ?
Bien que l'on ne puisse parler d'une politique unique de coopération décentralisée, puisque celle-ci dépend de centres de décisions variés dont il faut respecter la différence, je crois possible de dégager quelques idées communes sur l'intérêt que cette coopération présente et sur ses promesses d'avenir.
Notre objectif commun, tout d'abord : il est d'élaborer puis de renforcer un partenariat exemplaire entre les collectivités territoriales et les représentants nationaux et locaux de l'Etat, entraînant dans leur sillage l'ensemble des acteurs de la démocratie locale, qu'ils oeuvrent dans le domaine social, culturel, universitaire, associatif ou économique.
La conférence annuelle des ambassadeurs étudiera d'ailleurs fin août sa dimension économique.
La Commission nationale que nous installons constitue l'instrument privilégié de ce partenariat.
- Notons ensuite que la coopération décentralisée est naturellement pratiquée par des collectivités de toutes tendances politiques et constitue donc un thème consensuel.
- Les milliers d'opérations concernées couvrent tous les thèmes et s'étendent à la plupart des régions du monde. C'est donc un mode de coopération à vocation universelle même s'il suit les grandes priorités de la nation, telles que le soutien de l'exportation et de l'emploi, ou celles de notre diplomatie : je pense notamment à l'aide au développement de l'Afrique ou à l'accompagnement de la transition démocratique en Europe centrale et orientale.
- Enfin la coopération décentralisée est le support ou le catalyseur de nombreuses formes de solidarité.
Un excellent exemple de cette solidarité est fourni par les zones transfrontalières. En effet, les problèmes d'emploi transcendent de nos jours les frontières. Or, une initiative franco-allemande prise lors du sommet de Baden-Baden, le 7 décembre 1995, qui va être mise en oeuvre par les deux commissions intergouvernementales de voisinage recouvrant l'aire géographique de l'accord de Karlsruhe, a créé un dispositif original pour favoriser la mobilité des travailleurs de part et d'autre du Rhin : aides à la formation linguistique, circulation de l'information sur les emplois disponibles et sur le contenu des diplômes, par exemple.
La Commission nationale n'est donc en aucun cas un organe de contrôle. Son rôle est plutôt de faciliter une réflexion partagée tournée vers la mise en oeuvre, le dialogue et la synthèse.
La Commission nationale permettra en particulier de faire circuler l'information sur les expériences de coopération décentralisée, qu'elles aient été des réussites ou des échecs. Elles sont recensées d'ores et déjà grâce à l'inventaire qui vient d'être mis au point à l'aide d'un nouveau programme informatique concerté avec le Secrétariat général du gouvernement.