Texte intégral
L'évolution des sciences et des techniques, la mutation des métiers, la transformation de l'organisation du travail, nécessitent de la part des salariés une capacité d'adaptation permanente. La formation initiale ne peut à elle seule satisfaire à cette exigence. Elle doit être le socle permettant la construction de la qualification tout au long de la vie, par la formation continue.
Loin d'être un concept éculé, l'Éducation Permanente est une idée à promouvoir dans un contexte où les problèmes d'emploi et de chômage posent la question d'une plus grande souplesse dans l'organisation de la vie, d'un rapport différent entre travail, temps libre et temps de formation.
Par ses choix et ses actions, la FEN a largement participé à l'engagement de l'École dans la mission normale de formation continue des adultes.
Aujourd'hui, la FEN souscrit pleinement à l'initiative de l'Union Européenne qui a déclaré l'année 1996 « année européenne de l'éducation et de la formation tout au long de la vie ». Encore faut-il que cette déclaration se traduise par des évolutions concrètes, dans chaque État membre, favorisant le développement de l'éducation permanente.
La formation professionnelle en pleine mutation
Si Condorcet soulignait déjà en 1792 devant l'Assemblée Nationale « que l'instruction ne doit pas abandonner les individus au moment où ils sortent des écoles, mais doit embrasser tous les âges » de la vie, le droit à la formation continue n'a été reconnu que bien plus tard dans notre pays. La loi Fondatrice de 1971 a permis le développement de la formation professionnelle continue.
En 1994 plus de 123 milliards de francs ont été dépensés pour permettre à 8 millions d'actifs, dont 3 millions d'agents de la Fonction publique, de bénéficier d'actions de formation. L'État (46 %) et les entreprises (39 %) ont assuré l'essentiel des financements.
Mais les effets de la crise économique se font sentir et les dépenses de formation stagnent (+ 0,8 % entre 1993 et 1994). Les inégalités d'accès à la formation sont criantes selon les catégories socio-professionnelles, la taille des entreprises et le sexe des salariés. La formation continue s'ouvre en priorité aux plus qualifiés. Le droit à la deuxième chance reste à conquérir.
Dans le même temps le paysage change. La loi quinquennale de décembre 1993 marque une nouvelle étape de la décentralisation de la formation professionnelle. Elle interpelle aussi la relation formation initiale-formation continue, dont les corpus législatifs, réglementaires et pédagogiques sont encore très marqués par une histoire distincte et des structures de gestions cloisonnées : Éducation, Travail.
Le droit récemment ouvert à la reconnaissance des compétences acquises dans l'exercice professionnel, et les évolutions en matière de validation des connaissances doivent favoriser les allers-retours entre formation et activité autorisant une plus grande souplesse dans l'organisation de la vie et un rapport différent entre travail, temps libre et temps de formation.
La formation doit permettre le développement personnel des individus et leur intégration dans la vie active et dans la société. Pour cela, il ne faut pas qu'elle soit assujettie aux seuls intérêts économiques. La question de son financement n'est donc pas neutre, tout autant que le rôle joué par l'État et son service public d'éducation.
Le législateur a reconnu la formation continue comme une des missions assurées par les établissements d'enseignement, article 2 de la loi du 9 juillet 1984 sur l'enseignement agricole public, article premier de la loi d'orientation du 10 juillet 1989 sur l'éducation.
Doutes et interrogations
Engagée, de fait, depuis plus de vingt ans, avec la création en 1973 des premiers groupements d'établissements, cette mission normale s'est opérée sur un marché concurrentiel. Malgré cette contrainte le service public d'éducation s'est imposé comme l'un des tous premiers intervenants parmi plus de 47 000 organismes de formation. En 1993, les GRETA, les établissements publics d'enseignement supérieur et ceux d'enseignement agricole ont réalisé 156 millions d'heures stagiaires pour un volume financier de 4,3 milliards de francs.
Or aujourd'hui, cette mission normale, qui participe à l'éducation permanente, se heurte à un certain nombre de difficultés et d'incertitudes.
Difficultés qui résident pour partie dans la conciliation de deux exigences a priori contradictoires : loi du marché et mission de service public.
Incertitudes que fait naître la mise en œuvre de la loi quinquennale en matière de politique future des décideurs et de financement des actions de formation.
Difficultés dues à l'insuffisance d'emplois et au recours trop systématique aux heures supplémentaires et aux personnels contractuels.
Inquiétudes en raison de la précarité de l'équilibre financier d'un certain nombre de GRETA.
Enfin, malaise des intervenants qui n'ont pas toujours le sentiment d'être reconnus dans leur mission et dans leur professionnalité.
La mission de formation continue du service public d'éducation doit donc être réaffirmée.
C'est dans ce cadre que la FEN fait une série de propositions pour que l'action du service public d'éducation garantisse et permette l'égalité d'accès de tous à l'éducation et à la formation tout au long de la vie.
Articuler formation initial et formation continue
L'État doit attribuer au service public d'éducation les moyens budgétaires en emplois et en fonctionnement pour un exercice effectif de l'ensemble de ses missions fixées par la loi.
Les contrats et conventions signés par l'État ou les établissements avec les collectivités locales doivent intégrer la dimension formation continue, avec ses conséquences en termes de locaux, de moyens et d'organisation.
Au-delà de la participation légale des employeurs au financement de la formation professionnelle, il est de la responsabilité de l'État et des collectivités locales d'assurer par les financements nécessaires, l'accès de tous, et plus particulièrement des publics dits difficiles eu non qualifiés, à la formation et à l'éducation tout au long de la vie.
La continuité entre formation initiale et formation continue au sein du service public et de son réseau d'établissements doit constituer une réponse éducative et formative globale qui participe à l'aménagement et au développement du territoire.
Cette continuité, dans le cadre de l'éducation permanente, doit être recherchée par une articulation entre formation initiale et formation continue et non par une dilution qui serait préjudiciable à l'action du service public d'éducation dans l'un et l'autre domaines.
Dans l'enseignement secondaire, la création d'établissements polytechniques sur la base des lycées technologiques et des lycées professionnels, serait susceptible d'associer plus harmonieusement les formations initiales, les dispositifs d'insertion postscolaires et la formation continue autour des métiers d'une ou plusieurs branches professionnelles et de la demande sociale.
L'indispensable démarche « qualité » nécessite que soient définies les conditions de labélisation des organismes dispensateurs de formation, privés et publics, et développée une méthodologie d'évaluation.
L'évaluation ne peut se résumer au contrôle. Si la procédure de contrôle est nécessaire au regard des contrats, des projets pédagogiques et des financements, l'évaluation doit constituer un moment d'échange et de concertation entre l'ensemble des acteurs y compris les stagiaires de la formation continue. La confrontation des évaluations internes et externes doit permettre d'orienter les choix pour atteindre les objectifs fixés et d'assurer la fonction de régulation.
Les corps d'inspection et plus largement l'ensemble des personnels du service public sont garants, en formation continue comme en formation initiale, des objectifs et des diplômes définis nationalement. Les centres de validation académiques qui sont créés pour répondre aux besoins de certification et de souplesse de la Formation Professionnelle Continue doivent rester sous le contrôle et la responsabilité du service des examens et concours et de l'inspection.
Renforcer l'action du service public d'éducation
L'activité du service public d'éducation en formation continue s'opère sur un marché concurrentiel avec autofinancement des actions de formation. L'organisation et ses structures ne peuvent s'affranchir de cette contrainte et doivent répondre à une double logique, celle du marché et celle du service public.
L'élaboration d'une politique académique ou régionale du service public d'éducation en terme de formation continue est nécessaire. Elle doit être articulée avec la formation initiale, cela suppose que les instances de consultation, CTP et Conseil de l'Éducation nationale, soient saisis, pour avis, sur l'ensemble de la réponse éducative du service public.
Dans le cadre de leurs spécificités les actions de formation continue des établissements secondaires, supérieurs, agricoles doivent être coordonnés et complémentaires. Elles doivent aussi intéresser les autres services publics.
Au niveau des rectorats, la gestion par des services distincts ne doit pas être un obstacle à la nécessaire articulation entre formation initiale et formation continue. Sous la responsabilité du recteur, une réelle coordination entre les services dont relèvent la formation initiale et la formation continue doit être recherchée, notamment dans le cadre de l'élaboration du plan régional des formations professionnelles des jeunes.
Plus particulièrement en ce qui concerne les actions de formation continue, le CACFC doit être le lieu du débat sur la politique académique de formation continue de l'ensemble du service public d'éducation ; il doit disposer de tous les éléments quantitatifs et qualitatifs en matière d'action et d'évaluation et ne pas se limiter à la notion de volume financier.
Les CACFC sont aussi des instances dans lesquelles les représentants des personnels doivent veiller au respect des droits des personnels des GRETA et particulièrement à ceux à statut précaire.
L'équilibre financier des GRETA est strictement lié à leur activité. Le rapport entre les fonds provenant des entreprises et ceux des actions-État n'est pas sans conséquence sur cet équilibre.
Pour autant ils doivent remplir leur mission de service public. De leur capacité à intervenir dans les formations jeunes pré qualifiantes, dépend pour l'essentiel la réponse qui sera donnée au niveau de chaque région aux jeunes sans qualification et en recherche d'insertion. Cette mission de service public ne doit pas être délaissée ou empêchée.
Un renforcement des GRETA est nécessaire, notamment pour la reconnaissance de la professionnalité de certaines fonctions : direction, gestion, administration, développement, par une implication plus directe de chaque acteur du réseau (établissements, personnels) par une réponse au niveau des « pays » coordonnée de façon lisible au niveau académique régional.
Les instances : Conseil inter-établissement, Conseil de perfectionnement, Commission des ressources humaines, doivent être les instruments d'une vie démocratique du GRETA. Dans ces instances doivent être débattues, dans la transparence, toutes les questions relatives à la vie du GRETA et notamment une politique des personnels respectueuse des droits de ceux qui y œuvrent quotidiennement.
Au niveau académique, une mutualisation des moyens doit assurer partout sur le territoire une égalité d'accès à la formation. À l'instar de ce qui se pratique déjà dans certaines régions, un prélèvement obligatoire sur le chiffre d'affaires de chaque GRETA alimenterait un fonds académique au-delà du dispositif de compensation et de développement actuel.
La gestion de ce fonds, comme pour les autres, doit être soumise à la consultation du CACFC. Au niveau du territoire national, l'État doit là aussi jouer son rôle régulateur.
Les services de formation continue des établissements d'enseignement supérieur obéissent aux mêmes objectifs de formation que les GRETA, pour des formations de niveau ou supérieur au baccalauréat. En matière de fonctionnement des services et d'organisation des formations les similitudes sont indéniables et les revendications de la FEN analogues. En particulier il est indispensable que :
– les maquettes de chaque diplôme comportent comme la loi le permet, la possibilité de le préparer par la voie de la formation continue ;
– les universités développent un centre de formation continue, dont les missions comme les services qui y sont effectués doivent faire partie intégrale de l'université.
Préparer les personnels et reconnaître leurs missions
La reconnaissance de la mission de formation continue des adultes du service public d'éducation entraîne un élargissement de l'action des établissements d'enseignement et de leurs personnels.
La charge supplémentaire de travail représentée par l'adjonction de la formation continue dans la mission normale de service public doit être génératrice d'emplois nouveaux. Dans ce cadre, la transformation d'heures supplémentaires en emplois, chaque fois que cela est possible doit être recherchée.
Les structures de formation des personnels du service public d'éducation doivent préparer ces derniers à l'ensemble de leurs missions et à l'intervention devant des publics jeunes et adultes. Les structures IUFM, MAFPEN, CAFOC, CAFA, doivent être décloisonnées, leur action mise en synergie et évaluée dans des conditions similaires.
Sans mettre en cause le dispositif indemnitaire lié à la formation continue des adultes les indemnités doivent rémunérer une responsabilité ou un travail effectifs.
Au-delà des personnels qui exercent leur service de façon mixte en formation initiale et en formation continue, l'identification des missions spécifiques et donc de personnel permanent pour la formation continue est nécessaire.
Les fonctions spécifiques à la formation continue et à la diversité des réalités du terrain, nécessitent leur repérage, notamment par des postes à profil gérés dans la transparence.
La professionnalité et la charge de travail particulières des personnels exerçant ces fonctions spécifiques doivent être prises en compte dans leur service, leur carrière et leur rémunération.
En ce qui concerne les CFC, sans écarter l'hypothèse d'une reconnaissance statutaire de leur fonction, la FEN demande dans l'immédiat :
– des modalités de recrutement uniformisées sur l'ensemble du territoire et le maintien des origines diversifiées des personnels titulaires du Service Public d'Éducation, enseignement, administration, direction, inspection ;
– une reconnaissance des exigences nouvelles nécessaires à l'exercice de leur fonction, au regard de la formation de leur corps d'origine ;
– la transformation en NBI de l'indemnité de CFC qui est la reconnaissance d'une « technicité » particulière.
En ce qui concerne le déroulement de carrière des CFC, les CAP devront veiller à corriger les disparités départementales académiques et nationales. Les mutations interacadémiques devraient faire l'objet d'une harmonisation et d'un contrôle des CAP.
Les contractuels de la formation continue ont incontestablement démontré leur utilité et leur compétence. Si leur intégration dans la fonction publique ne peut être systématique, la FEN demande néanmoins qu'ils bénéficient de mesures de titularisation analogues à celles retenues pour les non titulaires.
Pour les personnels non titularisables, la possibilité de contrat à durée indéterminée (CDI) doit être étudiée dans le cadre notamment d'une gestion mutualisée des ressources humaines. Les contractuels administratifs de GRETA doivent pouvoir bénéficier d'une revalorisation de leurs carrières.
Par ses propositions, la FEN entend participer au renforcement de l'action du service public d'éducation en direction des salariés, des demandeurs d'emploi et des jeunes en recherche d'une première insertion professionnelle.