Déclaration de M. François Léotard, président de l'UDF, sur la croissance économique et l'importance de la confiance et de la volonté politique comme moteur du redressement économique et social, Paris le 29 mai 1996.

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Circonstance : Colloque organisé par M. Edouard Balladur, sur le théme "La croissance, des raisons d'espérer" à l'Assemblée nationale le 29 mai 1996

Texte intégral

« La croissance, des raisons d’espérer »

La question posée par notre rencontre d’aujourd’hui, même si elle n’est pas toujours formulée de manière précise par chacun est au centre de toutes les interrogations économiques, politiques et sociales de notre pays.

Au cœur de tous les thèmes évoqués ces temps derniers dans les débats publics : développement de l’emploi, coût du travail, productivité, mondialisation des échanges, monnaie unique, temps de travail, etc. au cœur de tous ces thèmes, il y a un élément commun, à la fois présent et caché, facile à définir et difficile à prévoir, rapide à énoncer et lent à mettre en mouvement, cet élément commun, c’est la croissance, c’est le taux de croissance.

Peu de personnes, en France, pouvaient mieux formuler cette question que vous-même, Monsieur le Premier ministre, puisqu’arrivé à Matignon au printemps 93 vous aviez devant vous, non pas la perspective mais la réalité d’une récession, la plus grave que la France ait connu depuis la guerre. Deux ans plus tard, doit-on le rappeler, les prévisions de croissance pour l’année 95, lorsque vous transmettiez vos responsabilités à votre successeur étaient de 3 %.

Dans cette inversion radicale, non seulement des pronostics mais également des réalités, on peut penser qu’un certain nombre d’éléments vous échappaient. On ne peut pas raisonnablement penser que vous n’y fussiez pour rien.

Lorsqu’on s’attache à cette question de la croissance, comme vous nous y invitez, on s’aperçoit que – comme le bonheur – pour paraphraser une formule célèbre, c’est une idée neuve.

Pour les économistes, jusqu’au début du XIXe siècle, l’idée d’une croissance durable du revenu par tête était largement inconcevable, quel qu’en soit le taux.

Et l’histoire économique nous montre que le revenu par tête est resté globalement stable au cours du millénaire qui a précédé celui que nous sommes en train de quitter. La croissance est donc une donnée relativement récente. L’inquiétude d’aujourd’hui vient du sentiment diffus que nous y sommes d’une certaine manière condamnés.

Jean Fourastié a calculé que le revenu d’un Français en 1975 était 11 fois plus élevé que celui d’un Français en 1 700.

Ces chiffres nous paraissent considérables. Or, ils ne représentent qu’un taux de croissance annuelle de 0,9 % par an, pendant près de 3 siècles, très inférieur à celui que nous jugeons aujourd’hui indispensable sur le simple moyen terme, pour seulement créer des emplois.

Concept relativement neuf, la mesure d’une progression du taux de la production intérieure est d’un maniement difficile. On s’aperçoit que ce concept est ainsi – pour des raisons plus justifiées les unes que les autres – totalement absent des critères du traité de Maastricht alors qu’à l’évidence il détermine tous les autres.

Se pencher sur la croissance est donc pour un homme public doublement dangereux : d’abord cela l’oblige à révéler ce qui dépend de lui et ce qui n’en dépend pas, (Epictète) mais aussi et surtout cela fait entrer en jeu des éléments de subjectivité, de psychologie collective, voire d’irrationalité dont nous ne savons que trop qu’ils sont difficiles à gérer.

Je m’attacherai pour ma part, m’efforçant de répondre à votre question, à distinguer : ce qui relève de l’interrogation, ce qui relève de l’espoir, ce qui relève de la volonté…

1. La part de l’interrogation

La part de l’interrogation est restée forte dans le cadre d’une science, la science économique, qui reconnait aujourd’hui qu’elle n’est pas une science exacte. C’est ainsi que depuis quelques années, les prévisions, les simulations ou les modèles se trouvent assez régulièrement démentis par les comportements ou les évènements. Tout simplement par les hommes, dont on oublie trop souvent qu’ils existent et qu’ils rêvent, qu’ils anticipent, qu’ils projettent, qu’ils jugent ou qu’ils réfléchissent.

Nous devinons bien que la croissance a un lien avec la perception de l’avenir. Cette perception de l’avenir elle se traduit de deux manières majeures dans une société comme la nôtre : la place faite à l’enfance et plus généralement à la jeunesse (c’est la politique démographique et familiale) et le niveau des taux d’intérêts…

Dans le premier cas on a assisté hélas, depuis la dernière guerre, à un transfert massif et continu de ressources publiques du soutien à l’enfance, vers le soutien au 3ème âge. Il convient de s’interroger aujourd’hui sur le rapport complexe que la croissance entretient avec la démographie et avec le vieillissement de la population.

Dans le deuxième cas, après avoir marqué une véritable appréhension de l’avenir, le niveau des taux d’intérêt montre depuis quelque temps – grâce à la volonté monétaire franco-allemande – une évolution plus favorable.

Souvenons-nous ici que la France a connu depuis le début des années 90 les taux d’intérêt réels les plus élevés de son histoire de l’après-guerre et les plus élevés du monde occidental pendant 5 années consécutives.

Aujourd’hui – et c’est un des éléments d’espoir – les taux à long terme français sont inférieurs de près de 2 points aux taux britanniques. Ils sont désormais égaux aux taux allemands et plus bas que les taux américains.

Il me semble évident que nos taux d’intérêts resteront bas non pas si nous voulons qu’ils le restent mais simplement parce que l’anticipation nationale et internationale sur l’avenir sera marquée par la confiance ou ne le sera pas.

Car c’est bien – dans ce domaine des interrogations – sur ce facteur immatériel de la confiance que repose une grande partie de la réponse que nous devons apporter à la question posée.

La confiance est en effet nécessaire aux 2 facteurs principaux de la croissance que sont la consommation des ménages et l’investissement des entreprises.

Sans confiance la prise de risque sur l’avenir que constituent l’investissement ou la réduction de l’épargne par rapport à la consommation n’est pas envisageable.

A côté du PIB, il y a un PIC, un produit intérieur de confiance qui rassemble les anticipations des ménages sur la fiscalité ou le chômage, les prévisions des entreprises sur le rendement de leurs investissements, les interrogations des uns et des autres sur l’évolution des règles de droit quant à leurs activités ou leurs revenus…

C’est cet ensemble de comportements qui déclenche ou non un cycle vertueux de croissance et l’on voit bien aujourd’hui que c’est d’un changement de comportement de l’Etat – producteur de règles de droit - que viendra, ou ne viendra pas, le signal de la confiance pour les acteurs économiques.

Prenons, pour étayer cette affirmation, les derniers chiffres de l’INSEE. Ils nous apprennent que le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages (après impôts et prestations) a progressé en 1995 de près de 3 %, c’est-à-dire la plus forte hausse des cinq dernières années. Et que s’est-il passé ? A peu près rien.

Ce n’est donc pas l’évolution du pouvoir d’achat qui explique le manque de dynamisme de la consommation en 1995, mais bien le comportement attentiste des ménages et tout simplement la lecture qu’ils font des grandes décisions publiques. Comme par ailleurs, le taux d’épargne des mêmes ménages a atteint son plus haut niveau des dernières années, il faut aller chercher ailleurs, là où elle se trouve, l’une des racines de notre situation d’aujourd’hui et qui s’appelle la peur. C’est ce que l’on pourrait appeler le triptyque de la peur : peur du chômage, crainte sur l’avenir des régimes de retraite, anticipation sur la hausse de la fiscalité.

Cette triple crainte, cette triple interrogation sur le chômage, la retraite et l’impôt, définit assez bien l’attitude de ce que le ministre du Travail américain appelle les « anxious class », les classes anxieuses qui sont en grande partie aujourd’hui les classes moyennes.

Il pèse au moment où nous parlons sur 4 600 Mds de Francs de consommation des ménages, une ombre qui est celle de la dette publique. Si le chiffre n’est pas connu par chacun, il est je crois, confusément perçu : 140 000 F par foyer fiscal ! (Au niveau national : les 2/3 de l’impôt que le revenu !)

La société française toute entière sait bien qu’elle est comptable de cette dette et qu’elle devra bien la rembourser. Constatons-le : la part de l’interrogation des acteurs économiques est donc aujourd’hui essentielle dans le ralentissement de la croissance. De même le retour de la croissance sera un élément décisif dans notre capacité à rembourser la dette que nous avons contractée. On ne fait pas de la croissance avec des interrogations mais si l’on n’y répond pas, il est en vain d’invoquer ou même d’espérer son retour.

Part de l’interrogation, mais aussi – pour nous – part de l’espoir.

2. La part de l’Espoir

Ce qui s’est passé depuis 1990 ne devrait pas, dans un premier examen, nous amener à l’espoir puisque la croissance française fut particulièrement faible depuis cette date, à vrai dire la plus faible des pays occidentaux, de 1 % sur 5 ans.

Et tout le monde nous le dit autour de nous : « Pourquoi, à croissance égale, créons-nous moins d’emplois que les autres pays ? ».

Il existe néanmoins, je crois, des raisons fortes d’espérer.

J’en citerai quatre principales sans que ce chiffre soit totalement exhaustif :
    1. La dynamique internationale.
    2. Les réserves de croissance qui sont les nôtres.
    3. Les batailles que nous avons gagnées.
    4. L’attitude nouvelle sur la dépense publique.

1. La dynamique internationale est devenue, même si les Français la redoutent, un atout essentiel pour notre pays. La France est redevenue l’une des plus grandes puissances exportatrices mondiale alors qu’elle était structurellement déficitaire au milieu des années 80. Contrairement à ce que craignent les esprits chagrins il faut affirmer ici que notre pays a tout gagner à une ouverture plus grande vers le grand large. Nous avons ainsi été – avec les Japonais – le seul pays du G5 dont la balance courante a été excédentaire en 1995 : +0,8 % en France contre : - 0,1 % au Royaume-Uni, - 1,2 % en Allemagne et - 2,5 % aux Etats-Unis.

On peut considérer ainsi que dans les 3 ou 4 dernières années l’exportation française a tiré notre croissance à hauteur d’environ 50 %.

2. Le deuxième support de notre espoir ce sont les réserves de croissance de nos entreprises

Elles ont aujourd’hui à la fois de larges capacités de financement et des besoins d’investissements importants, ne serait-ce que pour simplement renouveler et moderniser leurs équipements après la forte chute du début des années 90. L’évolution moins forte que prévu de l’investissement en 1995 traduit moins une révision à la baisse des projets des entreprises que leur report dans l’attente d’une levée des incertitudes sur la conjoncture et surtout d’une simplification et d’une clarification des procédures administratives et fiscales auxquelles elles sont soumises.

Là encore, comme pour les ménages, nous retrouvons des capacités de confiance en attente d’un signal fort, qui ne peut être qu’un signal politique.

3. Le troisième fondement de notre espoir c’est la confiance que nous devons avoir en nous-mêmes. Je veux parler des batailles que nous avons gagnées, je veux mentionner ici l’immense effort d’adaptation passée de l’économie française. Nous avons ainsi gagné trois batailles à mon sens essentielles : celle du commerce extérieur, dont l’excédent actuel est devenu largement structurel, celle de l’inflation et celle de la modernisation de notre appareil productif.

Ces efforts nous ont permis d’alléger de façon considérable nos contraintes financières et commerciales extérieures, celles dont on disait en 1982 qu’elles « nous interdisaient de croissance » (Alain Minc).

Et il n’y aura bientôt plus de contrainte monétaire extérieure avec la monnaie unique européenne et l’établissement de relations stables avec les monnaies « hors noyau dur ». Je crois qu’il faut le dire ici : la monnaie unique européenne, loin d’être une perte de souveraineté monétaire est donc clairement un instrument de stabilité et de puissance qui pourra permettre une stratégie de croissance.

4. Le quatrième fondement de notre espoir porte sur la dépense publique, sur la lecture que l’on en fait, sur la volonté qui semble émerger ici et là de la réduire et de la rendre plus productive.

Si cette attitude débordait le cadre de la majorité parlementaire et touchait peu à peu de vastes secteurs de l’opinion, il s’agirait là d’une culture nouvelle pour la France. Culture que nous appelons de nos vœux et dont nous aurions tout lieu de nous réjouir. Nous n’en sommes pas encore là mais il faut bien mesurer l’ampleur de ce qui est nécessaire aujourd’hui pour réduire la dépense publique : nous allons faire en Francs français ce que les Allemands vont faire en Marks, c’est-à-dire environ 60 milliards d’économies, soit à peu près le tiers de l’effort allemand dans l’année qui vient.

Cela – qui reste insuffisant – ne peut être compris que si nous changeons le thème habituel de la redistribution, qui est celui de la gauche qui montre rapidement ses limites, par un autre thème, celui du transfert de pouvoir d’achat de l’Etat vers les Français. Il s’agit simplement de faire diminuer le nombre de Français dont le revenu est directement alimenté par l’impôt. Ce chiffre, avancé par l’actuel ministre du Budget, Alain Lamassoure, est de l’ordre de 13 millions de nos compatriotes. Et il faut le dire ici : la seule année – en 15 ans – où l’emploi budgétaire de l’Etat a diminué, c’est l’année 1987.

Interrogation, espoirs, il nous faut sans aucun doute passer aujourd’hui à une étape nouvelle, celle de la volonté.

3. La Part de la volonté

Si la croissance n’est pas seulement une affaire de volonté politique, elle est aussi cela si l’on veut bien s’attacher à ce qui la ralentit, à ce qui lui fait obstacle, à ce qui la rend en France, moins productive d’emplois que dans d’autres pays.

Notre réflexion nous amènera, j’en suis convaincu, dans cette journée, à considérer comme urgentes les trois réformes :
    - du secteur public ;
    - du marché du travail ;
    - de la fiscalité.

Elles ont, toutes les trois, un fondement commun : l’ampleur, à proprement parler dramatique, de nos prélèvements obligatoires.

Au niveau auquel nous sommes parvenus – le plus élevé à l’intérieur du G7 – l’incitation à créer de la richesse supplémentaire est terriblement réduite car – compte tenu de la structure d’imposition – la captation publique sur chaque franc supplémentaire de revenu dépasse en fait largement 50 %. Nous sommes donc entrées dans un cycle où l’initiative, c’est-à-dire la volonté de créer de la richesse, se trouve profondément et durablement dissuadé par le poids de la fiscalité.

Il est évident qu’il faudra non seulement arrêter ce mouvement mais en outre l’inverser. C’est d’ailleurs ce qui avait été fait entre 1986 et 1988 où chacun des impôts français avait été revu à la baisse, mais également entre 1993 et 1995 où Nicolas Sarkozy avait réussi sur l’impôt sur le revenu une baisse globale de l’ordre de 19 milliards avec une réduction significative des tranches puisque l’on était passé de 13 à 7.

La réforme fiscale n’est donc pas un thème qui correspondait à une mode. Elle est devenue l’ardente obligation d’une société qui s’asphyxie dans la dépense publique et qui a le droit aujourd’hui de rejeter un système fiscal dont elle connaît l’injustice.

Une volonté politique de retour à la croissance doit aujourd’hui – et je terminerai là-dessus – s’appuyer sur 4 piliers de la sagesse que sont :
    - le droit ;
    - l’avenir ;
    - l’initiative ;
    - la réforme.

Chacun voit bien ce que cela peut signifier.

1. Le droit : il est plus qu’urgent de donner aux règles de droits les caractères de simplicité, de clarté et de permanence qu’elles ont depuis longtemps perdu. Le droit économique devrait s’efforcer d’échapper à ses 3 défauts permanents : le catégoriel, le conjecturel et l’artificiel (qui est une façon élégante de baptiser l’électoral). C’est bien sûr le droit fiscal mais c’est tout autant le droit de l’entreprise ou le droit social. La fébrilité du droit ne traduit pas la fièvre de la croissance mais l’impuissance des médecines qui lui sont proposées.

2. La prise en compte de l’avenir fait partie à l’évidence d’une véritable stratégie de croissance. Il s’agit bien sûr de ce qui est affecté à la recherche mais aussi d’une analyse très fine et très souple des grandes évolutions économiques. « Sun Micro system » ou « Microsoft » pour ne prendre que ces deux exemples représentent des capitalisations boursières supérieures à celles des plus grosses entreprises industrielles française alors qu’elles n’existaient pas voici seulement quelques années.

La croissance est donc aujourd’hui plus mouvante et plus instable que jadis. Rester dans le peloton de tête des pays innovants est pour notre pays une exigence vitale.

3. L’initiative, sa stimulation, sa reconnaissance, sa simple liberté, fait partie des facteurs élémentaires de la croissance. C’est sur ce thème là que devraient se rejoindre nos convictions libérales, l’expérience du monde d’aujourd’hui et le simple bon sens.

La croissance a des acteurs et ces acteurs ce sont d’abord les entrepreneurs.

Les réformes qui ont été entreprises depuis quelques années ont souvent été tournées vers l’entreprise rarement vers l’entrepreneur.

4. Enfin la Réforme !

Ce ne sont pas les réformes qui font la croissance mais nous savons bien que l’absence de réformes crée des situations de blocage qui sont des obstacles à toute hypothèse de croissance. Il ne s’agit pas d’énumérer ici l’ensemble des réformes qui apparaissent comme nécessaire à la société française mais de choisir deux exemples de ce qui est aujourd’hui un blocage et qui peut être demain une chance :
    - la réforme du régime des retraites ;
    - l’assainissement des grandes entreprises nationales.

Sur le 1er point, je crois que le moment est venu de mettre en place le troisième pilier de notre économie générale de la retraite, c’est-à-dire, après le système par répartition et le système des retraites complémentaires, la mise sur pied des fonds de pension, de l’épargne-retraite. Vous savez combien l’UDF est attachée à ce projet. Elle souhaite qu’il puisse être mené jusqu’à son terme.

On mesure l’importance de ce dossier si l’on veut bien constater que malgré la réforme de 1993, dont vous êtes l’auteur Monsieur le Premier ministre et qui portait sur le régime général, les pertes dépasseraient rapidement, en maintenant la législation actuelle, plusieurs points de notre PIB. Du seul fait des régimes vieillesse, les déficits publics pourraient atteindre 8,5 points du PIB en 2030 et l’endettement public dépasser 90 % du PIB.

Ainsi, à législation égale, pour maintenir les comptes de l’assurance vieillesse en équilibre, le taux de cotisation devrait être relevé de 16,6 à 27 % tout en diminuant les pensions de 30 %. Il faut méditer dans ce domaine non pas le coût politique de la réforme, mais le coût économique du statu quo.

Quant au deuxième point, il concerne les grandes entreprises nationales.

Les grandes entreprises nationales étaient une source de croissance importante dans les années 70 car elles avaient un taux d’investissement élevé et un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie. A l’inverse aujourd’hui, ces grandes entreprises se caractérisent par un endettement abondant, une productivité médiocre, des résultats négatifs, un taux d’investissement plus faible que la moyenne nationale. Tout le monde sait que le secteur des transports est particulièrement préoccupant. L’exemple de la dette de la SNCF est clair : elle atteint un tel poids qu’une reprise par l’Etat semble inévitable, ce qui aura mécaniquement un effet négatif sur l’évolution des taux d’intérêts.

La poursuite et l’approfondissement de la politique de privatisation est donc indispensable, afin de contribuer à la dynamisation de ces grandes entreprises encore très peu flexibles. Les britanniques et les japonais font preuve, sur ce sujet, d’une imagination et d’un courage politique sans commune mesure avec ce qui est pratiqué en France.

Monsieur le Premier ministre, par définition, une allocution d’ouverture ne peut pas et ne doit pas conclure. C’est Maurice Blanchot qui disait que « la réponse est le malheur de la question ».

Je ne me hasarderai donc pas dans la voie du malheur. Mais je retiens de ces réflexions que vous nous invitez à faire un constat, une idée et un souhait.

Le constat, c’est que la croissance ne résout pas (et même résout de moins en moins) les grandes pathologies du monde d’aujourd’hui : violences urbaines, communautarisme, inégalités de revenus, déchirures sociales s’accommodent volontiers de taux de croissance élevés. Prenons donc la croissance pour ce qu’elle est : un outil, un moyen et en aucune manière une fin.

L’idée, c’est que la confiance est aussi nécessaire à la croissance qu’elle est nécessaire à l’épanouissement des hommes. Mais la confiance ne se décrète pas, ne s’impose pas, ne se planifie pas. Elle échappe aux statistiques, aux instituts de sondage, aux laboratoires et aux modèles. Pour vous dire la vérité : c’est plutôt rassurant.

Le souhait enfin, c’est que notre pays retrouve le chemin de l’emploi. Et nous savons qu’il ne peut le faire qu’en retrouvant auparavant le chemin de la croissance.

Et au fond, ce n’est pas à l’arbre ou à la fleur qu’il faut demander de pousser plus vite. Mais c’est peut-être au jardinier que la question s’adresse.