Déclaration de M. François Léotard, président de l'UDF, sur l'organisation de l'UDF, sa place dans la majorité, le libéralisme et la réhabilitation du débat politique, Issy-les-Moulineaux le 22 juin 1996.

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Circonstance : Conseil national de l'UDF à Issy-les-Moulineaux le 22 juin 1996 : adoption d'une réforme des statuts permettant l'élection du président par les adhérents

Texte intégral

Cette rencontre est une étape. Elle n’est pas un aboutissement. Elle n’est pas la fin d’un parcours, mais plutôt le début d’une démarche qui devrait nous permettre de répondre à nos difficultés, à nos insuffisances mais aussi de développer nos chances et nos atouts.

Cette étape est pour l’UDF celle d’une démonstration et celle d’une volonté. Nous voulons faire ensemble la démonstration que nous sommes capables de dépasser une situation d’éparpillement et de concurrence pour concentrer notre effort sur le message politique qui doit être le nôtre.

La volonté, c’est celle qui nous anime lorsque nous soumettons notre famille politique non pas à ses chefs, mais à ses adhérents, à ses militants.

Cette double démarche d’expression politique et de démocratie marquera – je n’en doute pas – notre Conseil national d’Issy-les-Moulineaux.

Je voudrais donner un contenu à cette étape en échangeant des questions contre des réponses, en faisant en sorte qu’aux questions que nous posent les Français, mêlées d’inquiétude et d’incrédulité, on réponde non par des hésitations, mais des affirmations, des volontés, si possible des certitudes.

Ainsi l’étape que j’évoquais à l’instant se situera dans u parcours, commencé en 1978, poursuivi contre vents et marées et assumé par une équipe de femmes et d’hommes partageant des convictions et des espérances.

Un certain nombre de questions nous sont posées par nos compatriotes.

N’en doutez pas un instant, derrière la façade du scepticisme, de l’ironie ou quelques fois de la malveillance ou du mépris, il y a une attente de notre peuple face à ses dirigeants. On a trop dit que c’était une coupure, une incompréhension, un éloignement.

Mon sentiment est qu’il s’agit d’un dialogue qui a tourné court. On nous a posé des questions et nous n’avons pas répondu. Peut-être avons-nous surestimé nos forces, dans un pays qui a toujours attendu beaucoup de l’État et de ses hommes politiques ?

Peut-être sommes-nous revenus à quelque situation primitive où nous étions convoqués comme des sorciers pour répondre aux grandes et aux petites angoisses de la vie ?

Peut-être tout simplement avions-nous trop promis ? Ou avait-on trop promis ?

Toujours est-il que les questions sont là plus ou moins bien formulées dans le tumulte des événements, mais toujours inquiètes et toujours légitimes.

Je n’en citerai que quelques-unes. Elles ne résument pas ce que l’on peut considérer comme une véritable crise de confiance, mais elles permettent de mesurer ce territoire de l’inquiétude qu’est devenue aujourd’hui l’opinion publique française.

Je n’en citerai que trois :
     1. Êtes-vous en mesure de donner un sens à notre vie commune ?
     2. Êtes-vous en mesure d’exprimer les souhaits de nos compatriotes ?
     3. Êtes-vous en mesure d’animer la majorité à laquelle vous appartenez ?

Donner un sens

Plus que jamais il nous appartient de proposer à notre vie commune de français un sens qui lui donne intelligence, perspectives, espérance. S’il n’y a pas de sens à proposer à notre jeunesse, alors pourquoi rester ensemble – vous verrez se développer effectivement ce que l’on constate dans certaines de nos villes, c’est-à-dire des communautés qui se gèrent elles-mêmes sans souci de la République, de la chose publique -, pourquoi ne vivre de notre existence commune que les contraintes ?

C’est probablement cette absence de sens qui nourrit les votes extrêmes et particulièrement celui du Front national. Pour beaucoup de nos compatriotes, c’est un vote de ressentiment. Nous n’y mettrons un terme qu’en remplaçant le ressentiment par la perspective.

Le désarroi qui s’exprime devant la mondialisation des échanges, la multiplication des questions éthiques, les défis de la science ou de la démographie, ce désarroi se cristallise aujourd’hui sur deux thèmes : celui de la nation et celui de la religion.

C’est parce que je suis à la fois patriote et croyant que j’estime nécessaire aujourd’hui de lutter contre les dérives du nationalisme et de l’intégrisme. C’est parce que je suis libéral – et non pas bien que le sois – que je combats avec résolution les idées que diffuse le Front national. Ce n’est pas être grand clerc que de voir que ces idées, fondées sur la réécriture de l’Histoire, la pureté ethnique ou culturelle, le refus de l’autre, la haine de la diversité, le repli sur soi, si nous ne les combattons pas maintenant, deviendront autant de refuges à la solitude, au désarroi, à l’inculture ou au mépris.

C’est parce que ces dérives sont devant nous qu’il me semble nécessaire de rappeler plus que jamais notre attachement à l’Europe et à la laïcité. Ni l’une, ni l’autre ne supposent un abandon de nos convictions : elles exigent un dépassement qui nous permette de les intégrer dans des perspectives beaucoup plus larges, plus généreuses, plus porteuses de sens.

Il me semble important que l’UDF réfléchisse à la part nationale de notre destin, face à la part européenne que nous avons choisie et que nous proposons aux autres. Ce n’est pas simplement le principe de subsidiarité qui nous donnera la réponse, telle ou telle règle de majorité, ou telle application du « compromis de Luxembourg. » C’est une réflexion de nature culturelle qui reprendrait avec les mots d’aujourd’hui la belle question de Renan : « Qu’est-ce qu’une Nation ? »

De même, il nous faut approfondir notre conception de la laïcité. C’est un débat que nous devons avoir à l’UDF où se rejoignent des formations politiques dont la culture fut longtemps marquée, dans le passé, par l’antagonisme et la querelle. Je considère, pour ma part, qu’il s’agit là d’un principe de modernité dans une société comme la nôtre. Cela ne signifie nullement – bien au contraire – que ce principe implique m’abandon pur et simple des valeurs judéo-chrétiennes qui fondent notre civilisation.

Pour cette raison historique et culturelle qui lui a fait accueillir « la chapelle et la loge », c’est à l’UDF aujourd’hui qu’appartient cette responsabilité : mener le débat de la laïcité devant les Français, lui donner un contenu positif, le tourner vers l’avenir, en faire un élément de notre progrès commun et de notre communauté de convictions. Pour nous, la laïcité n’est pas une arme de guerre mais un terrain de concorde. C’est la traduction d’un respect pour la liberté d’autrui, c’est l’expression d’un engagement positif et non pas d’une indifférence ou d’une abstention.

Cette interrogation sur le sens est particulièrement nécessaire et particulièrement difficile lorsqu’on s’adresse à nos jeunes compatriotes.

Difficile car il semble qu’il y ait peu à peu deux nations qui coexistent dans notre pays : celle des jeunes et « l’autre », deux cultures, peut-être deux regards sur le monde. Ces deux nations ne se rencontrent pas, ne se parlent pas, ne s’écoutent pas.

Interrogation nécessaire parce que faute de ce dialogue notre pays échouera.

C’est la raison pour laquelle il eut été utile à mon sens de porter sur la question du service national le même regard que celui des François Bayrou a porté sur l’école, regard fondé non pas sur la prudence ni l’hésitation, mais sur la volonté constante de ne pas déchirer plus qu’il ne l’est le tissu de la cohésion nationale.

C’était et cela reste – puisque le débat est devant nous – une question que nous devons aborder dans un esprit républicain : serait-il devenu inutile de former des citoyens ?

C’est au contraire parce que nous croyons qu’il n’y a pas de plus grande urgence que nous sommes attachés à tous les outils qui permettent de forger une conscience véritablement républicaine.

Exprimer les souhaits

Êtes-vous en mesure d’exprimer les souhaits de nos compatriotes ?

S’ils savent bien aujourd’hui que nous ne pouvons tout faire, ils aspirent plus que jamais à être écoutés.

Combien de fois, dans nos permanences, dans nos mairies, dans les rues, dans nos réunions, avons-nous entendu cet appel, à la fois rude et attristé, insistant et exigeant : « Écoutez-nous » ?

Lorsque nous intervenons dans la politique nationale pour corriger ou refuser telle ou telle proposition, c’est bien au nom de ce mandat-là. Nous avons bien l’intention de continuer l’exercer.

Je ne suis pas, en ce qui me concerne, pour une politique modeste. Elle doit être ambitieuse. Je suis pour la modestie des hommes politiques. Ce n’est pas exactement la même chose !

Exprimer les souhaits de nos compatriotes, c’est assumer cet arbitrage constant entre ce que nous voulons dire et ce qu’ils veulent entendre. Il est normal que ce ne soit la même chose. Il est normal que – sur ce marché là – l’offre et la demande ne se rencontrent pas.

C’est notre dignité de rappeler que ce que nous savons ne correspond pas toujours à ce qu’aimeraient entendre nos compatriotes. C’est, avec la même exigence, notre devoir de les écouter. C’est notre devoir de leur dire que la hausse des prélèvements obligatoires est la cause majeure, directe et mécanique, de la chute de l’emploi.

Il ne s’agit pas de rendre illégitime l’existence même des prélèvements obligatoires, dont nous savons qu’ils servent à financer des actions de cohésion sociale ou de solidarité. Il s’agit de s’interroger sur les bonnes raisons qui en font de mauvaises solutions.

Il est donc très important que l’UDF, à travers son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et les groupes du Sénat, soit en première ligne dans le débat budgétaire qui va maintenant s’ouvrir.

C’est parce que nous avons été réservés sur la politique qui a été menée en 1995 (et notamment sur le collectif budgétaire de juillet dernier) que nous devons aujourd’hui approuver le changement de cap qui semble avoir été décidé.

C’est parce que notre combat contre la gauche fut toujours mené au nom d’une économie de liberté, au nom de l’esprit d’entreprise, au nom de la responsabilité individuelle, que nous sommes aujourd’hui heureux de retrouver la face positive de ce combat, aux côtés d’un gouvernement qui a décidé de le mener.

Mais les souhaits de nos compatriotes ne portent pas uniquement sur ces questions pourtant essentielles. Ils se portent également sur notre capacité à résoudre les dysfonctionnements les plus criants de notre société politique. Parmi ceux-ci – souvenez –vous des questions posées pas Valery Giscard d’Estaing en 1979 – figurent la question du cumul des fonctions et sa nécessaire limitation, celle du financement des partis – dont on s’apercevra qu’elle n’est réglée ni de façon libérale, ni de façon équitable -, celle des modes de scrutin – dont nous changeons plus souvent qu’il n’est de raison – et bien entendu, à la fois la plus ancienne et la plus importante, celle de la place des femmes dans la vie publique.

Comment ne pas aborder cette dernière question avec un sentiment douloureux d’échec ?

Comment ne pas voir que notre situation, en Europe, provoque autour de nous et chez nous, un sentiment de gêne, de tristesse, voire de consternation ?

Comment ne pas constater que l’UDF elle-même n’est pas, sur ce sujet, au mieux de sa forme ?

C’est d’abord ce constat lucide que nous devons formuler. C’est ensuite un refus de nous y complaire qui doit prendre la relève. C’est enfin une volonté politique qui nous permettra de sortir d’une situation qui n’est pas simplement fâcheuse mais aussi et surtout profondément injuste.

Du constat au refus, du refus à la volonté, je voudrais tracer un chemin pour l’UDF – je m’en sens responsable -, chemin que nous avons le devoir de prendre ensemble.

Beaucoup de femmes de notre mouvement, premières concernées, refusent l’idée d’une législation spécifique sur ce sujet. Certaines et certains s’y résignent.

Il nous appartiendra à tous, devant les Français, d’avoir ce débat, sans condescendance et sans désinvolture. À ne pas résoudre ces questions, et surtout cette question, nous prenons le risque de nous éloigner encore davantage d la société tout entière.

Faut-il oublier, pour terminer, que ce sont les femmes corses ou les femmes algériennes qui nous montrent aujourd’hui le chemin du courage et de la dignité ?

Faut-il oublier que sur les questions d’éducation, d’éthique de la vie, de temps de travail, elles nous proposent un regard qui enrichit et densifie la réflexion qui doit être la nôtre ?

Animer la majorité

Nous n’avons pas à prouver tous les matins que nous sommes dans la majorité. Cette preuve a été fournie à chaque fois que cela nous semblait nécessaire et à chaque fois que les décisions à prendre devaient l’être et pouvaient l’être en commun.

La majorité parlementaire est un contrat passé en 1993 devant les électeurs.

La majorité présidentielle es une réalité qui s’est imposée d’elle-même, nous y avons contribué, au soir du deuxième tour de 1995.

Mais il n’y a pas dans le contrat l’idée que nous serions « frappés d’alignement ». Il n’ay a pas dans le contrat l’idée que nous aurions à abandonner les convictions qui nous rassemblent : l’Europe, la décentralisation – forte et constante ambitions de notre famille politique -, la liberté d’entreprendre, le développement le plus large des responsabilités.

C’est donc dans un dialogue, à l’intérieur de la majorité, que se trouveront notre force et notre rayonnement.

Je me réjouis, pour ma part, de la création – décidée en commun – du Conseil de l’union. La majorité se met naturellement en ordre de bataille.

Nous nous réjouissons, à travers les fonds de pension, la réforme fiscale, le débat sur le Front national, la réforme de l’État, la Corse, de lui avoir fourni quelques armes dont elle aura besoin face à ses adversaires.

Venons-en à certaines des réponses qu’il nous faut apporter, que l’UDF doit apporter. Je pense d’abord que ce sont tout autant des réponses de comportement que des réponses de programme.

La méfiance vis-à-vis des programmes est devenue naturelle chez les Français depuis les 110 propositions du Parti socialiste. Nous souhaitons simplement que cela ne devienne pas une méfiance vis-à-vis des idées et encore moins un scepticisme vis-à-vis des comportements.

Je vous propose, pour ma part, de traduire nos projets, nos convictions, nos fidélités en trois attitudes simples : celle du courage, celle de la lucidité, celle de l’efficacité commune.

Le courage

Ce n’est pas une simple invocation gratuite, pour « faire bien » dans le paysage du discours. C’est la vertu naturelle qui accompagne le cheminement de la République.

Les régimes autoritaires supposent la soumission, la flatterie ou l’intrigue. Les régimes de liberté supposent ou imposent le courage des hommes publics. Si nous étions sans courage, nous serions sans légitimité.

Nous avons devant nous une occasion exceptionnelle, saisissions-là : ce n’est pas la guerre, ce n’est pas la famine, ce n’est pas même le désordre (tous événements que notre pays a rencontrés). C’est le couple le plus célèbre de la vie politique française. C’est le couple dont l’union est fondée sur la complicité.

C’est le couple de la fiscalité et de la dépense publique.

La seconde, la dépense publique, vit aux crochets de la première et la première, la fiscalité, justifie sa croissance par les appétits de la seconde.

Nous avons la consternante lanterne rouge en Europe sur ce thème. Nous n’avons pas la prétention de les supprimer, ni l’une, ni l’autre. Mais nous avons le devoir – cela aussi s’appelle donner un sens – de réduire leur emprise, de redéfinir leur légitimité – pour quels services rendus ? Pour quels services rendus ? Pour quel combat politique ? Pour quelle efficacité ? Au prix de quelles contraintes ? – et de les soumettre à des objectifs clairs de solidarité et d’emploi.

Si je parle de courage, c’est qu’il va falloir expliquer pourquoi nous allons faire autrement sur ce point que dans les vingt dernières années ; au cours de cette période où nous avons assisté au doublement de la part des prestations sociales dans le PIB, les Français se sont davantage protégés qu’ils ne se sont enrichis. Il n’est pas inutile de rappeler que dans ces vingt dernières années, il y a exactement dix années de majorité socialiste à l’Assemblée Nationale et dix années de majorité libérale. Je ne dis en aucune manière que cela fut équivalent.

Je crois au contraire que l’action menée – j’ai des souvenirs précis de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995 – fut profondément différente dans l’un et l’autre cas. Mais comment éviter chez nos compatriotes ce jugement sommaire et injuste selon lequel nous avons, les uns et les autres, échoués ?

Comment éviter qu’ils n’aillent chercher ailleurs, dans un ailleurs de l’imprécation et de la démagogie, les solutions qu’’ils attendent ? Le seul moyen de le faire c’est de réhabiliter le débat politique, d’accepter les exigences de la contradiction publique, de refuser cette sorte d’appel au silence qui nous vient des esprits aux et des âmes effarouchées. Vous connaissez la très elle citation du philosophe français Alain Finkielkraut : « La démocratie, c’est l’organisation de la discorde ». Organisons cette discorde avec nos adversaires.

Faudrait-il éviter de dire que nous combattons à la fois la gauche et l’extrême droite ? Que nous n’avons pas l’intention – comme on nous y invite dans certains journaux bien-pensants – de nous appuyer sur la seconde, c’est-à-dire l’extrême droite, pour combattre la première ? Que nous voudrions bien savoir comment l’une et l’autre vont nous présenter la nécessaire ouverture de notre pays sur le monde et les moyens de nous y adapter ?

Voilà le débat politique que nous allons avoir.

Je n’accorde pour ma part aucune priorité à la contradiction que nous devons apporter à la gauche sur la contradiction que nous devons apporter à l’extrême droite. Je ne parle ni de peste, ni de choléra, je constate simplement que nous devrons nous battre sur les deux fronts. Cela suffira à notre bonheur.

La lucidité

La lucidité sera notre deuxième attitude. Elle devrait nous permettre de refuser quelques fausses pistes.

On pourrait appeler cela, dans le langage scolaire ou universitaire que nous avons tous pratiqué, « faire des impasses ». Nous n’avons pas à faire d’impasse, si nous sommes lucides, sur les questions d’immigration ou sur les questions de sécurité.

Je voudrais vous soumettre deux de mes étonnements :

Sous prétexte que nous sommes des libéraux, il faudrait ne pas réfléchir aux limites évidentes qu’il faut apporter à la loi du marché ?

Sous prétexte que nous combattons l’extrême droite (et tous les extrémistes) il faudrait ne pas réfléchir ou pas agir sur l’immigration clandestine ou le développement de la délinquance ?

On serait fondé, chez nos électeurs, à nous reprocher ce double mutisme, ce double aveuglement.

Ainsi, en refusant le libre développement de l’insécurité, nous serions devenus les complices actifs du Front national ?

Ne nous laissons pas enfermer dans cette imposture.

Vache folle, sang contaminé, « marché de l’adoption », ventes d’organes… tout nous montre la nécessité d’une limitation intransigeante et clairement formulée à opposer aux dérives et aux diktats d’une société marchande. Le véritable et difficile enjeu du travail qui sera mené par les commissions de Simone Veil, de Pierre Méhaignerie ou de Jean-Pierre Fourcade sera de proposer un cadre intellectuel et moral au libre exercice des règles du marché.

Ce n’est pas en revenant sur la vieille lune de l’autorisation administrative de licenciement que nous corrigerons les lois du marché, mais en soumettant ces lois à des règles de déontologies qui leur sont plus que jamais nécessaires.

Mais on peut appliquer le même raisonnement à l’insécurité : la plus banale, celle de tous les jours, les 500 000 postes d’autoradio qui sont volés chaque année en France pour lesquels plus personne ne dépose plainte et pour lesquels d’ailleurs les plaintes ne sont plus reçues.

Désordres urbains, drogue, sectes, peur de l’autre, zones de non-droit, tout nus montre la nécessité d’une politique d’autorité républicaine, à la fois préventive et répressive, fondée sur le droit des gens à la tranquillité publique.

Par définition, cette politique d’autorité républicaine ne doit pas d’arrêter aux marges de l’immigration, comme si la vertu essentielle de cette question était d’être entourée d’un épais silence.

Parmi les réponses que nous devons apporte r à nos compatriotes figure notre propre réforme. N’en faisons pas une affaire nationale, mais plutôt une obligation morale, directement issue de la campagne qui a été menée pour l’élection du Président de l’UDF.

Je me suis efforcé, pendant ces quelques semaines, de faire en sorte que chacun de ceux qui s’étaient exprimés sur ce sujet, et bien entendu également ceux qui avaient fait un autre choix que de voter pour celui qui vous parle, puissent être entendus. Je les ai entendus, reçus, écoutés.

Nous sommes tous ici conscients de l’impérieuse nécessité d’un mouvement progressif et constant de l’UDF vers son unité. C’est ma responsabilité – je la revendique – de maintenir cette exigence sans retour en arrière, sans faiblesse, sans surenchère non plus.

Je n’ai pas le reçu le mandat de vous de détruire par une sorte d’étrange acharnement les différentes identités, les cultures qui se sont conjuguées pour enrichir l’UDF, la culture radicale, la culture démocrate-chrétienne, la culture libérale, celle qui nous vient des uns et des autres.

C’est donc un équilibre dynamique qui nous permettra de rester fidèles à l’esprit du 31 mars.

Chacun dans vos formations, chacun d’entre vous, membre à part entière de l’UDF, a cette double responsabilité de rester fidèle à son engagement, celui par lequel il est venu dans la famille, et d’ouvrir en même temps cet engagement sur une famille plus large, plus ouverte et mieux rassemblée.

Efficacité commune

C’est à cette efficacité commune que je faisais allusion à l’instant et don le secrétaire général, Claude Goasguen, et José Rossi, secrétaire général délégué, ont la charge.

Si nous n’avons pas, dans les années qui viennent, la certitude de réussir- quand j’ai accepté cette fonction, je savais bien que nous aurions du mal à « fabriquer » des parlementaires de plus à l’UDF – nous avons néanmoins le devoir de tout mettre en œuvre pour améliorer notre capacité de réflexion et d’action.

Je vous propose pour terminer, dans cet esprit, de travailler sur quatre leviers, quatre orientations importantes qui seront les outils de notre développement :
    –  le fichier national
    – le travail des commissions et des secrétaires nationaux
    – la démocratisation de notre famille
    – la levée de l’hypothèque présidentielle.

Le fichier national

Claude Goasguen, à ma demande, y a beaucoup travaillé et je voudrais là apporter mon soutien le plus entier. Je me fixe l’objectif d’en faire disposer l’UDF avant la fin de l’année. D’ores et déjà, j’ai donné comme instruction au Parti républicain de fournir, au plan national comme au plan local, tout ce qui sera nécessaire pour la réalisation de ce fichier. Devant vous, je demande à chacun des présidents de chacune des composantes d’en faire autant. Nous avons besoin de ce document pour faire que notre famille soit plus unie, qu’elle puisse être convenablement informée et qu’elle puisse réagir aux événements d’aujourd’hui.

Bien sûr des garanties devront être fournies quant aux hypothèses d’utilisation et notre commission de contrôle aura là un rôle éminent à jouer. Nous avons besoin de cet outil et je ferai tout pour qu’à la fin de l’année vous puissiez en disposer.

Les commissions

Pierre Méhaignerie et Alain Lamassource ont abordé l’essentiel tout à l’heure, c’est-à-dire le projet qui doit être le nôtre. Ils ont engagé le processus et nous sommes maintenant dans la phase où chacun devra y contribuer. J’ai demandé – je l’en remercie devant vous – à Simone Veil de bien vouloir animer une commission dont le titre pourrait être « Justice et société – Droits de l’homme ». Qui, mieux qu’elle, qui est une des grandes figures de l’UDF, pourrait sur ces thèmes-là animer la réflexion des uns et des autres et proposer au pays la nécessaire réflexion sur ces mécanismes judiciaires, sur l’évolution de la société et sur la nécessaire protection des droits de l’homme ?

Jean François-Poncet a accepté d’animer la commission sur les affaires internationales.

Jean-Pierre Fourcade, dont je remercie ici le travail dans la Commission qu’il préside au Sénat, animera la commission sur les questions sociales et sur le travail.

J’attire votre attention sur deux dimensions de notre projet pour lesquelles il faudra beaucoup de volonté politique, beaucoup de détermination et sur lesquelles nous ne sommes pas au mieux de notre forme. Il s’agit pour moi de véritables priorités.

L’action à mener vis-à-vis de nos compatriotes des départements et territoires d’Outre-Mer, qui nous regardent, qui attendent beaucoup d’une famille politique. Ils se trouvent que nos partenaires dans la majorité ont fait un travail d’implantation considérable dans ces départements et territoires d’Outre-Mer. Il n’y a aucune raison que nous ne soyons pas présents – j’allais dire bien au contraire. Nous avons à dialoguer avec nos compatriotes lointains.

Jean-Paul Virapoullé a bien voulu accepter de présider un groupe de travail permanent sur ce sujet. Je le remercie. Ce groupe sera composé de parlementaires, d’élus locaux, d’experts venant à la fois de l’Outre-Mer et de métropole car beaucoup d’entre nous ont envie de réfléchir, de s’exprimer sur l’Outre-Mer français qui donne à notre pays la dimension que vous lui connaissez.

La deuxième priorité est la dimension internationale de notre famille politique. C’est un aspect que je considère comme essentiel de notre vie commune. Nous mettrons bien entendu la priorité sur l’Europe car nous voulons rester le plus européen des partis français. Mais comment ne pas voir que nous sommes aujourd’hui trop peu présents dans la vie internationale, notamment vis-à-vis des partis frères, des grandes familles politiques qui partagent les mêmes convictions que nous. Je donnerai, à travers l’action que mènera Jean François-Poncet, une dimension internationale forte, dans les mois qui viennent, à l’UDF.

La démocratisation

Ne sous-estimez pas ce que nous sommes en train de faire :
     – l’élection du président au suffrage universel, qui sera l’occasion d’un vrai débat sur les choix de la Fédération – nous serons les seuls à la faire de cette manière, aussi transparente ;
     – la suppression du troisième collège au Conseil national, c’est-à-dire les gens nommés par les composantes ;
     – l’élection du président dans les départements ;
     – le respect des droits des militants, c’est-à-dire le fait de donner à l’avance des textes, de respecter des délais avant de les faire adopter, d’écouter ce qu’ils doivent dire ;
     – l’établissement de procédures claires et contrôlées au Bureau politique et devant le Conseil national : il faudra nous habituer à voter, à nous contredire, à écouter la minorité et la majorité ; il faudra que nous devenions – depuis le vote du 31 mars, c’est en train de se faire – une grande famille politique démocratique.

Je suis heureux de tendre la main et d’associer chacun à la vie de cette fédération nouvelle. La majorité du 31 mars s’est aujourd’hui élargie et je remercie André Rossinot et nos amis du Parti radical d’apporter leur concours avec leurs idées et leurs hommes à l’œuvre de reconstruction que nous avons entreprise. Je voudrais ici remercier aussi ceux du PPDF qui ont bien voulu apporter leur concours aussi à l’approbation de cette réforme.

Pierre-André Wiltzer a travaillé sur ce sujet jours et nuits depuis deux mois. Il a enregistré les réflexions des uns et des autres. Il vous a proposé ce matin un texte qui, je crois, peut donner satisfaction à chacun à condition que nous le respections scrupuleusement. Je serai le garant de ce respect.

La démocratie à l’intérieur de l’UDF doit être d’abord un état d’esprit, fondé sur le goût du débat, le respect de l’autre et ensuite la décision partagée. Il n’y aura plus, j’en suis convaincu, désormais de formations politiques qui échapperont à ces règles.

Le choix des élections présidentielles

Nous savons ici ce que nous a coûté en 1995 notre absence de décision commune. Nous en avons été, pour beaucoup d’entre nous quel qu’ait été notre choix, blessés. Comment une formation nationale qui est animée par plusieurs centaines de parlementaires, qui est majoritaire dans les régions – douze régions française sur vingt-deux -, qui est majoritaire dans les départements, qui a plusieurs milliers d’élus locaux comment cette formation n’a pas pu, au moment décisif de la vie et de la respiration politique nationale, s’exprimer en tant que telle ?

Nous avons le devoir, avant que ne reviennent à l’ordre du jour les concurrences légitimes entre les personnes, de définir un processus nous permettant de soutenir le candidat de notre choix lors des prochaines échéances. C’est un devoir impérieux. Faisons-le.

C’est une étape très importante pour notre fédération. Comment peut-elle incarner les espoirs des Français si elle n’est pas en mesure de se prononcer elle-même en ce moment décisif que tout le monde considère comme la plus importante des étapes de la démocratie française ?

Nous allons montrer sur ce sujet longtemps avant que l’échéance ne nous surprenne, notre volonté. La tâche est difficile. J’invite ici chacune et chacun d’entre vous qui souhaite s’associer à cette réflexion avant la fin de l’année, avant le 31 décembre 1996, à nous rejoindre et à nous manifester.

Nous allons nous séparer. Nous sommes au premier jour de l’été où les esprits quittent les rivages de la vie publique. Malgré la crise, et bien naturellement, les Français vont consacrer leur attention à d’autres sujets que ceux dont notre vie politique est peuplée.

C’est notre devoir néanmoins de rester à leur écoute, mobilisés, attentifs et vigilants.

Nos convictions ne sont pas en vacances.

Nous ne mettrons pas sous la porte la clef de notre engagement.

Nous sommes entrés dans une zone de turbulences sur le front des idées.

Acceptons d’y entrer la tête haute. Nous ne sommes ni le parti de la confusion, ni celui de l’intolérance.

Avoir des idées claires ne nous empêche pas d’écouter celles des autres.

Avoir des solutions justes ne nous donne aucun droit, mais plutôt une multitude de devoirs.

Si nous avons à prendre parti, ce que je crois, prenons le parti de la confiance.

Mon sentiment, c’est que c’est certainement de cela que la France a le plus besoin.