Texte intégral
I. – Plus que quiconque, les cadres de l'industrie pharmaceutique sont conscients de l'accélération de la mutation en cours de l'industrie pharmaceutique, tant au plan mondial qu'au plan national.
Les axes principaux en sont bien connus : concentration des entreprises ; internationalisation accrue des laboratoires et de leur marché ; niveau technique de plus en plus exigeant entraînant des coûts de recherches et, surtout, de développement croissants ; concurrence de plus en plus vive – par l'innovation et désormais aussi par les prix.
Appelée pour traiter toujours de nouvelles populations et de nouvelles pathologies, l'industrie pharmaceutique doit aussi tenir compte des évolutions socio-économiques, qui, dans nos pays développés, combinent un allongement de la durée de la vie, qu'on lui doit en partie, et des difficultés financières de nos systèmes d'assurance maladie.
Ces évolutions se traduisent concrètement dans notre pays : l'innovation y fleurit, le volume d'exportation est remarquable ; mais dans le même temps, des centres de recherches changent de main ; des usines sont à vendre ; les emplois – spécialement de cadres – sont dans ces cas menacés. Les pouvoirs publics sont bien conscients que l'industrie pharmaceutique, qui peut – et donc doit – être une chance pour l'économie française, est désormais un secteur exposé et qui doit se battre dans un environnement mondial.
II. – Nul décideur français ou étranger ne doit en douter : l'État est déterminé à accompagner avec vigilance l'industrie pharmaceutique dans cette phase cruciale de mutation.
Certes, l'État a des moyens assurément plus restreints qu'hier du fait notamment de la montée en puissance du niveau communautaire dans la réglementation sanitaire et technique, et de son application sous l'impulsion de l'Agence européenne de Londres. Mais il demeure des pouvoirs non négligeables au niveau national, en particulier en matière de remboursement. Le gouvernement entend tout mettre en œuvre, dans le strict respect des règles de l'Union européenne, pour que demeure sur notre sol une industrie pharmaceutique dynamique et innovante.
III. – Les difficultés du moment ne doivent pas occulter les progrès accomplis au cours de la dernière période.
L'Agence du médicament a désormais acquis une renommée internationale, reposant sur sa compétence et son indépendance. Ayant été dotée de moyens significativement accrus, elle joue un rôle déterminant dans les aspects sanitaires et scientifiques de l'industrie pharmaceutique. Le gouvernement entend d'elle qu'elle apporte une égale attention à l'émergence des innovations, à la validation des spécialités anciennes et au développement des génériques dont il lui appartient tout particulièrement de garantir la qualité.
Les progrès sont aussi considérables dans le processus de fixation des prix des médicaments remboursables. Les règles du jeu sont claires et affichées. Il revient à la commission de la transparence de formuler un avis sur l'intérêt thérapeutique d'un médicament, en vue de son éventuelle prise en charge par la collectivité. Ses travaux reposent sur une méthode explicite, notamment sur une grille d'analyse et une classification des médicaments publiées ; ses avis seront désormais publiés. L'expérience devra encore permettre d'améliorer son apport, notamment dans l'analyse médico-économique.
Quant au comité économique du médicament, il lui revient d'établir sur cette base les prix des spécialités remboursables. Conformément aux orientations que lui a fixées le gouvernement, il a pour cela nouer des relations de partenariat avec l'industrie, se traduisant par la conclusion de conventions globales et pluriannuelles. Interlocuteur unique de l'industrie pharmaceutique sur les aspects économiques, son rôle est reconnu et a été confirmé par le législateur.
La transparence a ainsi fait dans notre pays des progrès décisifs. Comparée à plusieurs pays voisins, la France apparaît aujourd'hui de ce point de vue comme exemplaire.
IV. – Pour significatifs qu'ils soient, ces progrès doivent être consolidés et amplifiés : c'est pourquoi de nombreux chantiers importants ont été ouverts et devront aboutir dans les prochaines semaines.
Le gouvernement souhaite encourager le bon usage du médicament. Il sait pouvoir compter à ce sujet sur le concours actif de l'industrie pharmaceutique, dont l'intérêt n'est plus désormais de faire du volume. L'information du corps médical sur l'arsenal thérapeutique disponible doit être complète, objective et immédiate. Les travaux de la commission de la transparence que j'évoquais doivent y contribuer, de même que l'élaboration de recommandations et de RMO, que l'ordonnance du 24 avril a confié dans ce domaine à l'Agence du médicament.
L'informatisation des cabinets médicaux ouvre aussi des possibilités nouvelles. Il importe de définir sans délai le rôle des uns et des autres, et en particulier de situer à ce propos les responsabilités du secteur public – dont les caisses d'assurance maladie sont naturellement une des composantes majeure – par rapport à celles, distinctes, des opérateurs privés.
Le gouvernement entend favoriser la mise à disposition des prescripteurs et des malades français les médicaments les plus efficaces et les plus modernes, en veillant à mobiliser au mieux la capacité financière de l'assurance maladie.
C'est une raison majeure pour le gouvernement de promouvoir le juste soin, et, sans jamais en rabattre sur l'efficacité thérapeutique, d'appeler à la prescription la plus économique.
De ce point de vue, mais aussi pour des raisons de santé publique, j'ai déjà indiqué aux membres de la commission de la transparence et au comité économique qu'il convenait de mettre en œuvre d'ici à la fin de l'année les recommandations du comité sur l'adaptation des conditionnements des médicaments.
De même, le développement des génériques constitue une priorité nationale. L'ordonnance du 24 avril a donné la base législative nécessaire, qu'un décret précisera d'ici la mi-octobre. La définition ainsi donnée apporte toutes garanties de santé publique sur la similitude au plan thérapeutique de deux médicaments génériques entre eux : elle permettra de diffuser une information évitant toute confusion, à partir de listes que doit établir l'Agence du médicament sur une base scientifique incontestable.
Au-delà, tous les acteurs doivent être attachés à favoriser ce marché ; rouages administratifs – depuis l'Agence du médicament jusqu'au comité économique du médicament qui doivent simplifier et accélérer les procédures ; caisses d'assurance maladie, organismes mutualistes et assureurs, dans leur intérêt bien compris ; industriels aussi qui se sont préparés, mais qui doivent maintenant pousser les feux en ce qui concerne la production et la commercialisation des génériques. Car le Premier ministre a fixé le cap, et nous entendons le tenir, en offrant aux acteurs, et en particulier au bénéfice des industriels mobilisés, les degrés de liberté nécessaires au jeu de la concurrence que cela suppose.
De ce point de vue, je veux souligner le rôle qui revient ici aux professionnels de santé : en premier lieu, aux médecins, bien sûr. Et je pense aussi au pharmacien, qui est la garantie de la continuité de la chaîne du médicament, et qui, dans son officine, lors de la dispensation, doit pouvoir prêter sa compétence à cette action commune. Pour atteindre rapidement l'objectif en matière de génériques, il faut donner à chacun la possibilité de jouer pleinement son rôle. Or, vous le savez, le gouvernement a engagé avec les pharmaciens d'officine une réflexion approfondie sur les dispositions à prendre pour consolider un réseau dont les mérites sont connus. J'entends qu'à cette occasion soit abordés tous les sujets qui concernent cette profession, et je proposerai en particulier à ses représentants d'examiner sans délai les conditions de l'ouverture éventuelle du droit de substitution générique par le pharmacien.
Pour revenir aux dispositions propres à encourager l'innovation, le gouvernement veillera à favoriser la collaboration entre l'industrie pharmaceutique et les institutions publiques de recherche : INSERM, CNRS, CEA notamment. En tout état de cause, les innovations doivent, selon une procédure objective et, en tant que de besoin, contradictoire, faire l'objet d'une évaluation rigoureuse : c'est la mission fondamentale de la commission de la transparence. En fonction des besoins de santé publique, et avec au besoin une attention spécifique aux maladies rares, des priorités doivent être définies, et les moyens affectés en conséquence.
Il faudra désormais faire des choix clairs de santé publique. Le vote des lois de financement de la sécurité sociale permettra aux élus de la nation de s'exprimer à ce propos en s'appuyant sur les rapports et avis du Haut Comité de la santé publique et de la Conférence nationale de la santé. Mise en œuvre pour la prochaine fois cette année, la réforme constitutionnelle de février dernier prendra à l'avenir toute sa dimension en ouvrant au nécessaire débat démocratique un nouvel espace.
Dès lors, aucun médicament n'a de droit naturel à être automatiquement ni définitivement inscrit sur la liste des médicaments remboursables dans toutes les indications qui lui ont été reconnues par l'autorisation de mise sur le marché. Cette liste doit donc faire, en concertation avec les industriels concernés, l'objet d'une actualisation permanente, en fonction des priorités thérapeutiques. La commission de la transparence et le comité économique du médicament doivent s'engager dans cette voie sans tarder : en ce domaine, la France a pris du retard par rapport à ses voisins européens qui ont, parfois depuis plusieurs années, mis en œuvre un tel processus de révision régulière.
Enfin, l'industrie pharmaceutique ne doit pas laisser passer des opportunités de développement en restreignant son horizon dans aucun pays au seul marché des médicaments remboursables. J'appelle donc au lancement d'une réflexion active sur les dispositions à prendre, dans le respect naturellement des impératifs de santé publique, pour soutenir la promotion des spécialités non remboursables. Plus aisément accessibles au grand public qui ne doit douter ni de leur qualité, ni de leur utilité – adéquate à l'usage qui en est fait –, ces spécialités peuvent, comme dans les autres pays développés, opportunément occuper une place accrue dans ce que l'on appelle usuellement la médecine familiale ou officinale.
La mise en œuvre de ces diverses orientations nécessite de la part de l'État, je ne l'oublie pas, la publication rapide de plusieurs textes réglementaires, par exemple des décrets concernant le comité économique et les conventions, et de celui qui actualisera les critères d'admission au remboursement des spécialités pharmaceutiques.
Elle suppose aussi la conclusion d'un nouvel accord-cadre avec l'industrie pharmaceutique, dont la négociation est d'ores et déjà amorcée.
À l'évidence, les prochains mois seront ainsi très laborieux, les chantiers nombreux et complexes seront, j'en suis sûr, conduits à bonne fin.
Je compte pour cela sur le concours de tous les responsables lucides, c'est-à-dire sur chacune et chacun d'entre vous.
Vous le voyez : les objectifs à atteindre sont affichés, la route clairement tracée. Dans le strict respect. bien sûr, des règles de l'Union européenne, le gouvernement, privilégiant les considérations de long terme, apportera avec ténacité à l'industrie pharmaceutique française une aide résolue mais exigeante et rigoureuse.
Pour finir, je voudrais saluer le travail que vous accomplissez chaque jour, par lequel le médicament voit le jour, est produit, distribué, et qui, par le truchement de notre système de santé et d'assurance maladie, permet de soigner nos concitoyens, autant de miracles quotidiens auxquels nous nous habituons, mais auxquels je demeure sensible, et qui fait tout l'honneur de votre métier.
Je vous remercie de votre attention.