Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de l'occasion que vous m'offrez de me retrouver parmi vous, pour inaugurer ce salon organisé cette année autour du thème : « Savoir vivre ensemble et autonomes ».
Je tiens à saluer l'heureuse initiative des organisateurs de cette vaste exposition qui est, je le rappelle, la plus importante en France et la deuxième en Europe dans le domaine de la prise en charge du handicap et de la dépendance. Elle est un carrefour de rencontres entre les personnes handicapées, les personnes âgées dépendantes, leur entourage et les professionnels, en portant à leur connaissance les actions et les réalisations innovantes en cette matière.
Le thème que vous avez choisi, et que vous présentez comme votre devise, concrétise fort bien vos préoccupations qui rejoignent l'un des axes de la politique que j'entends poursuivre et développer en matière de maintien ou de retour à domicile.
Pour toutes les personnes handicapées, la loi du 30 juin d'orientation en faveur des personnes handicapées fait de l'intégration sociale une obligation nationale, dont la mise en oeuvre doit leur assurer la plus grande autonomie possible.
Cette obligation se trouve confortée par le souhait de plus en plus affirmé des personnes handicapées elles-mêmes de pouvoir choisir leur mode de vie, de maîtriser leur vie personnelle et, par conséquent, d'avoir la possibilité de revenir ou de se maintenir à domicile.
1. La première condition concerne le règlement des problèmes liés à l'accessibilité des installations et des moyens de transport.
Vous savez tous la part qu'a prise le ministère du Travail et des Affaires sociales dans les évolutions importantes enregistrées dans ce domaine. Des textes réglementaires et des programmes importants ont été adoptés ces dernières années. Ils concernent notamment les normes d'accessibilité. Je sais que des efforts restent à faire pour qu'elles soient réellement et totalement appliquées.
Certaines associations ont appelé mon attention sur le fait que ces normes sont souvent perçues non comme un élément de qualité de vie pour tous, mais comme une contrainte, en insistant sur des effets préjudiciables de cette situation pour les personnes handicapées ou à mobilité réduite. Ces associations estiment que la situation pourrait s'aggraver si les mesures prises dans le cadre de la réforme du logement social retiennent le principe de la surface utile, au détriment de la surface corrigée, pour l'octroi des subventions et prêts de l'État.
Je comprends leurs inquiétudes dans la mesure où il est à craindre que les maîtres d'ouvrage ne privilégient les surfaces incompatibles avec la mise en oeuvre des règles d'accessibilité.
Les services de la direction de l'action sociale travaillent sur ce dossier avec le ministère de l'Équipement et du Logement afin de trouver une solution satisfaisante au problème ainsi posé.
Je sais par ailleurs que le problème de la formation obligatoire pour tous les étudiants en architecture et les ingénieurs en travaux publics de 2e année n'est pas réglé. L'absence de formation est pourtant l'une des principales causes de l'inaccessibilité, qui concerne un bâtiment neuf sur deux. Mes services continuent inlassablement à travailler sur ce dossier avec le ministère concerné. Ce n'est qu'à ce prix que nous parviendrons à rendre naturel et spontané ce concept d'accessibilité qui doit devenir un réflexe.
2. La deuxième condition nécessaire à une véritable politique de maintien à domicile concerne le développement des aides techniques
Ces aides représentent pour une personne handicapée le moyen technique et matériel de compenser son handicap. Elles permettent d'apporter une réponse à un problème humain et social, en facilitant tout à la fois une certaine autonomie et une vie sociale.
Facteur de cohésion sociale, le développement des aides techniques permet également de réduire – faut-il le souligner – le poids des dépenses de santé, en favorisant le retour et le maintien à domicile à l'issue d'une période de soins et de réadaptation.
L'enjeu économique doit aussi être souligné puisque ces aides s'inscrivent dans le cadre d'un marché élargi à l'Europe et d'une concurrence industrielle et commerciale accrue, tant en matière de recherche et d'innovation que de prix.
Le marché des appareils et les aides destinées à compenser les effets des handicaps sensoriels et moteurs est vaste. Il concerne tout à la fois les lunettes, les prothèses auditives, les prothèses externes et orthèses, les fauteuils roulants, les aides techniques (comme les cannes…), le contrôle de l'environnement – qui constitue un marché récent –, les robots.
Sur ce marché, l'industrie française présente de réels atouts, qu'il s'agisse de sa capacité d'innovation, du soutien d'une médecine et d'une recherche de haut niveau (INSERM, CNRS, CEA…), ou encore de la souplesse et de la capacité de nos PME face aux grands groupes internationaux.
Notre industrie présente cependant quelques faiblesses structurelles :
- l'absence de grands groupes moteurs ;
- l'insuffisance de fonds propres des PME ;
- un marché national très étroit puisqu'il ne représente que 4 % du marché mondial ;
- des faiblesses en termes de recherche-développement, alors que les exigences dans ce domaine deviennent de plus en plus élevées ;
- le secteur est par ailleurs soumis à une réglementation rigoureuse, qu'il s'agisse des autorisations de mise sur le marché, ou du remboursement par l'assurance maladie encadré par le tarif interministériel des prestations sanitaires.
Dans ces conditions, pour atteindre la taille critique qui leur est nécessaire, les PME françaises les plus dynamiques et les plus performantes font appel au marché financier, mais aussi à des investisseurs industriels qui sont le plus souvent des firmes multinationales européennes ou américaines.
Il est nécessaire de réfléchir très vite à cette évolution du marché et de déterminer avec les fabricants et les utilisateurs comment faire évoluer la production dans ce secteur si particulier.
Dans ce contexte, il faut être conscient du fait que l'un des problèmes majeurs posés par le développement des aides techniques reste celui de leur coût et, par conséquent, celui de la solvabilisation des personnes handicapées.
Les minima garantis par les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou l'AAH, par exemple, ne permettent pas toujours de faire face à des dépenses importantes dont le remboursement reste, dans la plupart des cas, très parcellaire, voire, pour certaines aides, inexistant.
C'est précisément ce point qu'a mis en exergue le rapport sur les aides techniques rédigé avec la collaboration de la plupart des associations représentatives et remis au ministre des Affaires sociales en février 1995. Ce rapport préconise une nouvelle méthodologie pour la délivrance des aides techniques. Il en propose une expérimentation, dont l'objectif est de fonder la prise en charge des solutions de compensation sur une procédure coordonnée d'évaluation des besoins de la personne handicapée.
Il s'agira de proposer à la personne handicapée la solution la plus adaptée à son handicap. Il s'agira aussi de centraliser et d'organiser l'action des différents financeurs dans une structure pilote travaillant en réseau pour compléter les financements partiellement assurés, et d'apporter ainsi une aide aux personnes qui ne bénéficient pas des prestations actuelles.
Un cahier des charges a été élaboré avec le groupe de travail auteur du rapport. Un appel d'offres sera lancé sur cette base pour déterminer les sites expérimentaux dont il conviendra d'arrêter le nombre en fonction des crédits dont nous disposerons. Les contraintes budgétaires limiteront sans doute nos ambitions. Quoi qu'il en soit, l'expérimentation démarrera dans le courant de l'été 1996.
3. Le troisième élément sur lequel je souhaite insister, comme facteur essentiel d'une politique de promotion résolue en faveur du maintien à domicile, touche au développement des emplois d'auxiliaires de vie.
Les services gestionnaires ne sont actuellement qu'au nombre de 250, inégalement répartis sur le territoire. À peine plus de 10 000 personnes y recourent, alors que près de 530 000 personnes handicapées ou très dépendantes vivant à domicile auraient besoin d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence.
Je puis vous assurer que cette année encore l'État poursuivra l'effort qu'il a consenti depuis 1989 pour le financement de ces emplois. Un crédit de 2,1 MF a abondé pour 1996 la dotation budgétaire pour permettre ce financement. Je demande, pour 1997, la reconduction de ces crédits.
Le développement de ces emplois est d'autant plus souhaitable qu'ils répondent tout à la fois aux impératifs d'une politique dynamique de l'emploi et présentent une utilité sociale évidente. Il faut donc mettre en oeuvre les mécanismes et les dispositifs juridiques en direction des personnes exclues du marché du travail.
Je n'aurais garde de passer sous silence la question des ressources des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes. Je sais qu'elle vous préoccupe.
À cet égard, l'allocation compensatrice constitue l'une des pierres angulaires du maintien à domicile. Originairement conçue pour des personnes handicapées, elle bénéficie aujourd'hui majoritairement aux personnes âgées et doit, de ce fait, être remodelée.
Le projet de loi relatif à la prestation autonomie, actuellement en cours d'élaboration au sein du gouvernement, devra aménager une procédure garantissant aux personnes âgées dépendantes le soutien social auquel elles sont en droit d'aspirer, tout en préservant les droits des personnes handicapées.