Texte intégral
L’intention de la présidence irlandaise est de mettre en œuvre la décision prévue à l’occasion du sommet de Florence, et par conséquent, de convoquer ce sommet, ce conseil de l’union. La date qui a été décidée est celle du 5 octobre. Sur le fond, la position de la France est très simple : il faut maintenant concentrer notre réflexion sur les questions essentielles. Il y a eu une longue période pendant laquelle, depuis le groupe Westentdorf, on a fait interminablement le tour des sujets. C’était utile. Mais maintenant, il faut entrer dans le vif du sujet et concentrer la réflexion, le travail, la discussion et la négociation sur les sujets et les questions essentiels.
D’une part, donner corps à l’identité européenne de défense et à la politique étrangère et de sécurité commune. D’autre part, accroître l’efficacité des institutions de l’Union européenne dans la perspective de l’élargissement de cette union auquel nous nous sommes engagés. En troisième lieu, développer la coopération dans le domaine des affaires intérieures et de la justice. Et en quatrième lieu, appliquer le principe de subsidiarité pour lequel la France veut, à cette occasion, que l’on passe des mots à la réalité. Enfin, permettre les coopérations renforcées dont l’union aura demain besoin. Voilà des questions centrales, il y en a d’autres. En particulier, je veux le citer parce que c’est important, nous pensons qu’il faut saisir cette occasion pour améliorer notre coopération dans la lutte contre la grande criminalité, la drogue et le terrorisme. Cela ne se fait pas que dans le cadre de cette négociation, mais cela se traite là aussi. Voilà les objectifs centraux sur lesquels nous voudrions concentrer les travaux des quinze, ce que nous allons faire.
J’ai observé avec intérêt la détermination de mes collègues, à laquelle je m’associe pleinement, à faire en sorte que les ministres des affaires étrangères assument pleinement la responsabilité qui est la leur, puisqu’ils ont la charge de cette négociation ; mais bien sûr, c’est aussi ma propre détermination et j’espère qu’elle permettra de faire avancer le « schmilblic » et qu’elle fera en sorte que le calendrier fixé soit tenu, pour aboutir aux résultats nécessaires.
Voilà ce que l’on peut dire sur ce point. En résumé, les quinze ministres des affaires étrangères ont marqué, dans ce domaine, leur détermination sur le calendrier, sur leurs propres responsabilités et sur le fond. Je crois que cette réunion de Tralee marque une étape, un progrès dans la bonne voie et je ne peux que m’en féliciter.
Q. : Monsieur le ministre, a-t-on décidé de reporter l’application des décisions du conseil du 15 juillet sur la loi Helms-Burton après les élections américaines, un de vos collègues ayant laissé entendre hier que l’union pourrait adopter sur cette affaire un profil bas ?
Herve de Charette : Non, je n’ai pas eu ce sentiment. C’est vrai que tel ou tel d’entre nous a pu faire valoir que, peut-être les États-Unis, au lendemain des élections présidentielles, auraient une disponibilité plus grande. Mais l’ensemble des participants, y compris le président Santer, ont marqué leur détermination à progresser, à aller de l’avant, de façon à marquer l’opposition européenne à ces deux législations.
Q. : Que pensez-vous des informations selon lesquelles les Irakiens seraient de nouveau dans le Nord pour aider une des fractions kurdes ?
Herve de Charette : Écoutez, je n’ai pas d’indications de cette sorte. Si j’en avais, je pourrais réagir.
Q. : Monsieur, y aurait-il un sommet franco-allemand avant le premier sommet à Dublin pour donner une impulsion aux négociations de la CIG ? Si oui, quelles seront les priorités de cette impulsion pendant le premier sommet ?
Herve de Charette : Il y aura, dans les premiers jours d’octobre, bien que les questions de calendrier ne soient toujours pas entièrement arrêtées, un séminaire franco-allemand. Aura-t-il lieu juste avant le Dublin I ou juste après, je ne peux pas encore vous le dire. Mais je voudrais vous confirmer la détermination franco-allemande à participer très activement à la négociation. La France et l’Allemagne partagent le sentiment que cette négociation doit être menée à bonne fin, qu’il faut entrer dans le vif du sujet désormais et qu’elles ont des choses à dire et sans doute un rôle important à jouer ensemble, et avec d’autres aussi. Je ne voudrais pas donner, ici, l’impression que c’est une affaire exclusivement franco-allemande. Bien entendu, la France et l’Allemagne ont l’ambition forte d’une influence commune dans cette discussion, mais aussi avec beaucoup d’autres partenaires : l’Italie, par exemple. Je vous en parle parce qu’il y a un sommet franco-italien le mois prochain. Je pourrais faire la même observation avec l’Espagne puisqu’il y a un sommet franco-espagnol. Vous ayant dit cela, je voudrais évoquer l’ensemble des autres pays. La France, dans cette affaire, ne travaille pas en solo. D’ailleurs, qu’est-ce qu’une négociation en solo ? On ne travaille pas dans son coin et nous voulons être attentifs aux préoccupations de l’ensemble des États membres. Une bonne négociation, c’est celle par laquelle on parvient aux résultats les plus proches possibles de ceux espérés. En même temps, chacun a le sentiment qu’il a lui-même obtenu satisfaction sur ces propres préoccupations. Il faut être attentif à la diversité des préoccupations des uns et des autres, quand elles sont conciliables naturellement, et elles le sont souvent plus qu’on ne croit.
Q. : Y-a-t-il des priorités pour le premier sommet ?
Herve de Charette : Non, comme je vous l’ai déjà laissé entendre, nous souhaitons avoir à Dublin II, si Dublin I il y a, en décembre, une esquisse de traité. Nous voulons, pour cela, concentrer notre réflexion sur les sujets les plus importants, à la fois prioritaires et sans doute chargés les uns et les autres de certaines difficultés. J’ai évoqué ces priorités-là. Quel sera le contenu de la discussion des chefs d’État et de gouvernement à Dublin I ? Cela dépendra d’eux. Je souhaite évidemment que leur discussion se concentre sur ces questions ; mais d’abord, le dialogue franco-allemand devra, me semble-t-il, s’inspirer de cette idée.
Q. : M. Rifkind a dit que dans l’affaire iraquienne, la position européenne était de 14 contre 1 ? Le 1 étant la France, j’aimerais un commentaire de votre part. Et, en ce qui concerne la loi Helms-Burton et la loi d’Amato, j’ai l’impression qu’il y a une unanimité de façade, et comme vous l’avez dit vous-mêmes, beaucoup espèrent qu’après l’élection américaine, les États-Unis lèveront la pédale de l’accélérateur.
Herve de Charette : La pédale de frein, vous voulez dire, la marche arrière même ! Non. Il n’y pas d’unanimité de façade. J’ai au contraire été frappé, y compris de la part de M. Rifkind, de voir qu’il y avait sur cette question autour de la table une grande unanimité. Cela étant, comme vous le savez, les élections américaines sont proches, et nous aurons assez vite la réponse à la question que vous avez posée. Il y a donc, aujourd’hui, une très remarquable unanimité des quinze ministres des affaires étrangères sur la nécessité de changer cette donne.
Vous m’avez interrogé sur les déclarations attribuées à M. Rifkind. Je les ai sous les yeux, et je crois que M. Rifkind, qui est un très bon ami et un excellent collègue, est sans doute sous la mauvaise impression de l’accueil fait au conseil de sécurité au projet de résolution britannique. Le fait est que j’ai observé, je le confirme devant vous, que les quinze États membres sont d’accord sur deux idées qui doivent guider nos pas pour l’avenir. Je ne veux pas cacher que nous n’avions pas tous la même opinion sur les initiatives américaines. On pourrait prendre les commentaires faits par les uns et les autres : il y a ceux qui étaient tout à fait « pour », ceux qui étaient assez en désaccord, et ceux qui avaient des positions partagées. Donc, cela est la réalité. Mais pour l’avenir, j’ai observé que nous avons été d’accord pour mettre en avant deux idées : d’une part, la nécessité de réaffirmer le principe intangible de l’intégrité territoriale de l’Iraq, principe auquel l’ensemble des quinze a souscrit, sans peine d’ailleurs, et puis le deuxième point qui est notre demande que la résolution 986, échange de pétrole contre nourriture, puisse être mise en œuvre le plus vite possible. Je persiste à penser que c’est un élément très important : nous avons été d’accord sur ces deux points. Pour le reste, je vous confirme qu’il y avait une variété assez grande de nuances.
Q. : Quelle est votre attitude vis-à-vis de l’envoyé spécial de M. Clinton au sujet de Cuba ? Et êtes-vous prêts à négocier la notion de mesures contre la loi si les États-Unis continuent à suspendre l’application du chapitre IV de la loi ?
Herve de Charette : Si la loi n’est pas appliquée, ce sera une bonne chose. Nous sommes prêts à recevoir l’envoyé américain. J’en ai parlé d’ailleurs avec Warren Christopher, et je lui ai dit qu’il serait le bienvenu quand il viendrait, et que nous parlerions avec lui après l’avoir écouté.
Q. : Mais les mesures contre la loi vont s’appliquer ?
Herve de Charette : Vous voyez bien ce qu’il en est, Monsieur. Ces mesures sont tout d’abord, la législation miroir française qui, lorsqu’elle sera adoptée, nous permettra de réagir en cas d’incident et, d’autre part, les dispositions européennes prises dans le cadre de l’OMC. La procédure doit être engagée et se poursuivre. Cela n’empêche pas de parler aux États-Unis, et nous sommes, bien entendu, ouverts à toute concertation que nous croyons très utile. D’une manière générale, je préfère les concertations qui ont lieu avant les décisions que celles qui ont lieu après. Mais même après, nous sommes preneurs.
Q. : Un de vos collègues a déclaré que le dossier de la PESC était un des plus avancés. Les événements de la semaine passée ont un peu conforté la thèse qu’il ne pourrait y avoir d’accord sur la politique étrangère commune s’il n’y avait pas d’identité commune. Êtes-vous d’accord ?
Herve de Charette : Comment se pose le problème au sein de la CIG ? Nous cherchons à définir quelle sera la politique européenne sur l’ensemble des sujets du monde. Nous cherchons à donner des moyens plus forts à la définition et à la mise en œuvre d’une politique étrangère de l’union. La proposition, qui est sur la table, de donner une personnalité, une responsabilité, une mise en œuvre des décisions du Conseil européen, est un élément de procédure sur des sujets sur lesquels il y aurait accord et instructions du Conseil européen, c’est-à-dire des chefs d’État et de gouvernement. C’est une procédure destinée à renforcer notre capacité à avoir une politique étrangère et de sécurité commune. C’est pour cela qu’il faudra, à supposer qu’une telle décision soit prise, que le Conseil européen, à l’avenir, soit en état de définir sur un sujet commun, une position commune, et ensuite de la faire appliquer, par ce « M. Pesc ».
Il ne faudrait pas alimenter la confusion. Il y a deux sujets totalement différents, celui qui se traite au sein de la CIG : comment on va mettre en œuvre sur un sujet donné, puis qu’un autre, une politique étrangère commune, et l’autre sujet qui est : est-on d’accord sur telle ou telle question. Par exemple, nous avons, au cours de ce week-end, manifesté notre accord contre la loi d’Amato et la loi Helms-Burton. Nous avons exprimé ensemble un point de vue commun sur le Proche-Orient, à l’unanimité. Nous avons parlé abondamment de l’ex-Yougoslavie, nous avons souligné notre accord et notre unanimité aussi. Voilà trois sujets importants de politique étrangère qui montrent que ces deux jours passés à Tralee ont manifesté pour l’essentiel, l’union des États membres, leur unité, sur les plus grandes orientations de la politique étrangère. S’il y avait aujourd’hui un « M. Pesc », je pense que les chefs d’État et de gouvernement lui donneraient la charge d’exprimer les points de vue et de mettre en œuvre nos positions sur ces sujets. Voilà la différence qu’il peut y avoir demain s’il y a la CIG.
Je répète que notre collègue, M. Rifkind, aurait, à mon avis, un peu tort. Je comprends qu’il soit de mauvaise humeur sur ce sujet après les difficultés du conseil de sécurité, mais il ne faut pas majorer un point qui reste, à mes yeux, mineur.
Q. : Les divergences manifestées sur les aspects commerciaux auront-elles, selon vous, conséquences négatives sur le dialogue transatlantique ?
Herve de Charette : Il ne faut pas prendre les choses comme cela. Au sein de la relation transatlantique, il y a, bien entendu, les questions commerciales et, par conséquent, le différend qui nous oppose au secrétariat d’État américain. Mais la relation transatlantique, c’est aussi autre chose. Il y a le volet commercial, mais il y a aussi le volet politique, qui est très important, et sur lequel les choses vont plutôt bien. Nous ne souhaitons pas donner au différend qu’il peut y avoir avec les États-Unis sur un sujet comme celui-ci, une portée plus grande que ce qu’elle n’est ; c’est une vraie question, c’est un vrai différend, nous souhaitons le régler. Nous avons rappelé notre détermination à obtenir satisfaction mais, pour autant, les relations euro-américaines restent des relations positives.
Q. : Faut-il, à un moment donné, que les instructions sur les moyens de mettre en œuvre la CIG, données à un « M. Pesc », soient tranchées à la majorité ou à l’unanimité ?
Herve de Charette : Elles relèvent des chefs d’État et de gouvernement. Cette question est ouverte, mais je crois que c’est plutôt à l’unanimité que l’on devrait fonctionner.
Q. : (inaudible)
Herve de Charette : On a imaginé diverses formules : par exemple, que tel ou tel État puisse s’abstenir ou laisser faire.
Q. : Quand sera appliquée la décision du 15 juillet sur la loi Helms-Burton et quels moyens sont envisagés pour en accélérer la mise en œuvre ? On n’a pas l’impression qu’il y a, aujourd’hui, un accord des ministres sur le calendrier ?
Herve de Charette : Je n’ai pas entendu aujourd’hui, en tous cas, le moindre désaccord. J’ai été frappé, au contraire, par l’unanimité des quinze sur la nécessité pour l’Europe de s’opposer à cette législation. Ensuite, il faut laisser les instances habituelles, la commission pour ce qui la concerne, le COREPER, délibérer de ces questions, mais aujourd’hui, je n’ai pas entendu un seul ministre dire qu’il faudrait accepter ces lois, ou qu’il ne faudrait pas agir.
Q. : La question sera-t-elle à l’ordre du jour du conseil du mois d’octobre ou du mois de novembre ?
Herve de Charette : Je ne comprends pas le sens de votre question. Nos travaux continuent. C’est à la présidence de fixer l’ordre du jour du conseil des ministres. Je suppose qu’elle l’inscrira au prochain conseil. Je ne vois pourquoi il y aurait un problème. En tous cas, je n’ai pas été saisi d’un problème de cet ordre.