Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
A. – Votre congrès est traditionnellement l'occasion de faire le point sur l'évolution de votre profession. Au début de l'entrée en vigueur des textes des ordonnances portant réforme de notre système de protection sociale, vos travaux revêtiront, sans doute, un tour particulier. Et c'est pourquoi je vous remercie de m'avoir convié à y participer.
La profession de pharmacien s'inscrit dans une lignée qui remonte à l'Antiquité, et dont la tradition s'est perpétuée pour répondre à un besoin et en se fondant sur des valeurs précieuses : préserver la santé des hommes et soulager leur souffrance ; et pour cela s'appuyer sur une connaissance scientifique dont le développement s'est continûment accéléré, et ce de façon extraordinaire au cours des dernières décennies.
Avec de telles valeurs, dans un contexte d'innovation rapide, d'accroissement de la demande de la société sur les biens et services de santé, et de maîtrise des dépenses de la collectivité, comment doit-on préparer l'avenir ? C'est la question à laquelle vos travaux, durant ces trois jours au programme très dense, nous aideront à répondre. Permettez-moi dès maintenant de vous livrer l'état de nos réflexions au début de ce congrès, et d'avancer quelques propositions sur lesquelles vos réactions nous seront précieuses.
B. – J'aborderai successivement trois thèmes : l'équilibre économique et géographique du réseau des officines, l'action du pharmacien en matière de santé, enfin le rôle du pharmacien dans le développement de nouveaux services de proximité.
1. Tout d'abord, je voudrais souligner combien votre présence partout en France, votre disponibilité, la qualité de la relation que vous entretenez avec les malades et avec vos clients, contribuent à la vitalité de notre système de santé à la française. Le réseau des officines de pharmacie dont bénéficie notre pays, par votre engagement quotidien auprès de nos concitoyens et celui de plus de cent mille hommes et femmes qui y travaillent chaque jour, me semble un atout majeur pour répondre à leurs besoins présents et à venir.
Je sais aussi les interrogations, et même parfois les inquiétudes, que plusieurs d'entre vous m'ont fait partager, quant à la préservation de l'équilibre de ce réseau.
L'adaptation des conditions économiques d'exercice de votre profession est ressentie à plus d'un titre comme une nécessité urgente. La diminution progressive du taux de marge moyen, dès lors qu'elle ne serait plus compensée par la croissance des volumes, est un effet du système de la MDL, la marge dégressive lissée, dont les tranches n'ont pas été révisées depuis sa création, ce qui constitue pour vous un sujet de préoccupation dont nous avons conscience. Les conditions économiques générales que vous connaissez nous incitent naturellement à la prudence sur un tel sujet. Mais aussi la prudence doit compléter judicieusement le courage. Car s'il est vrai que la valeur de la marge moyenne a dans le même temps progressé toujours plus vite que l'inflation, certaines catégories des dépenses ont fait de même, et surtout cette appréciation moyenne cache une diversité, et parfois des situations critiques dont nous devons tenir compte.
En particulier, c'est parfois le cas de certaines officines rurales qui contribuent pourtant, de façon déterminante, à l'aménagement du territoire, c'est-à-dire à la garantie en tout point de notre pays, d'un service de dispensation de médicament à la fois rapide et de qualité. Mais certaines officines urbaines, et tout spécialement dans certains quartiers plus défavorisés, sont aussi confrontées à des situations difficiles, parfois même très difficiles, notamment sur le plan de la sécurité. Comme vous le savez, nous avons engagé, avec Éric Raoult, une réflexion particulière sur ces sujets, qui vise à recenser les problèmes puis à mettre en place les solutions adaptées à ces situations particulières, pour compléter les dispositifs notamment économiques, tels que des avantages fiscaux, mis en place dans certains de ces quartiers. Nous souhaitons progresser rapidement sur ce plan, avec vous, et je salue à cette occasion, les premiers travaux d'analyse entrepris par votre ordre national, sous l'impulsion personnelle de son président, Jean Parrot. Il en va tant du maintien que du développement du service de santé publique que vous rendez dans ces quartiers, dont on sait les besoins aigus et croissants.
Ces cas particuliers me conduisent naturellement à la question de l'équilibre géographique du réseau d'officines, et donc à l'examen du cadre juridique qui régit le système des implantations, créations ou transferts. En tant qu'élu de base – je suis conseiller général d'un canton de Savoie, mon département d'origine – j'ai pu constater l'ampleur des tracas administratifs et judiciaires que notre système suscite, avec parfois des conséquences personnelles graves. La loi sur le développement du territoire adoptée l'an dernier a esquissé une voie, qui n'est peut-être pas exclusive et qui, de toutes façons, est loin d'épuiser la question. Je suis donc très ouvert à poursuivre l'examen de cette question, non pas dans le but de remettre en cause le principe d'un encadrement démo-géographique, mais dans un souci de clarification et de simplification, et de couverture optimale des besoins de tous.
En résumé, il m'apparaît que la vitalité du réseau des officines est un atout précieux pour la France, nous devons y prêter une attention particulière, afin de préserver son équilibre économique et géographique, car il est au service de la santé publique.
2. Ceci me conduit au deuxième thème que je souhaitais aborder avec vous ce matin : celui de la mission du pharmacien en tant qu'acteur de santé. Compétent, proche du malade, disponible pour le servir et le conseiller, l'orienter, le pharmacien d'officine est au coeur de notre système de santé. Si le médecin découvre le mal, c'est le pharmacien qui délivre le remède. Et son rôle devient de plus en plus crucial à mesure que se développent, d'une part, la valeur accordée à la santé par chacun et chacune d'entre nous, et donc le potentiel du médicament-conseil ; d'autre part, les affections de longue durée et les traitements plus innovants ou plus techniques qui nécessitent une attention plus vive au risque dit iatrogène, et un accompagnement plus poussé du malade pour faciliter l'observance des prescriptions.
À cette occasion, je voudrais saluer l'effort de nombre d'entre vous dans le domaine de la lutte contre la toxicomanie et la mise en place des traitements de substitution. Car vous remplissez dans ce domaine une mission délicate et indispensable, avec une compétence reconnue et un succès justifié au bénéfice de la santé publique. Je souhaite vous renouveler mes encouragements et surtout vous remerciez de votre engagement.
Une telle activité est importante, elle illustre nettement le rôle du pharmacien dans la chaîne de santé, mais ce n'est, bien sûr, que la partie émergée de l'iceberg.
La dispensation du médicament est votre activité permanente et vous l'exercez avec une vigilance qui doit être sans faille ; et il nous faudra, à cet égard, considérer soigneusement le cas particulier mais très important des médicaments génériques.
Le suivi des prescriptions vous revient : il est d'une importance cruciale puisqu'il contribue à l'efficacité de traitement, mais aussi à l'exercice de la pharmacovigilance.
Le développement de nouveaux outils, mettant en oeuvre les technologies de l'informatique, les cartes à puce, et les télécommunications, offre sur ce plan de nouvelles perspectives que nous devons explorer à fond, car leur potentiel est considérable. Aussi, voudrais-je saluer à la fois l'engagement de votre profession dans ces technologies indispensables à une gestion moderne de notre système de soins ; et remercier votre fédération et son président pour l'attention que vous prêtez à l'évolution constante de ces systèmes d'information, et en particulier au développement des télétransmissions dont l'usage dépasse largement la seule question du remboursement pour offrir des applications très utiles sur le plan de la santé publique.
3. Enfin, je voudrais en appeler à votre professionnalisme, à votre connaissance des besoins de santé les plus réels et les plus divers de nos concitoyens, et à votre imagination pour que nous tentions d'y répondre ensemble. Car ces besoins évoluent. Les habitudes de vie se modifient, la population vieillit, la société se transforme. Parallèlement, notre système de soins doit s'adapter, ce qu'illustre le développement de l'hospitalisation de jour qui se poursuit à domicile. L'ouverture du portage des médicaments à domicile est une première réponse. Le succès de l'opération Cyclamed, sur laquelle vous reviendrez tout à l'heure, en présence de Corinne Lepage et de Bernard Mesure, est un encouragement.
Mais j'ai la conviction que vous savez faire plus et mieux pour répondre à une demande de conseil, et de services, qui est pressante de la part de nos concitoyens, mais qu'il nous reste à structurer. Il me semble qu'il y a là un potentiel considérable de développement de votre activité dans le respect des valeurs de votre profession que j'évoquais tout à l'heure.
Sachez que sur ce sujet-là comme sur les précédents, vous me trouverez, avec Jacques Barrot, à vos côtés pour examiner toutes les évolutions souhaitables, car il en va de la qualité de notre système de soins et donc de notre santé à tous.
C. – Voici donc trois champs qu'il nous faut explorer et cultiver pour mieux accompagner votre évolution, celle de la pharmacie d'officine :
– d'une part, l'équilibre du réseau, aux plans économique et géographique ;
– d'autre part, le rôle du pharmacien en tant qu'acteur de santé ;
– enfin, le pharmacien est aussi un entrepreneur, qui doit pouvoir développer de nouveaux services de proximité en réponse aux besoins croissants dans le domaine de la santé.
Nous avons examiné ensemble ces questions avec vos représentants nationaux, syndicaux et professionnels, et, monsieur le président Capdeville vous donnera directement son sentiment sur ces sujets. Nous sommes convenus, je crois, de l'importance qui s'attache à chacun d'eux, et de la nécessité de les traiter de façon globale. Notre objectif doit être de construire une perspective d'ensemble d'évolution de la profession de pharmacien d'officine, et d'y inscrire rapidement les décisions opérationnelles nécessaires.
Pour cela, avec Jacques Barrot, nous avons proposé à vos représentants d'ouvrir les discussions sans délai, et de fixer rapidement une méthode et un calendrier. L'été devrait permettre de conduire les réflexions et les analyses de fond nécessaires dans chacun des champs que j'ai évoqués, en sorte que nous puissions élaborer des mesures au cours de l'automne et prendre les premières décisions avant la fin de l'année. Ce calendrier est tendu ; il suppose de votre part une forte mobilisation, d'analyse comme de proposition. Je sais que vous le souhaitez, que vous y êtes prêts ; vos travaux durant ces trois jours y contribuent déjà. Et vos représentants se sont fait l'écho de votre attente à l'égard d'une telle concertation, que nous souhaitons vaste, globale, sans tabou, et très opérationnelle.
Quant à la méthode : nous vous proposons d'ouvrir sans tarder les trois ateliers correspondant aux trois thèmes que j'ai cités et qui ont reçu l'agrément de vos représentants : le pharmacien acteur de santé, l'équilibre du réseau des officines, le pharmacien entrepreneur.
Quant à la forme : les résultats de ces travaux devront-ils être consignés dans un livre blanc ? Ou se traduire par une méthode de travail et un calendrier pour la suite des travaux ? Ce sont des options à considérer dans un esprit de concertation.
Quant au fond : il me semble que cela fait bien longtemps que les pouvoirs publics n'ont pas pris, avec les représentants syndicaux et professionnels, l'initiative d'ouvrir des discussions globales sur la pharmacie d'officine.
Je crois que le moment est venu. Nous abordons cette vaste concertation avec une forte détermination politique car nous pensons qu'elle correspond à votre souhait, et qu'elle répond à l'intérêt général. À mon tour, je souhaitais donc vous confirmer, en mon nom et en celui de Jacques Barrot, sous l'autorité du Premier ministre, l'engagement résolu du gouvernement à progresser rapidement pour offrir à l'officine les conditions de son développement.
Je vous propose donc d'ouvrir ensemble ces ateliers de l'officine, en souhaitant qu'ils se déroulent avec l'efficacité, le réalisme et aussi l'enthousiasme qui animent votre profession et dont votre congrès est le reflet.
Je vous souhaite un congrès fructueux, et vous remercie de votre attention.