Texte intégral
LE FIGARO ÉCONOMIE : La France a obtenu une pause de six mois dans les négociations de l'AMI. Doit-on considérer que le projet de libération des investissements internationaux est maintenant enterré ?
Jacques Dondoux : La France a obtenu qu'on examine plus à fond ses raisons, au nombre de quatre : l'exception culturelle pas de dumping dans le domaine social et de l'environnement : pas de loi d'extraterritorialité comme la loi américaine Helms-Burton la prise en compte de l'intégration européenne dans les négociations internationales. En réalité, nous avons été aidés par les États-Unis, qui étaient eux aussi très ennuyés par ce qui est sorti de l'AMI et dont les législations spécifiques de leurs États s'accommodaient assez mal. Nous avons demandé le temps de discuter avec nos opinions publiques, et nous avons été entendus. Nous sommes également favorables au développement de régies multilatérales, car n'oublions pas que la France est le troisième investisseur mondial à l'étranger !
LE FIGARO ÉCONOMIE : Quels ont été nos alliés dans ces négociations ? Les Européens sont-ils d'accord avec nous sur les quatre conditions que nous mettons à la signature d'un accord sur les investissements internationaux ?
Jacques Dondoux : Les Américains nous ont discrètement aidés. Les Canadiens, pour des raisons différentes, ont souhaité qu'on se donne le temps de la réflexion. Des pays nordiques comme la Norvège, très soucieux des conditions sociales et de l'environnement, ont été de notre côté.
Il faut reconnaître que les Européens étaient divisés. Les Allemands étaient très allants pour conclure l'AMI, prenant en compte avant tout la protection de leurs investissements à l'étranger. Nous leur avons dit qu'il s'agit simplement d'une pause. Ce qui ne veut pas dire qu'on signera dans six mois. Nous ne pourrons signer si nos conditions ne sont pas remplies. Enfin, sur le fond, il faut bien voir qu'on ne pourra se contenter d'une discussion entre pays développés. Il faudra que les négociations sur l'investissement soient poursuivies à l'OMC, ce qui est d'ailleurs bien dit dans le communiqué de mardi.
LE FIGARO ÉCONOMIE : Les Américains seront-ils plus enclins à revoir les lois Helms-Burton et D'Amato l'hiver prochain, une fois que les élections de novembre 1998 pour le renouvellement du Congrès seront derrière eux ?
Jacques Dondoux : Nous savons que le Congrès est très attaché à ces lois, En revanche, on peut obtenir des garanties dans leur utilisation. Nous souhaitons que l'Administration américaine nous donne des gages à cet égard, alors qu'aujourd'hui on constate que Pernod a des ennuis aux États-Unis, car il a vendu du rhum à Cuba ! Le problème se pose pour Total, qui a signé un contrat en Iran et plus encore avec Elf. À défaut d'abroger ces lois, ce qui est peut-être difficile, la solution serait que les États-Unis les « oublient » quelque peu.
LE FIGARO ÉCONOMIE : Le gouvernement français vient coup sur coup d'enrayer un processus de discussions pour libéraliser le commerce entre les États-Unis et l'Europe et de suspendre les négociations de l'AMI. S'agit-il d'une offensive systématique à l'encontre de la mondialisation ?
Jacques Dondoux : Il n’y a aucune volonté de repli sur soi de notre part. alors que la France est le quatrième exportateur mondial et enregistre des excédents commerciaux historiques. Mais de même que nous avons complété le traité de Maastricht par celui d'Amsterdam avec une dimension sociale, l'AMI ne peut être signé tel qu'il se présente aujourd'hui.
Quant au nouveau marché transatlantique entre l'Europe et les États-Unis lancé par Leon Britan, nous disons que ce n'est pas opportun. Nous ne sommes pas hostiles à une libération supplémentaire des échanges, mais cela doit se faire de façon multilatérale, à l'OMC, pas dans un cadre bilatéral