Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur les conséquences des réformes de l'appareil de défense sur la carrière des militaires et des personnels civils de l'armement et des constructions navales, Paris le 25 mars 1996.

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Circonstance : Réception des conseils de la Fonction militaire de la marine, de l'armement et du service de santé des armées, à Paris le 25 mars 1996.

Texte intégral

Mon général,
Messieurs les officiers généraux,
Monsieur le secrétaire général du Conseil supérieur de la fonction militaire,
Messieurs les secrétaires généraux des conseils de la fonction militaire,
Mesdames et Messieurs,

En vous accueillant ce soir à l'hôtel de Brienne, je voudrais dire au secrétaire et aux membres du conseil de la fonction militaire armement que je ne pourrai, malheureusement, pas honorer le rendez-vous dont nous avions convenu. Comme vous le savez, le débat sur le service national est lancé et le Parlement y joue un rôle important. La commission d'information de l'Assemblée nationale, présidée par Philippe Séguin, m'a convié à sa première séance qui aura lieu le 28 mars, mais je m'engage à venir participer aux travaux de la prochaine session du CFM armement, quelles que puissent être alors les contraintes de mon emploi du temps. Je saisis d'ailleurs cette occasion pour rappeler mon souhait de voir les militaires apporter leur expérience du service national dans le cadre de ce grand débat.

La densité de l'actualité dans le domaine de la défense viendra aussi, et je m'en félicite, renforcer l'intérêt des sessions que tiennent cette semaine à Paris les conseils de la fonction militaire de la marine, du service de santé des armées et de l'armement.

En effet, après plusieurs mois de préparation conduite au sein du comité stratégique, d'importantes décisions ont été annoncées le 22 février par le président de la République. Les réformes majeures qui concernent notre appareil de défense vont entrer dans leur phase active. Parce que ces réformes vous concernent au premier chef, j'ai convoqué le 28 février au cercle des armées, une session extraordinaire du Conseil supérieur de la fonction militaire afin d'expliquer les décisions du chef de l'État et de répondre à vos questions.

Pourtant, je me dois de souligner encore l'attention qui sera portée aux personnels militaires et à leur famille dans la mise en oeuvre du nouveau modèle d'armée.

Je l'ai dit la semaine dernière à l'Assemblée nationale lors du débat d'orientation et je le redirai demain au Sénat, le succès de cette réforme repose très largement sur l'enthousiasme et l'implication personnelle des militaires qui vont être les acteurs d'une évolution qui n'a pas de précédent.

Mais pour que les qualités humaines et professionnelles des militaires puissent s'exprimer de la meilleure façon, il faut aussi que le cadre institutionnel de l'évolution des armées soit à la hauteur de nos ambitions. Ceci relève de ma responsabilité et j'ai déjà demandé aux services compétents de ce ministère d'organiser le dispositif destiné à accompagner les adaptations que nous allons connaître. Ces mesures concernent en particulier :

- l'aide au départ volontaire de militaires en plus grand nombre que les années précédentes ;
- l'amélioration des cursus de formation internes aux armées qui viseront à préparer les personnels à l'exercice de nouvelles spécialités, voire à des transferts vers une autre armée ou vers la gendarmerie ;
- la prise en compte des conséquences des restructurations militaires.

À cet égard, je voudrais faire une remarque qui me paraît importante.

On a déjà longuement parlé des conséquences économiques que pourront avoir les restructurations militaires sur certaines régions durement touchées en termes d'emploi.

Beaucoup a été dit sur la prise en compte de priorités en matière d'aménagement du territoire.

Certes, tout ceci a son importance et les services compétents de ce ministère travaillent à la définition d'outils d'accompagnement adaptés.

Mais cela ne doit pas vous donner à penser que la condition des personnels militaires et de leur famille sera la variable d'ajustement de ces restructurations. Je place en tête de nos objectifs, et je sais que le chef de l'État et le Premier ministre partagent entièrement ce sentiment, le bien-être des militaires, l'amélioration de leurs situations individuelles et collectives, leur épanouissement professionnel. Nécessaires dans le cadre d'une armée mixte, ces conditions deviennent essentielles dans une armée professionnalisée.

Puisque les membres du conseil de la fonction militaire armement sont présents ce soir et que je ne pourrai pas leur rendre visite jeudi prochain, permettez-moi de poursuivre mon propos en abordant deux sujets qui les intéressent peut-être plus particulièrement.

Le premier porte sur l'entrée en vigueur du décret relatif à l'exercice d'activités privées par les militaires. Ce texte s'applique à plusieurs grandes catégories de militaires, mais je sais que les membres des différents corps de l'armement y sont très sensibles. Ils ont récemment exprimé leurs inquiétudes sur les conditions d'application de ce texte par la voix du président de l'Association des ingénieurs de l'armement. Ceci m'inspire deux remarques :

- le projet de décret a fait l'objet d'un examen approfondi et constructif par le Conseil supérieur de la fonction militaire lors de sa 52e session. Chaque fois que cela était possible, vos remarques ont été prises en compte et je considère qu'en cette occasion, le CSFM a apporté une nouvelle fois la preuve de son utilité ;
- désormais, nous avons à appliquer ce décret important dans un contexte marqué par le départ de nombreux militaires vers le secteur privé. Parce que le cas des personnels de l'armement posera sans doute des problèmes singuliers, j'ai désigné comme membre de la commission prévue par le décret un homme de grande expérience en la personne de l'ingénieur général Henri Martre. Je suis pour ma part convaincu que la commission saura rapidement parvenir à un équilibre souhaitable entre le nécessaire respect des dispositions du Code pénal et l'encouragement qu'il convient de donner au rayonnement des corps de l'armement en dehors même de la DGA.

Le second point que je souhaite soulever maintenant concerne précisément la délégation générale de l'armement et plus particulièrement la direction des constructions navales. Je sais que les membres du conseil de la fonction militaire marine, et aussi ceux du service de santé des armées seront également attentifs à mon propos en raison des relations qui unissent la DCN, la marine et le service de santé dont bon nombre d'hôpitaux sont établis à proximité des établissement de la DCN.

Comme les forces armées, la délégation générale pour l'armement connaîtra des évolutions importantes tout au long de l'exécution de la loi de programmation 1997-2002. Toutefois, à la différence des armées pour lesquelles l'évolution se dessine désormais en termes assez clairs avec la professionnalisation et son corollaire qui est la disparition progressive du service national sous sa forme actuelle, la transformation, pour la DGA, concernera davantage, au moins dans un premier temps, les méthodes de gestion.

En revanche, pour la DCN, nous devrons trouver rapidement, en liaison avec les partenaires sociaux, les moyens de garantir sa pérennité. Vous savez que, dès le mois de septembre, j'avais demandé au délégué général pour l'armement d'établir un bilan en forme de diagnostic de la situation de la DCN. Une fois ce travail de clarification effectué, une phase de concertation s'est ouverte avec les organisations syndicales. Elle approche elle-même de son terme.

Je crois déjà pouvoir dire qu'il s'en dégagera un quasi-consensus sur la nécessité de faire évoluer la DCN. Ceci passera, notamment, comme dans les armées, par un plus grand appel à la mobilité géographique et professionnelle de ses personnels. Si vous, personnels militaires de la DGA, en êtes déjà coutumiers, cette mobilité reste en revanche parfaitement exceptionnelle pour les personnels civils. Je compte donc beaucoup sur vous pour faire admettre à l'ensemble des personnels civils de la DCN et, le cas échéant, des autres structures industrielles et des centres d'essais de la DGA, la nécessité d'une telle mobilité.

Dans les prochaines semaines, j'effectuerai des visites dans les armées au cours desquelles j'aurai l'occasion de revenir sur les enjeux de la réforme qui est devant nous. Toutefois, dès ce soir, je voudrais vous assurer de ma confiance à la veille des évolutions historiques que nous allons connaître. Cette confiance est notamment le fruit des témoignages que j'ai reçus depuis ma prise de fonction sur la passion du service qui vous anime. La nation tout entière en a pris la mesure au travers du comportement exemplaire des contingents des trois armées et de la gendarmerie qui ont servi et sont encore présents en ex-Yougoslavie. La paix désormais rétablie vous doit beaucoup, à vous et à vos camarades tombés pour cette noble cause.

Je sais donc que je peux compter sur vous et je vous en remercie.