Texte intégral
Intervention de Jean-François Mancel, Secrétaire général du rassemblement pour la république
Mes chers Compagnons,
Je veux tout d’abord, en vous accueillant, vous remercier de vous être mobilisés nombreux pour ce Conseil national.
Cette mobilisation, je le crois, est à la hauteur de l’enjeu qui fait l’objet de notre réunion : l’avenir du service national et de notre défense.
Elle est aussi semblable à celle manifestée, partout en France, par notre mouvement depuis maintenant plusieurs mois.
Je tiens à en remercier tout particulièrement les principaux artisans, nos compagnons Jacques Boyon, Pierre Lellouche et Serge Vincon.
Grâce à eux, et au renfort de nombreux autres qui me pardonneront de ne pouvoir tous les citer, des réunions ont ainsi été organisées dans chacune de nos fédérations, réunissant, au-delà de nos adhérents, beaucoup de Français, logiquement intéressés par ce sujet déterminant pour leur avenir et celui de leurs enfants.
Dans le même temps, une consultation lancée par les jeunes RPR a recueilli un vif succès auprès de notre jeunesse. Aucune autre formation n’a pris une telle initiative. Merci à Nourdine Cherkaoui d’y avoir consacré beaucoup d’énergie.
Toutes ces actions nous ont permis de participer activement au débat souhaité par le président de la République.
Elles complètent, je crois, harmonieusement, le travail très important et très enrichissant mené parallèlement, à l’initiative de Michel Péricard et Josselin de Rohan, par nos deux groupes parlementaires, ainsi que les missions d’information du Sénart et, sous la présidence de notre compagnon Philippe Séguin, de l’Assemblée nationale.
Une fois encore, après la protection sociale, après l’Europe et comme sur l’éducation, le Rassemblement pour la République a été à la hauteur de sa responsabilité de première formation politique de France et de première formation de la majorité.
Une fois de plus, nous sommes aujourd’hui les premiers à arrêter clairement nos choix après avoir entendu et écouté les Français.
La charité voudrait à cet égard que l’on ne s’attarde pas sur la situation de l’opposition socialiste, aujourd’hui engluée dans le marécage de ses divisions et de ses incertitudes.
N’est-ce pas pourtant une des missions essentielles d’une formation politique moderne que de nourrir le débat national sur des sujets aussi graves ?
Non, vraiment, le silence du parti socialiste est d’autant plus choquant que sa responsabilité est écrasante.
C’est parce que rien n’a été fait durant les années de présidence socialiste que notre défense continue globalement d’être organisée, plus de six après la chute du Mur de Berlin, comme si rien n’avait changé.
C’est parce que les socialistes n’ont pas eu le courage d’affronter la réalité nouvelle au plus haut niveau de l’Etat que l’urgence d’une réforme se fait aujourd’hui si cruellement sentir.
Et c’est parce que les socialistes ont, comme toujours, préféré éluder les difficultés à grand renfort de prévisions irréalistes qu’il fallait, mes Chers Compagnons, une nouvelle fois, qu’un gaulliste vienne réparer leurs erreurs et leurs faiblesses.
Ainsi, on le voit à présent clairement en ce qui concerne notre force de dissuasion. Mise en péril par le choix démagogique de François Mitterrand de stopper prématurément nos essais nucléaires, elle est aujourd’hui de nouveau, grâce au courage, à la lucidité et au sens de la responsabilité de Jacques Chirac, pleinement fiable et crédible dans la durée.
De même, sur le service national, Jacques Chirac, le premier, a fait le bon diagnostic. Il l’a fait durant sa campagne présidentielle. Et il a lancé sans tarder, comme il s’y était engagé, avec d’autant plus de courage qu’il lui faut supporter le poids des années socialistes, les réformes indispensables.
Notre présence aujourd’hui dit suffisamment combien nous sommes à ses côtés pour mener à bien cette tâche, avec le gouvernement d’Alain Juppé.
Ne nous le cachons pas, c’est une réforme difficile.
Difficile, je le disais à l’instant parce que l’urgence impose d’agir sans délai.
Difficile également parce que toute réforme est naturellement source, pour ceux qu’elle concerne au premier rang, de craintes et d’interrogations.
Bien sûr, nous savons tous quel est le sens du devoir et de la discipline de nos armées. Mais comment tous nos militaires d’active, tous nos réservistes, pourraient ne pas s’interroger, après des années de pouvoir socialiste pendant lesquelles ils ont été oubliés, voire méprisés ?
Telle est justement l’une des raisons d’être de cette réforme : rattraper le retard pris pour donner enfin de nouveau à nos armées les moyens d’assurer la défense de notre territoire, de garantir la sécurité des Français, et de contribuer à affirmer la place de la France dans le monde.
Dans cette entreprise, l’un de nos meilleurs atouts, c’est bien sûr la qualité de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi le métier des armes.
Sans leur dévouement, leur efficacité, leur disponibilité, leur loyauté, leur passion de la France, rien ne serait possible.
Ils sont les dignes continuateurs d’une tradition séculaire et glorieuse. C’est notre devoir que de les aider à continuer de l’illustrer dans l’avenir.
Nous, gaullistes, savons bien en effet ce que la France doit à ceux qui portent et ont porté les armes pour elle. Les conflits du siècle qui s’achève l’ont assez montré : la liberté, l’indépendance, ont un prix et doivent faire l’objet d’une attention constante, sans que jamais ne soit baissée notre garde.
Mais cette réforme est aussi difficile parce qu’elle nécessite que l’on se garde avec précaution d’une erreur et d’une confusion.
L’erreur consiste à se tromper sur le type de défense dont nous avons aujourd’hui besoin.
Comment s’en étonner s’agissant d’un sujet aussi complexe, changeant et qui n’avait jamais fait l’objet d’un véritable débat national de l’ampleur de celui qui s’est instauré à l’initiative du président de la République ?
Merci à Jacques Chirac d’avoir suscité pour la première fois ce véritable dialogue civique. C’est non seulement une excellente idée mais un véritable progrès démocratique dans un domaine trop longtemps marqué au sceau du secret, réservé à un cénacle d’experts.
Tous ceux d’entre nous qui ont participé sur le terrain à des réunions-débats l’ont ressenti. Un effort d’information et de dialogue était nécessaire. Il devra se poursuivre.
L’armée de masse à laquelle beaucoup de nos concitoyens étaient attachés, répondait aux besoins d’un conflit territorial direct.
Regardons les choses en face : le monde a changé et les menaces auxquelles nous devons faire face ont changé avec lui. Nous avons davantage aujourd’hui besoin de spécialistes pour résoudre des crises que des foules patriotes qui ont, par le passé, sauvé la République et la France.
Je comprends bien sûr les interrogations légitimes de ceux qui ont participé à ces engagements.
Mais ils doivent comme tous les Français réfléchir au risque qui nous guette, identique à celui que soulevait, il y a plus de soixante ans, le Général de Gaulle : prenons garde à ne pas préparer la guerre précédente.
La défense dont nous avons besoin, c’est celle du XXIème siècle.
Et, dans cette perspective, nous ne pouvons nous cacher que la conscription, dans sa forme actuelle, ne répond plus aux besoins de la défense.
La conscription obligatoire et universelle, outre ses imperfections que chacun connaît, est aujourd’hui déconnectée de la réalité des menaces auxquelles nous devons faire face.
La confusion, quant à elle, consisterait à attendre de l’armée qu’elle remplisse des rôles qui ne sont pas les siens.
La défense n’est pas la famille. Elle n’est pas l’école. Elle n’a pas vocation à contribuer à l’aménagement du territoire.
Il ne lui revient pas d’assumer ces missions ou d’en pallier les insuffisances. La défense, il faut être sur ce sujet très clair, a pour objet d’assurer la sécurité et l’indépendance de notre pays et de nos concitoyens et de contribuer au maintien du rang de la France dans le monde.
C’est pourquoi, nous devrons avoir le courage de prendre dans cette seule perspective, en concertation bien sûr avec tous les élus locaux et au terme d’un délai raisonnable, les mesures qui s’imposent.
Parallèlement, il est bien sûr nécessaire que nous nous préoccupions d’assurer, par d’autres voies, la continuité de l’éducation à la citoyenneté tout comme le développement harmonieux de toutes nos régions.
Soyez certains que notre mouvement n’entend pas sur ce sujet fuir ses responsabilités et demeurer muet.
Bien au contraire, il s’agit là – et je pense tout particulièrement à l’apprentissage de la citoyenneté – de points essentiels – auxquels nous consacrerons toute notre énergie et toute notre vigilance.
Toutefois, répétons-le, ce sont là d’autres questions, distinctes du problème de l’efficacité de notre défense et dont le souci ne doit pas nous empêcher de rendre l’armée à sa véritable responsabilité.
C’est celle-ci dont il nous faut aujourd’hui assurer l’avenir et la cohérence.
Tel est l’objet de nos débats de ce soir. Ils montrent notre entière détermination à jouer tout notre rôle aux côté du Gouvernement et du président de la République.
Ensemble, avec et grâce à eux, je suis pour ma part convaincu que nous saurons mener à bien sereinement et efficacement cette tâche immense.
Nous le devons à nos anciens, afin de préserver la France libre et indépendant qu’ils ont construite de leur sang.
Nous le devons à notre Patrie, à laquelle nous sommes passionnément attachés.
Et nous le devons, mes chers Compagnons, à notre jeunesse, dont nous devons garantie l’avenir.
Intervention de monsieur Nourdine Cherkaoui, Secrétaire national à la Jeunesse
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Chers Compagnons,
L’intervention du président de la République le 22 février dernier portant sur notre politique de Défense en général et sur l’avenir du service militaire, sous la forme que nous connaissons aujourd’hui a été, pour les Jeunes du Mouvement, un temps fort de ce nouveau septennat.
En effet, dès 1993 à nos Universités de Strasbourg, et un an après à Bordeaux, les Jeunes RPR avaient ouvert des pistes sur l’évolution du Service national et sur le lien entre la jeunesse et la Nation.
Il était donc normal que nous soyons aux avant-postes, vous voyez que j’utilise une expression militaire, pour participer à la grande consultation sur l’avenir du Service national.
Après le lancement de notre questionnaire par Jean-François Mancel, Philippe Briand et moi-même pouvons aujourd’hui vous donner les grandes lignes des résultats de notre consultation.
En premier lieu, je voudrais saluer l’ensemble de nos équipes départementales. Malgré la période des vacances de Pâques et la réduction dans le temps de notre campagne, elles ont pu distribuer, près de 700.000 questionnaires et ont organisé de nombreuses réunions sur l’ensemble du territoire.
Après un mois de campagne, une première vague de 6 309 questionnaires, a pu être dépouillée.
Première idée force, ils nous indiquent qu’à une très large majorité, les jeunes sont favorables à l’option du volontariat ; 82 %, aussi bien sous une forme militaire que civile. Ce volontariat serait ouvert à l’ensemble d’une classe d’âge, cela comprend, eh bien oui Mesdames, aussi les jeunes filles pour 67,39 % des sondés.
C’est d’ailleurs ce que j’ai eu l’occasion de dire aux Membres de la Commission « Armée-Jeunesse » lors de notre audition.
A ce stade, ce sont les questions « ouvertes » qui nous indiquent l’état d’esprit, ainsi que quelques propositions des jeunes, sur la sélection en amont du Service national volontaire.
Les Jeunes sont favorables à des « 3 jours » prolongés, permettant le passage de toute une classe d’âge avec une véritable orientation et une incitation au volontariat.
Il revient aussi dans notre questionnaire et le courrier que nous avons reçu, que durant cette période, un éveil au civisme, sous forme de cours, pourrait être dispensé.
Je rappelle qu’actuellement, ce type d’enseignement se fait lors des préparations militaires par nos réservistes.
Ensuite, vient l’idée d’une « super-réserve » dans laquelle seraient versés les jeunes ayant opté pour le volontariat, les cadres de la réserve actuelle et les anciens d’active. Elle serait utile aussi bien dans un cadre civil du type « plan-Orsec » ou « Vigie-pirate », qu’en cas de guerre.
Je voudrais préciser à nos compagnons les plus anciens, que « l’esprit de défense » est très perceptible sous ces formes que sont le volontariat et la « nouvelle-réserve ».
Enfin, je voudrais aborder la deuxième « idée-force » que nous retrouvons parmi nos sondés, l’évolution du service civil.
Les formes à développer en priorité, sont dans l’ordre, la sécurité, l’éducation et l’action sociale.
L’action humanitaire, l’environnement et la coopération ne viennent respectivement qu’en 4ème, 5ème et 6ème position.
A la question sur la durée du service civil, c’est une période de 6 mois pour les volontaires, qui se dégage nettement à 47 %.
Là aussi, la, question ouverte nous éclaire sur les deux préoccupations concernant le service civil : les questions de sécurité intérieure, reviennent de façon systématique dans les départements urbains (région parisienne, Lyon et Marseille).
Vient aussi la question de la rémunération des volontaires et le problème du financement de la réforme que notre questionnaire n’abordait pourtant pas.
Pour finir, à la question portant sur le débat proposé par Jacques Chirac sur l’avenir du Service national, c’est l’enquête auprès des Jeunes qui fait recette avec 39,69 %, le référendum ne pouvant que venir confirmer cette consultation.
Cher Alain, Cher Jean-François, se pose, pour nous Gaullistes, avec le débat sur l’avenir du Service national et demain sur l’éducation, le problème du lien entre chaque citoyen et la nation française.
En effet, Service national volontaire devra rimer avec solidarité et civisme avec responsabilité. Tels seront les axes de travail lors de notre première Convention nationale à Troyes en septembre prochain.
Là encore, nous essayerons d’être toujours à l’avant-garde du Mouvement !
Intervention de Monsieur Serge Vinçon
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Madame et Messieurs les Ministres,
Chers Compagnons,
Nous arrivons au terme d’une réflexion approfondie de notre mouvement sur la défense nationale.
Cette réflexion nous la menons depuis plusieurs mois. Dès octobre 1995 un groupe de travail, placé auprès de notre secrétaire général, et que j’ai eu l’honneur de présider, a engagé une étude approfondie sur la situation de notre défense et ses perspectives d’avenir.
C’est dire que, dans ce domaine comme dans les autres, je pense notamment à l’Europe, le RPR n’est pas à la traîne et que ses membres sont loin d’être des « godillots » qui se contenteraient d’avaliser des décisions prises par d’autres.
Du reste, la réflexion menée par notre mouvement sur de nombreux sujets, approfondie, engagée, déterminée, tranche avec la sorte de paralysie qui affecte le parti socialiste.
Le groupe de travail du Rassemblement sur la défense a élaboré un document qui a été transmis pour débat à nos fédérations. Il traite de la situation géostratégique, de l’avenir des industries d’armement, de la défense de l’Europe, du service national. C’est sur ce dernier point que je concentrerai nos propos.
Nous sommes à la veille d’une grande réforme du Service national. Elle était nécessaire. Permettez-moi, en quelques mots de rappeler pourquoi. Nous évoquerons ensuite nos propositions.
1. – Parlons donc tout d’abord de l’origine de la réforme.
Depuis plusieurs années, vous le savez, notre système de défense, en particulier dans la perspective des opérations extérieures, suscitait des interrogations.
En effet, des événements récents, en particulier la guerre du Golfe et le conflit yougoslave, nous ont forcé à tirer quelques enseignements. Quels sont-ils ?
Premier enseignement : la France est l’un des pays occidentaux qui consent le plus important effort pour la défense. Or, paradoxalement, nos capacités réelles de projection de forces en effectifs sont singulièrement réduites par comparaison à celle de certains de nos partenaires, par exemple, le Royaume-Uni.
Deuxième enseignement : une fois « projetées », des forces comprenant des appelés, même volontaires, peuvent se révéler, pour des raisons politiques, plus difficiles à engager que des unités purement professionnelles.
Troisième enseignement : les conflits ne ressembleront plus à ceux du passé. Ce n’est plus une Nation en arme qu’il faut mobiliser contre une autre Nation en arme. A présent, ce qui compte pour faire la décision, c’est l’envoi rapide et en nombre significatif de troupes bien entraînées, bien armées, maîtrisant les formes du combat moderne.
De ces éléments et de bien d’autres arguments, il découle qu’il faut aujourd’hui une professionnalisation de l’armée française.
C’est ainsi que se posait et que continue de se poser le problème auquel nous sommes confrontés. La question de la Conscription n’en est qu’une résultante et qui, à mon sens, doit s’énoncer de la façon suivante :
Le maintien d’un Service national est-il compatible avec cette professionnalisation ?
La réponse est à la fois oui et non : oui s’il s’agit d’un service rénové. Non s’il s’agit du service que nous avons connu. Déjà inégalitaire, il le serait encore plus dans le cadre d’une professionnalisation accrue. Les besoins d’appelés étant réduits, les exemptions seraient massives et donc très largement injustifiables.
Si l’on veut conserver un Service national, une alternative existe donc : soit réduire la « ressource » concernée, soit élargir le champ du service. Dans le premier cas, l’on débouche sur le volontariat, dans le second on arrive à la nouvelle idée de « conscription civique ».
Voici donc l’origine de la réforme. Il ne s’agit pas de s’affronter sur les thèmes pour ou contre la conscription, pour ou contre le Service national, voire pour ou contre le Pacte Républicain pour reprendre les mauvais amalgames que certains n’ont pas manqué de faire. Il s’agissait de tirer les conséquences d’une professionnalisation jugée nécessaire compte tenu de l’évolution stratégique.
2. – Les hypothèses envisageables.
Je l’ai dit l’alternative était soi ce que l’on a appelé une « conscription civique » soit le volontariat. Ces deux hypothèses pouvant comprendre des variantes. Au total, on aboutit ainsi à quatre solutions envisageables.
1. – une conscription rénovée en profondeur mais conservant une forte composante militaire ;
2. – une conscription civile ;
3. – un service obligatoire court (3-4 mois) ;
4 – un service volontaire, civil et militaire.
I. – dans l’hypothèse 1, le service national reposerait sur trois piliers :
– un service de défense et de sécurité dans les forces armées, la gendarmerie, la police, la sécurité civile ;
– un service de solidarité et de cohésion qui apporterait un appui aux organismes d’utilité publique et aux politiques d’insertion ;
– un service de coopération et d’action humanitaire internationales dans le cadre de l’aide au développement, de la solidarité avec l’Europe de l’Est, de la francophonie et du dynamisme commercial.
Cette nouvelle configuration poserait au moins deux problèmes importants :
– comme le développement des formes civiles du Service national ne pourrait dans les hypothèses les plus favorables absorber que 100 000 personnes, il est probable que la multiplication de postes civils n’absorberait que le surplus de ressources liées à la disparition des exemptions fondées sur des critères militaires (aujourd’hui près de 100 000 personnes) ;
– la juxtaposition d’une force armée professionnelle tournée vers l’extérieur, et d’une force d’appelés importante – 250 000 – en charge de la défense du territoire, risquerait de conduire à une armée à « deux vitesses ».
II. – si la conscription civile a l’avantage apparent de mieux répondre aux attentes des jeunes, elle rencontre trois obstacles majeurs :
– d’abord son coût financier serait nettement plus élevé que celui du service militaire, étant donné l’écart des rémunérations entre les formes militaires et civiles, du service. Cela contrecarrerait ainsi l’effet positif attendu d’une réduction du budget militaire ;
– ensuite, avec la conscription civile, le problème devient matériellement difficile à gérer. Actuellement, environ 25 000 jeunes effectuent un service civil, atteindra 350 000 postes civils, présenterait des difficultés probablement insurmontables, d’autant que ce chiffre ne prend pas en compte les classes d’âge des jeunes filles ce qui porterait le total à, incorporer à près de 750 000 personnes ;
– enfin, cette hypothèse conduirait à concurrencer l’emploi. Il serait paradoxal que pour maintenir une utilité au service on fit disparaître des emplois stables.
III. – si l’hypothèse est celle d’un service cour d’intégration s’inscrit dans une perspective « citoyenne », celle du brassage des populations et de la diffusion des valeurs militaires, elle présente deux inconvénients :
– celui de la capacité de l’armée à gérer plusieurs séries d’incorporation dans l’année et du coût de cette gestion ;
– celui de la faible utilité d’une période courte de quelques semaines qui ne permet pas, qu’il s’agisse d’un service civil ou militaire, de réellement former un appelé pour le rendre opérationnel.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la mise en place d’un service national volontaire.
3. – Le choix du volontariat.
Le volontariat, dans son principe, a soulevé beaucoup de critiques et de réserves qui nous semblent injustifiées.
La revitalisation du lien Armée-Nation.
Il faut fortifier le lien Armée-Nation. En fait, loin de dissoudre le principe du volontariat approfondira cette relation privilégiée à plus d’un titre :
– la perception de l’armée et du Service national évoluera avec la suppression de l’obligation : le volontariat inaugure une nouvelle relation entre l’Etat et le citoyen qui ne s’appuie plus sur la contrainte mais sur la coopération ;
– le développement de passerelles avec d’autres institutions notamment universitaires devrait faciliter le lien Armée/société civile ;
– l’armée deviendra un lieu ouvert, immergé dans la société civile par le biais de la publicité incitative dans le cadre de campagnes d’adhésion. Grâce à sa présence accrue dans la société, les citoyens seront davantage sensibilisés à l’esprit de défense ;
– enfin, reposant sur l’engagement et le sentiment d’utilité sociale, le volontariat devient l’expression d’une adhésion à l’esprit républicain.
En tout état de cause, il faut souligner que le Service national ne peut plus constituer une vaste session de rattrapage tous azimuts. L’apprentissage de la citoyenneté constitue l’une des missions fondamentales de l’école. De ce point de vue, le passage à un service volontaire doit avoir pour corollaire le renforcement de l’éducation et de la vie civiques.
La sécurité et la défense du territoire.
Pour certains, la suppression de la conscription qui permet à tout moment la levée en masse des citoyens mettrait la nation en danger. En fait :
– la protection du territoire sera assurée. Même en cas de projection de forces françaises sur des zones de crises externes, il restera toujours un nombre significatif de soldats expérimentés et entraînés pour assurer la défense du territoire ;
– la gendarmerie dont les effectifs seront augmentés de 4.450 recrues assurera en permanence la sécurité du territoire ;
– enfin, les réserves issues des volontaires au service militaire et des engagés constitueront une force mieux entraînée. A l’heure actuelle, seule une partie des réserves est véritablement opérationnelle en terme d’entraînement et de maîtrise de l’outil technique. En toute hypothèse, il est prévu de garantir une ressource de 100.000 réservistes « opérationnels ».
De plus, le choix du volontariat n’implique pas l’abolition de la conscription. La simple suspension de l’appel systématique sous les drapeaux, permettrait de parer à une éventuelle invasion du territoire national par une rapide montée en puissance des effectifs. Elle présente l’avantage de garder un système de recensement dont l’utilité scolaire et sanitaire est depuis longtemps démontrée.
Les « trois jours » seraient rénovées. Ils pourraient s’accompagner d’une formation à l’esprit de défense. Cette opération pourrait également être mise au profit pour informer et orienter les jeunes sur les postes civils et militaires offerts au volontariat. En facilitant les prises de contact avec les organismes intéressés (sociaux, éducatifs, les associations…) cette période pourrait contribuer à la lutte contre la fracture sociale.
Encourager le volontariat.
Il convient tout à la fois de susciter un nombre suffisant de volontaires (30.000 pour les postes civils, 27.000 pour les postes militaires auxquels s’ajouteront des effectifs au profit d’une forme de volontariat adapté aux DOM-TOM et de récompenser justement ceux qui consacrent de leur temps et de leur énergie à la Nation.
Outre une rémunération suffisante, les incitations peuvent concerner :
– la couverture sociale intégrale des volontaires (y compris s’agissant de l’ouverture des droits à pension de retraite) ;
– l’intégration du service volontaire dans le cursus postscolaire ou universitaire des intéressés, à travers sa validation sous forme d’unité de valeur ou de stage, le droit à la gratuité des frais d’inscription ainsi qu’à travers l’accès privilégié à des bourses d’études ou de recherche ;
– l’intégration du service volontaire dans le cursus professionnel, par un accès facilité aux concours de la fonction publique (recul de l’âge maximum d’inscription à due proportion du temps de service effectué, préparation intensive et gratuité aux concours à l’occasion du service), un accès privilégié, mais non automatique, aux carrières constituant le débouché logique du service effectué (engagement dans la gendarmerie ou dans l’armée) et, enfin par l’obtention d’aides à l’installation professionnelle (bonification du prêt d’installation des artisans, augmentation de la dotation aux jeunes agriculteurs…).
Par ailleurs, l’avenir de l’armée professionnalisée et du volontariat est à bien des égards subordonnés à l’efficacité des opérations de relations publiques et de communication que devront mettre en œuvre les armées pour parvenir au recrutement des volontaires du service militaire, des engagés volontaires et des réservistes. La réussite de la professionnalisation est liée, en effet, à l’image de l’armée et des carrières militaires auprès de la jeunesse.
La valorisation du volontariat passe aussi par la redéfinition du contenu des différentes formes de service.
Il s’agit, de redéfinir le contenu des différentes formes de service qui seront proposées aux volontaires, afin de maximiser les avantages susceptibles de résulter du volontariat, pour les futurs « utilisateurs » du service volontaire et pour la société toute entière.
En effet, les incitations dont sera assorti le service volontaire induiront un coût qui, bien que modique par rapport à d’autres formules de Service national (service militaire court, service civique obligatoire), doivent inciter à une certaine rationalisation des choix et à un bilan coût-avantages vigilant de chaque forme de service.
Il importe notamment, de préciser à l’avance les missions confiées aux volontaires dans cadre de la coopération internationale et dans le cadre du service de solidarité. Compte tenu des dérives qui caractérisent certaines formes civiles du Service national actuel, il conviendrait de promouvoir un contrôle strict de l’utilité sociale de chaque poste confié à un volontaire, et d’entourer de garanties solides le respect des critères d’habilitation des associations, qui joueront un rôle crucial dans l’« emploi » des volontaires. Les coûts induits par le volontariat et la rareté qui caractérisera cette ressource précieuse ne permettront pas, en effet, d’affecter des volontaires à des associations dont les missions paraissent discutables au regard des objectifs du service de solidarité.
Voici donc nos conclusions, chers compagnons, qui sont l’aboutissement de plusieurs mois de travaux. Maintien du principe de la conscription mais suspension des appels systématiques au profit du volontariat, un volontariat encouragé et valorisé.
Il me semble qu’il s’agit là du choix du cœur, de la raison et du courage.
De la raison parce que ce système me paraît être celui qui répond véritablement aux exigences du temps présent et qui donne à la France l’armée dont elle a besoin.
Choix du cœur parce que ces propositions préservent et fortifient des principes auxquels nous sommes attachés comme, par exemple, la force du lien armée-nation.
Choix du courage, enfin, car disons-le, la réforme engagée par Jacques CHIRAC, sera longue et difficile à mener. Elle se heurtera à de fortes inerties, à d’importants obstacles. Pour qu’elle aboutisse nous devons tous la défendre et soutenir avec détermination l’action du président de la République et du Chef du Gouvernement dans un domaine aussi fondamental pour la nation.
Elle constitue une première étape dans la rénovation de notre défense. Il y en aura d’autres : le renforcement de notre industrie d’armement, mais aussi la construction d’une véritable, efficace et réaliste défense de l’Europe.
Sur ce terrain, comme sur les autres, le rassemblement sera présent. Il sera aussi uni pour avancer des propositions concrètes, constructives.
Des propositions qui sont des choix : pour l’Europe, pour l’avenir, pour la France.