Texte intégral
Discours de Mme Édith Cresson, ministre de l'Agriculture
2e Festival du film rural
Un festival est d'abord une fête. Celui qui s'achève en aura été un exemple vivant et votre présence ce soir le montre bien.
Mon rôle est de clôturer cette fête de l'image, du son et des idées qui a réuni pendant quatre journées les acteurs et les observateurs du cinéma rural. Pourtant, je voudrais que cette cérémonie soit non seulement l'occasion de décerner des prix et des mentions qui consacreront quelques œuvres parmi d'autres, mais surtout l'affirmation de l'existence d'un genre grâce à vous bien vivant : la représentation du monde rural à l'écran.
J'aime le cinéma. Je le consomme, mais aussi je le juge – comme chacun d'entre nous – en spectateur actif, selon nos critères : culturel, esthétique, intellectuel. Le spectateur est souvent frappé, déçu par une vision étroite et pour tout dire stéréotypée du monde rural à l'écran : paysan dans son champ, vareuse et casquette obligatoires, sa femme dans l’arrière-cuisine en train de plumer un poulet, une vache que l'on trait sans relâche, le geste du faucheur, le tracteur dans un sillon boueux, la veillée auprès d'une cheminée noircie garnie de deux trois bûches – jamais plus ! -– bref, l'image immobile.
Je vois plusieurs raisons à ce constat désolant. D'abord, comme le disait Henri Mendras : « une contradiction frappante existe entre les attaches paysannes que tout Français se flatte d'avoir et le manque de communication qui règne entre le milieu agricole et le reste de la société française ». Le grand public est essentiellement citadin, parce que la grande distribution l'a voulu ainsi, et le cinéma tend à reproduire les recettes qu'il imagine les plus profitables au succès et à la rentabilité d'un film. Il offre en partage à bon compte la vie des champs aux gens des villes.
Heureusement, cette facilité n'est pas inéluctable. Et je remercie ce soir les associations qui, par leur présence et leur vitalité, diffusent en milieu rural un cinéma différent, plus authentique, sur et pour le monde rural. Leur large présence dans le jury montre l'influence que chacun leur reconnaît aujourd'hui. Sans elles, le cinéma ne serait plus diffusé à l'heure actuelle dans les campagnes. Il faut rappeler que les circuits de distribution ont largement délaissé les salles dites non rentables. Aujourd'hui, le projet de création d'agences de développement du cinéma en milieu régional, confié à M. Gajos par M. Jack Lang, ne peut que nous réjouir. Je sais qu'il s'appuiera largement sur ce tissu irremplaçable mis en place par les associations locales ou régionales. Ainsi, des festivals tels qu'Aurillac, Laval, Douarnenez, pour n'en citer que quelques-uns, n'existeraient pas plus que toutes les manifestations co organisées par les agriculteurs et les producteurs de films, qui sont un vrai laboratoire du futur où naissent et naîtront les œuvres fortes qui marqueront notre époque.
Car le film rural existe. Pas seulement en France, mais dans le monde. Et cela, depuis que le cinéma existe : de « Riz amer » à « L'Arbre aux sabots », de « La ligne générale » à « Sibériade », de « Vidas secas » à « La Terre » de Youssef Chahine, de « Regain » à « Histoire d'Hadrien » en passant par « Farrebique », combien de chefs-d'œuvre a produit le cinéma, qui a pour structure le monde paysan.
Cette réalité procède d'une ambiguïté qui est celle du regard. Et l'on rejoint ici le stéréotype. Celui qui est derrière la caméra est presque toujours un homme de la ville et celui qui est devant est un paysan. Deux langages s'affrontent, deux cultures se rencontrent mais l'image appartient en définitive aux cinéastes. Cependant, depuis dix ans, les gens d'images ont bien évolué face au monde rural. Je dirais qu'ils sont plus humbles dans leur approche, conscients des difficultés rencontrées.
Mais je laisse la parole à René Allio : « tant que les films sur le monde rural français seront réalisés par des cinéastes des villes, ils ne pourront relever que d'un cinéma du document. Le jour où des fictions parleront vraiment du paysan, c'est qu'un paysan les aura vraiment inventées ».
Tout ceci montre que le débat est plus qu'engagé, il a déjà débouché sur l'action. Le Festival du film rural est une étape que nous souhaitons riche d'enseignement pour l'avenir. Mon souhait personnel est celui d'une production diverse, vivante, en résonnance avec son public : ce public, ce sont d'abord les agriculteurs et je souhaite qu'ils trouvent dans la production cinématographique un point de départ pour leur propre réflexion qui se veut active, mobilisatrice, transformatrice des situations et des structures ; je sais qu'à l'occasion, des agriculteurs et des spécialistes de l'audiovisuel travaillent de concert pour produire un film qui exprime leurs appréhensions et leurs espoirs.
Je voudrais, pour terminer, remercier tous ceux qui ont aidé ce festival en apportant une aide précieuse au service cinéma du ministère de l'Agriculture.
Je remercie d'abord le président de cet illustre lieu, M. Costa-Gavras, qui a bien voulu accueillir le festival quatre jours durant.
Je remercie aussi la Fédération nationale des foyers ruraux, dont le président, M. Joseph Trilles, nous fait l'honneur d'être présent ce soir.
Il y a ensuite des organismes dont l'appui nous fut précieux :
- l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, dont je suis heureuse de saluer le représentant,
- l'Office culturel pour la communication audiovisuelle, qui dépend du ministère de la Culture,
- la revue « Cinémaction », qui assurera la publication des actes du colloque.
Je n'aurai garde d'oublier nos trois chaînes de télévision et Radio France.
Je remercie encore ceux d'entre vous qui ont apporté une aide matérielle indispensable à la réalisation d'une telle manifestation, montrant ainsi l'intérêt que vous portez à cet effort de promotion et à son devenir :
- le ministère des Relations extérieures,
- l'Union des caisses centrales de Mutualité agricole, dont j'ai pu apprécier la discrétion sans commune mesure par rapport à l'aide apportée. J'en remercie chaleureusement le président de son conseil d'administration, M. Laur, qui a bien voulu être présent parmi nous,
- M. Jacques Bonnot, directeur général de la Caisse nationale de Crédit agricole, nous a dès l'origine apporter un soutien sans faille dont je lui sais gré.
Je remercie, bien entendu, mes collègues du gouvernement qui ont œuvré activement dans leur département ministériel pour que ce festival prenne une ampleur toute particulière :
- M. Jean-Pierre Cot,
- Mme Edwige Avice,
- M. André Henry.
Il me reste à vous annoncer ce que vous attendez avec impatience, les palmarès établi par le jury du festival :
Catégorie « portrait - analyse sociale » :
1er prix : « En cherchant Emile… » de Alain Guesnier.
2e prix : « Paysannes » de Gérard Guérin.
Catégorie « fiction » :
« L'Epreuve » d'Alain Dhouailly.
Catégorie « scientifique et technique » :
1er prix : « Blé de septembre » de Peter Krieg (RFA).
2e prix : « La mer féconde » de Geneviève Delbos, Pierre Mollo et Daniel Vaucher.
Des mentions spéciales ont été accordées par :
- le Crédit agricole à « Télé-Saugeais », réalisation collective de Vidéo Gueule de Lion,
- le ministère du Temps libre, à « Faï ta Mala » de Michel Cabirou, maison de la culture de Millau,
- le ministère délégué à la Jeunesse et aux Sports, à « Bambois », réalisé par la maison de la jeunesse et de la culture de Kaysersberg,
- le ministère de la Culture (OCCAV) à « Koumbidia », de Philippe Jamain.