Texte intégral
C’est avec beaucoup d’appréhension, voire d’angoisse que des millions de Françaises et de Français voient arriver la rentrée. Le nombre des hommes, des femmes, des jeunes en grandes difficultés va encore s’accroître. Et dans le même temps, des millions d’autres Français – et parmi eux beaucoup qui se considèrent comme faisant partie des « classes moyennes » parce qu’ils ont un emploi, un revenu, un logement, des conditions d’existence décentes – éprouvent de plus en plus le sentiment qu’ils ne cessent de payer, non pas pour assurer la solidarité avec ceux qui n’ont rien mais pour permettre aux privilégiés de la fortune et aux affairistes de la finance d’avoir toujours plus.
La situation dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui ne doit rien au hasard. Elle est le résultat du choix délibéré effectué le 26 octobre dernier par le président de la République, tournant le dos à ses promesses électorales pour engager une politique de super-austérité.
* La politique du pouvoir : « marche ou crève »
Ce sont les premiers fruits amers de ce choix que les Français récoltent en cette rentrée. Et ils ont raison d’être inquiets en constatant que, depuis le fort ensoleillé de Brégançon, le président la République et le Premier ministre – aveugles et sourds à leur angoisse et à leur mécontentement – leur annoncent rien de moins que la relance de la super-austérité qui leur fait déjà tant de mal.
Rien ne justifie l’affirmation selon laquelle « le plus difficile est passé ». D’autant que, douloureuse et aggravent les injustices, la politique de la droite au pouvoir est aussi inefficace au regard même des objectifs affichés. Ainsi, elle est menée au nom de la lutte pour résorber les déficits publics, mais elle conduit en fait à les accroître. Car toujours plus d’austérité, c’est moins de consommation, plus de chômage et, au bout du compte, davantage de déficits.
L’inquiétude, le mécontentement s’expriment. Des voix s’élèvent – d’horizons divers – pour mettre en garde ce pouvoir arrogant, insensible aux maux qu’il répand. Les dogmes de la « pensée unique » ultralibérale, sur lesquels, quoi qu’il en ait été dit lors de la campagne présidentielle, il règle son action, sont de plus en plus mis en doute.
Mais il se refuse à en tenir compte. Et c’est un double message qui vient de Brégançon. À celles et ceux qui souffrent de leur politique, Jacques Chirac et Alain Juppé disent : « Cessez donc de vous plaindre ! Nous sommes sur la bonne route. Vers la monnaie unique. Des millions d’entre vous vont dans le fossé, mais c’est la route indiquée par les marchés financiers. Alors… “Marche ou crève” ! »
Et le second message s’adresse à tous ceux qui s’inquiètent du désastre vers lequel va le pays. Il semble être, en quelque sorte, la devise de ce pouvoir : « Plus cela va mal, plus on continue. »
* Cela ne peut plus durer
Et c’est une véritable agression contre le pouvoir d’achat, l’emploi, les conditions d’existence de millions de Françaises et de Français – contre l’avenir des jeunes – qui est en cours.
Dans une telle situation, l’urgence – l’urgence absolue – pour le Parti communiste, c’est d’être à l’initiative, sur tous les plans, dans tout le pays, sous toutes les formes pour, aux côtés de ces millions d’hommes et de femmes, contribuer à ce que leur riposte soit au niveau de l’agression.
Ils doivent savoir qu’en cette rentrée si difficile pour eux, et alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à dire que « cela ne peut plus durer », ils peuvent compter sur le Parti communiste, sur les hommes et les femmes communistes qu’ils connaissent, dans leur entreprise, leur quartier, leur ville ou leur village.
Personne ne peut escompter que le Parti communiste pourrait se borner à dénoncer la politique du pouvoir en disant aux Français : « vivement 1998 »… Quelle que soit l’importance que nous attachons à cette échéance, elle ne saurait constituer l’horizon unique de notre action.
Il ne nous appartient pas, bien sûr, en tant que parti politique, de décider du mouvement social en lieu et place des salariés et de leurs organisations syndicales. Mais nous sommes décidés à prendre toutes nos responsabilités, à prendre sur le plan politique toutes les initiatives pour permettre à notre peuple de faire face à l’agression dont il est victime.
Personne ne peut évidemment dire à l’avance ce que sera la rentrée sociale, mais il suffit de regarder ce qui s’est passé pendant l’été, dans certaines entreprises ou autour des sans-papiers, ou avec les agriculteurs, et de voir les résultats des études d’opinion sur l’état d’esprit de nos concitoyens en cette rentrée pour mesurer combien le mouvement social de novembre-décembre dernier est encore bien vivant dans les têtes et dans les cœurs.
* Le Parti communiste est et sera à l’initiative
Le Parti communiste est et sera donc à l’initiative. Initiative pour refuser que la prime de rentrée scolaire soit amputée d’un tiers, comme l’a décidé le gouvernement. La pétition que nous avons lancée à ce propos a déjà recueilli plus de 100 000 signatures.
Initiative pour que le mouvement de riposte à l’agression du pouvoir de la droite soit plus fort d’être porteur de propositions réalistes et efficaces afin d’apporter des solutions immédiates aux difficultés rencontrées.
Propositions pour une véritable relance de la consommation, impliquant des mesures salariales audacieuses. Je rappelle à ce propos ma proposition d’augmenter d’au moins 1 000 francs tous les salaires inférieurs à 15 000 francs. Et je note que des observateurs de plus en plus nombreux sont conduits à penser que, pour sortir de l’impasse, c’est bien dans cette voie qu’il faut aller, et non s’obstiner à se plier au dogme de « l’abaissement du coût du travail ».
Propositions pour s’attaquer à la véritable hémorragie déclenchée par les plans dits « sociaux » qu’on annonce de partout, et pour permettre des créations d’emplois. Ainsi pensons-nous urgent de donner aux comités d’entreprise un droit suspensif des plans de licenciements permettant d’envisager d’autres solutions. Ainsi encore pensons-nous qu’il faut que les salariés, les citoyens, les élus, aient de véritables droits de regard et d’intervention dans la transparence la plus totale sur l’utilisation des fonds publics pour l’emploi, et sur l’orientation de l’argent qui doit aller prioritairement à l’emploi. Et j’ai en vue à cet égard l’orientation des sommes colossales et en augmentation, provenant des profits, des revenus, financiers des grandes entreprises et du crédit.
Propositions pour arrêter le démantèlement des services publics, les privatisations des entreprises publiques. Nous pensons, au contraire, qu’une politique moderne de développement durable économe en ressources et en contraintes humaines et attentif à l’environnement des hommes doit pouvoir s’appuyer sur des coopérations nouvelles entre les différents secteurs de l’économie, entre les différentes entreprises, avec un secteur public rénové, démocratisé et orienté vers la création d’emplois et la réponse aux besoins de la population et du pays.
Ces propositions – et bien d’autres relatives à l’école, l’université et la recherche, au logement, à la protection sociale et à la santé, etc. –, nous prendrons toutes les initiatives pour que des millions de gens puissent en débattre de façon à élaborer eux-mêmes les solutions nouvelles.
* Europe : les Français doivent débattre et pouvoir décider
Il est une question – d’une importance majeure – sur laquelle le Parti communiste sera à l’initiative en cette rentrée. C’est celle de l’Europe.
On le sait : c’est au nom des exigences de la marche à la monnaie unique que le gouvernement mène le pays au désastre social. Au bord du gouffre, les hommes de Brégançon ont choisi de sommer la France de continuer à avancer dans la même voie. On ne peut pas admettre que les choix actuels – générateurs de tant de souffrances et d’angoisse – soient présentés comme les seuls possibles. Un autre choix existe pour construire une Europe non pas en fonction des exigences des marchés financiers, mais en fonction des attentes, des espérances des peuples. Les Français doivent pouvoir connaître les différents choix possibles. Ils doivent pouvoir en débattre. Et ils doivent pouvoir décider.
Alain Juppé a annoncé qu’un « dialogue national pour l’Europe » serait organisé dans le pays pendant plusieurs mois, d’octobre à mai prochains. Les communistes seront à l’initiative pour que ce « dialogue » ne soit pas une opération « poudre aux yeux » mais un véritable débat en profondeur permettant aux citoyens de s’exprimer activement. Et je le répète : il est inconvenable que les citoyens soient partie prenante de ce débat mais privés des moyens de décider de sa conclusion. Il faut donc bien organiser en ce sens un référendum sur le passage ou non de notre pays à la monnaie unique. Nous allons prendre toutes les dispositions pour que cette exigence s’affirme avec suffisamment de force pour être entendue.
* Les communistes : protestataires, constructifs, rassembleurs
Oui, vraiment, en cette rentrée, les communistes sont à l’initiative. Tels qu’ils sont, avec leur identité d’hommes et de femmes dévoués, généreux, profondément attachés à l’épanouissement des êtres humains, porteurs de solutions contestant radicalement le « désordre établi » et les tables de la loi, de la « pensée unique ». Permettez-moi, m’adressant à eux un instant, de leur dire : « montrez-vous tels que vous êtes : du même élan, protestataires, constructifs et rassembleurs ».
Nous sommes bien décidés à prendre toutes nos responsabilités pour que les salariés, les citoyens puisse se défendre, résister, arracher à ce gouvernement ce qui peut l’être. Et nous pensons que c’est dans le même mouvement que pourront se rassembler dans leur diversité toutes celles et tous ceux qui aspirent à des changements réels, à une issue politique progressiste neuve.
Chacun le sait bien : le seul atout de la droite, c’est l’absence de perspective alternative. Et chacun sait aussi que pour donner force et consistance à une perspective progressiste, il ne suffit pas de dire : « attendez que la gauche l’emporte et gouverne demain ».
C’est dès maintenant, dans la riposte à la politique d’Alain Juppé, qu’il faut élaborer et construire avec toutes celles et tous ceux qui pensent que « ça ne peut plus durer » les solutions neuves d’une autre politique.
* Une sécurité emploi-formation pour toutes et tous
Nous voulons y contribuer. En nourrissant, par exemple, la réflexion sur ce qui permettrait d’apporter une solution durable au problème crucial de l’emploi.
Nous avons soumis à la réflexion dans la préparation de notre congrès – et nous mènerons cette réflexion en l’ouvrant largement aux avis, critiques, suggestions de toutes celles et tous ceux qui le souhaiteront – l’idée de la mise sur pied d’un système de « sécurité emploi-formation pour toutes et tous », tout comme a été mis sur pied au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le système de Sécurité sociale.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de substituer à l’actuel « marché du travail », qui prend ou rejette les salariés, comme de simples marchandises, en fonction des fluctuations de la demande et de la production, l’organisation de passages du salarié, tout au long de sa vie de travailleur, dans différentes activités : emploi, formation, participation à la recherche, à la formation des autres – notamment des jeunes.
La réponse actuelle au problème de l’emploi, c’est la précarité, la « mobilité » du salarié tantôt appelé à travailler longtemps et durement, tantôt rejeté au chômage, ou bien encore sous-employé et sous-payé. Et tout le monde s’accorde à constater l’énorme gâchis humain qui en résulte, mais aussi le coût pour la société. Il est possible de mobiliser les ressources actuellement consacrées au financement du chômage et de la précarité, et d’inciter les entreprises de production, de recherche, de services à coopérer pour l’emploi, la formation, la recherche, en partageant les coûts, de façon à rendre possible le système nouveau que nous préconisons : un type nouveau de pleine activité des êtres humains, allant de pair avec une réduction significative du temps de travail sans réduction de salaire.
* Travailler à élaborer avec notre peuple une politique alternative
Dans le même temps où nous voulons contribuer à développer le débat, citoyen sur les solutions nouvelles à inventer, et en appui sur ce débat, nous ne voulons négliger aucune possibilité permettant de susciter l’intervention unitaire des forces de gauche, de progrès, écologistes. Pour – ensemble et dans le pluralisme – opposer à la politique de Juppé une autre politique. Comme l’a montré, je crois, aux yeux de tous, notre attitude dans l’affaire des sans-papiers, nous cherchons en permanence à privilégier le rassemblement le plus large – et donc le plus efficace – possible.
Certes, nous mesurons les obstacles, les difficultés, l’ampleur des désaccords existants. Mais l’intervention de millions de personnes mobilisés dans le refus de la politique actuelle et l’aspiration à une politique différente est de nature à faire bouger les choses. En conduisant les forces politiques concernées à se mettre à l’unisson de ces exigences et de ces espoirs.
La force et la crédibilité des organisations de gauche, de progrès, écologistes face à la droite ne dépendent pas de programmes sortis bien huilés et ficelés juste à temps pour être montrés aux électeurs à la veille des scrutins.
Chacun sait bien que l’expérience en ce domaine est amère, et les Français n’ont pas toujours la mémoire si courte qu’on le dit.
C’est dans cet esprit que j’avais adressé, avant les congés, à Lionel Jospin et au Parti socialiste une « interpellation démocratique et unitaire ». Pour souligner que, à mes yeux, le débat politique ne pouvait se réduire à une « fausse alternative entre une politique qui a échoué hier et celle qui, aujourd’hui, donne les résultats catastrophiques que l’on connaît ». Et pour affirmer ma conviction qu’il faut travailler dans le pluralisme des forces de gauche, de progrès, écologistes à élaborer avec notre peuple une politique alternative à la hauteur de ses espérances.
Compte tenu de la violence dévastatrice de la politique du pouvoir, des plaies et des souffrances si nombreuses qui en résultent, cette tâche me paraît plus que jamais d’actualité. C’est bien « sur le terrain », dans les luttes et le rassemblement, avec notre peuple et à son écoute que l’ensemble des forces de changement se doivent de contribuer au développement d’une contestation active et vigoureuse de la politique du pouvoir et à la construction d’une perspective, d’un projet politique permettant de changer les choses dans ce pays.
* 29e Congrès : une initiative originale à la Fête de l’Humanité
Ce « terrain », je ne le quitterai pas en évoquant pour conclure la préparation du 29e Congrès de notre parti. Cette préparation ne saurait être synonyme de repli sur soi. Elle est, comme nous l’avions dit, marquée par deux traits essentiels : les communistes ont pleinement la parole, et elle est largement ouverte vers la société.
D’ores et déjà, la discussion engagée, dans une grande liberté de parole, témoigne, en dépit de la période de vacances, d’un véritable bouillonnement de réflexion et d’initiatives.
Nous aurons l’occasion de vous en informer plus complètement. Je me bornerai aujourd’hui à vous indiquer que nous allons organiser au cours de la Fête de l’Humanité – les 14 et 15 septembre prochains, dans le parc paysager de La Courneuve – une rencontre permanente entre les participants à la Fête, qu’ils soient adhérents ou non de notre Parti, et la commission chargée d’impulser la préparation de notre Congrès et d’assurer la transparence de la discussion. Je participerai moi-même à cette initiative.
Vous le voyez, c’est un Parti communiste déterminé, résolu, à l’initiative, qui affronte cette rentrée. Avec la volonté de prendre toutes ses responsabilités pour être utile à notre peuple face à la situation difficile qu’il connaît et pour contribuer à ouvrir enfin la perspective de changements positifs réels.