Texte intégral
RTL : mardi 17 septembre 1996
M. Cotta : Le FN entre en résistance, avez-vous dit hier : le maquis ou l’embuscade ? À qui tendez-vous des embuscades ?
B. Mégret : Rien de tout cela. Mais si le gouvernement devient totalitaire, si M. Chirac et M. Toubon, comme ils l’ont annoncé, veulent mettre en place des lois d’exception qui vont mettre en cause la liberté d’expression, qui vont rétablir le délit d’opinion dans notre pays, qui avait pourtant été supprimé il y a 100 ans, eh bien, oui, il nous faudra bien entrer dans la résistance, c’est-à-dire agir pour défendre les libertés des Français. C’est d’ailleurs d’une certaine façon ce que fait déjà Jean-Marie Le Pen.
M. Cotta : Rediriez-vous exactement ce que Jean-Marie Le Pen a dit sur l’inégalité des races ?
B. Mégret : Encore faut-il se remémorer exactement ce qu’il a dit : il a parlé d’inégalité entre les races, en réponse d’ailleurs à une question d’une journaliste, car il n’est pas obsédé par cette question, comme certains le sont dans la classe politique. Des inégalités entre les races, c’est une vérité d’évidence que chacun reconnaît. Jean-Marie Le Pen n’a jamais dit, comme on le lui a fait dire, que la race blanche serait supérieure à la race noire, ou que sais-je. Il a au contraire dit, par exemple, que, aux Jeux olympiques, les athlètes noirs couraient plus vite que les athlètes blancs.
M. Cotta : Mais on peut parler de différences sans parler d’inégalité.
B. Mégret : Oui, en effet, mais sur chaque critère de différence, il peut y avoir une hiérarchie. Mais, en effet, du fait qu’il y a une multitude de critères, on ne peut pas classer les races les unes par rapport aux autres. Donc, nous ne disons absolument pas qu’il y a une race supérieure par rapport aux autres. De ce fait, il n’y a aucune notion de racisme dans ses propos.
M. Cotta : Vous ne dites pas exactement ce que Jean-Marie Le Pen a dit dimanche soir.
B. Mégret : Si, si. Ce que je constate, c’est que la réaction que nous avons subie, qu’a subie Jean-Marie Le Pen, elle est démente, elle est folle, elle est absurde. Les obsédés de l’antiracisme deviennent complètement fous. Ce sont des frénétiques, des fanatiques. J’ai l’impression, pour en venir au totalitarisme, qu’on est en train de mettre en place une chasse aux sorcières, comme on en a connu aux États-Unis avec McCarthy. Ça, c’est dramatique pour la démocratie.
M. Cotta : Vous ne pouvez pas ignorer que, dès qu’on parle de race, il y a des souvenirs historiques qui s’attachent à ça, notamment Hitler. C’est plus qu’un torchon rouge : c’est l’histoire du XXe siècle que vous remettez en cause.
B. Mégret : Mais il serait peut-être temps de se tourner vers l’avenir. Les Français, ce qui les préoccupe, ce n’est pas la montée du nazisme qui n’existe que dans la tête d’un certain nombre de dirigeants complètement malades…
M. Cotta : Vous comprenez qu’on puisse en avoir peur ?
B. Mégret : Mais on peut avoir peur de la montée du chômage, de la montée de l’insécurité, de la montée de l’immigration, de la montée de la précarité. Ça, ce sont des choses dont on peut avoir peur. Je trouve qu’il y a quelque chose d’absurde à voir la classe politique se mobiliser pour une petite phrase qui ne procède même pas du racisme, puisque M. Toubon l’a reconnu lui-même en déclarant qu’il n’y avait pas matière à poursuite. Voir la classe politicienne se mobiliser pour cette petite phrase pendant qu’on assassine nos enfants dans les rues, c’est un peu comme à Byzance où on parlait du sexe des anges pendant que les barbares montaient à l’assaut de nos murailles. C’est la décadence totale !
M. Cotta : Les mots et les symboles ont une importance.
B. Mégret : Bien sûr qu’ils ont une importance, et alors ?
M. Cotta : On peut se mobiliser contre les mots.
B. Mégret : On peut se mobiliser contre les mots et des phrases, mais pas contre des sous-entendus ou des connotations que l’on attribue arbitrairement à un homme politique.
M. Cotta : On a l’impression que toute espèce de polémique vous profite, puisqu’en pleine polémique sur le FN, vous gagnez des voix à Toulon. Le nombre de vos voix augmente-t-il grâce à la provocation ou malgré la provocation ?
B. Mégret : Je pense que la montée du FN est indéniable – il faut que les Français sachent que le FN est dans les sondages aussi haut que l’UDF, à peine à 4 points du RPR qui est le parti du gouvernement. Pourquoi est-ce que nous progressons dans l’opinion publique ? Parce que nous répondons aux aspirations des Français. Si nous subissons des attaques, c’est à cause de cette montée en puissance car, en réalité, la classe politique se contrefiche des propos de Jean-Marie Le Pen, elle se contrefiche – je suis désolé de la dire – du meurtre qui a eu lieu à Marseille, puisqu’elle n’a pris aucune mesure nouvelle pour lutter contre l’insécurité et pour accroître la répression contre le crime et les délits. En réalité, ce qui l’inquiète beaucoup, c’est que le FN puisse lui prendre ses petites places bien appréciées et ses prébendes.
M. Cotta : On a l’impression que, pour vous, le gouvernement n’en fait jamais assez pour lutter contre l’immigration clandestine. Pourtant, Jean-Louis Debré a réexpédié dans leurs pays d’origine, par charters, des dizaines de clandestins. Que feriez-vous que Jean-Louis Debré ne fait pas ?
B. Mégret : Nous renverrions les clandestins non par dizaines, mais par milliers, parce qu’il y a sans doute entre 500 000 et 1 million d’immigrés clandestins dans notre pays.
M. Cotta : Comment empêcher que les pays nantis, dont la France, bénéficient de l’afflux de gens moins nantis ? Comment régler le problème des flux migratoires ?
B. Mégret : En instaurant la préférence nationale, c’est-à-dire la priorité pour les Français, de façon à ce qu’il ne soit pas possible de venir chez nous gagner dix fois plus sans travailler, qu’on ne le fait en travaillant dans ces pays-là, c’est-à-dire en coupant les pompes aspirantes. Ce n’est qu’à ce prix qu’on peut arrêter les flux migratoires. Il faudra ensuite organiser le retour des immigrés, notamment l’expulsion des clandestins, en rétablissant l’expulsion administrative, faute de quoi, on se retrouvera toujours dans la situation d’impuissance où se trouve actuellement le gouvernement et dont on a vu, à l’occasion de l’affaire Saint-Bernard, que lorsqu’il y a 300 clandestins qui défient ouvertement le pouvoir, il y en a moins de 10 qui sont effectivement expulsés. C’est le degré zéro de l’efficacité.
M. Cotta : Les solutions que vous proposez sont-elles à la mesure des problèmes posés par l’immigration vers les pays européens ?
B. Mégret : Je pense que le programme du FN est de nature à résoudre les problèmes. D’ailleurs, s’il n’était pas de nature à résoudre les problèmes, je pense qu’on ne susciterait pas de telles polémiques. La difficulté, c’est que la classe politique ne veut pas résoudre ces problèmes. Sinon, il y a longtemps que nos propositions auraient été adoptées et que le problème de l’immigration serait résolu, comme bien d’autres problèmes d’ailleurs.