Interview de Mme Françoise de Panafieu, députée RPR, et de MM. François Léotard, président de l'UDF, François Bayrou, président de Force démocrate, Jacques Toubon, secrétaire général du RPR, Patrick Devidjan, député RPR, Hervé de Charette, président du PPDF, Charles Millon, président de la région Rhône-Alpes, et Jean-Claude Martinez, membre du bureau politique du FN, à France 2 le 25 mai 1998, sur la recomposition de la droite et sur la création de l'Alliance.

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Média : Emission Mots croisés - France 2 - Télévision

Texte intégral

…On parle donc ce soir de la droite dans tous ses états avec François Léotard, le président de l’UDF avec François Bayrou, président de Force démocrate et du groupe UDF à l’Assemblée.
Avec Françoise de Panafieu, députée RPR ; avec Jacques Toubon qui était secrétaire général du RPR, conseiller de Jacques Chirac et qui, depuis un mois, est qualifié de putschiste à l’égard de la mairie de Paris, ou de Jean Tibéri. Autre RPR, Patrick Devedjian, il y a aussi Hervé de Charette, Charles Millon qui est avec nous, président de la région Rhône-Alpes en liaison de Lyon, qui interviendra donc dans cette émission. Jean-Claude Martinez du Front national ; des élus rénovateurs, Pierre Christophe Baguet, UDF, à côté de lui, élue régionale Évelyne Guilhem et puis de jeunes militants RPR et UDF autour de Nathalie Saint-Cricq, il y a aussi Franz-Olivier Giesbert, le directeur du « Figaro », le journal où s’expriment et où s’affrontent toutes les tendances de la droite et celle du Front national avec Jean-Claude Martinez. Merci à tous ceux qui ont accepté ce soir ce dialogue et de répondre aux questions que se posent les Français devant la droite. Les interrogations à droite, sa décomposition et sa recomposition.

Alain Duhamel : Alors vous aurez peut-être remarqué que le plateau est légèrement différent de ce qui était annoncé, il est encore mieux bien entendu. La raison est extrêmement simple, c’est que certains dirigeants politiques ont considéré qu’il n’était pas de leur intérêt de s’exprimer. C’est donc la raison, la seule raison pour laquelle il y a ce soir, ni Alain Madelin ni donc ses amis. Alors ceci posé, je vais demander d’abord à François Léotard, en un mot, de dire, de nous définir comment il regarde la droite parlementaire aujourd’hui ? Dans quel état ?

François Léotard : Je crois que la question n’est pas de savoir s’il y a crise, il y a crise. La question est de savoir quel est le bon chemin pour en sortir. Et je ne pense pas qu’on puisse parler de crise au Parlement, l’opposition parlementaire elle est pugnace, elle est réunie, elle est en bon état, il y a une profonde insatisfaction sur le terrain de nos électeurs. Et à mon sens, cette insatisfaction a plusieurs causes au moins : la non-compréhension de la dissolution, une lecture très négative des élections régionales, un refus assez fort des appareils qualifiés de parisiens et, probablement, là comme ailleurs, dans d’autres pays démocratiques, une crise assez générale de la représentation. Et je crois que c’est chacune de ces causes que ce soir nous pouvons regarder avec attention.

Alain Duhamel : François Bayrou même question ?

François Bayrou : D’abord, je crois que le sujet que nous traitons, c’est un sujet très important, non pas seulement pour nous, mais pour la France, son équilibre et son avenir,c’est très malsain de se trouver dans un pays où il y a un déséquilibre profond entre la majorité qui gouverne et l’opposition ressentie par tous comme étant en crise. Et cette crise, pour moi, elle est aujourd’hui au point où elle va entrer dans la reconstruction. Et il est très important de savoir sur quelle valeur et avec quelle ligne, elle va rentrer dans la reconstruction ? Je dis simplement la ligne c’est notre unité, mais l’unité ne suffit pas. C’est une condition nécessaire qui n’est pas suffisante. Ce que nous devons faire, c’est bien entendu assumer une rénovation profonde des comportements politiques et des idées. Être complètement différent de ce que nous avons été, peut-être ce soir en aurons-nous un exemple, je ne sais pas.

Alain Duhamel : Alors on ne peut pas demander la même chose à tout le monde, mais en termes d’équilibre politique, Françoise de Panafieu ?

Françoise de Panafieu : Je ferais un peu la même analyse de ce qui a été fait, je crois que c’est vrai, que la droite connaît – j’aimerais pouvoir dire ce soir « a connu », mais c’est trop tôt – une crise importante, sur laquelle je ne jetterai pas un œil forcément pessimiste, je crois qu’il y a des moments cycliques dans la vie d’un parti politique, ou dans la vie d’une démocratie. Et je pense que même si ce n’est pas drôle à vivre, finalement si la crise est bien gérée, de cette crise peut sortir quelque chose d’extrêmement positif. Alors on a affaire, aujourd’hui, à un électorat qui a beaucoup donné et plus on donne et plus on aime ; donc il nous a beaucoup aimé. Et puis il a beaucoup cru en nous et, finalement, plus on croit et plus on est déçu, alors on l’a beaucoup déçu. Et aujourd’hui, je crois que le temps est venu de retrouver cet électorat et de lui dire qu’on est capable de reconstruire quelque chose sur d’autres bases que celles d’hier, et avec lui.

Alain Duhamel : Un mot de Jacques Toubon de façon aussi directe, aussi concise.

Jacques Toubon : Oui, Alain Duhamel, je ne vais pas en rajouter dans l’analyse. Nous pouvons tous faire à peu près la même, ni dans la définition, de la crise, moi je dirais simplement que ce que je souhaite, c’est que la reconstruction de l’opposition nationale et la modernisation de la vie publique, c’est-à-dire l’adaptation de nos institutions démocratiques à l’évolution de la société, aillent de pair. Et je dirais même, ce souhait n’est pas seulement un souhait, c’est une indication méthode, je pense que l’opposition se reconstruira si d’abord elle participe très fortement à la modernisation de la vie publique.

Arlette Chabot : Alors je vous propose, on a parlé tout à l’heure des électeurs, des militants, je vous propose justement d’écouter ce que disent les militants du RPR, Jean-Louis Normandin et Daniel Volfromm sont allés les rencontrer, il y a un an, juste après les législatives. Ils les ont retrouvés la semaine dernière et donc on peut dire, vous allez les entendre, ils sont toujours entre blues et déprime.

Philippe Séguin : Nous reviendrons, nous reviendrons si nous savons nous rénover. Alors merci d’avance, d’aider tous ceux qui veulent y contribuer.

Témoignage
Philippe Séguin, est un vrai politique.

Témoignage
Et Monsieur Séguin a une richesse pour lui, c’est qu’il nous écoute. Lorsqu’on se trouve dans n’importe quelle réunion et qu’il est là, il écoute, il ne part pas trois mètres ou quatre mètres plus loin…

Jean-Louis Normandin : Monsieur, la dernière fois vous étiez dans un local et maintenant dans un restaurant, qu’est-ce qui se passe ?

Marc Gaulin, ex-conseiller général RPR de Montreuil : Il se passe qu’on n’a plus d’argent et puis, aujourd’hui, n’ayant plus de mandat, on a dû résilier le contrat de location, rendre les clés et nous nous retrouvons régulièrement, toutes les semaines, dans ce petit restaurant que nous connaissons. Il y a un petit menu à 49 francs, c’est à la portée des militants et voilà où est notre permanence actuellement

Jean-Louis Normandin : Qu’est-ce que vous pensez de la crise de la droite en ce moment ?

Jean Étéveneaux, ingénieur : C’est une crise effectivement qui est très importante, et peut-être parce qu’au niveau de la hiérarchie, les gens ne sont pas venus nous voir, pour remonter les informations qu’on a essayé, il y a un an, de vouloir faire apparaître.

Josée-Marie Baudry, sans emploi : J’aimerais qu’on nous écoute encore mieux, qu’on vienne nous voir, qu’on nous consulte.

Jean-Louis Normandin : Mais vous disiez la même chose l’année dernière, je voudrais qu’on nous écoute, un an après rien n’a changé ?

Josée-Marie Baudry : Oui c’est vrai, c’est vrai, il n’y a pas eu tellement de changement.

Témoignage
Jamais, jamais, une ville comme Montreuil, le RPR en haut lieu ne se déplace jamais.
Pourquoi ?

Mustapha Keichkeiche, gérant de société : Ce qu’on veut, c’est qu’ils viennent se rendre compte des réalités, qu’ils viennent se rendre compte des réalités, qu’ils viennent voir ce qu’on vit, quels sont nos réels problèmes et après, ils pourront nous représenter à l’Assemblée ou au Sénat quoi.

Témoignage
Il faudrait aussi que les gens s’inscrivent pour ces élections.

Thierry Hervé, employé de bureau : Qu’on fasse quelque chose ensemble, qu’on se fasse cette fameuse alliance, bien que je n’aime pas trop le mot. C’est sûrement bien. Maintenant, ce qui n’empêche pas c’est que les militants, qu’ils soient UDF ou RPR, vont conserver leurs aspirations et ils vont avoir du mal à se retrouver dans ce projet commun.

Abdelkrim Loukit, conseiller municipal RPR, Montreuil : Nous, au sein du RPR, on n’a pas terminé notre reconstruction et puis à l’UDF aussi. Donc ces deux machines un peu branlantes, que l’on va réunir, c’est forcément bien, mais c’est trop tôt.

Jean-Marie Bernard, économiste : Moi, ce que je souhaite, c’est une union de la droite la plus large possible à l’exclusion, bien sûr, du Front national, je le souhaite de tout cœur, parce que…

Thierry Hervé : Je dirais non aux leaders du Front national, parce que bien souvent ils sont détestables, ils l’ont montré maintes fois. Par contre, les gens qui votent Front, il y en a peut-être quelques pourcentages, qui sont bien, sûrement bien d’ailleurs.

Jean-Louis Normandin : Vous demandez à vos élus de venir ?

Thierry Hervé : De venir nous voir, de leur demander pourquoi ils votent le Front national ? Et puis de faire un travail sur eux-mêmes.

Témoignage
Ils vont les rencontrer avec nous les électeurs, là ils vont comprendre. C’est le même problème que l’histoire du groupe unique à l’Assemblée, etc. Commencez par la base, c’est con à dire, mais c’est… je crois que c’est la vérité.

Alain Duhamel : Alors François Léotard, vous avez entendu le militant, deux machines branlantes ?

François Léotard : Ce n’est pas le terme que j’emploierais.

Alain Duhamel : Non, mais c’est celui qu’il a utilisé.

François Léotard : J’ai bien entendu, vous savez, on entend souvent ce type d’expression.
Nous avons l’un et l’autre et je ne parlerai pas pour le RPR bien entendu, des crises de natures différentes, mais nous avons une contestation bien entendu sur nos électeurs, sur la façon dont nous avons jadis gouverné et sur la façon dont, aujourd’hui, nous gérons ces familles politiques. Encore une fois, je ne crois pas qu’il faille nier la crise. Je crois qu’il faut essayer de trouver le chemin pour en sortir. Certainement, ce qu’a dit un de ces militants, avec une très forte écoute du terrain, de la base, mais je peux vous dire que tous ceux qui sont autour de cette table sont, soit des élus locaux, soit des élus départementaux, ou régionaux et tous les autres, j’allais dire… j’allais dire, contester l’idée qu’à Paris il n’y a que des technocrates, dire qu’il n’y a que des technocrates est une idée saugrenue. Ce sont tous des élus qui dirigent les formations politiques, et souvent des maires, donc des gens qui écoutent ce qui se dit sur le terrain. Mais ces familles politiques sont contestées, pourquoi ?
D’abord parce que chacune d’entre elles a été l’outil d’une conquête présidentielle, le RPR pour Jacques Chirac et l’UDF pour Valéry Giscard d’Estaing. Cette période est terminée, ils ont été l’un et l’autre président de la République, j’allais dire à tour de rôle. Et donc il faut trouver une autre motivation pour réunir une famille, et pour réunir ensemble ces deux familles ; ou celles qui se sont construites, depuis. Or, ça c’est la question du projet, c’est la question des idées politiques et là je crois que la droite française a devant elle, d’ailleurs comme ailleurs en Europe, un travail de reconstruction de son campus idéologique qui permette de rendre compte des difficultés que connaissent nos compatriotes sur le terrain. Et notamment de la détresse, sociale qu’ils rencontrent très régulièrement.

Alain Duhamel : Patrick Devedjian.

Patrick Devedjian : Oui, moi je crois que c’est une crise, mais cette crise est une délivrance, parce qu’elle était attendue depuis longtemps, car nos partis politiques vivaient sur un faux semblant, à savoir c’étaient des machines à gagner les élections présidentielles, qui avaient oublié le combat des idées, et tout était bon pour gagner les élections. Et à force de ne plus savoir pourquoi nous combattions ? Qu’est-ce que nous pouvions apporter au peuple français ? En quoi nous pouvions être utile à notre pays ? Évidemment la crise était inévitable. Elle était attendue depuis longtemps et c’est finalement une certaine chance, qu’elle ait lieu aujourd’hui, alors que nous avons quatre ans devant nous pour reconstruire et pour nous rénover totalement. Je pense que ça arrivera aussi à la gauche, pour les mêmes raisons et que d’une certaine manière, nous avons une décomposition en avance sur elle, profitons-en.

Arlette Chabot : Alors je vous propose quand même la méfiance ou les réticences à l’égard de l’Alliance. Question posée via la SOFRES, donc avec nos amis du « Figaro », vous avez peut-être pu lire, hier les résultats de ce sondage ce matin, vous voyez au fond, qu’il y a quand même un grand scepticisme quand on demande à la fois à tous les Français et aussi aux sympathisants de l’UDF-RPR si l’Alliance est une simple alliance électorale, ou si c’est un début de recomposition. Vous voyez qu’on est partagés, même chez les sympathisants UDF-RPR. Et puis il faut aller plus loin, il y a une autre question : est-ce qu’au fond vous souhaitez un seul parti pour l’opposition ? Vous voyez, il y a une écrasante majorité chez les sympathisants UDF-RPR, pour une formation unique de l’opposition. François Bayrou, il faut aller plus loin.

François Bayrou : Oui, je crois qu’il y a deux interrogations. Il y a deux choses : la première, c’est que ceux qui croient en nous, ou ceux qui voudraient croire en nous, et les seconds sont presque plus nombreux que les premiers. Ceux qui voudraient croire en nous, croient en nous. Ils ne supportent plus les querelles, ils disent il y en a…, mais vraiment comment vous pouvez encore vous disputer dans l’état où vous êtes aujourd’hui ? Et chaque fois et chaque fois…

Alain Duhamel : Qu’est-ce que vous leur répondez quand ils disent ça ?

François Bayrou : Et chaque fois qu’ils entendent des noms d’oiseaux ou des sifflets, chez eux le degré de rejet monte, l’incompréhension monte. Et il y a une deuxième chose, c’est qu’ils savent très bien, quand ils regardent leurs propres familles, qu’ils sont divers, leurs propres entourages sont divers. Et ils ne nous ont jamais reproché notre diversité. Moi je n’ai jamais rencontré quelqu’un, qui me dise : « mais enfin comment vous pensez quelque chose de différent du RPR ? » Ils comprennent très bien, parce que le monde est comme ça et que, désormais, leur vie est comme ça. Ils comprennent très bien qu’il y ait des sensibilités différentes. Ce qu’ils n’acceptent pas, c’est que les différences se transforment en désunion et en querelles, et en…, voilà. Alors je crois que la première chose à régler, et c’est ce que nous avons essayé de faire, même si on peut toujours choisir des procédures différentes. C’est cette alliance, c’est-à-dire essayer de montrer que nous n’avons pas des problèmes de désunion, même si nous avons des différences d’approches entre nous.

Alain Duhamel : Alors Hervé de Charette, est-ce que vous croyez que ce qui est proposé, l’Alliance, ça va effacer par miracle les rivalités de personnes ?

Hervé de Charette : Je crois, en tout cas, qu’il faut sortir d’urgence du désordre actuel. Parce que dans cette crise que nous vivons depuis un an, il y a ce que beaucoup de nos concitoyens trouvaient normal et qui était inéluctable. Après une défaite, il y a forcément des interrogations, des règlements de compte parfois, en tout cas les conséquences normales de la défaite. Et puis il y a cette interminable situation que nous vivons, où dans les structures politiques on ne parle que de structures, d’organisation, alors que visiblement, ce que nos concitoyens attendent, c’est que nous soyons dans le combat politique. C’est-à-dire que nous ayons un projet. C’est pour ça que j’ai personnellement accueilli l’Alliance comme une bonne nouvelle. J’espère que ce ne sera pas simplement un accord électoral, comme je l’ai entendu, parce que accord c’est trop peu. Le mot Alliance, c’est un mot qui signifie bague aux doigts. C’est un mot qui a un sens beaucoup plus fort que cela, et j’espère qu’en effet, c’est entre nos formations politiques que je dirais… un partenariat durable, stable, à partir duquel on peut commencer enfin à se consacrer à ce qui est important, le projet.

Alain Duhamel : Et avec fidélité, et avec fidélité ?

Hervé de Charette : Mais bien entendu, ça va de soi.

Arlette Chabot : La bague aux doigts, c’est ça qu’on dit. Bague aux doigts, quand on est fidèle sous-entend, Alain Duhamel. Charles Millon, l’Alliance vous êtes prêt, vous, à entrer dans cette union après avoir créé un mouvement ? On a dit que vous accentuez un peu effectivement l’éparpillement à droite. Alors est-ce que vous êtes prêt, vous, à rejoindre l’Alliance ?

Charles Millon : Ma position est très claire : je souhaite l’émergence d’une grande formation unique de la droite. Je ne partage pas le point de vue de ceux qui disent qu’il convient d’avoir des partis différents, qui puissent passer des accords. Car je crois qu’à partir de ce moment-là on retrouvera les querelles de chefs à un moment donné. Et je souhaite vraiment du fond du cœur, que les leaders politiques de la droite comprennent que les militants, les sympathisants, le peuple de droite attend l’émergence d’une grande formation, dans laquelle il y aura diversité d’opinion, dans laquelle il y aura débat, mais que ainsi on pourra voir émerger une formation qui pourrait être l’alternance du Parti socialiste et qui, comme dans toutes les grandes démocraties – allemande, espagnole ou anglaise – permettrait une alternance classique normale.

Alain Duhamel : Mais Charles Millon, quand vous entendez ce que vous venez d’entendre là en ce moment, est-ce que vous avez l’impression qu’ils comprennent comme vous souhaitez
qu’ils comprennent ?

Charles Millon : J’attends, moi personnellement, vous savez, je suis un peu…

Alain Duhamel : Jusqu’à ce stade de l’émission, disons.

Charles Millon : Je suis un peu prudent, je suis un peu comme Saint Thomas, je suis un peu comme Saint Thomas. Depuis près de dix ans, je crois que j’ai été un de ceux qui a commencé dans ce débat-là, à réclamer une grande formation unique de l’opposition ou de la majorité, quand on était dans la majorité. Chaque fois on m’a expliqué qu’il ne fallait pas pour des raisons diverses. Aujourd’hui, il y a un accord qui vient de se faire, qui s’appelle l’Alliance. C’est un accord qui est de forme confédérale. Personnellement, je souhaite que tout parte de la base. Et c’est la raison pour laquelle j’appelle de mes vœux un grand congrès fédérateur, fondateur, qui s’enracine dans le peuple, dans le peuple de droite, chez les militants et qui permette de faire émerger une direction, qui ne se querelle pas les postes, mais qui défende des valeurs et des convictions.

Arlette Chabot : Alors Évelyne Guilhem, vous, vous êtes élue régionale de la région Limousin, gouvernée par la gauche. Vous rassemblez le groupe RPR-UDF de cette assemblée régionale. Comment avez-vous appris l’Alliance ? Vous êtes contente, pas contente ? Vous voulez plus ?

Évelyne Guilhem : Écoutez, pour l’instant je suis dans l’attente de voir ce qu’il y aura derrière le mot « Alliance » et, vous savez, dans une région comme en Limousin, qui est très difficile, nous ne connaissons pas depuis très longtemps l’opposition. Nous avons toujours compris qu’il fallait faire l’alliance. Donc nous avons un groupe RPR-UDF, nous n’avons pas deux groupes séparés. Quand les choses sont difficiles, on se rassemble. Donc nous, vraiment, nous sommes des précurseurs de l’union. Mais je crois que pour l’ensemble des Français que je rencontre chaque jour, l’Alliance est, pour l’instant, une coquille vide. Je crois que ça commence au niveau de la base en écoutant les Français, en sachant leur présenter des idées, des programmes et ils sont pour l’instant, méfiant à l’égard de l’Alliance, parce qu’ils ne voient pas le bout du tunnel, avec cette appellation qui est, pour l’instant, plus pompeuse qu’utile.

Arlette Chabot : Pierre-Christophe Baguet.

Alain Duhamel : Oui, vous êtes un député UDF rénovateur. Est-ce que vous avez l’impression que c’est le début du bon chemin ou pas ?

Pierre-Christophe Baguet : Oui, effectivement lorsqu’il y a une crise. Il y a deux possibilités pour en sortir, soit par le haut, soit par le bas. Lorsqu’on a perdu le sens des choses, il faut retrouver ses racines et retourner à la base. Le sondage qui a été présenté tout à l’heure est très significatif. Je crois que le bon sens populaire appelle à l’union. L’union c’est la force.
À partir de là, il faut effectivement tout mettre en œuvre pour cette union, RPR-UDF et de l’ensemble de la droite en France. Il faut s’organiser pour cela. Et il faut aller jusqu’au bout, parce que lorsque l’on a suscité un tel espoir, François Léotard avec Philippe Séguin, il y a dix jours, il ne faut pas que ce soit un espoir qui déçoive les Français. Là ça serait pire que tout. On reviendrait encore en arrière, encore plus en arrière, on reviendrait aux situations d’avant 74, ce qui étaient encore pire. Je crois qu’il faut aller jusqu’au bout et au niveau des parlementaires, c’est ce que nous réclamons. Je suis un jeune député, élu depuis un an. L’intergroupe RPR-UDF s’est réuni une fois, une fois. On doit se préparer à travailler ensemble. Il y a d’autres parlementaires qui sont ici sur le plateau, on réclame cette union. Avec les fondateurs, nous avons décidé de réagir le 27 avril dernier, pour appeler à cette union. Nous demandons la convocation d’états généraux des parlementaires de la droite, à l’Assemblée nationale. Nous sommes suffisamment majeurs et vaccinés pour prendre nos décisions. Si nous décidons, nous les députés RPR-UDF, de travailler ensemble, je ne vois pas pourquoi, je ne vois pas qui nous en empêcherait. II faut que ça soit dit clairement.

Fin de la première partie

Deuxième partie (23 heures)

Alain Duhamel : Franz-Olivier Giesbert, vous qui êtes un peu l’arbitre des élégances de la droite parlementaire. Comment est-ce que vous réagissez ?

Franz-Olivier Giesbert : Arbitre, arbitre, non c’est un grand mot. Non, mais on a le sentiment que cette Alliance, c’est le résultat d’une fuite en avant. Je crois que c’est ça l’impression que tout le monde a, et que ces dirigeants de la droite, ils ont pondu un œuf, ils sont un peu embêtés parce qu’ils ont peur que ça tourne vers la fusion. Ils ont très, très peur de la fusion.
Ils ne veulent surtout pas fusionner. D’ailleurs ils le disent presque tous. Et je crois que c’est là qu’est le problème. Parce que je vais vous raconter une petite histoire, 1968. 1968, c’est une défaite les plus graves, les plus terribles de la gauche. 1969, la gauche est si faible qu’elle ne peut même pas avoir un candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Et 1971, c’est le congrès d’Épinay, c’est la fusion. Je suis désolé, Messieurs Dames, c’est la fusion, c’est-à-dire tous ces partis fusionnent et la gauche renaît, puisqu’en 1973, elle est à nouveau en ordre de marche. Et moi j’ai envie de poser la question de fond qu’on a envie de vous poser : est-ce que vous avez envie de vous sacrifier, disons, aux intérêts supérieurs ?
Est-ce que vous avez envie de sacrifier vos appareils ? Vos carrières individuelles ? Aux intérêts supérieurs de l’opposition et, d’une certaine façon, de la France ? Parce que la France elle a besoin d’une opposition et je crois que c’est ça la question qu’on a envie de vous poser ? Et plus que ça d’ailleurs, est-ce que vous ne pensez pas que les Français aussi, ont envie que les têtes changent ? Ont envie de changer les… Mais oui, mais ça aussi, c’est le problème.

Arlette Chabot : Alors, on va en parler dans un instant, Franz-Olivier Giesbert. On va en parler dans un instant ?

Franz-Olivier Giesbert : Mais oui, mais, ça aussi c’est le problème. Posons-le, posons-le ?

Arlette Chabot : On va poser la question dans un instant. On va d’abord finir sur la fusion et puis on va parler, effectivement, des têtes qui pourraient peut-être changer. Françoise de Panafieu, François Léotard.

Françoise de Panafieu : Justement, j’allais un peu rebondir là-dessus. Je crois que, pour moi en tous les cas, je ne suis pas sceptique, c’est-à-dire que pour moi, cette Alliance est un acte de bon sens. Je dirais même que c’est la seule chose de vraiment positive qui s’est passée depuis la dissolution du Parlement et de l’Assemblée nationale. Ça c’est ma vision des
choses. Deuxièmement, je suis absolument persuadée que si cette Alliance ronronne avec toujours les mêmes têtes et si elle n’est pas capable à cette occasion-là, de faire émerger des nouveaux talents, des nouvelles manières de s’exprimer, des nouvelles manières d’aborder les problèmes, alors elle est condamnée. Et je suis tout à fait persuadée que ceux qui ont créé cette Alliance, sont totalement conscients de ce problème-là. Donc le renouvellement de l’élite politique, ou le renouvellement des politiques, doit absolument venir sur l’avant de la scène. Et enfin, je voudrais d’un mot revenir…

Arlette Chabot : On va en parler.

Françoise de Panafieu : Sur ce que l’on a vu, sur ce film que l’on a vu, car c’est très intéressant. C’était des militants qui parlaient. Et qu’est-ce qu’ils disaient ces militants ? Ils disaient : désolez, mais nous les enfants, on n’est plus des moines-soldats ; on a besoin aujourd’hui d’être véritablement mêlés à la vie politique, d’être consultés, d’être concernés par vos décisions. Alors venez vers nous, dites-nous, et ayons une discussion et soyez nos porte-paroles. Nos porte-paroles au niveau national, au niveau local.

Arlette Chabot : Vous, tous les deux, vous êtes pour la fusion ou pas ?

Pierre-Christophe Baguet : Bien sûr, pardon.

Arlette Chabot : Alors Pierre-Christophe Baguet, UDF est pour. Évelyne Guilhem : De toute façon, il faut quand même voir ce qu’attendent les Français. Il faut arrêter d’avoir une discussion entre leaders de partis politiques dans les salons, sous les dorures de la République. Il faut quand même savoir que les Français attendent une fusion. Donc allons-y, peut-être lentement, en la préparant, en la maîtrisant bien. Mais les Français, électeurs de droite, attendent un grand rassemblement de droite.

Arlette chabot : François Léotard.

François Léotard : Deux mots sur les questions très justes posées par Franz-Olivier Giesbert. Sur la fusion et sur les têtes. Moi je crois que l’idée de la fusion, elle n’est pas du tout à rejeter, elle est légitime. C’est une préoccupation légitime et sachez que nous n’en n’avons pas peur du tout. Du tout. Si c’est un mouvement qui apparaît comme utile, d’abord au pays, et puis ensuite à l’opposition, il faut le poursuivre. Il faut regarder si c’est utile pour une raison simple. Je crois qu’on a besoin de vrais gaullistes ; on a besoin de centristes, de gens qui ont une conception de l’Europe, par exemple, très forte ; on a besoin de libéraux…

Franz-Olivier Giesbert : Ils peuvent vivre…

François Léotard : Oui, non mais absolument. Non, mais attendez, absolument, absolument, donc c’est plutôt le problème des courants qu’autre chose. Mais organisons ces courants sur les têtes. Alors moi je voudrais vous dire que pour ce qui me concerne, je dis ça en souriant, j’ai une très grande disponibilité, et je veux dire qu’on verra prochainement, ici quelques-uns le savent, une façon élégante probablement de laisser apparaître de nouvelles têtes. Et donc je suis tout à fait serein, sur cette idée. Nous ne défendons ni des places, ni des appareils. Nous défendons une certaine conception de la vie publique fondée sur des convictions. Vous n’enlèverez pas aux centristes les convictions européennes qui sont les leurs. Vous n’enlèverez pas aux libéraux les conceptions économiques qui sont les leurs. Vous n’enlèverez pas aux gaullistes les conceptions sur l’autorité de l’État qui est nécessaire à notre pays. Il faut simplement organiser tout ça, dans un esprit commun et avec une idée commune. C’est ce que nous essayons de faire avec Philippe Séguin.

Arlette Chabot : Un mot, Patrick Devedjian, pour la fusion, vous, et Jacques Toubon. D’un mot tous les deux, et puis on va enchaîner, on va écouter la réaction d’Édouard Balladur.

Patrick Devedjian : Oui je suis pour, le processus est déjà engagé, mais ne le faisons pas non plus n’importe comment, parce qu’en allant trop rapidement, c’est le meilleur moyen d’échouer. Et si je veux que nous fassions, alors non, mais…

Alain Duhamel : Hâtons lentement ?

Patrick Devedjian : Non, on va assez vite. Écoutez, aujourd’hui on vient déjà d’installer un bureau provisoire, avec un bureau provisoire, avec un président provisoire, on va avoir une réunion comme le souhaite Pierre-Christophe Baguet, des députés RPR-UDF pour élire au suffrage universel direct un président de ce qui est pour le moment un groupe commun, et ce qui pourra devenir autre chose dans l’avenir. Ce qu’a dit François Léotard est juste, il faut que nous nous réunissions pour être plus forts et pour être plus crédibles. Mais il faut en même temps que nous puissions garder ce qui fait notre différence, ce qui fait notre originalité. La vie moderne, c’est la diversité. La gérer, c’est ça le défi.

Alain Duhamel : Et alors Jacques Toubon, ça suffit, ça, pour que ça marche ou pas ? Ou est-ce qu’il faut aller au-delà ?

Jacques Toubon : Moi je pense qu’il faut déjà passer, et très vite, d’un système de confédération, qui est celui qui a été proposé, l’Alliance, à un véritable système de fédération. C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait réellement une formation politique qui s’adresse aux électeurs de la droite et à l’ensemble des électeurs et qui soit une… Je ne crois pas que c’est la fusion des partis. À mon avis, ça ne veut rien dire. Mais c’est un système fédéral qui se superpose au système des partis. Je pense que ça il faut le faire très, très vite et, en tout cas à mon avis, pas au-delà de l’automne prochain. Et puis ensuite, moi je crois que ce n’est naturellement pas suffisant. Ce qui est essentiel, c’est : qu’est-ce que nous allons dire ensemble que nous ne disions pas lorsque nous étions séparés et qui soit susceptible de ramener à nous, la majorité des électeurs ? C’est ça la vraie question. Et je pense que c’est la vraie question ce soir.

Arlette Chabot : Alors on va la poser. Alors on posera donc les questions sur les personnes, sur les rivalités, parce que l’enseignement effectivement du sondage SOFRES. Les rivalités tuent essentiellement la droite. D’abord je vous propose d’écouter la réaction et le commentaire d’Édouard Balladur.

Édouard Balladur : La droite ne va pas bien. C’est le sentiment général et c’est un sentiment justifié, car les Français ont l’impression qu’elle n’a pas encore su tirer les enseignements de la défaite électorale qu’elle a subi l’année dernière. Depuis quelques jours, les choses commencent à changer et je me réjouis d’avoir vu les dirigeants des mouvements de l’opposition décider de constituer, entre les divers partis une Alliance. À la fois sur le plan national et sur le plan local. Il est impératif que cette chance soit saisie et que l’essai soit réussi. Pour cela, il faut tout d’abord que la droite soit en mesure de proposer aux Français un projet qui corresponde à leurs aspirations. La France n’est plus au XIXe siècle, elle n’est même plus [...] que l’on n’a pas un instant à perdre. Il faut aller le plus vite possible, le plus loin possible pour donner aux Français le sentiment que nous les avons compris.

Arlette Chabot : Pierre-Christophe Baguet, qu’est-ce que vous pensez ?

Alain Duhamel : Député rénovateur UDF.

Pierre-Christophe Baguet : Refondateur, refondateur, rénovateur, c’était François Léotard, François Bayrou, ce n’est pas grave.

Alain Duhamel : Pas de querelle sémantique.

Pierre Christophe Baguet : Pas de querelle sémantique, tout à fait. Non simplement je me réjouis des propos d’Édouard Balladur, je crois qu’il les a tenus, il y a une dizaine d’années. On lui dit qu’il faut aller jusqu’au bout et il faut les tenir, il faut engager le processus immédiatement, aller le plus loin possible. Simplement, j’assiste quand même à un décalage encore une fois, entre ce que dit le sondage, ce que disent les militants tout à l’heure, qui parlaient de fusion et nous on continue à parler de confédération. On crée un nouveau décalage entre les responsables politiques de ce pays et la base. Je crois qu’il faut aller jusqu’au bout, écouter la base et lancer le processus très vite.

Arlette Chabot : Franz-Olivier Giesbert.

Franz-Olivier Giesbert : Au milieu de beaucoup de généralités, Édouard Balladur a dit quelque chose de très juste, il y a un problème d’idéologie. C’est clair que la droite doit refonder son idéologie. C’est-à-dire, on sait très bien ce que c’est que quelqu’un de gauche, on ne sait pas ce que c’est quelqu’un de droite. Je crois que ça, c’est vraiment le problème de fond de la droite pour les prochaines années. C’est qu’elle se recrée un corpus idéologique. Ça c’est le premier problème. Deuxième problème, il incarnait aussi les problèmes de la droite parce que je ne sais pas si vous avez bien regardé, mais il était candidat à l’élection présidentielle. Il faisait un discours de candidature. Et ça, je crois que c’est aussi un des problèmes de la droite. Ils sont tous candidats. Mais tout le monde ne peut pas être candidat à une élection présidentielle. Combien il y a de candidat à droite ? Combien il y a de candidat à gauche ? Il y a un candidat à gauche, c’est Jospin. Combien de candidat à droite ? Il y en a plein, sur le plateau, partout, ils ne sont pas tous venus les candidats.

Intervenant : Tant mieux, c’est parce que la droite est riche.

Arlette Chabot : Alors ça nous amène parfaitement donc au chapitre suivant, celui justement de l’histoire difficile de la droite, sur ces vingt dernières années, donc rivalités, querelles, ambition déçue, rafistolages, parfois réconciliations réelles. Voilà sur ce passé en tout cas, Nathalie Saint-Cricq et Claude Barnier se sont penchés avec l’aide de plusieurs spécialistes.

René Rémond, Fondation nationale des sciences politiques : La droite, oui, c’est ce qui n’est pas à gauche. Mais la droite n’est pas moins plurielle que la gauche. On peut même se demander si elle ne l’est pas davantage encore. Les divergences profondes à l’intérieur même de la droite rendent difficile, à la droite, de se définir sur un programme commun. La question qui, actuellement, commande assez largement les relations entre les formations, c’est de savoir si entre le Front national et la droite, ce qui les rapproche, ou les sépare est plus important que ce qui rapproche ou sépare la droite de la gauche.

Jean-Louis Bourlanges, parlementaire européen UDF, Droite année zéro : Je vois que ce système est un système tout à fait en vase clos. Le choix il est à guichet fermé, entre cinq et six personnes, toujours les mêmes depuis vingt ans. Ce qui est en cause, ce n’est pas l’existence d’ambition, ce n’est pas l’existence de concurrence, de rivalité, c’est l’absence de règles du jeu. C’est-à-dire, c’est les hommes des cavernes. Je sors de ma caverne, j’ai ma massue, j’en rencontre un autre qui est plus gros que moi, ou qui a une plus grosse massue. Il me tue, ou si j’ai une plus grosse massue que lui, c’est moi qui lui règle son compte. Si on veut en sortir, il faut remettre la pyramide du pouvoir sur ses pieds, sur la base. C’est-à-dire qu’il faut, puisque la grande échéance, c’est l’échéance présidentielle, il faut avoir un système, je ne sais pas si c’est un système de primaires. Enfin appelons ça un système démocratique de sélection du candidat de droite à l’élection présidentielle.

Hugues Dewavrin, UDF Génération bidon : C’est,malheureusement, un peu la génération des occasions ratées. On voit une génération de cadets de la droite qui arrivent aux commandes des partis politiques et qui soulèvent beaucoup d’espoir. Et puis les choses se passent mal, à mon avis, essentiellement pour des questions d’individualismes et de difficultés à travailler en équipe. C’est-à-dire qu’on vit avec une espèce d’obsession infantile de l’élection présidentielle. C’est-à-dire qu’on ne peut pas travailler à une dizaine. L’objectif, ce n’est pas de voir comment on peut y arriver, c’est plutôt de savoir comment on va faire
trébucher son petit camarade. Donc individualisme, quelques facilités médiatiques, des rapports avec l’argent, disons un peu confus et un peu difficiles, et je trouve que cette génération, qui était talentueuse, s’est gâchée et s’est gâchée très vite. Donc mettez­ vous à la place d’un électeur. Il se dit « mes dirigeants se sont autodétruits et nos idées ne sont plus représentées ». Je veux dire leur responsabilité, honnêtement, est quand même assez lourde.

Alain Duhamel : Alors François Bayrou, c’est l’élection, l’obsession présidentielle qui gâche tout ?

François Bayrou : C’est l’obsession présidentielle de vous. Alain Duhamel, Arlette Chabot, Franz-Olivier Giesbert, vous ne savez dire et écrire que ça.

Alain Duhamel : D’abord un, ce n’est pas vrai… Ce n’est pas vrai…

François Bayrou : Si, si, Alain. Ne vous sentez pas personnellement attaqué, c’est la vérité, vous n’avez jamais…

Alain Duhamel : Ce n’est pas la vérité.

François Bayrou : Si, mais acceptez quelquefois qu’on vous mette sur la sellette aussi. C’est la vérité. Vous ne savez écrire que ça, vous n’avez pas d’autres références que celle-là. Chaque fois que vous parlez de l’un d’entre nous, c’est pour expliquer que nous avons une écurie présidentielle. Excusez-moi, ce n’est pas vrai. De même que je ne me reconnais
absolument pas dans le portrait que Dewavrin a fait, je n’ai jamais eu de rapport ambiguë avec l’argent, et je refuse qu’on colle sur nous, ce genre d’étiquette-là, comme si nous la méritions. Il n’est pas vrai que nous ayons l’obsession des élections présidentielles, tout le monde l’écrit. Alors bien sûr, on ne le dément pas, parce qu’après tout, il vaut mieux être classé dans cette liste-là que dans ceux qui n’ont aucune chance de ne jamais figurer. Mais la vérité est que…

Alain Duhamel : Il n’y a pas d’obsession présidentielle ? Et il n’y a pas un problème présidentiel chez l’opposition ?

François Bayrou : Non seulement, il n’y a pas d’obsession présidentielle, mais nous avons tous devant les yeux le paysage politique aujourd’hui. Nous savons qu’il y a un président de la République, et qu’on n’est pas en situation d’avoir à se demander qui ? Comment ? Et où ? Donc ce n’est pas vrai. Ça, c’est la première chose. Mais il y a une deuxième chose qui est vrai, c’est que nous avons en nous, nous portons en nous, chacun, une aspiration différente, des aspirations différentes. Par exemple, moi je ne me reconnais absolument pas dans le tableau qui est tracé aujourd’hui, absolument partout, que j’ai entendu en 81, que j’ai entendu en 86, que j’ai déjà entendu en 93 ou dans les années qui précédaient, selon lequel c’est parce qu’on n’avait pas fait la politique de droite qu’on avait perdu l’élection. Et que donc il suffirait de faire droite, droite, droite, et qu’on serait sûr de gagner la prochaine.

Alain Duhamel : Ça, on va y revenir.

François Bayrou : Je n’en crois pas un mot. Je crois que nous avons perdu quelque chose qui est beaucoup plus essentiel, nous avons perdu le cœur des gens, ou en tout cas leur confiance, parce que nous avons perdu nos racines dans la société française. Et ceci est quelque chose d’infiniment plus important que la plupart des questions d’appareils que nous traitons. Permettez-moi de vous dire qu’Hervé de Charette a dit tout à l’heure quelque chose de juste…

Alain Duhamel : On va lui donner la parole justement.

François Bayrou : Il y a, j’allais dire dix ans, que chaque fois qu’on parle de l’opposition, et moi je préfère dire la droite et le centre, chaque fois qu’on parle d’opposition, on parle d’appareils. On se dispute sur les appareils et qui s’intéressent à nos appareils ? La vérité, c’est Bourlanges qui l’a dite : trouvons un système pour que les candidats à toutes les élections soient désignés par la base, et nous aurons à la fois l’union et le renouvellement demandé.

Alain Duhamel : Alors Hervé de Charette, sans hypocrisie, il n’y a pas de problème présidentiel qui constitue un handicap pour la droite ? Il y a une recette maintenant, pour la première fois depuis vingt ans, on a trouvé la solution ?

Hervé de Charette : Non, mais écoutez la vie politique c’est la compétition. C’est la compétition à droite, c’est la compétition à gauche. Ça ne va pas s’arrêter parce que Franz-Olivier Giesbert est agacé par la situation politique de l’opposition. C’est comme ça et c’est très bien. Parce que c’est la recherche du meilleur candidat possible pour présider aux destinées de notre pays. Mais ce n’est pas le seul sujet de la vie politique, et ce n’est pas, en effet, le sujet d’aujourd’hui. Puisqu’aussi bien nous, les hommes et les femmes de l’opposition, nous avons le président de la République issu de nos rangs. Et, par conséquent, cette question ne nous taraude pas. C’est une question pour la gauche. Quel sera leur candidat ? Ce n’est pas une question pour nous.

Arlette Chabot : Mais, excusez-moi Hervé de Charette, excusez…

Hervé de Charrette : Ça fait une demi-heure que nous parlons. Notre question, c’est quel est notre projet politique ? Ce que nos électeurs attendent, Monsieur Baguet m’excuse, ce n’est pas quelle est notre organisation ? Il y en a une. Elle plaît, elle ne plaît pas, mais il y en a une.

Arlette Chabot : Simplement Monsieur Hervé de Charette, je voudrais qu’on regarde le sondage SOFRES sur cette question. Ce n’est pas uniquement des questions de journalistes.

François Bayrou : Un mot, une phrase, une phrase. En 1995, six mois avant l’élection présidentielle, on ne savait pas qui serait le candidat de la gauche. Tout le monde pariait pour Delors. Et puis Jospin a surgi. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient un mécanisme de vote. Dotons-nous d’un mécanisme de vote et point à la ligne. Arrêtons de passer notre temps à nous jeter à la figure les élections présidentielles, comme si c’était une menace.

Alain Duhamel : Alors ce qu’en pensent les Français.

Arlette Chabot : Voilà alors ce qu’en pensent les Français, quand même. Si on vous pose ces questions, ce n’est pas uniquement, nous sommes obsédés, nous, par l’élection présidentielle. Quand on interroge les Français et vos électeurs sur les raisons des difficultés de la droite actuelle, ils disent, ils mettent en un, très largement, les rivalités entre les leaders. Deuxièmement, ils vous reprochent d’être loin des préoccupations des Français, de leurs préoccupations en général. Troisièmement, on y reviendra aussi, ils vous reprochent l’absence de projet. Voilà essentiellement les difficultés, les raisons des difficultés. Et ensuite viennent seulement les affaires et la stratégie objectif national.

Alain Duhamel : Et on va y venir. Alors François Léotard.

François Léotard : Je sais bien que vous allez contester ce que je vais dire à l’instant. Mais si j’avais les moyens de France 2, je vous ferais exactement le même film, sur la gauche, aussi ridicule, avec le combat physique entre Monsieur Marchais et Monsieur Mitterrand, avec le congrès de Rennes, avec les polémiques sur l’union est un combat. Exactement le même.

Alain Duhamel : Ils ont été battus.

François Léotard : Oui, non, non, ce que je veux dire simplement, c’est que ce n’est pas très difficile de caricaturer la vie publique, et c’est vrai qu’elle est marquée par la compétition des hommes. C’est naturel parce que certains de ces hommes pensent incarner un projet politique. Ce que je veux dire simplement, c’est qu’une question que nous n’avons pas abordée depuis le début de notre rencontre et que je souhaite, moi, que l’opposition aborde, c’est celle des institutions. C’est vrai que nous avons un système institutionnel dans lequel le Parlement est en grande partie écrasé dans ses responsabilités. Et que nous sommes quelques-uns à penser, non pas à une VIe République, mais à une évolution progressive de la Ve République, vers des institutions plus claires avec une meilleure séparation des pouvoirs entre l’exécutif, entre les mains du président et un législatif qui soit véritablement autonome et qui ait de vraies responsabilités. Alors cette question, elle n’est pas très médiatique, elle n’est pas populaire, mais faites un jour une émission là-dessus et vous aurez beaucoup de gens qui seraient intéressés pour parler des institutions de la République française. Parce qu’aujourd’hui, elles ne fonctionnent plus véritablement.

Arlette Chabot : Alors Charles Millon, on parlait tout à l’heure justement du mouvement des rénovateurs, c’était il y a à peu… presque dix ans.

Alain Duhamel : Il y a dix ans. Il y a dix ans en gros.

Arlette Chabot : Alors pourquoi ça n’a pas marché ? Ou, est-ce que vous trouvez que ça a marché ? Ou, ça n’a pas vraiment marché ?

Charles Millon : Le mouvement des rénovateurs a échoué. Mais je vais me porter en faux par rapport à ce qui vient d’être dit parce que je crois qu’on ne veut pas aborder la question des appareils et des procédures. Et je partage totalement le point de vue de Jean-Louis Bourlanges : tant qu’on n’aura pas réglé les problèmes d’appareils et de procédures, on ne pourra pas aborder les questions de fonds et la réponse aux attentes et aux angoisses de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle je crois fondamentalement que : 1. il faut une grande formation, je reviens à ce thème-là. François Bayrou vient de dire : Jospin était désigné par un vote, mais par un vote dans un parti qui est le Parti socialiste. Et la seule possibilité pour désigner un candidat, il faudra une grande formation où il y a des diversités, des courants, où il y a une richesse d’hommes et d’idées et qui puissent désigner son candidat à un moment donné. Et puis, deuxièmement, quand véritablement ces problèmes de procédures et d’appareils auront été réglés, on verra qu’il y aura à l’intérieur de cet appareil, ou à l’intérieur de cette grande formation, il y a un débat d’idées. Car pour pouvoir conquérir le pouvoir à l’intérieur de cet appareil, il faudra avancer des idées qui arrivent à convaincre les militants, les sympathisants et les électeurs. Je crois qu’à partir de ce moment-là, le problème des écuries présidentielles, le problème de la course au pouvoir, passera au second rang par rapport aux débats des idées.

Arlette Chabot : Alors Patrick Devedjian, il faut changer les têtes ? Comme le réclamait par exemple Raymond Barre, qui l’a dit dans une interview, il n’y a pas si longtemps ?

Patrick Devedjian : Ça ne se décrète pas à ça. Mais si on institue un processus démocratique, ça se réglera automatiquement. Et c’est vraiment l’essentiel de ce qu’a dit Bourlanges. C’est qu’on a besoin de procédures démocratiques pour désigner les responsables de nos partis politiques.

Alain Duhamel Vous êtes d’accord ?

François Léotard : …

Pierre-Christophe Baguet : Franz-Olivier Giesbert, tout à l’heure, a semblé regretter qu’on ait trop de candidats possibles aux présidentielles, à droite en France. C’est une richesse de la droite, tant mieux pour nous. Mettons en place effectivement un processus démocratique… Non, mais d’accord, mais mettons en place un processus démocratique des candidats, des cantonales jusqu’aux présidentielles.

Franz-Olivier Giesbert : Ça, c’est ce qu’on appelle les primaires.

Pierre-Christophe Baguet : Tout à fait, c’est ce qu’il faut faire.

François Léotard : Lorsque nous avons eu, avec François Bayrou, avec Hervé de Charette, lorsque nous avons eu à procéder à l’élection de l’UDF, il y avait trois candidats. Et j’ai été élu par une élection tout à fait démocratique de gens qui étaient eux-mêmes élus. Mais il ne faut pas caricaturer les partis politiques aujourd’hui. Philippe Séguin, si j’ai bien compris, va être désormais élu par l’ensemble des militants du RPR. Donc ne caricaturons pas en disant : ce sont les états-majors parisiens enfermés dans des grands hôtels.

Alain Duhamel : Alors…

Hervé de Charette : Je répète que la vraie question qui devrait être aujourd’hui au cœur de notre débat, ce n’est pas de tourner en rond indéfiniment sur nos structures qui existent. Et l’Alliance fournit une réponse, je crois, pleine d’espoir. On verra bien, mais ça vaut la peine d’aller dans cette voie. C’est le projet, c’est le débat des idées. C’est ça qui est le cœur…

Fin de la deuxième partie

Troisième partie (23 h 25)

Alain Duhamel : II y a un point qui concerne directement Jacques Toubon, qui lui est Parisien pour le coup et qui est de savoir si ce qui se passe en ce moment pour la mairie de Paris, n’est pas très exactement la caricature de ce que certains, ici, nient exister à l’échelle nationale.

Jacques Toubon : C’est un point de vue, Alain Duhamel. On peut avoir exactement le point de vue inverse. C’est que ce que nous avons fait, c’est-à-dire la création d’un groupe dans lequel il y a ensemble, sans clivage partisan des RPR et des UDF, c’est exactement au contraire précurseur de l’union qu’il faudrait avoir partout.

Alain Duhamel : Est-ce que c’est reçu comme tel ?

Jacques Toubon : Oui, c’est ce que je vous dis, c’est que la perception peut être la perception d’une division, mais je crois qu’il faut se situer sur le long terme. Nous préparons les élections municipales de 2001, nous ne préparons pas le prochain conseil de Paris, le 8 juin. Je crois qu’il faut bien comprendre que ce qui apparaît comme quelque chose qui se passe à l’intérieur de l’Hôtel-de-Ville est, en réalité, beaucoup plus que ça. Il s’agit d’essayer de faire en sorte que, entre les Parisiens et la majorité municipale, se renoue un lien fort et, en l’occurrence, majoritaire…

Alain Duhamel : Et la manière dont ça se passe vous paraît encourageante ?

Jacques Toubon : La manière dont ça se passe, je n’en suis en aucune façon responsable.

Alain Duhamel : Non, mais ça ce n’est pas ma question.

Jacques Toubon : Je n’ai, pour ma part, posé aucune question de personne. On ne m’a répondu qu’en question de personne et, là-dessus, je dis très clairement que ce qui me paraît manquer à la classe politique française, mais pas seulement à la droite, on fait une caricature – François Léotard a eu tout à fait raison tout à l’heure – de la droite, de son passé ou de sa situation actuelle, ce qui me paraît manquer à mon avis à la classe politique française, de manière générale, c’est une forme d’esprit de sacrifice devant l’intérêt supérieur, mais ça, Alain Duhamel…

Arlette Chabot : Mais vous faites allusion à qui ?

Jacques Toubon : Attendez, Arlette Chabot, mais ça, c’est parce que les hommes politiques français ressemblent beaucoup aussi aux Français, le civisme est peu répandu chez nous, l’idée de l’intérêt général passe très souvent derrière les intérêts particuliers. Je ne veux pas, je dirais comme on le fait souvent, dire : « ailleurs tout est beau et ici rien ne va », mais je crois que nous avons, en France, un véritable problème : est-ce qu’on est capable, au-delà des catégories, est-ce qu’on est capable, au-delà des intérêts particuliers, de définir des pistes et des actions collectives. Moi je crois que c’est ça le vrai problème, de la droite comme de la gauche, c’est un projet collectif et comme Monsieur Jospin propose, par exemple les 35 heures – on peut penser ce qu’on veut des 35 heures et beaucoup de mal même sur le fond –, mais qu’est-ce qu’il a fait Monsieur Jospin ? Il a donné un espoir, il a ouvert une perspective, il a créé un mythe. Eh bien moi je pense que la politique c’est ça, alors simplement il faut le faire avec de bons projets et non pas avec de mauvais projets.

Arlette Chabot : Alors Françoise de Panafieu et puis des questions des militants UDF RPR qui sont là.

Françoise de Panafieu : Je vais vous dire, je crois que toutes tes questions dont nous débattons, là maintenant, commencent à singulièrement manquer d’intérêt au moment où l’émission devrait prendre un tournant. Je crois que vie politique, ce n’est pas une vallée de larmes qu’il faut traverser coûte que coûte. Moi, j’en ai marre de cette autoflagellation, je vous le dis franchement, et je suis sûre qu’on ne reconstruira pas l’avenir en allant pleurer dans les cimetières. Alors maintenant si vous voulez bien, il y a quand même cette Alliance qui s’est passée il y a quinze jours. Il y a quand même eu un déjeuner significatif aujourd’hui, qu’est-ce que l’on demande à cette Alliance, une bonne fois pour toute ? Quelle soit capable de dégager un projet pour la France, d’une droite réconciliée et que le moment venu, elle soit capable de désigner le candidat le mieux placé pour défendre et représenter les intérêts de la droite réconciliée. Point, trait, et maintenant on parle si vous voulez bien du projet.

Arlette Chabot : Alors question d’un ou d’une militant RPR UDF, de jeunes militants et on va parler du projet dans un instant. Allez-y Nathalie Saint-Cricq.

Nathalie Saint-Cricq : Donc des militants RPR, UDF, Force démocrate, Démocratie libérale, ici du côté des militants, tout de monde est représenté, tout le monde a bien voulu venir. Alors une première question de Nicolas.

Nicolas : En fait, une double question, la première sur l’Alliance. Madame de Panafieu, je comprends ce que vous dites, d’un autre côté, mettez-vous à la place du militant UDF à qui on envoie un questionnaire, Monsieur Léotard, avec réponse, dernière limite le 15 mai, en lui demandant qu’est-ce qu’il veut pour l’avenir de l’UDF et qui, le 14 mai, la veille du dernier jour de renvoi, apprend par la télévision qu’on va faire l’Alliance… Il a un peu l’impression quand même qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas très bien. Maintenant, cela dit, vous aviez raison : il faut regarder l’avenir. Moi l’Alliance, si c’est pour faire un vrai projet, libéral, européen, social, démocrate, très bien ! Si c’est pour faire un truc qui dise : le libéralisme oui, mais enfin l’étatisme quand même ; l’euro d’accord, mais pas trop ; le social oui, mais enfin pas quand même pour les trop pauvres ; et puis les démocrates très bien, mais enfin le Front national ils sont fascistes, d’accord, mais enfin on peut quand même travailler un peu avec eux, là moi ça me plaît moins. Alors ça, c’est le premier point. Et deuxième point, puisque vous avez parlé de la mairie de Paris, moi je suis élu du département de l’Essonne. Vous connaissez le département de l’Essonne. Je vais vous donner un chiffre qui va peut-être vous faire réfléchir : pour les trois années à venir, il y avait quatorze conseillers généraux sortants de droite aux dernières cantonales, sur les quatorze. On en a réélu quatre, et les dix qui ont été battus, ce n’étaient pas des pourris.
C’étaient des mecs très bien, qui s’étaient battus contre Dugoin, qui s’étaient désolidarisés, ils ont été balayés avec. Alors Monsieur Toubon, vous avez beau dire que ce n’est pas des questions de personnes, moi je vous le dis : si ! J’allais dire : si Xavier Tibéri, vous voyez le lapsus, si Jean Tibéri reste, vous avez perdu la mairie.

Alain Duhamel : Alors François Léotard d’abord.

François Léotard : Oui, juste deux remarques. La vie politique c’est un film, ce n’est pas une photo. C’est-à-dire qu’à un moment donné, nous avons pris ensemble, ensemble, ensemble, la décision de faire un questionnaire. Il se trouve que, ensuite, nous avons eu l’opportunité avec Philippe Séguin de créer quelque chose que nous avons eu la volonté de soumettre ensuite au vote des militants, mais c’est surtout la deuxième partie de votre réflexion qui est intéressante. Vous ne ferez pas, cher Monsieur, une majorité tout seul, vous dites : moi, je veux être libéral, mais je ne voudrais pas qu’on soit trop social ; je voudrais être européen… enfin je ne sais pas, enfin tel ou tel. Vous ne ferez pas une majorité tout seul. C’est peut-être l’inverse. Vous ne ferez pas une majorité tout seul. Je veux dire : vous êtes obligés, dans le système qui est le nôtre, de faire 51 % des Français, et ça veut dire agréger et non pas diviser. Et l’objectif, Françoise de Panafieu a eu la gentillesse de rappeler, ce que nous avons voulu faire, c’est de rassembler, ce n’est pas de diviser. C’est de rassembler au maximum, c’est de tendre la main au maximum de nos concitoyens pour fonder, enfin, une droite qui s’assume, qui porte un projet et dans ce projet, il y a autant l’Europe que la Nation, il y a autant l’individu que l’entreprise, il y a toute une série d’éléments qui sont à notre corpus d’idées, et c’est ça qu’il faut que nous fassions.

Hervé de Charette : Il faut ouvrir le débat parce qu’en effet, il y a de vraies questions qui ne sont pas tranchées et ça fait des années qu’on navigue dans des incertitudes qui, le jour où on gouverne, nous retombent sur la tête, voilà pourquoi ça ne va pas.

Arlette Chabot : Alors mairie de Paris, l’Essonne, Françoise de Panafieu, vous voulez répondre, ou Jacques Toubon en un mot, avant que l’on enchaîne.

Françoise de Panafieu : Je crois que ce que vous avez probablement voulu dire, c’est qu’aujourd’hui, ce que l’on demande finalement à un élu, ce que l’électeur demande à son élu, ce n’est plus tant d’être le premier de la classe – ça il n’en a rien à faire –, c’est à la fois de l’intuition parce qu’il veut que ce soit un élu qui colle à son époque, qui comprenne les attentes des gens, l’intégrité. Ça ne devrait même pas… on ne devrait même pas avoir à le rappeler. Il se trouve qu’aujourd’hui on a à le rappeler, et troisièmement d’être représenté et correctement représenté, si possible avec un peu de panache. C’est finalement ça que demande l’électeur à son élu, avec, je ne sais pas si vous l’avez remarqué, dans le sondage du « Figaro », il y a quelque chose qui m’a beaucoup frappée, l’élu local est très apprécié de l’électeur, quand l’électeur le connaît, comprend les projets, etc. Même s’il n’est pas d’accord, son rôle est très apprécié et reconnu. Par conséquent, je crois qu’il faut que l’élu
n’oublie jamais qu’il est une émanation d’un électorat local et qu’il éprouve toujours le besoin de revenir à la base, avec ces trois critères que je viens de rappeler et que, finalement, vous aviez un peu énoncés.

Arlette Chabot : Alors, on va parler du projet et autre reproche qui vous est fait, c’est à la droite de ne pas assumer sa position ou son projet clairement à droite. C’est ce que disent beaucoup de militants qui ont rejoint la droite créée par Charles Millon. Mickael Darmont, Didier Guillot, Jean-Louis Keret et Jean-Louis Monnier (phons) sont allés à la rencontre des militants de la droite.

Un intervenant : Je ressens sur le plan marketing, la droite comme un coup très bien joué, la droite sans qualificatif. Ça devient irrespirable en France, alors on a besoin d’un parti qui se dise de droite sans complexe, parce que la droite, c’est 1 300 ans d’histoire de France et un peu plus. Donc on a besoin maintenant de nouveaux repères et j’espère que Charles Millon nous les donnera.

Un intervenant : C’est le seul, pour le moment, qui nous donne un peu de baume au cœur.

Une intervenante : Et surtout, il n’ignore pas les Français du Front national, car nous sommes Français à part entière.

Une intervenante : Mais vraiment, ce qui se passe maintenant ce n’est pas admissible, vraiment ce n’est pas admissible.

Une intervenante : Mais où va-t-on surtout ? D’ici vingt ans et on ne sera plus Français, on ne sera plus rien. La démographie galopante de la gauche…

Une intervenante : Si quelqu’un peut sauver la baraque, eh bien il faut la sauver, parce qu’il est temps.

Le journaliste : À quel rythme vous recevez donc ces adhésions, ces chèques ?

Une femme : C’est le courrier de ce matin. Hier j’ai enregistré 400 chèques, hier soir et là on doit en avoir, je ne sais pas, 400 aussi à peu près, si ce n’est plus. Les gens adhèrent parce qu’ils ont envie d’avoir quelque chose de nouveau. Ils ne se sentaient plus représentés du tout. Il y a beaucoup de gens qui ne se sentaient pas représentés en politique, qui n’étaient pas adhérent d’un parti ou autre, qui sont déçus par les partis, sur les Lyonnais qui sont déçus par certaines choses de la ville.

Une femme : C’est une idée de la droite qui est nouvelle. C’est vrai qu’il dit tout fort ce que les autres n’osent pas dire. Il a un peu le courage de donner un coup de pied dans la fourmilière.

Une femme : Charles Millon, tout naturellement, contre vents et marées, il maintient, il persiste et je crois que justement la vraie droite, c’est celle-ci : c’est qu’on a un programme, on s’y tient, on l’applique, parce que peut-être que jusqu’à présent, c’est ce qui a manqué à la droite traditionnelle, c’est… On a un programme, mais à force, à force d’élaguer, il ne ressemblait à plus grand chose, au final. Et il y a eu d’énormes déceptions et c’est ce qui fait que beaucoup de personnes se sont abstenues ou sont allées vers les votes extrêmes.

Une femme : Je ne vais pas déjeuner. Je reste là et je travaille et rapidement, pour les beaux yeux de Monsieur Millon.

Un homme : Il y a des gens qui pourraient être mes grands-parents, mes parents et on le vit dans une dimension qui est optimiste, et qui est surtout positive, et qui nous fait beaucoup de bien à tous, une sorte de thérapie de groupe.

Alain Duhamel : Alors François Bayrou, est-ce que la droite perd parce qu’elle n’est pas assez à droite ? Parce qu’elle ne s’assume pas à droite ?

François Bayrou : Il y a sûrement le sentiment, de la part de beaucoup de nos électeurs, que ce qu’on a dit pendant les campagnes électorales n’avaient été fait exactement de la manière dont on l’avait annoncé. On a entendu ça tout le temps. Je me souviens très bien qu’on dit que Giscard a perdu en 81 parce qu’il n’avait pas fait la politique de la droite. Et puis on a perdu de nouveau en 88 et on a réentendu la même chose, et puis en 97, on a réentendu la même chose…

Alain Duhamel : Alors c’est vrai ou c’est faux ?

François Bayrou : Non, je crois que c’est largement faux parce qu’on oublie que la politique,ça n’est pas un programme seulement. C’est la capacité à faire suivre, à un pays, un programme. C’est la capacité à entraîner un pays autour d’un programme. Honnêtement, on a été membre du gouvernement avec Édouard Balladur, comme avec Alain Juppé, il y avait des gens comme Madelin, comme Sarkozy qui, aujourd’hui, disent : on n’a pas suivi le programme. Pourquoi est-ce qu’ils ne l’ont pas fait ? Pourquoi est-ce que les uns ont voté des impôts, ou ont mis en place des impôts, alors qu’ils avaient dit qu’ils ne le feraient pas ? Pourquoi est-ce que les autres n’ont pas baissé le déficit public alors qu’ils avaient dit qu’ils le feraient ? Personne n’ose le dire parce que le pays était sur une position psychologique et politique différente de ce qu’était le programme et les annonces. Le problème principal de la droite, de l’opposition aujourd’hui, c’est son lien avec le pays. C’est plus facile de dire : il faut être à droite et puis comme ça on nous suivra. C’est plus facile, mais ce n’est pas vrai. Mais ce n’est pas vrai et je crois que… Voilà, nous avons principalement un problème de refaire naître autour de nous, une ambition partagée avec les Français et cette ambition, elle ne se réduit pas aux propos les plus extrêmes. En tout cas, je ne le crois pas.

Alain Duhamel : Alors on demande à Charles Millon maintenant de donner son point de vue là-dessus. Vous, vous pensez qu’il faut que la droite s’assume comme la droite ?

Charles Millon : Je crois que l’un des problèmes qui est posé actuellement aux hommes politiques, c’est de dire ce qu’ils vont faire et de faire ce qu’ils ont dit. D’autre part, de dire quels sont leurs engagements et en fonction de quelle référence ils prennent ces engagements. Nous avons toute une population, tout un électorat qui est prêt à nous suivre, j’allais dire, jusqu’au bout, à condition qu’on soit comme l’a dit tout à l’heure Françoise de Panafieu, non seulement intègre, mais honnête intellectuellement. Or, durant des années, on a tenu des campagnes électorales où on a exposé des idées qui étaient des idées qui étaient conformes à nos convictions profondes, et puis ensuite, par conformisme, j’allais dire par peur de mettre en œuvre un certain nombre de réformes, on est retombé dans un politiquement correct qui nous a amené à complètement renoncer à notre électorat. Et c’est aujourd’hui la rupture qui apparaît entre l’électorat et puis un certain nombre d’hommes politiques, qu’ils soient d’ailleurs de droite ou de gauche, car je crois que la gauche subira exactement le même phénomène dans quelques mois ou quelques années. Donc je crois, aujourd’hui, pour retrouver nos racines, il faut retrouver nos racines, comme vient de le dire François Bayrou, au sens comportement, au sens humain. Il faut, je crois, aimer les gens. Et puis, deuxièmement, il faut retrouver les idées, les forces, les convictions qui font que nous voulons une ambition pour notre pays et transformer notre pays. Alors ceci va passer par un certain nombre de valeurs. Je pense qu’on y viendra et qu’on jugera du programme.

Alain Duhamel : On y vient. Franz-Olivier Giesbert, vous avez une réaction ?

Franz-Olivier Giesbert : Oui, une question à Charles Millon : alors dans cet état d’esprit, est-ce que vous avez annoncé à vos électeurs que vous alliez passer, d’une certaine façon, un accord avec le Front national ? Ou est-ce qu’ils l’ont appris en regardant la télévision ?

Charles Millon : Je n’ai jamais passé d’accord avec le Front national. J’ai dit à mes électeurs, depuis toujours, que j’avais un programme, que j’appliquerais mon programme. Jusqu’à maintenant, jusqu’à aujourd’hui, l’heure où je vous parle, j’ai appliqué mon programme, tout mon programme, rien que mon programme et sans aucune concession. Et si j’étais amené à faire des concessions par rapport à mes convictions, ou par rapport à ma morale ou par rapport à, j’allais dire, à toute mon éthique, je changerais en fait à ce moment-là de comportement et je ferais craquer les choses dans la région où je suis.

Arlette Chabot : Alors on va parler du Front national dans un instant. Jacques Toubon, quand on est gaulliste, on est de droite. Il faut être carrément à droite ?

Jacques Toubon : Non, je réagissais au moment où François Bayrou a parlé. Je pense qu’il a grandement raison. Je veux dire que c’est vrai que, par exemple, si l’on dit à une partie de notre électorat, composée de chefs d’entreprise, de commerçants, d’artisans : nous allons baisser les impôts et les charges et qu’on fait l’inverse, ou qu’on ne le fait pas suffisamment, il est tout à fait clair que l’idée qu’il fallait faire ce programme de droite que nous proposions à des électeurs de droite, pour qu’ils nous suivent, est une idée évidente, mais au-delà de cela, je pense que François Bayrou a raison de dire que les choses sont beaucoup plus compliquées. Moi je pense qu’un certain nombre de valeurs, qui peuvent être au cœur de notre vision du monde, comme par exemple la liberté ou le travail, est-ce que véritablement la droite peut les mettre en œuvre, comme des idées idéologiquement parquées chez nous et qui ne soient pas chez beaucoup d’autres personnes, qui peuvent être à gauche ou à droite ? Est-ce que ça ne traduit pas d’abord dans un exercice fondamental de réforme ? Est- ce que d’une certaine façon la question n’est pas où est la réforme ? Est-ce qu’elle est de notre côté ? Est-ce qu’elle est de l’autre côté ? Est-ce que c’est nous qui sommes capables d’adapter nos institutions, comme l’a dit François Léotard, notre pays, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur, à l’évolution du monde et de la société ? Ou est-ce que c’est d’autres qui le feront ? Et je pense que François Bayrou a raison de ce point de vue. C’est plus complexe que ça.

Patrick Devedjian : Je vais prendre un exemple pour essayer d’être clair, parce que c’est quand même vrai que notre électorat nous reproche de ne pas être à droite comme elle doit l’être. Prenons la réforme de la protection sociale, nous avons fait cette réforme qui était courageuse et indispensable mais, en même temps, nous l’avons conçu de telle manière que, en pratique, elle a été soutenue par des médecins qui étaient socialistes et combattue par des médecins qui étaient libéraux, qui étaient de droite. C’est-à-dire que 80 % des médecins qui votent à droite, qui sont pour la droite ce que les instituteurs sont pour la gauche, ont combattu cette réforme parce que cette réforme, nous l’avons conçue sans eux et d’une manière qui n’est pas conforme à notre philosophie. Notre philosophie, c’est quoi ? C’est d’abord de placer la liberté en premier. Nos valeurs, ce sont celles de la République. Les valeurs de la droite, il n’y a pas besoin de les chercher très loin : liberté, égalité, fraternité, ce sont les valeurs de la République, mais nous ne les déclinons pas de la même manière que la gauche. Dans la contradiction qu’il peut y avoir entre l’égalité et la liberté, à droite, en définitive, dans cette contradiction, nous donnons la priorité à la liberté. À gauche, en définitive, on donne la priorité à l’égalité. Cette idée-là, nous l’avons souvent
oubliée.

François Bayrou : Pour réagir à ce que Patrick Devedjian vient de dire et avec quoi je ne suis pas tout à fait d’accord et qui illustre bien le propos. Moi je ne crois pas que notre avenir ce soit d’être la droite des médecins et de penser que les instituteurs ne seront jamais pour nous. D’abord les médecins, on a vu et Patrick Devedjian a eu tout à fait raison de le dire, qu’il pouvait arriver qu’ils se retournent violemment contre nous pour des questions de méthodes. Et c’est pourquoi je répète que la manière d’être et d’inventer une nouvelle méthode de réforme est capitale. Mais surtout, on a une France composée de 80 et quelques % de salariés, de quelques millions de membres de la fonction publique, de cadres, etc. Et on passe son temps, dans nos projets, à croire que notre électorat comme on dit, il est… il se limite à des professions libérales ou à des chefs d’entreprise, éminemment respectables et que nous devrions respecter davantage, quand nous traitons d’eux. Je ne crois pas que nous puisons continuer à avoir cette vision réduite de ceux qui s’intéressent à notre projet. Je crois que les salariés, les fonctionnaires, les universitaires, les étudiants et les professions libérales ou les chefs d’entreprise ont vocation à trouver chez nous des projets et des racines, aussi importantes qu’ailleurs. C’est un projet de rassemblement et ce n’est pas un projet de restriction sur un tout petit électorat.

Alain Duhamel : Alors maintenant, les élus et Jean-Claude Martinez, alors allez-y.

Pierre-Christophe Baguet : Il est évident que c’est un projet qu’on arrivera à rassembler. Simplement il faut se mettre d’accord sur des idées simples. Hervé de Charette le disait : ça fait dix ans que l’UDF débat de telles ou telles orientations et n’arrivent pas à sortir un message clair. François Léotard parlait d’une balise qui n’émettait plus de message. Il faut avoir maintenant des idées simples. Aujourd’hui les clivages… on est Européen ou on n’est pas Européen ; on est pour la liberté d’entreprendre ou on n’est pas pour la liberté d’entreprendre ; on est pour les 35 heures ou on n’est pas pour les 35 heures ; on est pour l’assistanat systématique ou on est pour la solidarité avec une notion d’insertion fondamentale pour les gens, le droit au travail, le droit de retrouver sa place dans la société. Et c’est avec ce message clair qu’on arrivera à reconstituer, effectivement, la droite autour d’un appareil qui devra être effectivement repensé par la base et approuvé par la base. Et le
projet, il devra venir aussi de la base. C’est ce qu’on ne fait pas aujourd’hui. Quand je suis arrêté dans la rue, on me dit Monsieur Baguet, vous avez voté et la loi sur l’exclusion vous ne l’avez pas votée. C’est ça qui intéresse les gens ; ils veulent savoir…

Alain Duhamel : Et qu’est-ce que vous leur répondez ?

Pierre-Christophe Baguet : Alors moi, je me suis abstenu…

Alain Duhamel : Et c’est vrai que ça correspond à ce que vous disiez à l’instant, parce que vous disiez à l’instant, il faut savoir dire oui ou non, et vous vous répondez, je m’abstiens. Alors ?

Pierre-Christophe Baguet : Tout à fait, je me suis abstenu parce que justement c’était compliqué, comme disait François Bayrou tout à l’heure. Une loi comme ça, où les socialistes ont gangrené la loi, parce que la loi contre les exclusions, effectivement, tout le monde est pour, mais la gangrener avec une atteinte à la propriété individuelle, comme disait tout à
l’heure Patrick Devedjian, ça ce n’est pas normal sur l’histoire des logements. On aurait dû différencier et faire ça en deux lois différentes. C’est ce qu’il faut expliquer à nos électeurs, avec des mots simples et clairs.

Alain Duhamel : Alors vous, qu’est-ce que vous en pensez, vous qui êtes élu du Limousin ?

Participant : Moi je pense que la droite a très souvent eu honte de dire qu’elle était de droite et c’est vrai que tout à l’heure, personne n’a répondu vraiment à votre question. Il est vrai que depuis une trentaine d’années, ça fait mauvais effet. Ce n’est pas à la mode d’être de droite. Donc on dit, pour reprendre les propos du général de Gaulle : « La France n’est pas à droite, la France n’est pas à gauche », et on dit : je suis républicain, je suis modéré, mais on ne dit pas je suis de droite. Je crois que c’est vraiment une grosse lacune de ne pas oser avouer qu’on a une étiquette de droite, sans pour autant vouloir flirter avec les extrémistes. Et je crois qu’il est quand même dommage de ne pas dire qu’on est de droite… Tout à l’heure, vous parliez…

Arlette Chabot : Hervé de Charette n’est pas de droite.

Hervé de Charette : Je m’excuse de vous le dire franchement : je ne suis pas de droite, mais je respecte que vous le soyez et j’ai envie de travailler avec vous.

Participant : Moi aussi, Monsieur de Charette, mais les élus RPR et UDF sont quand même majoritairement à droite, on peut le dire. Il me semble que c’est tout à fait exact et justement, tout à l’heure vous parliez, à l’instant, Monsieur de Charette, de l’agacement que vous pouviez avoir à l’égard des médias qui, souvent, extrapolent sur ce qui pourrait être l’opinion des Français sur les partis politiques. Mais l’agacement a gagné les Français. Ce n’est pas l’agacement de Monsieur Giesbert ou de Monsieur Duhamel. C’est l’agacement des Français et je crois que nous agaçons à force d’avoir un discours trop puritain, trop édulcoré.

Hervé de Charette : Juste un mot, je pense que cette dame a tout à fait raison : il faut dire des choses précises et c’est pourquoi je demande, depuis le début de cette émission, que l’on vienne enfin au projet, c’est parce que je pense que sur beaucoup de questions, fortes, importantes pour notre avenir, l’opposition doit débattre. Je ne suis pas sûr que les idées soient claires sur toute une série de questions essentielles qui touchent à la liberté, jusqu’où, la liberté d’entreprendre jusqu’où ? Qui touche à l’Europe, jusqu’où ? Qui touche à la protection et à la solidarité. J’ai bien aimé ce que disait Monsieur Baguet. Bref, nous n’avons… ou bien nous ne savons pas si nous ne sommes pas en accord ou en désaccord. Ou bien nous n’avons pas, nous même, assez creusé des sujets extraordinairement importants pour la société française et, du coup, lorsque viennent les élections, nous faisons des programmes bâclés sur un coin de table, où nous égrainons des banalités habituelles : on va baisser les impôts ; on va vous donner la lune « à la Saint-Glinglin ». Et quand arrive le jour de le faire, on augmente les impôts alors qu’on a dit qu’on allait les baisser. Mais il faudrait quand même au moins travailler les dossiers avant. On saura de quoi on parle.

Fin troisième partie

Quatrième partie

Alain Duhamel : Alors Jean-Claude Martinez, qui lui n’est pas un élu de l’Alliance, donc Jean- Claude Martinez du Front national.

Jean-Claude Martinez : Alors d’abord, je ne voudrais pas troubler cette réunion de famille finalement, le conseil des familles…

Alain Duhamel : C’était le sujet, les difficultés de la droite. On ne l’a pas inventé. Il existe.

Jean-Claude Martinez : Imaginez les téléspectateurs qui ont regardé pendant une heure, parce que comme il est tard, imaginez qu’il y ait quelques-uns des sept millions de chômeurs, quelques-uns des deux millions de paysans éliminés grâce aux politiques de ces hommes et ces femmes, quelques-uns des téléspectateurs qui font partis des pêcheurs éliminés par vous, des ouvriers des aciéries, des ouvriers du textile, des ouvriers du charbonnage qui, à Lens, n’ont que le championnat et la victoire dans le championnat, imaginez que tous ces gens regardent l’émission et apprennent que le grand problème, c’est de savoir si Monsieur Bayrou a écrit un livre sur l’écharpe blanche, si Monsieur Tibéri et Monsieur Toubon régleront ça à Ok Corral, ou à Auriol, si grâce à Madame de Panafieu, trente ans après on ressortira le couple avec Cohn-Bendit. Monsieur Léotard, n’en parlons pas ! Vous imaginez l’effet dévastateur ? Le problème n’est pas là et vous comprenez pourquoi…

Alain Duhamel : Alors quel est le problème ?

Jean-Claude Martinez : Le problème, il est très simple, c’est pourquoi faire ? C’est bien joli, des restructurations, des décompositions, des recompositions, mais quelle est la finalité ? Quelle est, comme dirais Monsieur Bayrou, qui est un homme intelligent, cultivé, quelle est la téléologie ? Quelle est la fin que l’on poursuit ? Monsieur Charette d’ailleurs qui disait, parce qu’il est Monsieur de Charette, il disait par conséquent, qu’il n’était pas de droite, s’est mis à parler, si j’ose dire, programme. Le problème est simple : veut-on proposer au pays la France promise ? Si vous me permettez la formule, par connotation avec l’Alliance, parce que si je me souviens bien, l’Alliance il y a un peu plus de trente-deux siècles, c’était l’alliance entre les Hébreux et dieu. Ce n’était pas simplement un problème de bague, accordez-moi Monsieur de Charette et, dans cette alliance-là, on était élu jusqu’à la fin des temps, mais à condition de croire en un seul dieu, et ce dieu est-il celui de Bruxelles, de l’union européenne, celui de Genève et de l’Organisation mondiale du commerce, celui de l’OTAN, qui, lorsqu’il lève le petit doigt, on va lui obéir ? C’est un problème de savoir à quel dieu on sacrifie, ou alors un dieu des affaires, un dieu financier… C’est un problème de finalité et c’est pour cela que les choses sont très claires avec le Front national. C’est sans doute une partie de la droite, mais ce n’est pas que cela. C’est la reprise de tout l’héritage que vous avez abandonné en face, de l’héritage gaullien et que c’est un front, non pas de droite, mais c’est un front national…

Jacques Toubon : On n’a jamais fait de la politique sur la peur des Français, on a fait la politique sur l’espoir, ce n’est pas tout à fait pareil.

Jean-Claude Martinez : Bien sûr, mais nous aussi, la France promise c’est un immense espoir…

Jacques Toubon : Monsieur Martinez, vous êtes le parti de la peur. Ce n’est pas avec ça qu’on construit la France.

Un intervenant : Le Pen a combattu le général de Gaulle.

Jean-Claude Martinez : Oui bien sûr, le général de Gaulle qui a signé le traité d’Amsterdam, qui a signé le traité de Maastricht, etc. Le pauvre de Gaulle, vous lui en avez fait signer des choses, mais le débat… le débat est un problème de fin : veut-on une France abandonnée dans une Europe mondiale qui n’est pas… parce que, nous, nous sommes pro-européens, contrairement à ce qu’on raconte, bien sûr, mais contrairement, ce n’est pas l’Europe qui abandonne la préférence communautaire, c’est l’Europe qui reste elle-même, avec ses valeurs. Ce n’est pas l’Europe et j’ai à côté de moi une agricultrice, ou une épouse agricultrice. Ce n’est pas l’Europe qui veut imposer le modèle agricole américain, c’est l’Europe européenne. Eh bien tant que vous aurez des débats comme ce soir, où au fond il s’agit d’exclure le Front national, cinq ou six millions de personnes…

Arlette Chabot : On n’a pas parlé du Front national. On a parlé de la droite plurielle jusqu’au Front national. Jean-Claude Martinez : Oui, mais nous ne sommes pas que la droite, nous sommes le Front national, c’est-à-dire une idée de grand rassemblement. C’est pour cela d’ailleurs qu’une partie des électeurs du Parti communiste sont venus au Front national. Un dernier mot qui est important, vous savez, contrairement à toutes les méchancetés qu’on raconte sur nous, qu’on dit sur nous, nous, notre position, elle est très simple, c’est un peu celle de Paul, si j’ose dire : il n’y a pas de Juifs, il n’y a pas de Grecs, il n’y a pas de gentils, il n’y a que des Français que nous proposons de rassembler.

François Léotard : Juste quelques mots, parce que Monsieur Martinez mérite qu’on l’écoute. Moi je l’ai écouté avec beaucoup d’attention et il ne manque pas de culture. Je voulais simplement que tout le monde sache, puisque nous parlons de la droite, que les… certains qualifient le Front national d’extrême droite, quels sont les points essentiels qui nous séparent au fond du Front national ? C’est un vrai débat, quels sont les points fondamentaux ? J’en cite quatre, Monsieur Martinez, qui me semblent fondamentaux : la conception de l’Europe, nous souhaitons une Europe organisée politiquement et vous, vous ne le souhaitez pas ; la conception de la Nation, vous avez une conception ethnique de la Nation, j’allais dire raciale, ça n’est pas notre conception ; la manipulation de l’Histoire, pour nous, ce n’est pas un point de détail ce qui s’est passé il y a cinquante ans, c’était une horreur et une tragédie européenne que nous ne cesserons de combattre ; et enfin les liaisons dangereuses qui sont celles du Front national, c’est-à-dire toutes les dictatures du monde, c’est-à-dire la manifestation prochaine, le 30 mai, avec les fascistes allemands, les flamands, etc. C’est ces quatre points essentiels, on peut… je vous écoute Monsieur Martinez. Moi j’essaie de comprendre comment vous pouvez séduire une partie de l’électorat français ? Je crois, comme l’a dit Jacques Toubon tout à l’heure, c’est souvent par l’exaltation de leur passion, ce n’est pas par la raison, c’est par l’exaltation de leur passion.

Jean-Claude Martinez : Alors Monsieur Léotard, pour une fois on peut avoir une vraie discussion. Le point clé de la conception ethnique, franchement, est-ce que vous êtes pour l’accord de Matignon, qui repose intégralement sur une conception raciale sur la Nouvelle Calédonie ? Nous…

François Léotard : Je vais vous dire Monsieur Martinez pourquoi je suis pour cet accord globalement : parce que je ne souhaite pas le retour de la violence et je crains que votre parti politique soit un parti de violence. Je pense qu’il faut tout faire pour éviter la violence sur le territoire national.

Jean-Claude Martinez : … qui repose sur une conception purement ethnique, Monsieur Léotard, comment pouvez… Monsieur Léotard, est-ce que vous souffrez une seconde… Je crois à votre sincérité et je pense que vous pouvez vous tromper. Je suis là peut-être pour essayer, parlons-en, Monsieur Léotard, est-ce que vous croyez que des hommes qui ont cru que le message de Dunkerque-Tamanrasset, c’est une grande période de Jules Ferry, moi ça fait partie des hommes auxquels, c’est mes grandes références, comme les instituteurs de Pagnol. Est-ce que vous croyez, franchement, est-ce que vous croyez que le message, l’empire, vous qui êtes Corse, de Dunkerque à Tamanrasset, est-ce que vous croyez que là, il y avait une conception ethnique ? Le génie de la France, c’est établir des ponts, c’est d’être universel, comme nous le défendons, ça vous paraît idiot, et ça me rattache à votre conception de l’Europe. Quand nous défendons et c’est vraiment très concret cela, une seconde…

Arlette Chabot : En deux mots.

Jean-Claude Martinez : Quand nous défendons contre les intérêts de la multinationale américaine de Chiquita, et c’est une des concessions l’Europe quand nous défendons la banane de la Martinique et la guyot (phon) de la Guadeloupe, croyez-vous vraiment que nous défendons une banane ethnique ? Ça c’est quelque chose de concret sur l’Europe, j’ai peur que vous viviez sur des fantasmes. Alors je ne sais pas s’ils sont réels ou s’ils sont faux, mais moi je suis prêt à vous guérir là-dessus.

François Léotard : Je voulais simplement, je ne parle pas moi de détails, je voulais simplement insister sur les vraies différences entre nous. C’est utile que les gens le sachent.

Arlette Chabot : Un mot. Alors je crois comprendre qu’ici personne n’est pour la droite plurielle qui ira jusqu’au Front national inclus ?

François Léotard : Excusez-moi, je termine par une phrase : l’Alliance, c’est comme l’Europe. Il y a une liberté des idées et des personnes et des projets à l’intérieur de l’Alliance, et il y a la définition d’un périmètre à l’extérieur duquel on n’est pas dans l’Alliance.

Jacques Toubon : Je voulais juste ajouter, aux quatre différences fondamentales que François Léotard a justement décrites tout à l’heure, une cinquième qui me paraît aussi tout à fait fondamentale. C’est que, pour le Front national, l’essentiel des rapports politiques sont fondés sur la force et nous, et pas nous, je veux dire, la République s’est fondée…

Jean-Claude Martinez : Et avec Monsieur Tibéri, c’est sur l’amour ?

Jacques Toubon : Et pas nous, je veux dire, la République s’est fondée sur le droit. Le Front national…

Jean-Claude Martinez : Bien sûr, mais le droit national, pas le droit communautaire et mondial de l’organisation de Genève.

Jacques Toubon : Le Front national ne reconnaît pas…

Alain Duhamel : Mais Jacques Toubon a le droit de terminer sa phrase !

Jean-Claude Martinez : Et j’ai le droit de lui corriger ses erreurs juridiques.

Jacques Toubon : Le Front national pense que la force peut être supérieure à la loi. C’est une très grande différence avec les démocrates et les républicains que nous sommes.

Alain Duhamel : Alors il y a quelqu’un qu’il faut qu’on fasse réagir… Monsieur Martinez, le point de vue de Charles Millon, qu’on n’a pas entendu sur cette question et qui aura peut- être un point de vue différent de ceux qui sont sur ce plateau.

Charles Millon : Mon point de vue est tout à fait clair : il ne se place pas par rapport aux appareils, ou aux alliances, il se place par rapport aux électeurs et par rapports aux citoyens car, comme vous tous, je sors d’une campagne électorale où j’ai rencontré nombre d’électeurs qui ont dit par dépit, par désespérance, nous sommes allés voter Front national. Pourquoi ? Parce qu’ils avaient l’impression que les hommes politiques de droite n’étaient pas capables d’assumer… les thèmes de droite n’étaient pas capables de prendre en charge leurs désespérances, leurs angoisses, n’étaient pas fidèles aux réformes qu’ils avaient promises et qu’ils devaient mettre en place et qu’ils n’avaient pas mises en place. Alors je crois qu’on est tout le temps en train, actuellement, de tourner en rond en se demandant qu’est-ce qu’on va faire avec untel ou untel. Je crois qu’il est beaucoup plus important de dire : qu’est-ce qu’on va faire pour les Français et ne faire aucune concession sur ces convictions fondamentales. Personnellement, je n’ai fait aucune concession sur mes convictions fondamentales, je n’en ferai jamais, mais je vais arrêter de participer à ce débat, dont les Français en ont assez. Ils en ont assez que continuellement, on se place par rapport à l’autre et qu’on les oublie. Or depuis maintenant un quart d’heure, on a parlé des alliances, on a parlé des débats entre partis politiques et on a complètement oublié les Français.

Alain Duhamel : Eh bien ça tombe très bien, Monsieur Millon, parce que justement on va regarder les résultats du sondage sur les orientations et le programme, merci de la transition.

Arlette Chabot : Alors on va parler du projet. Tout à l’heure, Hervé de Charette disait qu’il fallait que vous travailliez tous ensemble parce que les choses n’étaient peut-être pas tout à fait encore claires. Alors sondage SOFRES, interrogation des Français et puis des sympathisants RPR UDF sur ce que devraient être les grandes orientations d’un projet. Lutte contre la délinquance, vous voyez, c’est la première priorité ; baisse des impôts ; fermeté à l’égard de l’immigration ; et grande liberté pour les entreprises. Voilà les quatre orientations qui, selon les personnes interrogées, doivent être prioritaires. Est-ce que vous êtes d’accord avec ça, la baisse des impôts ?

Françoise de Panafieu : Alors spontanément comme ça, si je devais mettre trois adjectifs autour de ce que devrait être aujourd’hui, je crois, un programme de droite : une droite doit être européenne à mon sens ; elle doit être libérale ; et elle doit avoir un programme sécuritaire de sécurité. On voit bien que c’est quand même une des préoccupations des Français. Et le jour où la droite arrivera en disant : j’ai ces trois convictions-là et je suis décidé à les appliquer à la lettre, elle aura déjà fait un très grand pas. Et il me semble que c’est ce qu’on a oublié de faire en 95.

Alain Duhamel : Et rien de social dans les priorités ?

Françoise de Panafieu : Ça, c’est sous-jacent, bien évidemment.

Arlette Chabot : Patrick Devedjian, les priorités ?

Patrick Devedjian : À quoi la droite peut être utile à la France ? Moi je crois à l’adaptation à la mondialisation. Pourquoi ? Aujourd’hui le vrai défi de la France, c’est la mondialisation. Qu’est-ce que répondent les partis extrémistes comme le Front national ou le Parti communiste ? Il faut rabaisser le pont-levis ou le relever plus exactement, et fermer la forteresse. Que dit le Parti socialiste, que dit la gauche ? Il faut nous faire à nous un régime d’exception un peu particulier, l’exception française. Que peut faire la droite ? Elle peut montrer à ce peuple qui a du talent, qui a de l’intelligence, qu’il est capable de surmonter le défi et d’en sortir victorieux, c’est ça notre rôle.

Arlette Chabot : Alors je rappelle qu’il y a un projet pour la France et les Français que distribue en ce moment, très largement, le RPR. Voilà c’est un projet. Ce ne sont pas encore des mesures. Ce sont des réflexions générales…

Françoise de Panafieu : Réflexions générales, remontées de la base parce que, quand même je voudrais dire que depuis 1995, sous la houlette de Philippe Séguin, qui lui-même a fait toutes les fédérations de France, nous sommes partis à travers la France entière. Nous avons été rencontrer les militants et nous continuons de le faire. La semaine prochaine encore, je vais à Périgueux, les autres le font également de leur côté. Nous ne cessons de repartir devant la base. Alors j’ai bien noté tout à l’heure que Montreuil était désespéré de ne pas avoir vu… on ira les voir, mais en attendant, c’est ce que l’on fait quand même depuis deux ans.

Arlette Chabot : Alors orientations, projets ?

Intervenant : Le premier travail des treize députés refondateurs, ça a été justement de rédiger une charte des valeurs et notre titre c’est : « rassembler la droite et le centre, pour une France forte, moderne et généreuse. » Je crois que c’est clair. Effectivement, il faut que l’on restaure un État fort. On parlait tout à l’heure des problèmes de sécurité. C’est absolument nécessaire. Aujourd’hui il y a des zones de non-droit qui ne sont pas acceptables. Il faut que l’on ait une France moderne qui est la France effectivement de la liberté d’entreprendre et il faut qu’on ait une France généreuse, capable de tendre la main aux plus démunis, aux plus défavorisés. C’est un programme effectivement qui paraît simple. On l’a rédigé en cinq pages. Il est déclinable, sans problème et il est surtout… par la base des sympathisants, des militants de toute la droite et du centre.

Intervenant : Il y a deux notions que l’on oublie dans le sondage du « Figaro ». Il y a également deux valeurs que les Français reconnaissent en priorité, ce sont la famille et le travail, et la famille est une notion que l’on n’ose pas souvent aborder. Non, mais je regrette, ce n’est pas un langage qui vous appartient et que vous avez annexé. La droite depuis très longtemps a défendu la famille et je crois qu’il est maintenant de bon ton de revenir à la défense de la famille, que la gauche a péniblement attaqué. Et le travail non plus n’est pas, au sens de la gauche, une notion punitive, c’est quelque chose… C’est l’épanouissement de l’homme et je crois qu’il est bon que nous revenions à un discours terre-à-terre, concret, qui correspond à ce que les Français attendent. Donc famille et travail.

François Bayrou : Moi je voudrais, avant de dire mes trois ou quatre mots comme Françoise de Panafieu l’a fait, une observation : j’ai trouvé que dans le sondage, il n’y avait pas tant de différences entre ce que souhaitait l’ensemble des Français et ce que souhaitaient les Français de l’opposition. Il y a des inflexions, 5 % d’un côté, 10 % de l’autre, mais grosso modo, c’est la même échelle et hiérarchie. Je crois qu’il ne faut pas oublier ça. Je ne crois pas, quant à moi, qu’il y ait un projet de droite qui soit radicalement le contraire de ce que souhaite un autre projet. Je pense que la France est beaucoup plus large, est beaucoup plus ouverte que nous le croyons aujourd’hui, quand nous nous enfermons dans nos appareils. Ça c’est la première chose. Deuxième chose, alors les trois ou quatre mots, moi je dirais : 1. construire une société des devoirs autant que des droits. Une des choses que reproche la plupart des gens à cette dérive qu’ils sentent, c’est qu’on parle toujours de droits et jamais de devoirs et il faut, me semble-t-il, qu’on dise qu’à chaque droit correspond un devoir. Deuxième chose, la politique économique – la liberté économique est la seule manière de libérer l’énergie – doit s’accompagner de la solidarité ou, en tout cas, du sentiment qu’une politique économique n’est pas faite pour elle-même, c’est la solidarité qui est en cause. Troisième chose, l’avenir de la Nation qui nous tient aussi à cœur qu’à n’importe qui d’autre. Monsieur Martinez, l’avenir de la Nation, c’est l’Europe, et si on joue contre l’Europe, on joue contre la Nation. Et enfin, dernier point, il n’y a de vraies insertions, de vraies promotions et de vraies reconnaissances que par le travail et donc en effet c’est, me semble-t-il, là, la clé de l’avenir.

Alain Duhamel : Alors François Léotard, ensuite Hervé de Charette.

François Léotard : Moi je mettrais l’accent simplement sur deux points, sur deux points parce que ça me semble ce qui relève de tous les sondages et de tout ce que nous entendons sur le terrain : fiscalité, sécurité. Nous avons un pays qui est déraisonnable dans le domaine de la fiscalité depuis des années. Nous avons atteint des sommets en Europe et des sommets dans le monde économique occidental et je pense qu’il faut que nous prenions des engagements très simples. Nous avons… les ministres de l’époque ont augmenté la TVA, par exemple, en juillet 1995, de deux points, c’était provisoire. Comme toutes les augmentations fiscales, prenons comme engagement de baisser, dès que possible, la TVA de deux points. Ce n’est qu’un exemple précis, fiscalité. Sécurité : ça n’est pas parce que le Front national évoque sans arrêt la sécurité, que c’est une question qu’il ne faut pas aborder. On vole actuellement en France 700 000 postes autoradio par an. On peut dire : ce n’est pas grave, ça ne change pas la vie. On peut dire : ce n’est rien, ça rend les gens fous et je ne parle pas des cambriolages et autres atteintes à la sûreté des personnes, ce qui est un des droits de l’homme. Il faut que nous disions très tranquillement : oui, nous voulons rétablir la sécurité dans ce pays. Ce sont des choses simples. Nous avons fait des propositions très précises, notamment sur la réforme de la Police nationale pendant la campagne des élections en 97 et pendant la campagne des régionales. Moi j’ai fait des propositions très précises. Qu’elles n’aient pas été entendues, c’est banal, mais je crois qu’il faut que nous réglions ces deux questions : fiscalité, sécurité, avec beaucoup de courage, parce que ce sont deux fléaux qui pèsent lourdement sur la société française.

Hervé de Charette : Oui, nous avons en réalité besoin d’ouvrir notre débat sur deux chapitres ou deux façons de l’aborder assez différentes. Il y a d’abord la question des valeurs, c’est-à-dire des principes auxquels on se réfère. C’est pas du tout négligeable et Monsieur Baguet tout à l’heure a évoqué le document qu’avec d’autres parlementaires il a élaboré. C’est un sujet très important parce que, à un moment ou à un autre, dans la vie politique, on a besoin d’avoir ses références qui sont l’expression de sa propre philosophie politique. Par exemple, nous à l’UDF, on a vécu depuis de vingt ans sur une définition que Giscard avait élaborée en 74 : libérale, sociale et européenne… Il faut bien reconnaître que ces mots ont pris, à mon humble avis, un petit coup de vieux et qu’il serait temps de réfléchir à nouveau : est-ce que vraiment ce triptyque est bien adapté au temps d’aujourd’hui ? Est-ce que les mots n’ont pas pris ce coup de vieux que j’évoquais ? Donc valeur et, deuxièmement, nos concitoyens attendent aussi des choses précises, des choses pratiques et avant d’arriver ici, j’avais écrit quatre mots, dont je constate, collent à peu près à votre sondage, quatre mots qui me paraissent important pour des propositions concrètes de l’opposition que nous devrions faire : la sécurité, la sécurité de la vie quotidienne ; les entreprises, elles ont besoin de savoir qu’est-ce que nous voulons leur dire ; les impôts, nous devons avoir un langage précis et concret, comme le disait à l’instant François Léotard, sur ce que nous pensons faire réellement pour baisser les charges dans ce pays ; et enfin la famille, parce que je crois que nous n’en avons pas assez parlé dans le passé et qu’il est temps que nous ayons un projet pour les familles, voilà quatre mots clé que je propose pour ce débat.

Fin de la quatrième partie

Cinquième et dernière partie

Arlette Chabot : Nathalie Saint-Cricq, question de vos militants.

Nathalie Saint-Cricq : Question assez rapide, à ma gauche, le RPR et à ma droite, Démocratie Libérale. Ils vont enchaîner rapidement parce qu’ils ont beaucoup de chose à dire.

Un militant RPR : Tout d’abord, moi je l’affirme encore même si c’est désuet, que je suis de droite, parce que le misérabilisme, ce n’est pas mon truc et l’assistanat à outrance non plus. Mais ça vous ne le dites pas assez, Messieurs, que ce ne sont pas nos valeurs. Nous avons des valeurs, la liberté d’entreprendre on nous sort que… celle-là, c’est la seule qu’on a entendu ce soir, l’ascenseur social on l’appelle des fois comme ça autrement. Mais nous avons aussi, nous, nos valeurs, la responsabilité ou la responsabilisation, le légitimisme, c’est-à-dire le respect des lois. Tout ça ce sont nos valeurs et vous ne l’avez pas dit ce soir et je suis très déçu et je pense qu’en 1995, il y avait des milliers de gens juste à côté, sur la place de la Concorde, plein de jeunes qui sont venus pour plébisciter et encourager Chirac dans son action. On ne les a pas retrouvés, ils sont tous partis. Ils ont été, certains, rue de Lille. Ils n’ont vu que des costards cravates, que des jupes droites. Ils se sont sauvés, ils ont eu peur presque, mais on n’a pas su, ni par notre discours ni notre fonctionnement, les attirer.

Un intervenant : Alors je suis content que vous fassiez parler un petit peu la base, parce qu’il y avait de ces mots pendant toute l’intervention, dont on n’a jamais parlé. Donc je représente Démocratie libérale ici. D’abord je tiens à dire que je suis très content de l’Alliance, qu’on doit tous s’unir pour arriver au pouvoir, c’est quand même le but du jeu – ce n’est pas le but, les querelles de personnes –, qui doivent nous faire infléchir notre discours, et après je suis un petit peu désolé du projet qu’on nous propose. Notamment Monsieur Bayrou, vous nous dites : il faut qu’on dise aux Français qu’on a du cœur, qu’ils viennent à nous parce qu’on les aime, c’est bien…

François Bayrou : Non, attendez, je n’ai pas dit ça. J’ai dit qu’on avait perdu le cœur des Français entre 93 et 97…

Un intervenant : On a perdu aussi leur volonté forte de réformes qui, pour nous, sont libérales, qui évidemment doivent rassembler la majeure partie des Français, mais nous pensons que les réformes libérales actuellement, rassemble la majeure partie des Français. Un autre sondage qui est dans « Le Point » de cette semaine, dit que 43 % des personnes interrogées, de l’ensemble des Français comme vous disiez tout à l’heure, pas seulement des personnes de droite, se reconnaissent dans les idées libérales, 22 % dans les idées centristes, 20 % dans les idées gaullistes. C’est tout, on doit faire une grande formation de droite avec toutes les bonnes volontés, pour tout le monde, et avec un courant libéral qui, pour nous, doit être fort.

François Bayrou : Mais il y a des libéraux de gauche, il y a beaucoup de libéralisme dans l’idée du centre et il y a beaucoup de gaullistes qui sont libéraux en même temps. Pourquoi on compartimente tout ça ? Pourquoi on compartimente ? Pourquoi on segmente ?

Un intervenant : C’est pour cela qu’il faut une alliance la plus large possible de toute la droite, avec des courants forts, des courants qui traversent tous les partis politiques. Je suis bien d’accord avec vous parce qu’il y a des libéraux à Force démocrate, parce qu’il y a des libéraux au RPR et il faut rassembler toutes ces personnes-là et c’est comme ça qu’on gagnera les élections, par les idées, par un projet et pas simplement à cause des personnes.

Un intervenant : Moi, c’est une question que j’aurais aimé poser à un représentant de Démocratie libérale, donc je regrette qu’il n’y en ait pas. Je pense que quelqu’un pourrait me répondre, c’est : les jeunes RPR sont extrêmement attachés à la position très ferme et très courageuse du RPR vis-à-vis du Front national et ils l’ont prouvé le 25 mars dernier, en se réunissant, en quarante-huit heures, plusieurs milliers, en se mobilisant pour soutenir Philippe Séguin dans sa dénonciation des compromissions avec le Front national. Donc je voulais savoir, est-ce que maintenant, dans le cadre de l’Alliance, l’UDF sera aussi solide vis- à-vis de son attitude envers le Front national ?

Alain Duhamel : On peut demander à François Léotard…

Jean-Claude Martinez : Non, non, mais moi à Montpellier…

Alain Duhamel : Mais vous ne pouvez pas répondre pour François Léotard.

Jean-Claude Martinez : À Montpellier, moi à Montpellier, j’ai un membre du cabinet de Philippe Séguin qui est président de commission grâce à moi, grâce aux voix du Front national et Rossignol, le secrétaire départemental du RPR de l’Hérault, est président de commission grâce à moi, Front national. Et je peux multiplier les exemples comme cela.

François Léotard : Je crois qu’il est très important, quitte à ne pas être entendu par tout le monde, mais il est très important que les choses soient faites avec clarté. Dans le premier texte que nous avons signé avec Philippe Séguin, il est tout à fait clair que nous refusons toutes compromissions avec l’extrémisme et avec les expressions aujourd’hui de l’extrémisme politique, c’est-à-dire le Front national. Nous le disons très clairement. Et s’il n’y a pas cette précaution de clarté, je veux dire que ceux qui ne partagent pas cet avis, aillent là où ils veulent aller, mais nous avons dit cela et nous le ferons respecter et je le dis pour tous ceux qui sont tentés par ce type de compromission. Il faut que ce soit très clair, sinon effectivement beaucoup de nos jeunes diront : vous avez encore menti, vous n’avez pas été clair sur ce sujet. Il vaut mieux le dire, quitte à ce que ça nous coûte, et je sais que ça coûte, parce que si nous ne faisons pas cela, à mon avis, on nous accusera encore d’avoir essayé de capter des voix d’une façon médiocre et je ne veux pas que ce soit le cas. Nous essayons d’avancer dans la clarté.

Arlette Chabot : Alors, pour terminer, vous nous avez accusé tout à l’heure d’être un peu pessimistes ou de donner une image désagréable. Alors on s’interroge : est-ce que la droite, au fond, n’est pas en crise plus généralement en Europe ? On annonce des jours difficiles pour Helmut Kohl ; c’est vrai qu’il y a une coalition de centre gauche qui gouverne en Italie ; et puis en Grande-Bretagne, vos amis conservateurs ont beaucoup, beaucoup de mal face au Premier ministre, qui s’appelle Tony Blair. Donc, les difficultés des conservateurs britanniques : enquête de notre correspondant, de notre bureau de Londres,
Étienne Leihnart.

Étienne Leihnart : Mais qui est donc ce jeune homme qui, avait conviction, serait la semaine dernière la main de notre président, après un déjeuner au siège du RPR en compagnie de Philippe Séguin et une rencontre à l’UDF avec François Léotard ? William Hague, 38 ans, aux commandes du parti conservateur depuis un an. Avait-il des conseils à donner à la droite française ?

François Léotard : Je pense que le Parti conservateur, à sa manière, est un peu un modèle de ce que peut être le rassemblement des personnes de droite et de centre droite et sans division.

Étienne Leihnart : Voir, car depuis son arrivée au pouvoir, Tony Blair n’a pas donné une occasion au Parti conservateur de se refaire une santé. Le premier Premier ministre travailliste depuis dix-huit ans, gère parfaitement son image et a donné un tel coup de jeune à l’échiquier politique de son pays, que William Hague hérite d’un parti fatigué, qu’il a bien du mal à relancer.

William Hague (traduction) : Bien sûr que c’est difficile, mais c’est aussi un défi très existant de reconstruire l’un des plus vieux partis du monde, de redéfinir une plate-forme politique, de le rénover et d’y amener des jeunes et je crois que nous commençons à réussir.

Étienne Leihnart : Médiatisation de son mariage, offensive de séduction de l’opinion publique, William Hague tente de prouver aux Britanniques qu’il est proche d’eux et de leur préoccupation, mais les conservateurs voient fuir leurs adhérents, dont la moyenne d’âge est de 64 ans. Ils se déchirent sur la question européenne et, malgré une bataille de tous les instants, sous les lambris de Westminster, William Hague à qui Tony Blair a confisqué une grande partie de l’espace politique au centre, peine à s’imposer.

David Hill, directeur de la campagne de Tony Blair (traduction) : Je crois d’abord que William Hague et les conservateurs vont avoir besoin de patience. Après dix-huit ans de pouvoir, les gens souhaitent tout simplement quelque chose de différent, une expérience qu’ils ont envie de voir fonctionner pendant plusieurs années, et puis ce n’est certainement pas en mettant le cap à droite, plutôt qu’au centre, que William Hague va reconquérir tous ses électeurs.

Étienne Leihnart : Bref, aucun bookmaker britannique ne se risquerait, pour l’instant, à parier sur le nombre d’années qui seront nécessaires au conservateur pour reprendre le pouvoir.

Alain Duhamel : Alors Jacques Toubon, qu’est-ce que vous concluez en substance, puisqu’on va demander un mot à chacun, qu’est-ce que vous en concluez en substance ?

Jacques Toubon : Qu’il faut que nous fondions un projet commun sur quatre idées fortes, sur quatre valeurs : la liberté, qui donne à chacun sa chance ; le travail, qui est un bien irremplaçable ; la sécurité, qui exige l’autorité et la Nation dont nous croyons, tous ensemble, que sa puissance et sa prospérité et son avenir passent par la construction de l’Europe, c’est-à-dire par une organisation continentale comme il en existe partout dans le monde.

Françoise de Panafieu : Moi j’aurai tendance, comme c’est la fin de l’émission, à faire un appel aux Français et à leur dire : Français, sachez ce que vous pensez, dites ce que vous voulez et participez à la vie publique, que l’on ne recommence jamais ce que l’on a connu au moment des régionales et que les Français n’hésitent pas à prendre la parole, à s’en emparer et à donner leur avis.

François Léotard : Je voudrais vous dire ce à quoi, moi, je vais m’employer, tout simplement dans les semaines qui viennent : faire réussir l’Alliance, faire réussir l’Alliance, la faire exister sur le terrain entre le RPR et les forces qui l’accompagnent, faire en sorte que nous mettions un terme à la déstabilisation de la droite française et faire enfin… créer enfin un espace politique nouveau dans lequel beaucoup de Français, à mon avis majoritaires, se retrouveront, afin de gagner les prochaines élections législatives. C’est à ça que je vais en tout cas employer les semaines qui viennent.

François Bayrou : Vous avez entendu ce qu’a dit William David tout à l’heure, le consultant. Il a dit : si j’avais un conseil à donner aux conservateurs anglais, je leur dirais, ce n’est pas en mettant le cap à droite seulement, que vous gagnerez les élections législatives. Il y a beaucoup de Français qui attendent un autre message qui s’adresse, au-delà des frontières de la droite, à des aspirations qui sont rassembleuses et généreuses. Eh bien moi j’ai envie d’aller dans ce sens-là. Que nous fassions ouvrir le projet pour que des tas de gens qui, aujourd’hui, ne sont pas dans l’opposition y arrivent, soit qu’ils se soient égarés dans un vote à gauche, soit qu’ils se soient égarés, Monsieur Martinez, dans un vote à l’extrême droite et qu’ils aient de nouveau besoin de croire à quelque chose.

Un intervenant : Moi je voudrais voir réussir, au plan national, ce qui réussit au plan local à Boulogne-Billancourt depuis 1994, c’est-à-dire voir un vrai parti d’union – RPR, UDF, divers droite –, qui prenne en compte les aspirations des électeurs et des citoyens de la base et je voudrais surtout, surtout, beaucoup plus d’hygiène dans le fonctionnement des partis politiques.

Un intervenant : Moi je lancerai un appel, mais pas aux Français, aux élus nationaux, aux chefs de partis politiques : écoutez les Français, pas seulement des discours mais des actes, écoutez les Français, respectez-les et sortira là, la substantifique moëlle pour aller plus loin.

Charles Millon : Je pense exactement ce que vient de dire mon ami Baguet et la jeune fille qui vient de s’exprimer. Je n’ai rien à rajouter. Je crois que les hommes politiques devraient écouter les Français, devraient mettre rapidement une grande formation politique qui évite les querelles d’appareils et permettre ce qui se passait en Angleterre et en Allemagne et en Espagne, qu’il y ait une alternance entre une droite et une gauche, car, même si on est une grande formation, je le dis à François Bayrou, il n’y aura pas que des gens de droite pure. Il y aura des gens de centre droit et, à ce moment, on pourra avoir un vrai débat, dans une grande formation, sans être paralysé par les querelles d’appareils.

Patrick Devedjian : L’Alliance a engagé un processus d’union de plus en plus étroit. Que ceux qui l’ont engagée sachent bien que s’ils échouent, on ne leur pardonnera pas.

Franz-Olivier Giesbert : Après tout ce qu’on a entendu quand même, j’ai envie de dire qu’il faut beaucoup de courage pour être élu, pour être un élu de droite parce qu’on en prend plein la figure pour pas un rond. On vous parle de problème d’appareils. On vous pose des questions sur le Front national et c’est vrai qu’on ne vous pose pas beaucoup de questions sur le fond. Mais enfin, en même temps, je ne pense pas que ce soit le moment de désespérer. Il y a, par exemple, une nouvelle qui est tombée hier en Hongrie : vous avez un jeune homme de droite, Viktor Orban qui a moins de 35 ans, et qui vient de gagner les élections. Eh bien ça veut dire que la roue tourne, la roue va bien sûr tourner. Et elle a tourné en Grande-Bretagne avec Tony Blair, dont on parlait tout à l’heure, parce que Tony Blair, il a eu le courage justement de rénover, de dépoussiérer le projet. C’est ce qu’on attend, un coup de balai, pas forcément sur les hommes, un coup de Blair ou un coup de balai, pas forcément sur les hommes, en tout cas certainement sur les idées.

Arlette Chabot : Alors en vous remerciant les uns et les autres… Si ça vous intéresse, l’histoire de la droite, le roman de la droite, Éric Branca chez Jean-Claude Lates, vous verrez, eh bien vous pourrez revivre les difficultés de la droite. Vous voulez dire un mot, Monsieur Martinez ?

Jean-Claude Martinez : Oui, Arlette Chabot, ce sont ces outrances dans l’injustice qui créent la révolte. Le Front national aussi a un message de fond : c’est que la France n’est jamais aussi grande que quand elle est danger de mort. Et comme elle est en danger de mort, elle a un grand message à amener au monde.

Alain Duhamel : Mais là, il s’agissait de l’Alliance.

Arlette Chabot : Alors, si vous voulez réfléchir plus largement, il y a ce livre de Pierre Lellouche, « La république immobile » qui est un essai tout à fait intéressant. Et puis si vous en avez assez de l’Alliance et du reste, eh bien vous lisez le roman « Le sieur deux » de Franz-Olivier Giesbert et vous êtes sûr en tout cas de passer un bon moment. Merci à tous, et le livre de François Bayrou, bien entendu. Il a été évoqué tout à l’heure « Il portait l’écharpe blanche ». Merci à tous et à Charles Millon en duplex d’avoir accepté ce dialogue et ce débat peut-être un peu difficile. Merci en tout cas d’avoir eu le courage de venir.

Fin