Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat aux aînés, sur les réflexions engagées pour prendre en compte les contraintes liées à la fonction d'"aidant", Paris le 6 octobre 2010.

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Circonstance : 1ère journée nationle des aidants à Paris le 6 octobre 2010

Texte intégral

Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des intervenants de ces tables rondes pour la qualité et la richesse de leur échange et tout particulièrement les aidants qui ont accepté de venir témoigner.

Ces témoignages oraux, mais également ces témoignages écrits que nous avons reçus, aussi poignants les uns que les autres, nous montrent bien le quotidien de 3.5 millions de nos concitoyens.

Mais je le répète une nouvelle fois beaucoup de français ne savent pas encore qu’ils sont aidants. Ils ne savent pas que l’ensemble des actes de la vie quotidienne qu’ils réalisent auprès de leur proche comme l’aide à domicile, les soins corporels, a une dénomination, celle d’aidant.

Si chaque aidant a, comme nous l’avons vu durant cette journée, ses propres problématiques - s’occuper d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer n’est pas la même chose que de s’occuper d’une personne poly-handicapée - des sujets communs ont émergé de ces tables rondes.

* La première table ronde animée par le Docteur Régis Aubry a par exemple permis de mettre en avant l’importance des formations pour les aidants.

Les proches et l’entourage constituent en effet, et Madame Bachelot l’a bien rappelé, la principale source d’assistance à domicile. Mais prendre soin de l’être cher est une tâche extrêmement difficile devant laquelle les aidants se trouvent le plus souvent désarmés. C’est pourquoi nous nous devons de les former à un accompagnement de qualité.

Il ne s’agit pas de substituer le soignant par l’aidant, mais au contraire de lui apporter la réassurance et la sécurisation dont il a besoin tout au long de l’accompagnement de son proche.

Il existe comme vous le savez des formations pour la maladie d’Alzheimer ou pour la fin de vie mais l’objectif de cette journée est d’aller plus loin.

Dorénavant, la CNSA pourra financer des formations à destination des aidants familiaux et des accueillants familiaux.

Cette possibilité, ouverte par la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) et déclinée dans un décret à paraître prochainement, répond à l’attente de tous les aidants.

Les témoignages recueillis ont aussi mis en lumière que les aidants ont besoin de soutien mais encore faut-il qu’ils acceptent cette aide.

Comment en effet ne pas éprouver des sentiments d’anxiété, de culpabilité ou d’impuissance lorsqu’on s’occupe d’un proche malade, âgée, ou handicapé ou lorsque suite à un accident de la vie, l’aidant est confronté à une situation qu’il ne maîtrise pas.

Les professionnels de santé ont ainsi un rôle important à jouer dans le repérage des signes de souffrance ou d’épuisement des aidants. Ils sont à même de les orienter vers des bénévoles d’accompagnement ou des professionnels susceptibles de les aider.

Des questionnaires existent pour évaluer l’épuisement des aidants : ils méritent d’être plus largement diffuser auprès des médecins généralistes.

Il faut donc que dès le début de leur apprentissage, les professionnels de santé soient sensibilisés au rôle des aidants, instaurer comme vous l’avez dit au cours de ces tables rondes une relation humaine, une relation de confiance.

Le programme de développement des soins palliatifs coordonné par le docteur Aubry prévoit dès la rentrée universitaire 2010 la formation des futurs médecins à l’accompagnement des proches.

La formation interprofessionnelle est, je le sais, une demande forte : les professionnels travailleront mieux ensemble s’ils sont formés ensemble.

A nous de faire en sorte que la culture de l’accompagnement se développe, au-delà des soins palliatifs, à l’ensemble des professionnels.

La question de la coordination des aides est apparue comme centrale.

Les aidants doivent « gérer » plusieurs professionnels durant une même journée. Je suis tout à fait favorable à ce que l’on puisse s’inspirer de l’organisation mise en place par nos voisins anglais ou belges afin de veiller à ne pas rajouter de la coordination sur de la coordination. Evitons les mille-feuilles !

* La deuxième table ronde animée par le sociologue Serge Guerin a également montré qu’il existait de nombreuses pistes pour améliorer le quotidien des aidants dans le cadre de leur activité professionnelle.

Leur profession est, comme nous l’avons vu, un élément déterminant de leur identité et de leur indépendance. Ils retrouvent leurs collègues, leurs relations sociales : « c’est une vraie bouffée d’oxygène » comme ils le disent. Or actuellement la carrière des aidants peut être freinée à cause de leur situation personnelle et des absences répétées. Certains sont même amenés à quitter leur emploi, comme nous avons pu le voir au cours de la table ronde.

Ces situations sont inacceptables.

Et c’est vrai que peu d’entreprises sont sensibilisées à la question des aidants. EDF est comme vous l’avez dit, hélas, une exception.

A nous de faire en sorte qu’il puisse conserver leur travail grâce notamment à plus de flexibilité, plus d’aménagements d’horaire. Les conventions collectives pourraient évoluer en ce sens. Des accords d’entreprises pourraient également voir le jour.

Il ne s’agit pas de partir de zéro, des solutions existent, comme les congés accordés aux aidants, mais elles méritent d’être améliorées, harmonisées et élargies à la situation de l’ensemble des aidants.

Le champ de la petite enfance a bien fonctionné au sein de l’entreprise. Il faut donc s’en inspirer, comme cela a été suggéré.

* La dernière table ronde animée par Marie-Jo Guisset-Martinez a elle permis de montrer que la relation d’aide ne doit pas supprimer les autres dimensions de sa personne.

L’aidant est avant tout un parent, un conjoint, une fille ou un fils, un ami, un voisin avec son histoire et son projet de vie.

Et cette vie ne doit justement pas s’arrêter à celle d’aidant, d’où la nécessité d’offrir à ces personnes un cadre leur permettant à la fois de souffler et de se retrouver.

Dans le cadre du plan national Alzheimer les plateformes de répit ont pour rôle de proposer une offre diversifiée et coordonnée de répit et d’accompagnement aux aidants.

Ces plateformes répondent là aussi aux problématiques de l’ensemble des aidants.

La première de toute est bien « le temps pour soi ».

Avoir le temps de sortir, de voir ses amis, de s’occuper de soi.

Toutes ces choses que les aidants ne font plus mais qui sont pourtant si importantes.

Prendre le temps de s’émanciper des contraintes dictées par le temps des soins pour prendre du temps pour soi.

Je pense par exemple à l’expérimentation dans le cadre du programme des soins palliatifs des « maisons d’accompagnement ».

Ces maisons qui s’adressent aux malades atteints de pathologies graves en phase avancées permettront d’offrir un cadre adapté aux patients et aux aidants, un moment de répit temporaire si le malade est à domicile.

Au-delà du répit, vous avez pointé au cours de la table ronde l’importance du soutien psychologique aux aidants. Il est prévu dans le plan Alzheimer. Mais là encore, comme vous l’avez dit au cours des débats, une harmonisation des mesures sectorielles existantes mériteraient d’être développée pour répondre aux problématiques transversales qui se posent aux aidants du fait de la maladie, du handicap ou du vieillissement.

Ainsi, vous avez pu voir que des solutions existent même partielles mais encore faut-il que les aidants aient accès à l’information.

Toutes les tables rondes ont en effet soulevé la difficulté pour les aidants de trouver l’information.

La plupart ne savent pas qu’ils ont droit par exemple à des congés, qu’il existe des formations qui leur sont destinées.

Si des sites internet existent, ceux de nos partenaires en sont des références, si des guides pratiques existent comme celui que je viens d’éditer sur les aides légales, un véritable travail reste à réaliser pour répondre aux nombreuses questions des aidants.


Je ne peux pas terminer mon intervention sans dire quelques mots du projet de réforme de la dépendance. Nathalie l’a évoqué. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la société de demain. L’accroissement démographique et le recul de l’espérance de vie nécessitent que l’on trouve des solutions de financement aussi bien pour l’accompagnement des personnes âgées à domicile qu’en établissement.

Mais l’enjeu n’est pas seulement financier, il est avant tout humain : comment répondre à l’aspiration nos aînés de vivre là où il le souhaite ? Et dans cette optique comment tenir compte de la place des aidants ?

Enfin, l’enjeu est sociétal : comment adapter l’ensemble de nos politiques publiques à la prise en compte du vieillissement ? Il s’agit, en effet, de faire en sorte que les politiques du logement, de l’urbanisme, des transports anticipent le vieillissement de la société. Nathalie a bien montré dans ce cadre le rôle que pouvait jouer les nouvelles technologies.

Mais, je le rappelle le débat n’est pas encore lancé.

Le Président de la République l’a dit : dès que la réforme des retraites sera aboutie, nous ouvrirons le chantier du financement de la dépendance. Différentes hypothèses de financement sont proposées à partir de trois paramètres : la solidarité nationale, la solidarité familiale, et vous en êtes une preuve aujourd’hui ou le recours à l’assurance.

Nous aurons alors l’occasion de débattre ensemble de ce chantier essentiel pour la qualité de nos aînés et de leurs aidants. Cette première journée, nous le voyons, a permis de soulever les problématiques auxquels sont confrontés au quotidien les aidants. Il s’agit maintenant de pouvoir explorer les pistes que vous avez dessinées au cours de la journée.

Je réunirai au mois de novembre l’ensemble des acteurs qui ont activement participé à l’organisation de cette journée, et ils sont nombreux, pour définir ensemble les grands chantiers pour l’année à venir.

Je suis ravie de clôturer cette première journée nationale des aidants, qui marque une étape importante dans la reconnaissance des aidants par les pouvoirs publics.


Merci à vous tous et je vous dis donc à l’année prochaine !


Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 8 octobre 2010