Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, sur la revalorisation annuelle du Smic, le calendrier de la négociation salariale et les perspectives de la croissance économique, Paris le 14 décembre 2010.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale de la négociation collective à Paris le 14 décembre 2010

Texte intégral

Cette commission n’est pas une commission comme les autres, c’est la première que j’ai l’honneur de présider en temps que ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé. Sur l’ensemble des sujets que nous allons examiner ensemble, j’entends travailler avec vous dans un climat de respect et d’écoute mutuels.

Nous allons aujourd’hui aborder ensemble deux sujets importants aux yeux des salariés et des employeurs : la fixation du niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) pour 2011 et le premier bilan de la mise en œuvre de la conditionnalité des allègements de charges sociales.

Je remercie la Direction générale du Trésor et la Direction générale du Travail pour les analyses qu’elles viennent de nous donner. Ces analyses nous éclairent sur la conjoncture économique actuelle et sur la situation des négociations salariales. Ce qui nous permet de rentrer de plain-pied dans les deux sujets qui sont à l’ordre du jour de cette CNNC.


I. Le premier point de notre ordre du jour est consacré au SMIC et à l’avis de votre commission sur le projet de revalorisation envisagé par le Gouvernement.

Je veux d’abord rappeler que les réformes que nous avons engagées depuis 2007 sous l’impulsion du Président de la République ont donné une place centrale à la valeur travail, dans le cadre d’un dialogue social que nous avons profondément rénové pour lui redonner davantage de légitimité, davantage de force.

La loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail s’inscrit pleinement dans cette politique.

Cette loi a introduit deux mesures clés pour moderniser le mode de fixation du SMIC.

* Tout d’abord, nous avons avancé la date de revalorisation annuelle du SMIC au 1er janvier au lieu du 1er juillet, à partir de 2010. Je le rappelle car ce qui semble aujourd’hui évident ne l’était pas dans le passé. Ce changement était nécessaire pour que l’évolution du SMIC soit davantage en phase avec le rythme des négociations salariales. La date du 1er juillet faisait en effet perdre plusieurs mois de négociation à cause de l’été et réduisait la visibilité sur l’année. Avec le nouveau calendrier, on simplifie également la paie des entreprises, puisqu’il y a un seul SMIC sur l’ensemble de l’année.

* Deuxième avancée, le Gouvernement s’appuie désormais sur un groupe d’experts qui se prononce, en toute indépendance, comme chez nos voisins européens, sur l’évolution souhaitable du salaire minimum : c’est la commission d’experts consultative présidée par Paul Champsaur, président de l’autorité de la statistique publique. Il ne s’agissait pas de créer une commission de plus mais de faire en sorte que la fixation du SMIC s’appuie sur une analyse qui soit à la fois sereine, objective et indépendante. Vous avez pris connaissance de ce rapport qui nous livre des éléments factuels importants. Est ce que cela exonère le gouvernement de sa responsabilité ? 

Certainement pas, mais je pense que cela donne un éclairage important. Nous disposons donc désormais d’une méthode de revalorisation du SMIC qui comporte toutes les garanties nécessaires en phase avec le calendrier des négociations salariales, adaptée aux besoins de l’économie et elle est parfaitement transparente.

Les déterminants du SMIC restent bien sûr inchangés. Il y aura donc une augmentation du SMIC au 1er janvier de cette année conformément aux dispositions légales. La question qui se pose à chaque fois c’est oui ou non il y aura un coup de pouce au SMIC. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de coup de pouce qu’il n’y a pas d’augmentation du SMIC.

Nous devons faire en sorte que la hausse du SMIC corresponde à l’évolution réelle de l’économie. La politique récurrente des « coups de pouce » peut avoir pour effet d’évincer de l’emploi les travailleurs les plus fragiles.

Je pense aujourd’hui que nous ne sommes pas dans l’idéologie, je pense qu’il faut regarder la situation telle qu’elle est. La Direction générale du Trésor nous l’a montré : l’économie reprend lentement mais cette reprise demeure fragile. Le vrai marqueur de sortie de crise pour les Français c’est l’emploi et la baisse du chômage. Le rapport de la commission d’experts montre par ailleurs une nouvelle fois qu’une forte hausse du SMIC limite les perspectives d’évolution salariale pour les travailleurs faiblement rémunérés.

La commission d’experts préconise par conséquent de ne pas augmenter le SMIC au-delà du minimum légal. Pourquoi ? Parce que si l’on choisit d’aller au-delà, on risque de compromettre la compétitivité de notre économie et donc la reprise de l’emploi, et cela, personne ne le souhaite. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, j’ai une obligation de résultat : la baisse du chômage. Chacun est dans son rôle et dans ses fonctions mais c’est cette priorité qui doit guider notre politique de fixation du SMIC, parce qu’encourager l’emploi, c’est créer des richesses, augmenter les revenus du travail et développer le pouvoir d’achat.

Je proposerai donc demain en Conseil des Ministres de revaloriser le Smic de 1,6 % au 1er janvier 2011 conformément aux dispositions légales. Le SMIC horaire brut passera donc à 9€ au 1er janvier 2011, son montant mensuel étant dès lors de 1365 €. C’est la proposition que je fais.

Je l’ai dit, ma priorité en tant que ministre du Travail et de l’Emploi, c’est l’emploi et le pouvoir d’achat de l’ensemble des salariés, et pas seulement de ceux qui sont directement concernés par la revalorisation du SMIC. Aujourd’hui, nous le savons un peu moins de 10% de salariés sont concernés par la revalorisation du SMIC horaire. Ils étaient plus de 16% il y a 5 ans.

Cela signifie qu’une proportion plus importante de salariés se situe au dessus du niveau du SMIC, et cela, c’est le résultat des négociations salariales.

Le meilleur moyen de faire progresser les salaires sans casser la reprise, c’est un dialogue social dans les entreprises et au niveau des branches. C’est ce dialogue social que je veux encourager et c’est ce que nous avons voulu favoriser avec la conditionnalité des allègements de charges.


II. J’en viens donc maintenant naturellement au deuxième point de l’ordre du jour : le bilan des négociations salariales et la question de la conditionnalité des allègements de charge.

La méthode initiée depuis 2005 avec le processus Larcher, je veux lui rendre hommage, c’est de jouer le jeu des négociations salariales.

J’ai renforcé cette tendance grâce à la loi du 3 décembre 2008 qui a introduit la conditionnalité des allégements des cotisations sociales. En application de cette même loi, ils ont fait l’objet d’un rapport qui sera soumis au Parlement après avis de votre commission.

Ce dispositif s’applique à deux niveaux : dans les branches professionnelles dont le minimum conventionnel est inférieur au SMIC et dans les entreprises soumises à l’obligation annuelle de négocier sur les salaires.

1. Dans les entreprises. Vous le savez très bien, l’entreprise qui n’a pas négocié sur les salaires doit s’acquitter de la sanction financière prévue par la loi. Pour le moment, nous ne pouvons pas connaître précisément le nombre d’entreprises qui ont respecté ce dispositif. Ce n’est qu’au début de l’année 2011 qu’il sera possible d’apprécier précisément le montant des encaissements effectués au titre de l’année 2010.

J’ai donc demandé à l’inspection du travail d’améliorer les échanges avec l’URSAFF. J’ai aussi demandé à l’ACOSS d’intensifier les contrôles pour veiller à l’application de ce dispositif par les entreprises. C’est l’objet d’une circulaire qui partira dans les prochains jours.

2. Concernant les branches.

Comme vous le savez, le dispositif de conditionnalité au niveau des branches prévoit qu’une entreprise ressortissante d’une branche n’ayant pas porté son minimum conventionnel au niveau du SMIC ne calcule plus ses allègements de charge sur la base du SMIC. Elle le calcule sur la base du minimum conventionnel, ce qui réduit proportionnellement l’allègement.

La loi dispose toutefois que si la proportion des branches dont le salaire minimum est inférieur au SMIC a décru de plus de 50% au cours des deux dernières années, l’entrée en vigueur du mécanisme de conditionnalité peut être reportée.

Or les résultats sont là : en 2007, 7 branches sur 10 avaient des salaires au-dessus du SMIC ; aujourd’hui, 9 branches sur 10 ont des salaires supérieurs au SMIC. C’est une vraie progression, c’est une bonne nouvelle pour le maintien du pouvoir d’achat des salariés et surtout c’est la preuve que le dialogue social, produit des effets. Cela signifie également que le caractère incitatif du mécanisme de conditionnalité a fonctionné.

Nous pouvons donc reporter l’application du mécanisme de conditionnalité comme cela est prévu par la loi.

C’est l’objet du projet de décret que nous soumettons à votre examen.

Mais attention, ce report ne signifie pas que chacun peut se dire : nous n’avons plus rien à faire ! Il nous engage au contraire à poursuivre le travail de suivi des négociations dans chacune des branches.

Je compte sur la DGT pour encourager le dynamisme de la négociation avec les partenaires sociaux et poursuivre le travail de suivi au cas par cas des négociations dans les branches en difficultés. Je sais notamment qu’un comité de suivi de la négociation salariale de branche se réunira au premier semestre pour examiner la question du tassement des grilles de salaires.


Notre mot d’ordre, c’est bien d’assurer une juste rétribution du travail tout en encourageant le dialogue social.

Ces dispositifs de conditionnalité sont des outils pour inciter les entreprises et les branches à progresser dans cette direction.

J’invite à présent les partenaires sociaux à me faire part de leurs réflexions, afin de recueillir l’avis de votre commission sur le projet de revalorisation envisagé par le Gouvernement et sur le projet de décret et le rapport au Parlement liés à la conditionnalité.

Nous avons pris nos responsabilités, parce que si nous voulons sortir durablement de cette crise, il faut tout faire pour soutenir la reprise, développer l’emploi et prendre ce que je considère être les mesures les plus efficaces pour tous les salariés de notre pays.


Je vous remercie.


Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 15 décembre 2010