Texte intégral
T. Guerrier.- Bonjour, B. Hortefeux.
Bonjour, T. Guerrier.
Après les violences inouïes de Grenoble et de Saint-Aignan, beaucoup de Français se demandent ce que vous pouvez faire de plus que de taper du poing sur la table.
D'abord, il y a une réalité, c'est que l'arbre ne doit pas cacher la forêt. Dans le combat que nous menons pour assurer la sécurité, pour lutter contre la délinquance, nous obtenons des résultats et parfois même des résultats spectaculaires. Ce n'est pas moi qui vous le dis, si c'est moi peut-être vous ne seriez pas spontanément enclin à me croire, mais c'est un observatoire, c'est un observatoire indépendant, l'Observatoire national de la délinquance, dirigé par le criminologue bien connu, A. Bauer, qui le souligne. On obtient des résultats... attendez, on obtient des résultats très importants : on observe une baisse des vols, une baisse des cambriolages.
Pas des violences aux personnes.
Une baisse des escroqueries, une baisse très massive des homicides. Et c'est vrai que le point noir, personne ne le conteste, ce sont les violences aux personnes. Mais là aussi les violences aux personnes, qui sont un phénomène pas du tout d'ailleurs national, qui est un phénomène que l'on retrouve dans toutes les sociétés modernes, dans toutes les sociétés post-industrielles, eh bien même les violences aux personnes nous avons cassé la spirale de la hausse. Je vous le démontre très simplement, nous étions sur des tendances qui étaient de l'ordre de 4-5 %, on est à aujourd'hui à +1,5 sur les six derniers mois. C'est donc un signal très positif. Ceci dit...
...mais B. Hortefeux...
... ceci dit, T. Guerrier, je le dis par honnêteté, tout n'est pas réglé, il y a encore beaucoup à accomplir.
Attendez, tout de même, là, le sentiment après ce qui vient de se passer à Saint-Aignan et à Grenoble, ce n'est pas du tout celui-là. C'est plutôt qu'on a passé un cap dans une aggravation du climat d'insécurité.
Bien sûr ! Et là, je vous répondrai par une vérité toute simple, c'est que l'intolérable ne doit pas être toléré. Qu'est-ce que ça veut dire l'intolérable ? C'est quand des voyous tirent sur des policiers, étant lourdement armés, comme ça été le cas...
... et puis que ça devienne systématique surtout !
... comme ça été le cas à Grenoble, lorsqu'on observe certains qui entendent faire justice eux-mêmes, qui s'en prennent à quelques commerces, qui terrorisent des voisins dans une cité extrêmement paisible qui est celle de Saint-Aignan, dans le Loir-et-Cher. Donc, je le dis là aussi, très calmement, très sereinement, mais aussi avec beaucoup de clarté et de fermeté : la place des voyous n'est pas dans la rue, elle est en prison.
Mais alors, concrètement, qu'est-ce que vous pouvez faire de plus ? Grenoble c'est la 3e capitale du crime en France. Pourquoi ne pas créer un préfet de police ?
Eh bien, précisément, à Grenoble, nous avons pris des mesures immédiates. Quand je me suis rendu à Grenoble, je m'y suis rendu en ayant pris des décisions : une présence massive de policiers...
... mais combien de temps ça va durer ? Les gens se demandent...
...attendez, une présence massive des policiers...
... combien de temps vous allez garder le RAID, le GIPN...
... présence d'un hélicoptère. J'ai fait vernir exprès des membres du RAID et du GIPN, le Groupe d'intervention de la police nationale. Et vous avez observé, depuis que ces décisions ont été prises, le calme est clairement revenu.
Et vous avez les laisser sur place indéfiniment ?
Et je les laisserai le temps qu'il faudra. Et nous allons lancer des opérations qui sont des opérations, comme nous l'avons fait d'ailleurs en Seine- Saint-Denis où nous lançons des opérations de terrain qui sont des opérations très précises, avec notamment des visites d'immeubles, hall d'immeuble par hall d'immeuble. Par exemple...
... ce que vous voulez, c'est chercher et obtenir, essayer de trouver les tireurs, on n'en a pas trouvé pour l'instant.
Attendez ! Vous me demandez ce que l'on fait, je vous donne un exemple très simple : en Seine-Saint-Denis, en trois mois, il y a 1.200 - 1.200 ! - halls d'immeubles qui ont été visités par les forces de sécurité.
Pour quoi faire ?
C'est-à-dire quasiment seize par jour, tout simplement pour sécuriser, parce que ça soit à Grenoble, que ça soit dans cette commune du Loir-et-Cher, que ça soit dans la banlieue parisienne, il y a une réalité : c'est que notre mission c'est d'assurer la sécurité pour tous et nous nous en donnons les moyens et les résultats sont d'ailleurs au rendez-vous.
Grenoble, il y a eu une réunion, un espèce de Grenelle local de la sécurité, hier. Il débouche sur quoi ?
Quand je suis allé à Grenoble, j'ai demandé au préfet, et en accord avec le maire de Grenoble qui soutient parfaitement ces initiatives, j'ai demandé de réunir l'ensemble des acteurs concernés, parce que je ne crois pas qu'il existe de solution uniforme, nationale, il faut qu'il y ait une adaptation point par point, parce qu'à côté des mesures de sécurité il y a la question de l'éducation, il y a la question de l'emploi, il y a la question des accompagnements sociaux.
Les élus ont dit d'ailleurs c'est surtout une question sociale.
Oui, mais, moi, écoutez, ma première mission c'est de rétablir l'ordre et la sécurité, et c'est ce à quoi je me consacre avec beaucoup de méthode, beaucoup de détermination et beaucoup d'obstination.
Mais alors pourquoi vous refusez un Grenelle national de la sécurité, comme M. Valls, le socialiste, vous l'a proposé ici même, lundi matin ?
Oh, il y a plusieurs raisons. Écoutez, j'entends ces mots, « Grenelle » dans un cas, il n'y a pas besoin de « grenelliser ». J'entends dans d'autres cas, « organisation d'assises ». Nous en avons assez d'être assis. La vérité c'est très simple, c'est que nous avons besoin d'action et nous avons besoin de résultats. C'est ce que souhaite le président de la République, parce que c'est ce que les Français attendent à juste titre. Les Français aspirent à vivre tranquillement et paisiblement.
Mais alors, pourquoi ne pas tenter...
...attendez, il y a une deuxième raison...
...non, non, mais...
Mais je réponds à votre question, et après vous posez la suivante, laissez-moi répondre à la première.
Non mais, on ne comprend pas pourquoi vous refusez ce Grenelle national. Pourquoi pas tenter de mutualiser les expériences, les bonnes, les mauvaises ?
Eh bien, c'est d'ailleurs un maire socialiste qui a donné l'explication, c'est le maire de Clichy-sous-Bois, le maire socialiste C. Dilain, qui dit : « il n'existe pas de solution uniforme, ce n'est pas le même problème à Clichy-sous-Bois que Saint-Aignan et Grenoble », et je partage cet avis. En revanche, qu'il y ait des examens ciblés, ça, j'y suis tout à fait favorable. Mais ça veut dire, Monsieur Guerrier, que chacun doit apporter sa pierre. Moi, je suis tout à fait disposé à agir, à cibler, à renforcer quand cela est nécessaire. C'est ce que j'ai d'ailleurs dit quand je me déplace et je me déplace systématiquement dès lors qu'il y a un problème.
Mais ce que disent les maires c'est que les effectifs de police, par exemple à Grenoble, +20 000 habitants en vingt ans, -120 policiers en ville. Ca, c'est une critique faite par Monsieur Destot quelques jours avant les émeutes de Grenoble, le maire de Grenoble.
Oui, mais ça ne correspond pas à une réalité, parce qu'il faut parler de l'ensemble des forces de sécurité. Vous savez, d'abord la sécurité ce n'est pas simplement la police, c'est la police et la gendarmerie. Et à Grenoble, c'est totalement imbriqué. Deuxièmement, ce qu'évoque le maire de Grenoble c'est la baisse des ADS, mais si vous observez les gardiens de la paix, le nombre est resté totalement stable. Et puis, il faut rajouter la PJ, il faut rajouter les unités de force mobile. Donc, quand on voit l'ensemble, en réalité il y a une stabilité des effectifs, mais, je l'ai dit d'ailleurs à Grenoble, s'il y a nécessité d'un renforcement ciblé de la présence policière, j'y suis tout à fait disposé. Mais encore une fois, Monsieur Guerrier, il faut que chacun aussi prenne ses responsabilités. Il y a d'un côté le rôle de l'Etat qui est un rôle majeur, je l'assume, je le revendique, et je remercie les policiers et les gendarmes qui s'y consacrent, mais il y a aussi des acteurs locaux, il y a des polices municipales. Pourquoi les collectivités n'en ont-elles pas toutes ? Pourquoi ne sont-elles pas armées, dans un certain nombre de cas ça serait naturellement nécessaire ? Pourquoi des collectivités ont-elles pris tant de retard sur la vidéo-protection, dont chacun sait aujourd'hui qu'elle est indispensable pour identifier et prévenir ? Pourquoi certains maires, pas tous, mais pourquoi certains maires ne responsabilisent pas les parents ? Pourquoi certains maires ne suspendent pas...
... B. Hortefeux...
... attendez, ne suspendent pas les allocations familiales ? C'est tout de même mieux de veiller à ce qu'un enfant aille à l'école plutôt qu'il soit pris en main par des dealers. Pourquoi certains maires n'utilisent pas aussi tous les leviers de rénovation des quartiers ?
Vous ne pensez qu'il vaut mieux en faire un thème de consensus national droite/gauche plutôt que de s'étriper politiquement sur un sujet aussi sensible ?
Précisément ! Et d'ailleurs, je ne comprends pas l'attitude des élus socialistes. Les résultats de la lutte contre délinquance sont très positifs, pourquoi au lieu de s'en réjouir ils semblent vraiment le regretter ? Sur un sujet comme celui-là, on devrait être totalement rassemblés parce que la sécurité c'est pas un enjeu politicien, c'est un enjeu majeur de société, c'est un facteur d'équilibre, et encore une fois à la demande du président de la République et du Premier ministre, je me suis totalement mobilisé pour assurer la tranquillité de nos compatriotes.
B. Hortefeux, à Saint-Aignan, vous êtes allé sur place, il y a un Français qui vous a interpellé avec la formule du président de la République sur le Kärcher, le nettoyage au Kärcher de la délinquance. Vous n'avez pas peur que les Français se disent vite, un jour : « tout ça, ça n'était que des mots » ?
Non ! Le président de la République a eu raison, naturellement, d'employer un mot, un mot fort que tout le monde comprend, et d'ailleurs qui a été repris par beaucoup d'autres, notamment par F. Amara. Cela signifie, en réalité, une chose simple : c'est qu'il en faut rien lâcher. C'est ce que nous faisons partout. Nous ne lâchons rien et dans un grand nombre de secteurs, dans un grand nombre de quartiers, non seulement nous ne lâchons rien, mais nous sommes en train de reconquérir le terrain. C'est ce qui se passe à Tremblay-en-France, c'est ce qui va se passer à Grenoble. Nous en faisons des exemples.
Un mot de football, parce que dans le football aussi, vous souhaitez des exemples. Vous avez peur, par exemple, des violences au moment où reprend la saison au mois d'août, le PSG, il y a eu un match amical qui a été annulé. Votre ministère dit qu'il va accompagner le PSG pour régler un certain nombre de sécurité. Dans le football, la question de l'exemple, c'est l'affaire Benzéma et Ribéry. Ils ont été mis en examen. Est-ce que vous pensez, comme l'avait dit votre collègue R. Yade il y a quelques mois, qu'il faudrait qu'une fois mis en examen, ils ne pourraient plus porter le maillot de l'Equipe de France ?
D'abord, première réflexion, effectivement il y a eu un drame à Paris le 28 février dernier avec la mort d'un homme. Nous avons pris le problème à bras le corps. J'ai créé des divisions, une division anti hooligans et vous avez observé que depuis, grâce à des mesures effectivement très strictes, très fermes, très précises, et très lourdes, il n'y a plus un seul incident majeur. Zéro indicent majeur. Maintenant, concernant...
... Benzéma et Ribéry.
... ce que vous évoquez, il y a une procédure judiciaire qui est en cours. J'ai suffisamment de défis à relever...
... le maillot des Bleus ?
J'ai vu ce que avait estimé à juste titre la ministre des Sports, R. Bachelot, confortée par R. Yade. Ecoutez, moi, je n'ai pas de défi-là, c'est celui de L. Blanc, c'est à lui de sélectionner l'équipe pour l'Euro 2012.
B. Hortefeux merci d'avoir accepté de répondre aux questions d'Europe 1, ce matin.
Merci.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 juillet 2010