Extraits d'un entretien de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, avec RTL le 10 octobre 2012, sur le Traité budgétaire européen et sur la situation en Syrie.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Le traité budgétaire européen a été ratifié hier par l'Assemblée nationale, un «traité d'austérité permanente», disent ses adversaires, des socialistes, des communistes, des écologistes. Que leur répondez-vous Laurent Fabius ?

R - Hier nous avons eu deux bonnes nouvelles pour l'Europe. Une bonne nouvelle le matin, c'est que ce qu'on appelle la taxe sur les transactions financières, que l'on avait demandé depuis longtemps. La majorité nécessaire à sa mise en place au niveau européen a été atteinte et je pense que c'est une bonne chose, notamment pour le financement du développement.

Et puis, l'autre bonne nouvelle, c'est l'adoption par l'Assemblée nationale, à une double majorité comme l'a fort bien dit Alain Duhamel, majorité générale et puis majorité de gauche.

Q - Ce qui ne sera pas le cas au Sénat où vous aurez besoin de la droite.

R - Oui, parce qu'au Sénat il n'y a pas de majorité de gauche.

Q - Mais un «traité d'austérité permanente», disent les parlementaires de gauche qui ne l'ont pas voté hier.

R - Non, sinon on ne l'aurait pas proposé. J'ai développé, avec Bernard Cazeneuve qui a fait un travail remarquable à mes côtés pour convaincre, trois arguments au fond.

Premièrement, nous avons souhaité depuis très longtemps réorienter la politique européenne et là, pour la première fois, on a un équilibre : d'un côté, du sérieux budgétaire qui est contenu dans le traité et, de l'autre, une série de dispositions pour la croissance, obtenue au mois de juin. Il y a d'autres choses à faire, bien sûr ce n'est pas la fin de l'histoire, mais si on veut passer à une nouvelle phase, il faut déjà voter cette première.

Deuxièmement, Alain Duhamel le disait, si on n'avait pas voté ce traité, cela aurait été le cataclysme. Non seulement, il y aurait eu une spéculation massive contre la France mais, en plus, la France aurait perdu les moyens de se défendre.

Troisièmement, je pense que c'était une manière de soutenir François Hollande qui le demandait.

(...)

Q - Vous avez évoqué comme premier argument le sérieux budgétaire. Faudra-t-il, même si la croissance n'est pas au rendez-vous l'année prochaine, réduire quand même à 3 % les déficits en France ?

R - Il faut viser cet objectif parce que c'est vrai que la situation ...

Q - L'atteindre ou le viser ?

R - Le viser et, si possible, l'atteindre.

Q - Si possible l'atteindre ? C'est-à-dire que pour vous la règle des 3 % n'est pas intangible ?

R - Si, je pense qu'il faut absolument la respecter, mais je suis un économiste, je sais comment les choses se passent. Si vous avez en Allemagne une croissance qui fait défaut, aux États-Unis une croissance qui fait défaut, en Asie une croissance moins forte, cela aura nécessairement des conséquences. Nous avons pris 0,8 % comme objectif ; le FMI dit 0,4%. Je pense que cela dépendra de pas mal d'éléments.

Avant d'entrer dans ce studio, je vous parlais de la conjoncture internationale et par exemple des problèmes avec l'Iran. Si on a un vrai problème avec l'Iran, croyez-moi, cela aura des effets négatifs sur la croissance. Inversement, si les Allemands relancent leur économie et si l'Amérique, après l'élection repart, on aura une croissance supérieure.

Donc le chiffre de 0,8 % me parait assez réaliste.

Q - Et l'objectif des 3 % vous parait-il intangible ?

R - Dans ce cas-là, il faut le tenir. Ce n'est pas du tout à la France de demander de revenir sur les 3 %, c'est clair. Maintenant, s'il y avait une récession générale, évidemment la Commission européenne poserait la question.

Q - Les impôts font débat en France avec des répercussions européennes puisque des Français, certains célèbres, se réfugient dans des capitales étrangères. Hier, le maire de Londres, Boris Johnson, vous le connaissez peut-être, c'est un conservateur, a dénoncé la tyrannie des impôts en France et s'est dit heureux d'accueillir dans sa ville les Français talentueux s'ils viennent alimenter l'économie.

R - Je pense, avec toute l'amitié que je lui porte, que M. Johnson devrait se préoccuper des affaires de l'Angleterre.

Q - Mais des Français vont à Londres, des résidents, ils vont payer leurs impôts à Londres.

R - Oui, il y en a qui le font et puis je connais aussi beaucoup de Britanniques qui trouvent que la France est tellement agréable qu'ils passent l'essentiel de leur temps en France.

(...)

Q - Sur la Syrie, rien n'évolue ?

R - J'ai reçu hier au quai d'Orsay le président du Conseil national syrien. Une réunion aura bientôt lieu à Doha pour essayer de renforcer l'union de l'opposition, c'est absolument nécessaire. Sur le terrain les résistants gagnent un peu de terrain mais ce n'est pas encore décisif.

Que faut-il faire ? Il faut, d'une part, comme l'a demandé Ban Ki-moon, plaider pour le cessez-le-feu. Deuxièmement, il faut soutenir les efforts en vue de l'unification de l'opposition. Troisièmement, politiquement, il faut essayer de rapprocher les points de vue des uns et des autres ; c'est ce que nous faisons. Je discute avec les Russes, avec les Américains, j'espère qu'on va avancer.

Q - Vous avez souvent dit que Bachar Al-Assad va partir, Bachar Al-Assad va être chassé du pouvoir et Bachar Al-Assad est toujours là.

R - Il partira, bien sûr, et le plus tôt serait le mieux. Il y a entre 200 et 400 morts tous les jours en Syrie.

Q - Personne ne peut dire quand aujourd'hui ?

R - Je ne peux pas vous dire quand il partira mais le plus tôt sera le mieux.

Q - Il peut rester un moment encore à votre avis ?

R - Je crois que c'est très difficile, quand on est un assassin auquel on reproche des crimes contre l'humanité, de se maintenir au pouvoir contre son peuple.

(...).


source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2012