Déclaration de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, sur l'exécution du budget en 2013 et les perspectives des finances publiques, au Sénat le 15 juillet 2014.

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Circonstance : Débat d'orientation des finances publiques et projet de loi de réglement pour 2013, au Sénat le 15 juillet 2014

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur général,
Mesdames et messieurs les Sénateurs,


Nous débattons aujourd'hui de l'exécution du budget en 2013 et des perspectives des finances publiques.

La politique du Gouvernement est une politique de redressement économique, budgétaire et social que nous menons depuis 2012.

La crise financière de 2008, puis la crise de la zone euro de 2011, ont laissé des traces profondes dans notre économie. La France a connu six années de quasi-stagnation économique, avec une croissance limitée à 0,3 % en moyenne de 2008 à 2013, et une forte augmentation du taux de chômage.

Face à cette situation, nous avons dû adopter en 2012 des mesures en urgence pour rééquilibrer nos finances publiques car, entre 2007 et 2012, la dette publique brute a augmenté de 26,2 % du PIB et le déficit public atteignait 5,2 % du PIB en 2011, soit plus de 100 milliards d'euros. Le déficit aurait dépassé 5 % du PIB sans nos mesures de redressement en 2012.

Nous avons poursuivi, en 2013 et en 2014, les efforts de redressement des finances publiques - dans un contexte économique difficile. Nous nous donnons, pour 2015 et au-delà, deux objectifs : le retour à plus de croissance et d'emploi, de manière durable, avec le Pacte de responsabilité et de solidarité d'une part, l'assainissement de nos comptes publics, d'autre part. Cette politique vise à sortir le pays de la crise économique dans lequel il s'est enfoncé depuis plusieurs années et à assainir les finances publiques, dont la dégradation est sans précédent en temps de paix.


Le débat d'aujourd'hui nous conduit d'abord à examiner l'exécution budgétaire constatée en 2013.

Vous connaissez les données de cette exécution, j'en rappellerai les grandes lignes.

La dépense publique a été tenue :

- la dépense de l'Etat sous norme en valeur a été sous-exécutée à hauteur de 144 millions d'euros ;
- l'objectif national d'assurance-maladie a été sous-exécuté d'environ 1,4 milliard d'euros ;
- la dépense publique dans son ensemble a progressé au rythme le plus faible depuis 1998, à 2 % en valeur.

Le Gouvernement dispose de plusieurs leviers pour tenir la dépense, à la fois en budgétisation et en gestion, et leur mobilisation a contribué à ces bons résultats.

L'évolution des recettes publique, en revanche, est beaucoup plus dépendante des évolutions économiques. En 2013, la croissance a été positive - alors que beaucoup nous prévoyaient en récession encore à mi année et que la zone euro dans son ensemble a connu un recul de son activité - mais elle est restée faible (+ 0,4 %).

Le Gouvernement a fait le choix en 2013 de ne pas compenser les effets de cette moindre croissance. Si l'effort budgétaire a été considérable, à près de 1,5 point de PIB, comme l'a reconnu la Cour des comptes, la réduction du déficit public a été moindre, compte tenu des effets du cycle économique. L'impact de la conjoncture économique sur les recettes publiques explique la plus grande part de l'écart entre la prévision de déficit public et l'exécution.

Le déficit public était prévu à 3 % du PIB, il a été exécuté à 4,3 % : sur cet écart de 1,3 point, 0,7 point, soit plus de la moitié, est dû aux moindres recettes liées à la dégradation de la conjoncture économique, qui a entraîné une faible croissance de l'activité, mais également une élasticité des recettes à la croissance très inférieure à l'unité.

Le reste de l'écart entre prévision et exécution du solde est dû principalement à l'effet base de 2012, à la révision à la baisse du déflateur du PIB et au moindre rendement de certains impôts nouveaux comme la taxe sur les transactions financières ou la taxe de risque systémique sur les banques.

Cette exécution 2013 est d'abord un rappel de l'humilité que l'on doit conserver en matière budgétaire :

- les pouvoirs publics disposent de moyens pour agir sur la dépense de l'Etat et de santé. En mobilisant ces moyens, nous sommes en mesure de tenir la dépense publique ;
- en revanche, l'évolution des recettes publiques est soumise aux aléas conjoncturels. Nous avons adopté en loi de finances pour 2013 un ensemble de mesures en recettes, qui demandaient un effort particulier aux ménages les plus aisés et qui ont eu globalement l'effet budgétaire attendu.
Ces mesures discrétionnaires ont permis de réduire de 1,4 % du PIB le déficit public, soit un niveau proche de la prévision de 1,6 % du PIB. Elles ont eu globalement le rendement escompté.
Mais, en parallèle, les évolutions économiques qui constituent le sous-jacent des recettes publiques n'ont pas été bonnes : en particulier, le bénéfice fiscal des sociétés financières a chuté en 2013 (de l'ordre de 7 %), ce qui a pesé sur le rendement de l'impôt sur les sociétés ; la construction immobilière a également fortement diminué, ce qui a réduit le produit de la TVA.

Pour résumer, nous considérons que cette exécution 2013 est globalement satisfaisante même si tous les objectifs budgétaires n'ont pas été atteints :

- la dépense de l'Etat et en matière de santé a été tenue ;
- le déficit public a diminué de 4,9 % en 2012 à 4,2 % ;
- le déficit structurel, c'est-à-dire corrigé du cycle économique, a été réduit à 3,1 %, soit quasiment le plus bas niveau depuis 2002 ;
- mais les recettes ont été moindres que prévu : cette faiblesse est la conséquence directe de la situation économique, ce que les économistes appellent les "stabilisateurs automatiques" qui font que les prélèvements se réduisent quand l'économie va mal - ce qui atténue le ralentissement - et réciproquement quand l'économie va bien.


J'en viens aux perspectives de nos finances publiques. Je l'ai dit, la politique du Gouvernement vise à sortir le pays de la crise économique qui nous frappe depuis plusieurs années et à poursuivre l'assainissement de nos comptes publics.

Nous proposons de mobiliser de nouveaux moyens pour retrouver l'emploi et soutenir de manière durable le pouvoir d'achat des ménages, tout en commençant dès à présent à baisser la pression fiscale sur les ménages à revenus modestes et moyens : c'est l'objet du Pacte de responsabilité et de solidarité, nous avons eu l'occasion d'en débattre à l'occasion des projets de textes financiers rectificatifs, je n'y reviens pas.

Pour financer le Pacte et poursuivre l'assainissement budgétaire, le Gouvernement propose de ralentir la dépense publique de manière à réaliser un montant de 50 milliards d'euros d'économies à l'horizon de l'année 2017.

La part que représente la dépense publique dans la richesse nationale a augmenté continûment depuis des décennies – passant de 35 % du PIB en 1960 à 57 % en 2013 –. Il faut rompre avec l'idée qu'un bon budget est un budget en hausse. Il faut rompre avec l'idée que plus de moyens, c'est nécessairement une amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.

Force est de constater qu'augmenter la dépense publique n'est pas nécessairement gage de croissance.

Vous connaissez la répartition de ces 50 milliards d'euros d'économies, elle a été faite en fonction de la part de chaque administration dans la dépense publique totale :

- 18 milliards d'euros sur l'Etat ;
- 11 milliards d'euros sur les collectivités territoriales (j'imagine que nous allons avoir l'occasion de discuter de ces économies) ;
- 10 milliards d'euros sur l'assurance-maladie ;
- 11 milliards d'euros sur les autres organismes de protection sociale

Les plafonds des missions du budget de l'Etat qui vous ont été transmis mercredi dernier permettront la réalisation de 18 milliards d'euros d'économies sur la dépense de l'Etat entre 2015 et 2017.

Tous les ministères, tous les opérateurs participeront aux économies. Pour autant, les ministères prioritaires – éducation nationale, justice, sécurité – bénéficieront de moyens supplémentaires et les créations d'emplois dans ces ministères seront réalisées comme prévu. Car, même si tous les ministères seront concernés par les économies, nous maintenons nos priorités.

C'est la priorité à la jeunesse tout d'abord, avec des créations d'emplois dans l'éducation nationale et l'enseignement supérieur maintenues et des moyens qui augmenteront de 1,8 milliards d'euros en 3 ans.

C'est la préservation de l'avenir et le renforcement de la croissance, avec un budget de la recherche et des dépenses en faveur de l'innovation préservés. L'exécution du programme des investissements d'avenir sera également poursuivie.

C'est la priorité aux créations d'emplois au ministère de la Justice (1800 en 3 ans), dans la police et la gendarmerie (1400 en 3 ans), qui se poursuivent.

C'est une approche fine de chaque mission, avec par exemple une légère hausse des crédits de la mission culture (création, patrimoine, enseignement supérieur artistique notamment), qui est rendue possible par des efforts d'économies demandés au secteur de l'audiovisuel - où les moyens financiers seront ajustés aux besoins réels de ces organismes, en cohérence avec les contrats d'objectifs et de moyens.

C'est, enfin, un financement garanti des dépenses résultant des minima sociaux financés par l'Etat (allocation adultes handicapés et, pour partie, RSA) et des allocations logement.


Monsieur le Président, mesdames et messieurs les Sénateurs,

Les orientations de la politique économique et budgétaire que vous propose le Gouvernement jusqu'en 2017 sont claires et cohérentes : elles visent à poursuivre et à amplifier ce qui a été entamé depuis 2012 pour répondre à la crise économique et budgétaire profonde qui entrave notre pays depuis plusieurs années.

L'emploi, vous le savez, est la priorité du Gouvernement : le CICE et le Pacte conduiront à un allègement de 30 milliards d'euros du coût du travail ; c'est un nouveau levier que nous mobilisons, pour assurer un retour durable à plus de croissance et d'emploi, en complément des contrats de génération, des emplois d'avenir, et aux côtés de la loi de sécurisation de l'emploi.

L'assainissement des finances publiques sera poursuivi : à fin 2013, nous avions apuré la quasi-totalité des déséquilibres budgétaires accumulés entre 2002 et 2012. Pour les années à venir, le Gouvernement vous propose de poursuivre l'assainissement de nos finances publiques par des économies en dépense, tout en nous donnant les moyens d'une croissance plus forte, de manière durable. Nous redonnerons pour ce faire à nos entreprises leur capacité d'embauche et d'investissement et nous commencerons à réduire la pression fiscale des ménages.

Les économies n'ont pas seulement pour objet de réduire les déficits : elles permettront également de pérenniser notre modèle social, qui ne peut être indéfiniment financé à crédit, et d'assurer une gestion exemplaire du service public - qui est le patrimoine des plus modestes.

Cette responsabilité historique de répondre à la crise économique et budgétaire la plus profonde depuis la Libération, nous l'assumons en demeurant fidèles à nos valeurs, à nos priorités, à la justice et à la solidarité.


Je vous remercie.


Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 juillet 2014