Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, avec RTL le 16 juillet 2019, sur les conséquences de la sécheresse pour les agriculteurs, le prix du porc et sur les accords de libre-échange.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

THOMAS HUGUES
Bonjour Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

THOMAS HUGUES
Merci d'être avec nous ce matin sur RTL. Vous êtes le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation. On va parler de la sécheresse évidemment, c'est le thème majeur du jour, mais d'abord une question sur François de RUGY, il a rendez-vous ce matin avec le Premier ministre, est-ce qu'il sera toujours ministre de la Transition écologique à la sortie ?

DIDIER GUILLAUME
Ecoutez, le président de la République s'est exprimé, il a dit qu'il demandait au Premier ministre de faire toute la clarté, eh bien, le Premier ministre va faire toute la clarté, et il a dit quelque chose de très important, le président de la République, c'est-à-dire qu'il ne faut jamais crier comme ça avec la foule, il faut laisser se poser les choses et qu'il y ait un peu…

THOMAS HUGUES
Oui, mais il faut quand même aller vite, parce que ça peut être un boulet pour l'exécutif…

DIDIER GUILLAUME
Ecoutez, pour l'instant, ce n'est pas un problème de boulet, il faut vérifier un certain nombre de choses, je reste sur ce qu'ont dit le président de la République et le Premier ministre, et nous verrons bien dans les jours qui viennent…

THOMAS HUGUES
Vous comprenez, Didier GUILLAUME, que ça puisse choquer les Français cette affaire ?

DIDIER GUILLAUME
Mais évidemment ! Evidemment, moi, je suis allé dans mon département samedi matin, j'ai entendu beaucoup de choses, quand je suis allé boire le café, etc, maintenant, il faut des justifications, il faut que François de RUGY s'exprime, le déontologue de l'Assemblée nationale a été saisi, le Premier ministre va dire ce qu'il a à dire, et puis, nous verrons bien, ça ne dépend pas de moi, ça, les décisions, s'il doit y en avoir, se prendront dans les jours qui viennent.

THOMAS HUGUES
Ce qui dépend de vous, c'est de le soutenir à l'Assemblée tout à l'heure, parce qu'on imagine les députés de l'opposition qui l'attendent de pied ferme, il va répondre à des questions dans le cadre des questions au gouvernement, vous allez l'applaudir comme de tradition ?

DIDIER GUILLAUME
Alors, les ministres n'ont pas le droit d'applaudir à l'Assemblée nationale…

THOMAS HUGUES
Ah bon, c'est vrai ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, les ministres n'ont pas le droit d'applaudir. Mais la question n'est pas là, elle n'est pas d'applaudir ou de ne pas applaudir. Je crois qu'il faut rester sur les faits, les Français ont été choqués d'apprendre ce genre de chose, parce que c'est sorti comme ça dans les médias, dans les réseaux sociaux, c'est allé très vite, aujourd'hui, nous vivons dans la transparence, donc rien n'est à cacher et nous ne devons rien cacher. Maintenant, sur ce fait précis…

THOMAS HUGUES
Comment ça se passe dans votre ministère ?

DIDIER GUILLAUME
C'est-à-dire ?

THOMAS HUGUES
Comment ça se passe dans votre ministère, les frais de représentation, comment vous invitez, qui vous invitez, comment vous faites… ?

DIDIER GUILLAUME
Eh bien, chaque ministre a des frais de représentation pour faire des déplacements sur le terrain, pour faire des déplacements à l'étranger, je vais même vous dire que lorsque nous allons à l'étranger, je suis allé au Japon dernièrement, nous payons à l'ambassade de France la location de la nuit comme dans un hôtel et le repas, donc vous voyez les choses telles qu'elles sont…

THOMAS HUGUES
Est-ce qu'il faut aller plus loin dans la transparence ?

DIDIER GUILLAUME
Mais nous sommes déjà allés très, très loin, de toute façon, à cette question, c'est difficile d'y répondre, parce que nous n'irons jamais assez loin, jamais… aujourd'hui, vous savez, toutes les lois qui ont été faites, notamment dans le quinquennat précédent après le drame de cette affaire CAHUZAC qui a été un vrai drame politique pour l'ensemble de la classe politique, parce que le « tous pourris » est inacceptable, c'est insupportable d'entendre : « vous êtes tous pourris », d'entendre : « vous mangez des homards », de voir ce homard brandi, de dire : vous avez tous détourné de l'argent, avec à l'époque de CAHUZAC, c'était pareil, l'époque de THEVENOUD, tout ça, c'est insupportable, chaque fois, il y a eu des mesures qui ont été prises, il y a eu la Haute autorité de la transparence sur la vie publique qui été mise en place, on est contrôlé, moi, quand je suis entré au gouvernement en octobre dernier, j'ai été radiographié, j'ai fait un IRM, un scanner, un contrôle fiscal, les impôts sur des années, tout ce qu'on obtient, voilà, moi, je veux simplement dire que…

THOMAS HUGUES
Bon, ok, on a compris, dernier mot là-dessus…

DIDIER GUILLAUME
La politique, non, c'est beau, c'est noble, et c'est fait par des gens qui sont passionnés, et en politique, il n'y a pas de voyous. C'est comme dans la société, c'est comme dans la vie de tous les jours, il y a peut-être des gens qui peuvent franchir la ligne jaune, eh bien, ces gens-là, ils ont été sanctionnés, ils ont toujours été sanctionnés.

THOMAS HUGUES
Allez, on parle de la sécheresse, Didier GUILLAUME, 61 départements qui doivent subir des restrictions d'eau, conséquence du réchauffement climatique, les nappes phréatiques ne se remplissent plus assez. Il y a 21 départements qui sont même en crise, les agriculteurs et les éleveurs qui doivent faire des efforts considérables, l'arrêté leur interdit d'arroser leurs cultures, et alors, j'ai lu d'hydrater leur élevage, mais ça veut dire quoi concrètement ça ?

DIDIER GUILLAUME
Eh bien, le problème qu'il y a, c'est qu'aujourd'hui, on voit bien que le réchauffement climatique est là, et que le dérèglement climatique est là, cette nuit, il y a encore eu un orage terrible en Corse, et à la fois, on a des départements en sécheresse, je suis allé, moi, la semaine dernière, dans le Gard et dans l'Hérault voir un drame des vignes qui étaient tellement brûlées par le par le soleil, et 15 jours avant chez moi, il y avait eu un orage de grêle qui avait tout dévasté. Donc on voit…

THOMAS HUGUES
Oui, on était dans les Vosges, il y a quelques instants, les sapins qui souffrent…

DIDIER GUILLAUME
Oui, et dans les Vosges, votre reportage, donc on voit bien que tout cela ne va pas. Donc nous avons pris des mesures pour la sécheresse, contre la sécheresse, moins arroser évidemment, des restrictions d'eau, et en même temps, il y a besoin d'eau pour…

THOMAS HUGUES
Mais hydrater leur élevage, il faut bien donner de l'eau aux bêtes, je ne comprends pas ce que ça veut dire en fait…

DIDIER GUILLAUME
Mais les bêtes ont de l'eau, il n'y a aucun problème, les bêtes, on leur donne à boire, hydrater leur élevage, c'est simplement éviter de prendre de l'eau plus qu'il n'en faut, aujourd'hui, nous avons un vrai problème de ressource d'eau, donc il faut y réfléchir, et moi, j'ai déjà fait une proposition, on ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant six mois et en chercher les six autres mois de l'année. Donc j'ai lancé un grand chantier avec le monde agricole au niveau des Assises de l'eau, nous devons aujourd'hui créer, construire, fabriquer des retenues collinaires, des retenues d'eau, il y a de l'eau qui tombe du ciel, parfois, elle tombe en quantités astronomiques, beaucoup trop importantes, et puis, après, il n'y en a plus. Et vous savez, aujourd'hui, on a un problème parce qu'il va manquer de la paille pour les litières, il va manquer du foin pour nourrir les animaux, or, si nous avions des retenues d'eau dans les endroits où il y a de la sécheresse, et si nous pouvions irriguer ces parcelles-là, eh bien, peut-être, il y aurait la possibilité de faire une nouvelle coupe et de stocker du fourrage…

THOMAS HUGUES
D'un mot « retenues collinaires », ça veut dire quoi ?

DIDIER GUILLAUME
Eh bien, c'est-à-dire que sur les bassins versants, dans un bout de colline, sur un plateau, eh bien tout simplement faire un trou, et puis, laisser récupérer l'eau de pluie…

THOMAS HUGUES
Est-ce que vous allez aider les agriculteurs, les agriculteurs qui sont en grande difficulté en France depuis des mois, des années, on ne va pas redonner les chiffres malheureusement du suicide des agricultures. Est-ce que face à cette sécheresse, le gouvernement a prévu quelque chose pour les aider ?

DIDIER GUILLAUME
Mais c'est au-delà de la sécheresse, aujourd'hui, nous avons un problème crucial dans ce pays, c'est que…

THOMAS HUGUES
Mais il ne faut pas une mesure ponctuelle, là, maintenant… ?

DIDIER GUILLAUME
Je vais vous répondre très précisément, mais les agriculteurs ne gagnent pas leur vie, et tant qu'on n'arrivera pas à avoir plus de revenus, eh bien, les paysans continueront à être dans une situation catastrophique, et moi, je ne veux pas cela. Et c'est vraiment pour ça que nous avons fait les états généraux de l'alimentation, tout à l'heure, je fais une réunion à Bercy avec toute la filière porc et grande distribution pour dire : il faut que la valeur soit mieux répartie, ce n'est pas possible que les agriculteurs, que les éleveurs vendent, importent, vendent du boeuf, vendent un produit moins cher que ce que ça leur revient, et que nous, on ne voit pas que ça baisse dans les grandes surfaces quand on achète…

THOMAS HUGUES
D'ailleurs, j'ouvre une parenthèse, le prix du cochon, le prix du porc, c'est en train d'exploser, qu'est-ce qui se passe, là ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, il se passe que…

THOMAS HUGUES
On reviendra à la sécheresse juste après…

DIDIER GUILLAUME
Il se passe qu'il y a une demande mondiale terrible, il y a ce qu'on appelle la peste porcine africaine qui touche beaucoup de pays, notamment nos voisins belges, c'est pour ça que nous avons pris des mesures terribles, nous, en France, pour l'éviter, la France était indemne. Mais la Chine est très atteinte, donc la Chine n'a quasiment plus de production de porc, donc elle en achète, ça fait un appel d'air, la loi de l'offre et de…

THOMAS HUGUES
Et les prix montent…

DIDIER GUILLAUME
Et les prix montent. Et c'est très bien pour la filière porcine, qui a tellement souffert pendant des années, qu'avoir un prix à plus de 1,50 euro, c'est pour ça que nous faisons cette réunion tout à l'heure, va leur permettre, là encore, de renouveler, d'améliorer leur élevage, d'améliorer leurs bâtiments…

THOMAS HUGUES
Alors, je reviens à la sécheresse, et puis, on va trouver le temps de parler des accords commerciaux, c'est important, mais d'un mot, est-ce que vous avez prévu des mesures ponctuelles, là, à annoncer ce matin, pour les agriculteurs ?

DIDIER GUILLAUME
Alors, ce que nous faisons lorsqu'ils sont touchés, c'est évidemment : nous faisons des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties, c'est-à-dire sur les terrains, nous reportons les cotisations sociales de la MSA, évidemment, mais nous n'avons pas beaucoup de choses d'autres à faire que cela, c'est pour ça qu'il faut prendre en amont, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir arroser, irriguer l'agriculture, et puis, il faut qu'il y ait plus de revenus pour que les agriculteurs s'en sortent.

THOMAS HUGUES
Il n'y a pas une aide financière, là, à débloquer ?

DIDIER GUILLAUME
Il peut y avoir des aides ponctuelles, mais, aujourd'hui, enfin, ce n'est pas avec des aides ponctuelles que l'on va régler le problème conjoncturel… …

THOMAS HUGUES
J'ai bien compris, il faut des réformes de structures…

DIDIER GUILLAUME
L'agriculture française souffre, moi, je veux plus voir des paysans en pleurs devant moi, voir des gens qui ne s'en sortent pas, ce n'est pas impossible, ils travaillent 7 jours sur 7…

THOMAS HUGUES
Didier GUILLAUME, pardon de vous interrompre…

DIDIER GUILLAUME
Je me permets d'insister, mais ils travaillent 7 jours sur 7, ils nous font manger une alimentation de grande qualité que le monde entier nous envie, l'alimentation française est de très grande qualité, ces gens-là doivent gagner leur vie.

THOMAS HUGUES
Mais Didier GUILLAUME, on signe des accords internationaux, il y a l'accord sur le CETA donc avec le Canada, et puis, celui avec les pays d'Amérique du Sud, qu'on appelle l'accord Mercosur, donc il y a l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay, de mémoire. Cet accord-là, celui sur le Mercosur, il inquiète particulièrement les agriculteurs, est-ce qu'ils ont raison d'être inquiets ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, ils ont raison d'être inquiets.

THOMAS HUGUES
Mais alors, on ne va pas le signer ?

DIDIER GUILLAUME
D'abord, c'est dans trois ou quatre ans, donc on verra bien comment les choses se passeront, aujourd'hui…

THOMAS HUGUES
Non, mais on a eu l'impression que l'Europe avait décidé que c'était fait…

DIDIER GUILLAUME
Non, non, non, ah oui, aujourd'hui, je veux réaffirmer que la France, le gouvernement français, le président de la République est favorable à signer des accords commerciaux internationaux, c'est normal, il faut réguler l'économie dans le monde, et on ne peut pas vouloir, nous, exporter du vin, exporter du cognac, exporter des céréales, et je ne sais quoi, exporter du cochon en Chine, et puis, ne pas vouloir importer, donc signer des accords commerciaux, nous y sommes favorables. Après, ces accords commerciaux doivent respecter un certain nombre de règles, 1°) – le président de la République l'a dit – c'est les accords de Paris, la lutte contre le réchauffement climatique, aucun accord commercial ne se fait avec un pays qui ne respecte pas les accords commerciaux…

THOMAS HUGUES
Alors, avec le Brésil, bon courage, parce que le président BOLSONARO a dit qu'il allait respecter l'accord de Paris, je ne sais pas pour vous, mais moi, je demande à voir…

DIDIER GUILLAUME
Mais Thomas HUGUES…

THOMAS HUGUES
Vu ce qui se passe en Amazonie…

DIDIER GUILLAUME
Mais j'étais hier au Conseil des ministres de l'Agriculture à Bruxelles, moi aussi, je demande à voir, c'est le premier point, on ne signe pas si on ne respecte pas l'accord de Paris. Deuxièmement, on ne signe pas si on ne respecte pas le niveau sanitaire, les hormones, les OGM, les antibiotiques, etc. Et troisièmement, on ne signe pas si cet accord est défavorable à l'agriculture française. Bon, nous allons regarder ce que l'Union européenne a signé avec le Mercosur comme traité, nous n'avons pas encore les textes, rendez-vous compte, nous n'avons pas encore les textes traduits en droit français, et puis en fonction de cela, le président de la République a annoncé deux choses, qu'il mettait en place une clause de sauvegarde en disant : si ces accords ne sont pas… si les trois points que je viens d'évoquer ne sont pas réunis, nous ne signons pas et nous créons, là, une commission d'enquête pour vérifier l'aspect sanitaire. Donc je veux rassurer les agriculteurs, les filières, les parlementaires, nous n'en sommes pas encore à la signature.

THOMAS HUGUES
Merci beaucoup. Merci Didier GUILLAUME, le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation, dans la matinale de RTL. A bientôt.

DIDIER GUILLAUME
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2019