Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Agnès BUZYN, bonjour.
AGNES BUZYN
Bonjour Monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Chantal JOUANNO a donc décidé de se retirer du grand débat national après la polémique suscitée par le montant de son salaire, 14.660 euros bruts mensuels, elle reste présidente de la Commission nationale du débat public. Les hauts fonctionnaires seraient-ils trop payés ?
AGNES BUZYN
Sûrement pour certains, peut-être pas pour tous. Juste un mot d'historique sur les hautes autorités, parce que je connais bien, par exemple, l'Autorité de sûreté nucléaire. Vous êtes face à des gens qui prennent des décisions vis-à-vis de très très grosses entreprises comme AREVA, comme EDF, de fermeture de centrales nucléaires, qui assurent la sécurité des Français, c'est un poste très bien payé. Pourquoi ? Historiquement c'était pour éviter la corruption potentielle de ces hauts fonctionnaires qui ont à prendre des décisions importantes pour la nation. Après il faut regarder le niveau de responsabilités de ces hauts fonctionnaires, le niveau d'exposition, et donc voilà…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, parce que ces hauts fonctionnaires gagnent souvent plus que les ministres, et même que le Premier ministre, et même que le président de la République.
AGNES BUZYN
Alors, ils gagnent évidemment nettement plus que tous les élus…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus que vous.
AGNES BUZYN
Evidemment, beaucoup plus, beaucoup plus que tous les élus, les députés, les sénateurs, plus que le président de la République. Moi je pense qu'il faut probablement remettre à plat, en fonction des postes et des responsabilités. N'entrons pas dans un poujadisme général qui est que personne ne doit être payé plus que trois fois le SMIC ou deux fois le SMIC, parce que, en réalité, quand on préside une haute autorité comme l'Autorité de sûreté nucléaire, je donne celle-là parce que c'est celle que je connais le mieux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous connaissez aussi les hautes autorités qui concernent la santé !
AGNES BUZYN
Bien sûr, de santé, la CNIL, enfin il y a plein d'autorités…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sont aussi très très bien payés, les hauts fonctionnaires.
AGNES BUZYN
Qui sont très bien payés, et historiquement, parce que tout ça est historique, ce n'est pas le gouvernement qui a décidé de changer les salaires, c'est dans la loi pour beaucoup, c'est des décrets. Mais je pense que, en tout les cas le débat, et nous le souhaitons aussi au gouvernement, doit porter sur beaucoup de postes aujourd'hui qui ne sont pas à ce niveau de responsabilité, comme la Haute autorité de santé, ou l'Autorité de sûreté nucléaire, qui sont des autorités qui doivent juger et être absolument indépendants de tous les industriels…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, Agnès BUZYN, le débat qui va s'ouvrir la semaine prochaine, va porter sur les salaires des ministres, des députés, des hauts fonctionnaires, vous le savez bien.
AGNES BUZYN
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut ouvrir ce débat ?
AGNES BUZYN
Alors je ne sais pas s'il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il sera ouvert !
AGNES BUZYN
Il sera ouvert par les Français, c'est pour ça que dire il faut l'ouvrir ou pas l'ouvrir, il sera ouvert, on ne va pas brider la parole des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous regrettez le départ de Chantal JOUANNO ?
AGNES BUZYN
Oui, parce qu'elle a une longue expérience politique, c'est une femme raisonnable, oui je le regrette. C'est son choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera remplacée aujourd'hui.
AGNES BUZYN
Nous allons discuter, au séminaire gouvernemental, de la fin de l'organisation, de l'organisation concrète, on a besoin de la Commission nationale du débat public parce qu'ils ont la technique pour animer les débats de société, leur rôle c'est de parler des grands travaux, d'écologie, ils ont l'habitude de cela, on a besoin de leur expertise, et puis nous verrons qui peut animer sereinement ce débat, parce qu'il faut quelqu'un qui ait la confiance des Français, qui ne soit pas suspecté d'être proche d'un élu, ou proche d'un mouvement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, compte tenu de la situation actuelle, il va falloir quelqu'un qui a l'estime des Français.
AGNES BUZYN
L'estime des Français, un Sage, on n'en n'a pas tant que ça, on n'en n'a plus tant que ça, et c'est probablement ce qui nous manque aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y a déjà un nom qui circule ?
AGNES BUZYN
Non, on va en discuter dans le séminaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'imagine quand même qu'il y a quelques noms qui circulent.
AGNES BUZYN
Comme tout cela date d'hier soir, vous le savez Monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, donc vous n'êtes pas renseignée.
AGNES BUZYN
Non, je ne suis pas renseignée, je n'ai pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce grand débat, dites-moi, moi je me souviens, dans les premières semaines, quand vous êtes arrivés au pouvoir, Emmanuel MACRON, toute l'équipe et tout, vous pensiez apaiser la société, notre société. Quel échec, dites-moi, vous n'avez rien apaisé du tout !
AGNES BUZYN
Non, d'abord on n'a visiblement pas apaisé, mais parce que la colère était profonde, ancienne, et quelque part, en fait, c'est la fin de l'élection d'Emmanuel MACRON, on arrive au bout du processus du…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la fin d'Emmanuel MACRON ?
AGNES BUZYN
Non, non, j'ai dit la fin du processus électoral…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai compris, j'ai fait exprès.
AGNES BUZYN
Qui a amené, c'est-à-dire des Français qui, quelque part, expriment leur défiance généralisée vis-à-vis du système, je n'aime pas ce mot-là d'ailleurs, parce qu'en réalité ce système c'est de multiples pouvoirs contre-pouvoirs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous surprend cette défiance des Français ?
AGNES BUZYN
Non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
AGNES BUZYN
Non, on l'a vu monter depuis quand même 20 ans, plus de 20 ans, la fracture sociale de 95, c'était il y a 23 ans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jacques CHIRAC.
AGNES BUZYN
Et donc ça ne me surprend pas. Par contre, je voudrais quand même qu'on revienne un peu à la raison et qu'on ait un peu de lucidité sur notre pays. Je comprends qu'il y ait une défiance vis-à-vis des politiques publiques qui n'ont pas apaisé, qui n'ont pas résolu les problèmes, on a un régime démocratique, CHURCHILL disait « la démocratie c'est le pire des régimes, à l'exclusion de tous les autres », en réalité on ne sait pas faire mieux pour protéger la liberté de chacun, donc la démocratie il faut quand même y faire très attention…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre régime démocratique est en danger selon vous, là, en ce moment ?
AGNES BUZYN
En tous les cas il est mis à mal par un certain nombre de personnes qui souhaitent le chaos et l'anarchie, donc moi je pense que, aujourd'hui, ce à quoi on assiste dans les derniers actes des gilets jaunes ce ne sont plus des changements de méthodes, mais des changements d'intentions. C'est-à-dire que ce ne sont pas les gentils gilets jaunes des ronds-points du mois de novembre contre maintenant des gilets jaunes très violents qu'on voit dans les manifestations, ce ne sont pas juste des changements de pratiques, de revendications, mais nous sommes face à des gens qui, au départ, en novembre, luttaient pour leur pouvoir d'achat, et aujourd'hui des personnes qui luttent en faveur d'une forme de chaos.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin la majorité des gilets jaunes continuent à lutter pour le pouvoir d'achat aujourd'hui, Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Absolument, mais ce ne sont pas ceux que nous voyons dans les manifestations violentes, en tous les cas je pense qu'un certain nombre d'entre eux sont quand même mal à l'aise par rapport à ce qu'ils observent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a pas non plus que des violents et des casseurs parmi les gilets jaunes, on est bien d'accord…
AGNES BUZYN
Non, ce n'est pas du tout ce que je dis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais Agnès BUZYN, je sais, mais je voudrais… non, parce que les violences, les images des violences ont pris tellement d'importance, qu'on en oublierait presque les revendications de base des gilets jaunes.
AGNES BUZYN
Surtout pas, c'est pour ça qu'on fait un débat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien justement, c'est pour ça que vous faites le débat, alors c'est pour ça que j'entre dans le débat avec vous, Agnès BUZYN. D'abord, faut-il poser toutes les questions, faut-il mettre toutes les questions sur la table dans ce débat ? Ce sont les Français qui décideront.
AGNES BUZYN
Alors, je pense que c'est important qu'on cadre un peu le débat. Pourquoi cadrer ? Ça permet quand même de donner des éléments de contexte. Si on ouvre à toutes les questions possibles de la société, on n'aura pas la capacité de donner des éléments concrets, des chiffres, donc on cadre un peu le débat pour donner aux Français un certain nombre d'éléments chiffrés, sur les impôts, sur la dépense publique par exemple. Donc, quand le débat va porter sur l'écologie, il faut qu'on explique exactement ce que veut dire l'accord de Paris, donc le fait de cadrer permet de donner des éléments à ceux qui vont animer le débat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De réflexion.
AGNES BUZYN
De réflexion. Après les Français vont prendre la parole et vont s'exprimer, on ne va pas leur interdire de parler des sujets, bien sûr que non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, imaginons qu'on parle de la PMA, tiens, pour toutes les femmes. C'est pour quand la PMA pour toutes les femmes ?
AGNES BUZYN
Alors j'aimerais d'abord qu'on parle plus de la loi de bioéthique que de la PMA, parce que la loi bioéthique c'est bien plus large que la question de la PMA, même si la question de la PMA intéresse quelques personnes très clairement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas quelques, beaucoup.
AGNES BUZYN
Quelques milliers, centaines de milliers de personnes, ça concernera quand même assez peu de femmes, par contre la loi de bioéthique, et toutes les questions de génétique qui vont avec, concerneront tous les Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
AGNES BUZYN
Et donc ce sera déposé avant la fin du premier trimestre 2019…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant la fin mars.
AGNES BUZYN
Au Conseil d'Etat, ça passera en Conseil des ministres, et l'idée c'est qu'on aboutisse à un projet présenté devant le Parlement avant l'été.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La PMA pour toutes les femmes, vous dites oui ?
AGNES BUZYN
Oui, c'était une promesse du président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Remboursée par la Sécurité sociale ?
AGNES BUZYN
Nous verrons, ça fera partie du débat et des propositions qui seront faites. Je ne veux pas dévoiler ce texte qui n'est pas encore totalement rédigé, Monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les dons de sperme, rémunérés ?
AGNES BUZYN
Moi je suis contre la rémunération du don de soi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la levée de l'anonymat des donneurs ?
AGNES BUZYN
Alors la levée de l'anonymat c'est quelque chose qui, de toute façon, est dans l'air du temps dans tous les pays, attention, ça ne veut pas dire qu'on choisira un donneur de spermatozoïdes en fonction de son nom, de son origine ou de sa, voilà, ça veut dire qu'un enfant, à l'âge de 18 ans, pourra éventuellement retrouver le donneur de gamètes sans que ça ne procure aucun droit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura levée de l'anonymat des donneurs.
AGNES BUZYN
Mais, je voudrais qu'on revienne pratiquement à ce que ça représente, ça veut dire que des enfants nés d'un don en 2020, puisque la loi sera promulguée, et avec les décrets, en 2020, pourra à l'âge de 18 ans, c'est-à-dire en 2038, se retourner vers son donneur pour essayer de savoir quelles sont ses origines et pouvoir se construire. Or, en 2038, nous savons que les bases de données de génétique à travers le monde, en fait seront très accessibles, et la question sera probablement un peu obsolète, c'est déjà le cas aujourd'hui aux Etats-Unis où des gens retrouvent leur donneur de spermatozoïdes, ou des frères, ou des demi-frères, uniquement en analysant des banques de données génétiques, donc c'est déjà aujourd'hui accessible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'en reviens à ce grand débat. Est-ce que dans le grand débat il va falloir poser la question du pouvoir d'achat des personnels hospitaliers ?
AGNES BUZYN
Il faudra poser la question du pouvoir d'achat en général.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En général, mais moi je parle de ce qui vous concerne, le personnel hospitalier.
AGNES BUZYN
Le personnel hospitalier avec…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir qu'on améliore sa situation financière, d'une manière ou d'une autre.
AGNES BUZYN
Alors, d'ores et déjà, je travaille aujourd'hui sur l'amélioration, une prime pour les aides-soignants dans les EHPAD, c'est un débat que j'ai ouvert, en tous les cas je m'étais engagée à l'ouvrir en 2019, je pense que c'est important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une prime, donc, qui sera de combien ?
AGNES BUZYN
Alors on va y travailler avec les partenaires sociaux, mais l'idée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il y aura une prime qui sera versée aux personnels des EHPAD ?
AGNES BUZYN
Oui, je trouve qu'aujourd'hui la pénibilité dans ce travail au sein des EHPAD, avec des personnes très âgées, très dépendantes, doit être reconnu, et on voit qu'il y a un manque d'attractivité de cette profession, c'est très angoissant pour l'avenir de nos personnes âgées, et nous-mêmes, et donc je pense qu'il est important de reconnaître cette pénibilité, c'est déjà une première piste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sera versée quand cette prime ?
AGNES BUZYN
Je n'ai pas de date Monsieur BOURDIN, ne me regardez pas avec un grand sourire, je me suis engagée pour 2019, donc vous me permettez d'y travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc durant l'année il y aura une prime.
AGNES BUZYN
Oui, durant l'année j'aurai des annonces à faire, je souhaite les faire, parce que je reconnais qu'il y a vraiment une difficulté particulière.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a des primes qui ont été versées aux policiers, il y a des primes qui ont été versées ici ou là, mais…
AGNES BUZYN
Excusez-moi, c'était lors de la crise des EHPAD…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je me souviens, vous aviez annoncé cette prime…
AGNES BUZYN
A l'hiver 2017…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et maintenant vous dites que vous concrétisez.
AGNES BUZYN
Je concrétise cette année et je travaille avec les partenaires sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, les personnels des EHPAD, et les personnels hospitaliers ? Je ne parle pas des EHPAD moi.
AGNES BUZYN
Oui, alors…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Auront-ils une prime aussi ?
AGNES BUZYN
Monsieur BOURDIN, les personnels hospitaliers, ils ont un travail difficile et ils ont une abnégation et un engagement dans le travail exceptionnel, ils sont toujours au rendez-vous, toujours au rendez-vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, ça mérite prime.
AGNES BUZYN
Ça mérite, simplement nous sommes face à des Français qui aujourd'hui disent il y a trop de dépenses publiques. Ils disent, les Français quand même, c'est la crise des gilets jaunes, disent il y a trop de fonctionnaires, il y a trop de dépenses publiques. Donc, clairement, les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière, personne ne pense qu'il y en a trop, or il y a quand même 1,2 million fonctionnaires dans la fonction publique hospitalière, et donc il faut réfléchir à une attractivité des carrières, peut-être…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas les moyens quoi, d'offrir une prime !
AGNES BUZYN
Mais peut-être pas à tout le monde…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le problème est là.
AGNES BUZYN
Non, mais peut-être pas à tout le monde…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais à certains ?
AGNES BUZYN
Peut-être à certains, peut-être… dans la réforme de la fonction publique nous souhaitons, par exemple, avoir la possibilité d'offrir des primes à des équipes, ou à des personnes particulièrement méritantes, ça fait partie de la réforme. Peut-être ne faut-il pas simplement juste augmenter les salaires de tout le monde, mais réfléchir à reconnaître certaines pénibilités, ou un engagement particulier, et donc on peut quand même se laisser cette liberté…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce travail sera engagé.
AGNES BUZYN
Ce travail sera engagé, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Agnès BUZYN, les mutuelles, où est-ce qu'on en est, pas plus de 2,5 % ?
AGNES BUZYN
Alors, ce n'est pas comme ça que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !
AGNES BUZYN
Je vais faire un tout petit peu d'histoire Monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pas trop long l'historique, parce que moi je veux de l'info, sur les mutuelles.
AGNES BUZYN
D'accord. Donc, je me suis fâchée parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu.
AGNES BUZYN
Les mutuelles s'étaient engagées à ne pas augmenter leurs tarifs sur la réforme du reste à charge zéro, c'est-à-dire l'accessibilité aux prothèses auditives, lunettes et prothèses dentaires, que nous mettons en place sur les 3 ans qui viennent. Certaines mutuelles ont justifié leurs hausses de tarifs en disant « nous prenons en compte la réforme du gouvernement. » J'étais hors de moi, parce que leur engagement avait été que, en aucun cas la réforme, vu ce que ça leur coûtait, c'est-à-dire très peu par rapport à…
JEAN-JACQUES BOURDIN
250 millions sur 3 ans.
AGNES BUZYN
Sur 3 ans, par rapport à 34 milliards de ressources, donc ça représentait 0,13 % de leurs ressources, donc on a dit qu'il n'y avait aucune raison de justifier des hausses de prix sur la base de cette réforme qui ne leur coûte quand même que assez peu, notamment parce que l'Assurance maladie, c'est-à-dire nos cotisations sociales, prennent en charge les trois quarts. Donc, j'ai demandé un rappel à l'ordre très ferme des mutuelles, et donc elles se sont engagées à ce que, en aucun cas on puisse justifier des hausses de prix. Par ailleurs, la santé augmente, le coût de la santé augmente. Je ne peux pas empêcher les mutuelles d'augmenter leurs tarifs parce que les médicaments coûtent plus cher…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc elles augmentent, en moyenne, leurs tarifs de combien en 2019 ?
AGNES BUZYN
Ça dépend de leurs publics, ça dépend de leur organisation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus que le coût de la vie, non ?
AGNES BUZYN
Non, par contre ce que j'ai exigé, et ce que nous avons exigé avec le président de la République, fin décembre, la dernière semaine, c'est que pour toutes les mutuelles, je dirais d'entrée de gamme, c'est-à-dire qui sont prises par les personnes qui ont des ressources les plus faibles, ce qu'on appelle les mutuelles à ticket modérateur, c'est-à-dire les premiers prix de mutuelles, qui concernent plusieurs millions de personnes, nous avons reçu l'accord des mutuelles à ce qu'elles remboursent aux personnes les hausses de prix pratiquées en 2019. Donc il n'y aura aucune hausse des prix, et pour ceux qui ont déjà payé il y aura un remboursement, aucune hausse des prix, pour les mutuelles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les mutuelles premiers prix.
AGNES BUZYN
Et assurances, ça concerne aussi les assurances privées. Premiers prix, c'est-à-dire entrée de gamme, ce qui concerne en général les personnes qui ont un pouvoir d'achat modéré.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le plan addiction du gouvernement…
AGNES BUZYN
J'ai oublié de dire quand même, sur les mutuelles, excusez-moi je termine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais dites…
AGNES BUZYN
On a une réforme, que nous mettrons en place pour le 1er novembre, où nous augmentons le nombre de personnes qui vont pouvoir accéder à ce qu'on appelle la CMU contributive, donc ça va être là aussi 1 million de personnes en plus qui vont pouvoir accéder à une mutuelle à moins de 1 euro par jour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un euro par jour…
AGNES BUZYN
Moins de 1 euro par jour, pour des personnes âgées par exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou des jeunes, les 18-24 ans, 66 % seulement des 18-24 ans ont une mutuelle, en France.
AGNES BUZYN
Absolument, eux seront bénéficiaires, par exemple, de cette réforme, c'est-à-dire qu'ils pourront accéder à une mutuelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une mutuelle à 1 euro…
AGNES BUZYN
A moins de 1 euro par jour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins de 1 euro par jour.
AGNES BUZYN
Absolument, et donc ça c'est l'Etat qui le met en place, et ce sera accessible au 1er novembre 2019.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est très intéressant. Le plan addiction du gouvernement. Le tabac, 73.000 morts par an, on est bien d'accord, et l'alcool, combien, 49.000 morts…
AGNES BUZYN
Exact.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je ne vois rien sur l'alcool dans votre plan, très peu. Je vois que le Conseil économique, social et environnemental, ainsi que la Cour des comptes, préconisent un prix minimum de l'alcool dans les lieux de fête. Vous y êtes favorable ?
AGNES BUZYN
Je dois recevoir le rapport du Conseil économique, ils ont proposé de venir me l'apporter, donc je ne l'ai pas encore vu. Aujourd'hui, ce que je peux vous dire, c'est que j'avais deux cibles principales dans mon action contre l'alcool, les femmes enceintes, les femmes enceintes ne savent pas qu'elles doivent boire zéro goutte d'alcool pendant la grossesse, nous avons aujourd'hui un enfant par jour, en France, qui naît avec un syndrome d'alcoolisation foetale, c'est-à-dire un handicap, physique ou psychique, lié à l'alcool, et donc il est impératif que les femmes enceintes françaises prennent en compte ce risque, qui n'est pas lié à la quantité d'alcool bu, et donc qui est individuel. Donc, zéro alcool pendant la grossesse, ça va être mon unique message, et il faut absolument qu'il passe. Deuxièmement, je veux lutter contre l'alcoolisation des jeunes, l'alcoolisation abusive, et donc là j'ai, dans mon plan de prévention, énormément de mesures qui visent à mieux accompagner les jeunes face à l'alcoolisation. Et je rappelle que j'ai un plan de priorité de prévention qui évolue, qui a été présenté il y a 1 an, et qui va être revu pour le mois de mars, et je verrai quelles mesures supplémentaires je mets…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Interdiction, par exemple, de la publicité pour l'alcool près des collèges et lycées.
AGNES BUZYN
Par exemple, ça pourrait être discuté, mais ce n'est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est une mesure qui pourrait être prise.
AGNES BUZYN
Ce n'est pas, pour l'instant, dans le plan interministériel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y a rien, pourquoi n'y a-t-il rien sur le prix de l'alcool ?
AGNES BUZYN
Alors, nous avons pris des mesures, dans la loi de financement de la Sécurité sociale, qui a été débattue en décembre, sur les cocktails, c'est-à-dire que nous avons mis en place des taxes qui permettent… parce qu'en fait, pourquoi ? On veut toucher les jeunes qui aujourd'hui utilisent ces cocktails, ces mélanges…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, dans les lieux de fête, notamment les fêtes étudiantes, l'alcool est très peu cher, pourquoi ne pas imposer un prix minimum ?
AGNES BUZYN
Alors, vous avez raison, mais ça ne se fait pas, c'est très compliqué d'imposer un prix minimal dans certains lieux et pas dans d'autres, donc il y a des questions techniques derrière, Monsieur BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, bon…
AGNES BUZYN
Non, mais c'est évidemment une belle proposition, mais en fait techniquement c'est très compliqué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai un dernier mot sur la grippe, est-il vrai qu'il y a une pénurie de vaccins dans certains départements ?
AGNES BUZYN
Oui, il y a une pénurie en ce sens où les pharmacies ont acheté plus ou moins de vaccins, et donc il y a des pharmacies qui en ont encore beaucoup, dans certaines régions, et donc c'est un problème de répartition des doses. En plus nous faisons venir… enfin, nous avons réquisitionné plusieurs dizaines de milliers de doses pour achalander les régions qui n'en n'ont plus, et aujourd'hui toutes ces doses restantes, il y en a quand même plusieurs dizaines de milliers, elles sont réservées aux personnes âgées ou aux personnes à risque.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La vaccination dans les pharmacies ça marche bien !
AGNES BUZYN
Ça a hyper bien marché…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez généraliser cela ?
AGNES BUZYN
C'est prévu dans le projet de loi, donc c'est prévu cette année, cette année toutes les pharmacies, à partir d'octobre prochain, pourront vacciner, en France, contre la grippe, 700.000 personnes se sont faites vacciner dans quatre régions cette année, et c'est donc la première fois, en France, que nous avons quasiment éclusé toutes les doses de vaccin antigrippe, pour moi c'est un succès, ça veut dire que la confiance revient vis-à-vis des vaccins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Agnès BUZYN d'être venue nous voir ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 janvier 2019