Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à RMC le 13 juin 2019, sur le recyclage du plastique.

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  • Brune Poirson - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Brune POIRSON, bonjour.

BRUNE POIRSON
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Vous savez, Brune POIRSON, on en a assez d'avaler du plastique, assez, vous aussi j'imagine.

BRUNE POIRSON
Moi j'en ai plus qu'assez, mais c'est pour ça qu'on a pris le taureau par les cornes et qu'on va lancer, que j'ai travaillé depuis 1,5 an, sur une loi anti-gaspillage, pour une économie circulaire. Et là je crois que, quand vous parlez d'ingérer du plastique, vous faites référence à une étude spécifique, qui a été menée par le WWF avec des chercheurs de Newcastle, qui nous dit qu'on pourrait ingérer jusqu'à 5 grammes de plastique par semaine, c'est l'équivalent d'une carte bancaire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Cinq grammes de plastique, à notre insu, évidemment !

BRUNE POIRSON
A notre insu. Et donc ça, ça suppose deux choses. Déjà, moi la première, je veux fonder tout mon travail sur la science, je ne sais pas si cette étude est vraie, pas vraie, si elle a tort ou pas, mais quoi qu'il en soit j'ai saisi l'Agence nationale de la sécurité sanitaire, l'ANSES, pour qu'elle lance une étude détaillée, approfondie, pour savoir clairement ce qu'il en est pour les Français. Mais deuxièmement aussi, chose très importante, il faut transformer ce mode de production et de consommation, la société dans laquelle on vit, donc on consomme toujours plus de ressources naturelles, pour fabriquer des produits qu'on utilise toujours moins, qui finissent toujours plus au fond d'une décharge, et qui ne sont pas collectés, qui finissent au fond des océans, on veut transformer ça. On veut transformer notre mode de production et de consommation, transformer cette société pour lui redonner du sens.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais revenir sur le plastique, la production mondiale de matières plastiques ne cesse de progresser, + 4,5 % par an en moyenne depuis 1990…

BRUNE POIRSON
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est énorme, énorme.

BRUNE POIRSON
C'est énorme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous donner quelques chiffres, ne serait-ce que la Méditerranée, vous avez vu le rapport du WWF, du 7 juin dernier, 11.200 tonnes de déchets plastiques français qui arrivent dans la Méditerranée chaque année, tous pays confondus près de 600.000 tonnes, 600.000 tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans la Méditerranée. Brune POIRSON, vous allez proposer, deux projets de loi je crois, un projet de loi contre le gaspillage, c'est bien cela ?

BRUNE POIRSON
En fait c'est la même chose.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la même chose, c'est dans le même texte ?

BRUNE POIRSON
C'est dans le même texte. Il s'agit, dans ce projet de loi, l'esprit – voyez tout ce que vous dénoncez, tout ce plastique qu'on consomme, qui finit au fond de nos océans – l'idée c'est de transformer le système économique, transformer nos modes de production et de consommation, faire en sorte que l'économie elle tourne un peu plus rond, c'est-à-dire faire en sorte que les déchets ne finissent pas au fond des océans, mais qu'au contraire ils soient réutilisés pour fabriquer de nouveaux produits. On veut créer une boucle.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qu'est-ce qu'il y aura dans ce projet de loi, qu'est-ce qu'il va y avoir ?

BRUNE POIRSON
Qu'est-ce qu'il va y avoir ? Il va y avoir beaucoup de choses. Déjà, la première, on veut arrêter de produire pour détruire, parce que dès qu'on produit quelque chose, eh bien ça devient un déchet, dès qu'on produit quelque chose on utilise des ressources naturelles. En France par exemple…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment arrêter de produire ?

BRUNE POIRSON
Eh bien c'est très simple. En France, Jean-Jacques BOURDIN, vous savez peut-être… là vous avez une chemise blanche, imaginez que cette chemise blanche-là, vous, vous l'avez achetée, mais il y a plein de gens qui ne l'ont pas achetée, donc ça reste en magasin, ça, ça s'appelle un produit qui devient invendu, un produit qui n'a pas été vendu. Eh bien aujourd'hui, en France, et partout dans le monde, ce qui se passe c'est que cette chemise blanche-là elle est détruite si elle n'est pas vendue, elle est envoyée à la décharge, et au mieux elle est incinérée, et ça on va l'interdire sur tout, tout, tout.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors, que va faire le commerçant de sa chemise blanche ?

BRUNE POIRSON
Eh bien il va devoir, soit la donner, parce que Jean-Jacques BOURDIN, vous le savez aussi bien que moi, il y a plein de Français qui n'ont pas les moyens de s'acheter la chemise blanche que vous portez, ou pas, donc on va soit la donner, et c'est ça qu'on veut favoriser en premier, soit l'envoyer dans des filières de recyclage.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et c'est vrai pour tous les produits ?

BRUNE POIRSON
Et ça sera vrai pour tous les produits sans exception. En France, le gaspillage on veut y mettre un point final, c'est fini, c'est ça qu'on veut faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'en reviens aux plastiques maintenant, la plaie, ces plastiques, qu'est-ce que vous allez faire avec les plastiques ? Et cette histoire de consigne, racontez-moi un peu, consigne qui va concerner quoi, les canettes, les bouteilles en plastique, les emballages plastiques, non pas les emballages, non, toutes les boissons ?

BRUNE POIRSON
Alors, oui, tout ça, ça va être déterminé, on va y travailler, mais juste, prenons un peu de recul. Qu'est-ce qui se passe ? Moi ça fait 1,5 an que j'ai réuni autour de la table des citoyens, des élus, des associations, des industriels, et on a regardé ensemble le système, et qu'est-ce qu'on s'est dit ? On a vu à quel point le système qui était en place actuellement il ne fonctionne pas de façon optimale. L'éco-organisme, CITEO, qui a en charge de collecter les emballages plastiques et de les recycler, eh bien, elle s'était fixé comme objectif de performance d'être à 75 % de collecte et de recyclage en 2012. Aujourd'hui, on est en 2019, et ils sont à 70 % seulement, ça veut dire que ça plafonne.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'on a pris du retard et que ça plafonne.

BRUNE POIRSON
Ça plafonne, on a pris du retard, ça plafonne, donc qu'est-ce qu'il faut faire ? Eh bien il faut transformer ce système-là, il faut faire en sorte qu'il fonctionne mieux. Et déjà, la première chose, vous savez, dans une ville comme Paris ou Marseille, il y a seulement 1 bouteille sur 10, en plastique, qui est collectée et recyclée, 1 bouteille sur 10, aujourd'hui, au 21e siècle, ça ce n'est plus possible. Et donc, qu'est-ce qu'on veut faire ? On va installer un système de consigne, de consigne sur les canettes, sur les emballages plastiques, sur les bouteilles…le périmètre va être déterminé…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire je vais aller acheter dans mon supermarché, dans mon magasin, je ne sais pas moi, 6 bouteilles de lait, je vais payer une consigne ?

BRUNE POIRSON
Il va y avoir un petit montant, associé par exemple à la bouteille en plastique que vous allez acheter…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça sera combien ?

BRUNE POIRSON
Ça on verra, on va le déterminer ensemble.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelques centimes quoi !

BRUNE POIRSON
Quelques centimes. Ce qu'il faut c'est que ce soit une opération blanche pour le consommateur, il faut que ce soit une opération blanche pour le consommateur, il faut que les collectivités locales s'y retrouvent, et donc moi je vais travailler étroitement avec elles et faire en sorte qu'elles ne soient pas lésées…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles se paieront sur la vente de la matière première recyclée.

BRUNE POIRSON
Je ne sais pas, il faut voir et déterminer, mais je ne veux pas qu'elles soient lésées, parce qu'il y en a certaines qui sont très vertueuses, qui ont beaucoup investi dans des systèmes de recyclage et de tri, et il ne faut pas qu'au final, si on installe la consigne, ce soit elles qui soient perdantes. Et je veux travailler avec les industriels pour que, on fasse en sorte de développer le système qui soit le plus performant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand cette consigne ?

BRUNE POIRSON
Le plus rapidement possible, parce qu'il y a urgence…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi le plus rapidement possible ?

BRUNE POIRSON
Ça veut dire, Jean-Jacques BOURDIN… vous savez, moi je veux que vous me réinvitiez, je ne vais quand même pas tout vous dire, là maintenant, comme ça…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais d'accord, mais on a envie de savoir.

BRUNE POIRSON
Vous verrez, vous verrez, Jean-Jacques BOURDIN, vous serez un des premiers au courant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, il y aura consigne, ça c'est certain…

BRUNE POIRSON
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Obligatoire la consigne.

BRUNE POIRSON
Obligatoire, tout à fait.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais je vois que, par exemple, Bercy a déjà tenté de faire porter à la majorité le report d'1 an de l'interdiction des ustensiles plastiques à usage unique, vous avez vu ça ?

BRUNE POIRSON
Ecoutez, il m'a semblé voir ça, mais ce n'est pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il vous a semblé ou… ?

BRUNE POIRSON
Ce n'est pas à l'ordre du jour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que Bercy veille.

BRUNE POIRSON
Non, il y a une chose… c'est normal, le ministère de l'Economie et des Finances, un, premièrement, moi pour en avoir beaucoup parlé avec Bruno LE MAIRE, il est convaincu de la nécessité de faire la transition écologique, maintenant, ce ministère-là il est aussi en charge de l'emploi, donc c'est… Mais, écoutez, nous, notre objectif, il est de développer, de lutter contre le suremballage, de développer, par exemple, la vente en vrac, et c'est pour ça que, et c'est ça dont vous parlez, les boîtes en plastique, certaines boîtes, eh bien ce qu'on veut c'est qu'on puisse encore les utiliser parce que c'est des ustensiles qu'on peut utiliser pour le réemploi et la réutilisation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Projet de loi quand ?

BRUNE POIRSON
Le projet de loi va être présenté en Conseil des ministres en juillet, début juillet, dans la première quinzaine de juillet, et puis ensuite à l'Assemblée nationale en septembre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Rendez-vous en juillet alors, vous venez me voir en juillet !

BRUNE POIRSON
Exactement Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour ce projet de loi, pour nous annoncer ce que vous allez mettre dedans, en vrai.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juin 2019