Interview de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, avec France Bleu le 13 juin 2019, sur la politique de la ville et du logement.

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Média : France Bleu

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de la ville, un an après les annonces d'Emmanuel MACRON, à écouter les élus concernés, on n'a pas l'impression qu'il s'est passé grand-chose dans les banlieues depuis un an.

JULIEN DENORMANDIE
Si, il s'est passé beaucoup de choses, après la situation elle reste difficile. Elle reste difficile parce que vous avez un taux de chômage qui est incroyablement élevé, parce que vous avez un taux de pauvreté aussi, parce que vous avez des services publics qui ne sont pas suffisamment présents. Mais depuis un an, il s'est passé beaucoup de choses, beaucoup, on a profondément renforcé par exemple le soutien à l'éducation en dédoublant les classes pour faire en sorte que les classes de CP, CE1 par exemple ne soient qu'à 12 élèves dans les territoires les plus difficiles. On a renoncé la rénovation urbaine pour améliorer l'environnement, l'habitat, le logement. Après la question, c'est comment on fait et c'est ça l'objet de la réunion que je mène aujourd'hui avec tous les acteurs pour aller plus vite, pour apporter de nouvelles solutions, pour améliorer, pour faire en sorte que les habitants, les enfants de la République qui vivent dans ces quartiers voient le changement, c'est ça qui m'importe ce matin.

ROMAIN AMBRO
Parce que les mesures que vous détaillez, le problème c'est qu'elles ne sont pas forcément visibles sur le terrain. Par exemple vous parlez de rénovation urbaine, il y a près de 6 milliards d'euros qui viennent d'être débloqués, mais ça va prendre du temps avant que ça se concrétise sur le terrain.

JULIEN DENORMANDIE
En fait moi quand il y a deux, je suis arrivé au gouvernement, la rénovation urbaine, elle était à l'arrêt, c'est-à-dire qu'il y avait beaucoup de projets mais pas de grue, les grues n'étaient pas là, les travaux ne se faisaient pas. Et donc là aussi on a beaucoup travaillé avec les acteurs, avec cette agence qui y est dédiée, avec Jean-Louis BORLOO qui en était à l'origine pour faire en sorte qu'on puisse accélérer drastiquement. Et depuis lors est 70.000 logements dont la rénovation a été entamée, 40.000 logements dont la construction a été entamée, c'est 200 écoles qui sont aujourd'hui en cours de rénovation, c'est essentiel. Mais effectivement vous avez raison, il faut aller encore plus vite, c'est ça qui m'importe parce que c'est ça l'impatience partagée, donc on a remis les choses dans de bonnes ordre et maintenant mon objectif c'est d'accélérer.

ROMAIN AMBRO
Parmi les acteurs des quartiers que vous réunissez aujourd'hui, il y aura de nombreux élus, des élus qui avaient été quand même plutôt déçus, il y a un an lors de ces annonces, parce que le rapport Borloo avait été quand même en grande partie enterré par Emmanuel MACRON, on sent que ça leur reste en travers de la gorge.

JULIEN DENORMANDIE
Mais le rapport Borloo, il n'a pas été enterré.

ROMAIN AMBRO
Certaines mesures ont été retenues mais pas toutes.

JULIEN DENORMANDIE
Le rapport Borloo déjà, moi j'ai beaucoup participé à sa rédaction, Jean-Louis BORLOO avec qui j'ai échange énormément et c'était entre guillemets mon voisin de bureau, on avait des bureaux côte-à-côte donc on a beaucoup bossé ensemble. Et quelques mois après la remise de son rapport, j'ai présenté la feuille du gouvernement et dans cette feuille du gouvernement beaucoup des propositions de Jean-Louis BORLOO ont été reprises, les cités éducatif pour améliorer l'éducation, la rénovation, la lutte contre les copros dégradées, la création d'emplois dédiés, les emplois francs et tout ça, ça se met en oeuvre. Maintenant les élus, vous savez, ils ont une impatience, ils font un boulot difficile, moi je veux leur témoigner ma considération, puis leur dire que je suis à leurs côtés pour qu'aujourd'hui on puisse avancer encore plus vite.

ROMAIN AMBRO
Alors sur les emplois francs justement là ça ne va vraiment pas assez vite, puisque vous tabliez sur 40.000 contrats signés fin 2019, on en est à moins de 6.000, qu'est ce qui explique ce retard ?

JULIEN DENORMANDIE
Mais déjà vous savez ce qui est très important, c'est de reconnaître quand ça va, par exemple sur l'éducation ou sur la rénovation ou quand ça ne va pas, par exemple sur les emplois francs. Moi, j'ai cette humilité là de dire quand ça ne va pas. Les emplois francs, effectivement on n'a pas atteint nos objectifs, alors les emplois francs pour que celles et ceux qui nous écoutent comprennent, c'est de faire en sorte que lorsqu'un jeune d'un quartier va être employé par une entreprise, l'entreprise puissent être incitée à le faire parce qu'elle aura si elle n'embauche en CDI, 5.000 euros par an pendant 3 ans. Et il s'avère que ce dispositif, il n'était pas suffisamment déployé. Alors on a essayé de comprendre pourquoi et c'est que notamment il n'était pas visible, lisible, il n'était pas suffisamment simple. Et donc on a profondément modifié la chose, avant c'était par exemple des emplois francs qui étaient dédiés à certains territoires, maintenant on a dit, c'est toute l'Ile-de-France, voilà tous les quartiers en Ile-de-France, ils sont éligibles. On l'a rendu plus simple pour faire en sorte qu'il puisse être plus facilement déployé.

ROMAIN AMBRO
L'accès à l'emploi qui est évidemment essentiel pour les quartiers. Alors le président a aussi annoncé un plan pour les petites associations, vous allez en dire plus, je crois, aujourd'hui, quelles sont les mesures concrètes ?

JULIEN DENORMANDIE
Les associations notamment de proximité, je crois que pendant des années on a fait une faute, c'est qu'on a trop souvent oublié qu'à l'intérieur de ces associations, c'étaient des bénévoles qui travaillaient. Et donc on leur a complexifié la vie. On leur disait, venez remplir un dossier pour demander 500 euros, mais rendez-vous compte que vous demandiez 500 euros ou 500.000 euros, c'était le même dossier que vous deviez remplir. Ces dossiers, ils n'étaient pas remplis par exemple, ils n'étaient pas pré-remplis comme une déclaration d'impôts. Ces dossiers, vous deviez les refaire chaque année, moi je vais changer tout ça pour faire en sorte que les dossiers soient préremplis, pour faire en sorte qu'on donne des financements non pas sur un an mais sur trois ans pour qu'au final on donne à ces associations de proximité de la lisibilité, pour faire en sorte qu'elles se concentrent sur leurs actions de terrain et pas sur le volet administratif.

ROMAIN AMBRO
Et sur les milliers d'emplois aidés supprimés ; des centaines de milliers d'emplois aidés supprimés en début de quinquennat, est-ce qu'il y aura un retour en arrière ?

JULIEN DENORMANDIE
Après c'est un choix politique qu'on a fait en disant, on veut mettre toute la force de notre action publique vers la formation, vers l'accompagnement et donc on met deux milliards d'euros sur cette formation notamment pour les jeunes et les personnes éloignées de l'emploi dans les quartiers. Et en plus de ça, moi à mon ministère pour accompagner ces associations de proximité, je déploie des nouveaux outils, ce qu'on appelle les adultes relais ou les postes Fonjep, les associations connaissent ça très bien, que j'augmente dans mon budget pour faire en sorte là aussi de leur donner ce coup de pouce nécessaire. Je crois que c'est important parce que vous savez, que ce soit les élus ou les associations, ce qui nous réunit tous aujourd'hui, c'est de faire en sorte que la promesse républicaine, elle vive dans les quartiers. Aujourd'hui les jeunes dans nos quartiers, ils se disent mais à quoi bon, est-ce que vraiment moi j'ai la possibilité de réussir, est-ce que cette promesse républicaine elle s'applique et moi mon devoir, ce en quoi je crois, c'est de rapporter cette promesse républicaine partout sur notre territoire.

ROMAIN AMBRO
Vous êtes aussi en charge du Logement, le loyer moyen à Paris avoisine les 1.100 euros, c'est inaccessible pour de nombreuses familles. Qu'est-ce que peuvent faire, que peut faire pardon le gouvernement face à cette situation qui s'aggrave ?

JULIEN DENORMANDIE
Il y a plusieurs choses, d'abord on a permis de réintroduire l'encadrement des loyers.

ROMAIN AMBRO
Mais ça ne suffira pas à régler le problème.

JULIEN DENORMANDIE
Non, mais enfin c'est quand même un élément important pour arrêter cette hausse sans cesse des loyers, c'était quelque chose qui avait été arrêté, stoppé et j'ai passé une loi et dans cette fois on a permis la réintroduction, que la Mairie de Paris…

ROMAIN AMBRO
Au 1er juillet.

JULIEN DENORMANDIE
Exactement, devrait mettre en place dès le 1er juillet, ça c'est la première chose. Et puis deuxième chose, il faut rénover, rénover des logements qui aujourd'hui peuvent être vacants pour les remettre sur le marché. Il faut construire plus de logements et notamment des logements abordables, c'est-à-dire des logements sociaux. Et tout ça, toutes ces mesures, c'est l'objet d'une loi que j'ai présenté et qui a été adoptée il y a 6 mois et qu'on est aujourd'hui en train de mettre en oeuvre pour accélérer la chose.

ROMAIN AMBRO
Il n'y a pas que les logements vacants, il y a aussi les logements qui sont mis en location sur Airbnb, de moins en moins d'appartements finalement sont disponibles à l'année, qu'est-ce que vous faites contre ça ?

JULIEN DENORMANDIE
Sur Airbnb, on a renforcé les sanctions parce qu'il faut que ces plateformes, elles comprennent que ce n'est pas la loi de la jungle dans notre pays. Airbnb, c'est bien à plein d'égards, c'est bien parce que ça permet de voyager, ça permet aussi d'augmenter son pouvoir d'achat, mais enfin il y a des règles à respecter. Et aujourd'hui on a renforcé les sanctions pour faire en sorte que si les règles ne sont pas respectées, à ce moment-là ces plateformes soient pénalisées et ça paraît ces sanctions ont été adoptées dans la loi il y a quelques mois. Et puis on a aussi, on leur a fait aussi prendre des engagements pour éviter les abus parce que c'était essentiel et il y a des premiers résultats qui commencent à être perceptibles dans certains quartiers de la capitale. Vous avez raison c'est un gros sujet pour le ministre du Logement que je suis et je le prends à bras le corps.

ROMAIN AMBRO
Et à Paris c'est vraiment une grosse problématique. Julien DENORMANDIE, vous restez avec nous, on parle justement du logement avec nos auditeurs dans un instant.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juin 2019