Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour.
MARC FAUVELLE
Malgré les 70 millions d'euros que vous avez débloqués, les urgentistes ont voté cette nuit la poursuite de la grève. C'est un désaveu pour vous ?
AGNES BUZYN
Non, pas du tout, parce que d'abord nous sommes en train de mettre en place ces mesures et moi je comprends que les personnels des urgences qui aujourd'hui sont en grève veulent des preuves en réalité que les choses vont s'améliorer pour eux. Dans ces mesures, ça m'ennuie de les globaliser comme cela, il y a d'abord une demande qui était la leur qui était de reconnaître la spécificité de leur métier et les risques auxquels ils sont confrontés en permanence, notamment les incivilités. Et donc j'ai acté une prime de risque pour tous les personnels des urgences en dehors des médecins. Tous. C'est une prime de risque pérenne de cent euros par mois. Ça n'est pas rien, c'est une prime qui touche les aides-soignants, les infirmiers, les brancardiers, les personnes de l'accueil pour reconnaître cette spécificité. Ils m'ont aussi demandé des mesures pour améliorer leurs conditions de travail. J'ai débloqué des financements pour rénover un certain nombre de services qui sont trop petits, trop vétustes et qui nuisent à la qualité de service. Enfin ils ont demandé du personnel en plus et j'ai débloqué pour cet été quinze millions d'euros de façon à pouvoir recruter en période estivale pour éviter des trous dans les listes de garde. Et donc voilà, je les entends et par ailleurs j'ai mis en place une mission…
MARC FAUVELLE
Est-ce que tout est sur la table, madame la Ministre, ou est-ce qu'il y aura d'autres mesures et est-ce qu'il y a encore d'autre argent que vous pourrez débloquer plus tard ?
AGNES BUZYN
Alors il y aura d'autres mesures puisque j'ai lancé une mission commando, une mission flash que j'ai confiée à Thomas MESNIER qui est député et urgentiste et que j'ai confiée au patron des urgences de Paris, du SAMU de Paris pardon, Pierre CARLI. Je leur ai demandé de travailler à me faire des propositions pour améliorer les conditions d'accueil dans les urgences mais aussi la fluidité des flux de patients et notamment travailler sur ce qu'on appelle les lits d'aval, là où ça bloque, vous savez, et ce qui explique que beaucoup de gens soient sur les brancards. Et donc toutes les propositions qui vont m'être faites dans les semaines qui viennent, je les mettrai en œuvre, donc il y a encore énormément de propositions qui vont arriver pour améliorer leur quotidien.
RENAUD DELY
Pourquoi, Agnès BUZYN, a-t-il fallu attendre près de trois mois puisque ce mouvement, lui, il a débuté dès la mi-mars, et la situation aux urgences elle est compliquée de longue date. Depuis des mois voire depuis des années, cette question de l'engorgement se pose donc pourquoi est-ce qu'il a fallu attendre près de trois mois pour que vous réagissiez ?
AGNES BUZYN
En fait ; je n'ai pas du tout attendu trois mois puisque c'est en réalité, la situation des urgences lorsque je suis arrivée au ministère en 2017 qui m'a fait prendre conscience que l'hôpital est en fait le réceptacle de tous les dysfonctionnements de notre système de santé, et que j'ai travaillé sur une réforme d'envergure pour améliorer l'organisation du système de santé. La loi est en train d'être votée, les syndicats médicaux libéraux sont en train de signer la convention avec l'assurance maladie pour mieux structurer la médecine de ville, ce qui va permettre de désengorger les urgences parce que les patients pourront mieux accéder à des médecins sans rendez-vous, notamment dans…
MARC FAUVELLE
Avec des mesures incitatives pour que les patients aillent davantage voir les médecins ou coercitives ?
AGNES BUZYN
Non, incitatives avec des financements à la clé pour que les médecins s'engagent notamment à recevoir sur des plages horaires sans rendez-vous. En réalité, une des raisons pour lequel il y a tant d'afflux aux urgences, c'est que les patients, les Français, ont du mal à accéder à un médecin dans la journée quand ils ne se sentent pas bien. Il y a très peu d'accès à des plages horaires sans rendez-vous. Et donc dans l'engagement que signent les syndicats médicaux, il y a le fait que des groupes de professionnels s'organisent sur le territoire pour couvrir une population et un territoire et leur offrir un certain nombre de services dont l'accès à des plages horaires sans rendez-vous. Donc ça va désengorger les urgences. Donc je n'ai pas attendu en réalité, j'ai commencé en 2017.
RENAUD DELY
Mais à quelle échéance est-ce que vous espérez effectivement que ce désengorgement soit manifeste et donc que votre loi porte ses effets, ait des effets ?
AGNES BUZYN
Alors sur tout ce qui concerne les syndicats de médecins libéraux, c'est-à-dire le fait qu'ils aient accès à des assistants médicaux pour dégager du temps pour soigner, et l'organisation en communautés professionnelles territoriales de santé qui va permettre de couvrir mieux un territoire et de rendre un meilleur service à la population, si cet accord est signé le 20 comme prévu, ça pourra se mettre en œuvre dès cet été progressivement. Ça va être des organisations, des recrutements qui vont se faire progressivement. Après, la loi, si elle est votée au Parlement ce mois-ci, va nous permettre de mieux structurer les hôpitaux qu'on appelle les hôpitaux de proximité qui eux vont permettre de désengorger l'aval des urgences, c'est-à-dire d'accueillir notamment des personnes âgées qui aujourd'hui sont parfois dans des lits, dans des gros hôpitaux parce qu'ils ne trouvent pas de lits d'hospitalisation près de chez eux. Et donc l'ensemble de la réforme va permettre en fait d'améliorer la situation des urgences qui n'est qu'un symptôme.
MARC FAUVELLE
Pardon, Agnès BUZYN, si la France connaît dans les jours ou les semaines qui viennent un épisode de canicule, est-ce que les hôpitaux sont prêts ?
AGNES BUZYN
Alors oui. Chaque année nous préparons, avec l'ensemble des parties prenantes, les épisodes de canicule. Quand je dis l'ensemble des parties prenantes, c'est justement au-delà des urgences, toutes les personnes qui concourent à mieux prendre en charge les personnes âgées à domicile. Ce sont les centres d'action sociaux, ce sont les mairies, ce sont les grandes associations comme la Croix Rouge. Et donc toutes ces associations vont être reçues et toutes les parties prenantes vont être reçues au ministère ce matin pour bien organiser la prise en charge des personnes âgées en période de canicule. Il y aura autour de la table absolument toutes les personnes concernées y compris les collectivités territoriales, les préfets, METEO FRANCE. Donc l'organisation existe et l'année dernière, ça s'est bien passé.
RENAUD DELY
Ça signifie qu'il y aura cet été des renforts de personnels aux urgences justement pour gérer cette éventuelle canicule ?
AGNES BUZYN
C'est exactement ce que j'ai annoncé avec les quinze millions d'euros débloqués pour les mois de juillet et août. Ils visent à ce que les services en tension puissent demander des budgets pour recruter du personnel en plus. C'est ce que nous offrons aux services d'urgence aujourd'hui dans les quinze millions d'euros qui ont été mis sur la table.
MARC FAUVELLE
On va évoquer dans quelques instants Agnès BUZYN, si vous le voulez bien, la loi bioéthique que vous allez porter et sa mesure sans doute la plus emblématique : la PMA pour les femmes seules ou en couple. On va en parler juste après le rappel des titres de l'actualité. Je voudrais juste savoir sur cette réforme si vous vous sentez fière de la porter.
AGNES BUZYN
Oui. Je pense que c'est une chance pour un ministre de porter une loi de bioéthique. Ce sont des lois complexes, ce sont des lois qui allient les valeurs fondamentales de l'éthique, c'est-à-dire le fait de ne pas nuire, qui allient aussi la science et donc c'est une loi… Voilà, c'est une très belle loi.
MARC FAUVELLE
Y compris sur la PMA ?
AGNES BUZYN
Y compris sur la PMA. C'est un droit nouveau qui ne nuit à personne et donc je suis extrêmement fière d'avoir l'occasion de porter cette loi au Parlement en septembre. (…)
MARC FAUVELLE
Savez-vous quand les premières PMA pour les femmes seules auront lieu en France ?
AGNES BUZYN
Il faut que la loi soit votée donc ça dépendra du temps de débats parlementaires.
MARC FAUVELLE
Vous souhaitez un débat long ?
AGNES BUZYN
Apaisé.
MARC FAUVELLE
Alors apaisé, ça veut dire quoi ? Qu'il faut prendre le temps quitte à prendre plusieurs mois, quitte à revivre l'épisode du Mariage pour tous ?
AGNES BUZYN
Non. On table à peu près sur deux semaines de débats à l'Assemblée nationale. Ensuite il faudra que la loi soit examinée au Sénat. Ensuite il faudra soit que le Sénat et l'Assemblée se mettent d'accord, soit qu'elle repasse à l'Assemblée. Vous savez que c'est ce temps parlementaire qui est long donc ça devrait être voté à mon avis en début 2020. Et ensuite, c'est le temps des décrets d'application mais ça sera évidemment très rapide. Tout cela sera prêt à partir du moment où la loi sera votée.
MARC FAUVELLE
Donc les premières PMA pour les femmes seules ou en couple l'an prochain et les premières naissances en fin d'année si je compte bien.
AGNES BUZYN
Oui. Il faut neuf mois de grossesse quand même.
MARC FAUVELLE
Ça ne m'a pas échappé. Ça me rappelle des choses. C'est ça, c'est pour l'an prochain les premières PMA, oui.
AGNES BUZYN
Je pense que le vote aura lieu en 2020 et donc ensuite, voilà, le temps de faire un bébé.
RENAUD DELY
Et vous évoquez, Agnès BUZYN, un débat apaisé, un débat apaisé au Parlement. Ça signifie que d'ici le débat au Parlement, vous n'avez pas prévu de recevoir les opposants à cette réforme, ceux qui…
AGNES BUZYN
Alors j'ai reçu un certain nombre d'associations déjà l'année dernière. Là, j'ai travaillé avec les parlementaires de tous bords, sénateurs et députés, depuis plusieurs mois. Je les invite au ministère pour des séminaires de travail pour leur expliquer les tenants et les aboutissants de l'ensemble des mesures de la loi. Parce qu'au-delà de la PMA, il y a énormément de mesures qui nécessitent de prendre du temps de réflexion comme la congélation des gamètes, l'autoconservation des gamètes, c'est-à-dire la possibilité qu'auraient des femmes de congeler leurs ovocytes ou les spermatozoïdes pour les hommes.
MARC FAUVELLE
Ça, ça sera dans la loi ?
AGNES BUZYN
Dans l'accès aux origines. Tout cela sera dans la loi. L'accès aux origines pour les enfants nés par procréation médicale assistée avec ce qu'on appelle un tiers donneur, c'est-à-dire des spermatozoïdes qui ne sont pas ceux de leur père, et donc tout cela nécessite des explications et que l'on travaille tous ensemble de façon apaisée et surtout pas un débat idéologique.
RENAUD DELY
Le débat désormais, il est au Parlement, il n'est pas dans la rue.
AGNES BUZYN
Oui, je pense. Je pense que les parlementaires sont là pour cela. Ils sont là pour représenter les Français et donc le débat sera au Parlement.
MARC FAUVELLE
Est-ce que vous entendez quand même l'inquiétude d'une partie des Français sur cette réforme de la PMA ?
AGNES BUZYN
Oui. Oui, j'entends. Moi je suis très respectueuse des convictions. Je n'ai pas les mêmes qu'un certain nombre de Français mais je suis très respectueuse parce que je pense qu'il y a des personnes qui fondamentalement sont attachées à une certaine vision de la famille. Moi j'estime qu'aujourd'hui la société est plus diverse que ce qu'elle n'était il y a cent ans et que cette diversité, il faut maintenant la prendre en compte donc voilà. Je suis aussi très attentive à la souffrance de certaines familles, de certaines femmes notamment qui ont un projet parental, qui s'aiment, qui ont fondé un foyer et il faut aussi entendre cela. Donc je vais essayer de trouver cette ligne de crête entre le respect des convictions de chacun et les douleurs intimes de chaque famille.
RENAUD DELY
Vous avez indiqué Agnès BUZYN que vous étiez favorable au remboursement par la Sécurité sociale de la PMA. Remboursement à 100% ?
AGNES BUZYN
Alors tout cela sera discuté au Parlement. Je suis favorable au remboursement parce que sinon nous sommes dans un droit formel et pas dans un droit réel. Donc il s'agit là vraiment d'ouvrir une possibilité pour les femmes d'accéder à la procréation médicale assistée et si on veut que ce droit nouveau soit effectif, sinon on ne le rembourse pas, en réalité, beaucoup d'entre elles n'auront pas les moyens d'y accéder. Donc je ne veux pas que les moyens financiers soient un frein et donc j'y suis favorable.
MARC FAUVELLE
Il faudra aller voir son médecin pour bénéficier de ce remboursement de la PMA ?
AGNES BUZYN
Il faudra aller voir une équipe médicale. Vous savez la PMA, c'est lourd.
MARC FAUVELLE
C'est le médecin qui donnera le feu vert ?
AGNES BUZYN
C'est toujours une équipe. Alors c'est toujours une équipe. Quand on va voir une équipe en charge de procréation médicale assistée, il y a des psychologues pour évaluer le niveau de l'intensité du projet parental, il y a des assistantes sociales, il y a des équipes de médecins, il y a des sages-femmes et donc c'est une équipe en général qui évalue la famille pour quand même éliminer…
MARC FAUVELLE
Et qui aura le dernier mot ? Est-ce que l'équipe médicale dont vous parlez ou est-ce que c'est la future mère ou le futur couple ?
AGNES BUZYN
Je n'ai pas entendu le début de votre question.
MARC FAUVELLE
Qui aura le dernier mot si l'équipe médicale doute par exemple ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, c'est toujours l'équipe médicale qui a le dernier mot même pour un couple hétérosexuel. Il y a des couples hétérosexuels à qui à un moment on peut dire : « Ecoutez, nous ne souhaitons pas continuer avec vous ce sur ce projet de PMA pour X raisons. »
MARC FAUVELLE
Et sur la foi de quels éléments l'équipe médicale pourra à l'avenir dire non à une femme qui veut par exemple toute seule un bébé ?
AGNES BUZYN
Rien de plus ni de moins que pour les couples hétérosexuels.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire un critère d'âge ?
AGNES BUZYN
Il y a des critères d'âge, ils sont fixés. Ils seront fixés dans la loi, ils le sont déjà pour les couples hétérosexuels. Il y a aussi un critère qui est le nombre de tentatives. Au-delà de X tentatives, on considère que les chances de réussite sont très faibles et on arrête. Parce que ce sont des traitements hormonaux pour les femmes, c'est lourd, ça entraîne des dérèglements et après ça devient de l'acharnement. Donc il y a un certain nombre de critères qui sont pris en compte aujourd'hui pour les familles hétérosexuelles. Ce sera exactement les mêmes critères pour les femmes.
MARC FAUVELLE
Quel est le critère d'âge aujourd'hui pour les familles… ?
AGNES BUZYN
42 ans il me semble.
MARC FAUVELLE
42 ans. Donc a priori on partirait sur le même âge : pas de bébé en PMA après 42 ans.
AGNES BUZYN
Absolument. Et tout cela sera évidemment rediscuté au Parlement.
RENAUD DELY
Vous êtes favorable au remboursement par la Sécurité sociale ; vous le disiez à l'instant. Est-ce que vous avez une idée du coût que ça va représenter ? On sait que le retour à l'équilibre de la Sécurité sociale, cette perspective a été repoussée dans le temps.
AGNES BUZYN
C'est relativement faible parce que le nombre de femmes concernées se comptent par quelques centaines, quelques milliers par an au maximum, donc ça reste un coût abordable. L'étude d'impact sera présentée aux parlementaires. Donc pour l'instant, je le réserve aux parlementaires qui ont toujours cette étude d'impact pour raisonner et pour écrire la loi.
RENAUD DELY
Le gouvernement, Agnès BUZYN, doit présenter aujourd'hui le contenu de sa réforme de l'assurance-chômage. Il y a notamment dans cette réforme la taxation des entreprises qui abusent des contrats courts. Le gouvernement devrait dévoiler les secteurs d'activités qui seront visés ; entre cinq et dix avait indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Est-ce que le secteur des services à la personne et des EHPAD qui recourent beaucoup à ces contrats courts peut être concerné par cette taxation à vos yeux ?
AGNES BUZYN
Alors non. Aujourd'hui sur l'assurance-chômage, nous sommes très prudents sur les services à la personne qui répondent à des enjeux très différents. Il n'y a pas d'organisation comme on peut le voir dans certains secteurs de recours aux contrats courts qui vise en fait à adapter les personnels aux commandes.
RENAUD DELY
Il n'y a pas d'abus dans ce secteur-là ?
AGNES BUZYN
En tous les cas s'il y en a, il y en a peu et moi, je suis extrêmement prudente sur ce secteur qui est fragile avec une faible attractivité des carrières. Et justement je lance un grand groupe de travail qui sera dirigé par Madame Myriam EL KHOMRI sur les carrières des personnes qui travaillent au domicile des personnes âgées notamment ou dans les EHPAD pour accompagner le Plan grand âge qui sera présenté à la fin de l'année. Donc je souhaite que ce secteur-là soit travaillé dans son ensemble. Il répond à des critères très particuliers et à des besoins très particuliers.
MARC FAUVELLE
Une question Agnès BUZYN qui concerne directement des millions de Français qui en prennent régulièrement, c'est celle de l'homéopathie. D'abord est-ce que vous considérez que l'homéopathie est un médicament ?
AGNES BUZYN
En tous les cas, ça obéit aux mêmes règles que les médicaments. Ça a eu ce qu'on appelle une autorisation de mise sur le marché au niveau européen.
MARC FAUVELLE
Oui. Mais l'autorisation ne fait pas simplement le médicament. Vous en êtes sans doute d'accord.
AGNES BUZYN
En tout cas, ça a suivi la régulation du médicament.
MARC FAUVELLE
Vous en prenez ?
AGNES BUZYN
Personnellement, je prends très peu de médicaments. D'ailleurs quand on peut éviter de prendre des médicaments, voilà, il vaut mieux éviter de prendre des médicaments. Il y a toujours des effets secondaires.
MARC FAUVELLE
Mais vous n'êtes pas fan de l'homéopathie. J'allais vous dire : « Est-ce que vous y croyez ? »
AGNES BUZYN
Personnellement, je suis assez rationnelle donc je suis, vous savez, médecin hématologue. Je traite des cancers du sang. Il est rare que l'homéopathie soit efficace pour ces maladies-là, c'est un euphémisme. Donc voilà, ça n'est pas ma pratique. Maintenant je souhaitais simplement que l'homéopathie soit évaluée comme n'importe quel médicament puisqu'aujourd'hui, pour que les gens comprennent bien, un médicament peut être autorisé sur le marché, peut être vendu mais pour qu'il soit remboursé par la Sécurité sociale, il faut une évaluation supplémentaire de son bénéfice pour les patients.
MARC FAUVELLE
Et vous avez encore un doute sur cette question.
AGNES BUZYN
Non. J'attends l'avis de la Haute autorité de santé dont le métier est d'évaluer les médicaments. Elle doit me rendre son avis la semaine prochaine et je suivrai l'avis de la Haute autorité de santé.
RENAUD DELY
Les laboratoires BOIRON ont fait savoir que si jamais il y avait un déremboursement de l'homéopathie, 1 300 emplois pourraient être menacés.
AGNES BUZYN
Ecoutez, mon secteur n'est pas évidemment l'industrie, vous le savez. Par contre mon secteur, c'est la santé. Moi, j'entends qu'un certain nombre de Français sont sensibles à ces traitements et ils y sont attachés donc ma question…
RENAUD DELY
Peu importe les conséquences pour l'emploi.
AGNES BUZYN
Non. Je pense que certains dans le gouvernement vont évidemment se préoccuper des conséquences sur l'emploi.
MARC FAUVELLE
Ça, c'est pour Bercy. Mais si la Haute autorité, Agnès BUZYN, vous dit que l'homéopathie n'est pas efficace, vous n'aurez pas la main qui tremble.
AGNES BUZYN
En tous les cas, il faut que je sois raisonnable. C'est-à-dire que la Haute autorité de santé est une autorité indépendante qui comprend des scientifiques, des experts qui évaluent les médicaments. Ils vont probablement dans les mois qui viennent me demander de rembourser des médicaments extrêmement chers pour traiter des maladies orphelines, pour traiter des cancers de l'enfant. Il va falloir évidemment que je donne un accord pour ce remboursement et donc je suis attachée à l'efficience de notre système et à ce que chaque euro dépensé, lorsqu'il est payé par les cotisations des Français donc par l'assurance maladie, aille à des médicaments utiles. Donc je me tiendrai à l'avis de la Haute autorité de santé.
MARC FAUVELLE
Donc vous suivrez les recommandations, vous les suivrez scrupuleusement. Sur l'homéopathie également.
RENAUD DELY
Quelles qu'elles soient.
AGNES BUZYN
Je suivrai les recommandations de la Haute autorité de santé et j'attends son avis. (…)
RENAUD DELY
Le rapport final de l'Agence nationale de sécurité du médicament, Agnès BUZYN, dédouane la nouvelle formule du Lévothyrox. Il y a des milliers de patients qui ont souffert d'effets secondaires et qui vivent plutôt mal cette décision, qui peuvent avoir le sentiment de ne pas avoir été entendus. Quelle est votre position en tant que ministre ?
AGNES BUZYN
Alors ce n'est pas une décision, c'est une étude qui a été menée sur les bases de remboursement de l'assurance maladie et qui a suivi l'ensemble des patients traités par Lévothyrox pour voir si ceux qui étaient traités par la nouvelle formule, lorsqu'elle s'est mise en œuvre en avril 2017, a induit des arrêts de travail, des hospitalisations, des conséquences particulières. Cette étude, c'est une étude scientifique, montre qu'il n'y a pas de différence entre les personnes qui ont pris le nouveau Lévothyrox avec la période précédente pour des personnes du même âge et traitées…
MARC FAUVELLE
Elle note tout de même, si vous me permettez, une différence et arrêtez-moi si je me trompe : c'est que le nombre de consultations chez les médecins ont été bien plus important chez les personnes qui ont pris cette nouvelle formule et notamment chez les femmes.
AGNES BUZYN
Absolument. Plus de consultations mais c'est ce qu'on a vu et entendu évidemment avec des personnes qui se plaignaient, en fait, d'effets secondaires et nous avons vu également beaucoup plus de dosage de l'hormone thyroïdienne, ce qui prouve bien que ce nouveau médicament induisait probablement des changements, enfin des sous-dosage ou des surdosages qui ont été à l'origine de beaucoup d'effets secondaires. Voilà, je pense que cette étude doit nous rassurer sur le fait que la nouvelle formule n'a pas induit des hospitalisations ou des effets secondaires sévères.
RENAUD DELY
Mais vous comprenez que des patients puissent avoir du mal…
AGNES BUZYN
Je comprends, bien sûr, parce que je pense que les effets secondaires qu'ils ont ressentis… Moi je les ai reçus les patients, les associations de malades : ils se plaignaient réellement de choses très, très désagréables qui ont des effets dans leur vie…
MARC FAUVELLE
Les effets secondaires qu'ils ont ressentis étaient réels. Ce n'est pas une hallucination collective.
AGNES BUZYN
Mais bien sûr. Et puis l'angoisse de ne pas comprendre, et puis l'inquiétude de ne pas avoir été informé. Tout cela a participé à ce moment d'effervescence et d'angoisse qu'on a connu à l'été 2017. Je pense quand même qu'on peut être rassuré sur le fait que la nouvelle formule n'était pas un poison. C'était simplement un changement de dose qui a été mal géré. Surtout c'est un problème d'information. Les médecins n'ont pas pris… Enfin, n'ont pas vu ce changement de formule et donc ils n'ont pas pu non plus informer leurs patients. Il y a un problème de communication autour de ce changement de formule et je crois que ça, ça ne nous arrivera plus puisque nous avons pris des mesures.
MARC FAUVELLE
On préviendra désormais les patients, et les médecins, quand on change quelque chose à la formule d'un médicament aussi populaire que celui-ci.
AGNES BUZYN
Absolument, quand ça touche 2 millions de personnes, je pense qu'on doit être extrêmement attentif, parce que même s'il n'y a que 1 % des gens qui sont mis en difficulté, ça représente déjà énormément de malades.
RENAUD DELY
Alors, lors de l'examen de votre projet de loi Santé au Sénat, à l'initiative de la gauche, un amendement avait été déposé, et voté dans un premier temps, qui prolongeait le délai de l'IVG de 12 à 14 semaines, et vous avez voulu revenir sur cet amendement, et effectivement il a été ensuite annulé. Pourquoi êtes-vous revenue sur cet amendement, est-ce que c'était pour faire plaisir à la droite ?
AGNES BUZYN
Non, pas du tout, c'est parce que je pense que l'IVG mérite un débat, si on doit toucher à l'IVG, et ça, ça a été le cas dans toutes les lois qui ont modifié les délais ou modifié, par exemple cette consultation obligatoire à 8 jours avant de prendre une décision, toutes ces mesures qui ont modifié la loi Veil, ont fait l'objet de débats, ont fait l'objet de travaux préparatoires, or cet amendement n'a pas du tout été travaillé, ce n'était pas le bon cadre, ce n'était pas une loi sur l'IVG.
RENAUD DELY
Ça veut dire que sur le principe, en revanche, d'une prolongation de 12 à 14 semaines, s'il y a un débat, vous n'êtes pas hostile à ce principe ?
AGNES BUZYN
Enfin, moi je n'ai aucun avis, aucun parti pris, j'ai demandé un rapport sur l'accès à l'IVG, d'ailleurs ce rapport a été voté par la même sénatrice qui a demandé l'amendement sur le délai, donc ce rapport il est dans la loi, il est inscrit dans la loi, il va être rendu au Parlement à la fin de l'année 2019, c'est un rapport qui doit authentifier s'il y a des problèmes d'accès à l'IVG dans notre pays et qui doit nous donner des pistes pour agir. Si les pistes sont, c'est très difficile par exemple d'accéder à un médecin et il faut allonger le délai parce que certaines femmes n'arrivent pas à trouver un médecin dans les délais, nous travaillerons sur cette augmentation du délai, mais je veux que le cadre soit le bon, la méthode soit la bonne, ce n'était pas le cas pour cet amendement qui est arrivé de nulle part et qu'il n'avait pas du tout été travaillé en amont.
MARC FAUVELLE
Encore un mot, Agnès BUZYN, sur la maison qui vous accueille ce matin, France Info et le groupe Radio France touchés par une grève qui s'annonce apparemment très suivie, l'ensemble des syndicats appellent à cesser le travail aujourd'hui, contre le plan d'économies de la direction qui prévoit 60 millions d'euros d'économies et le départ volontaire d'au moins 270 personnes, 270 salariés de Radio France. Est-ce que vous entendez aujourd'hui cette colère dans l'audiovisuel public ?
AGNES BUZYN
Bien sûr, moi j'entends aujourd'hui qu'il y a une très forte inquiétude…
MARC FAUVELLE
Justifiée ?
AGNES BUZYN
Justifiée, quand on propose des départs volontaires, ça peut être évidemment inquiétant pour les personnes concernées, voire pour les autres, qui se demandent à quelle sauce elles vont être mangées, donc moi ce que j'espère, pour vous tous, ici à Radio France, c'est que vous ayez un moment de dialogue pour voir quelles vont être les conditions de mise en œuvre de la réforme.
MARC FAUVELLE
C'est le gouvernement qui demande ces départs volontaires ou c'est la patronne de Radio France ?
AGNES BUZYN
Je ne sais pas…
MARC FAUVELLE
Je sais, vous n'êtes pas ministre de la Culture, mais voyez, je vous pose quand même la question.
AGNES BUZYN
Non, je suis désolée, je suis un peu préoccupée par mes propres sujets ce matin, et donc je n'ai pas la réponse à votre question.
MARC FAUVELLE
Merci à vous Agnès BUZYN d'être venue ce matin dans le studio de France Info.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juin 2019