Texte intégral
Agnès BUZYN
Ministre des Solidarités et de la Santé
France Info, Jerome Cadet – 8h30
18 janvier 2019
JEROME CADET
Bonjour à tous, merci d'être avec nous ce matin sur France Info. La ministre des Solidarités et de la Santé est notre invitée. Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour Monsieur CADET.
JEROME CADET
Bonjour Renaud DELY.
RENAUD DELY
Bonjour Jérôme.
JEROME CADET
La santé au coeur du débat, du grand débat national qui se poursuit.
RENAUD DELY
La santé publique est au coeur effectivement du grand débat public et, notamment, à travers une revendication qu'on a entendue tout au long du mouvement des gilets jaunes bien sûr Agnès BUZYN, c'est la question du pouvoir d'achat qui fait partie des revendications premières des Français. La réforme du reste à charge 0, qui est entré en vigueur dans la santé, dans le domaine de la santé publique, notamment pour ce qui concerne des soins optiques, auditifs aussi, est supposé conforter ce pouvoir d'achat évidemment. Sauf que les Français ont la mauvaise surprise de voir parfois des mutuelles profiter de cette réforme pour augmenter leurs tarifs. Où en êtes-vous de votre bras de fer avec les mutuelles ?
AGNES BUZYN
Alors vous l'avez parfaitement dit, en fait les mutuelles utilisent cela comme prétexte parce qu'en réalité en 2019, elles n'auront pratiquement rien à payer, la réforme va commencer réellement à leur coûter en 2020. Et donc nous avons discuté avec les mutuelles, pour qu'elles remettent de l'ordre dans les courriers qui sont envoyés. Alors ce ne sont pas toutes les mutuelles qui utilisent ce prétexte pour augmenter leurs tarifs, ce sont des mutuelles qui sont en nombre minoritaire. Mais j'ai été alertée par de nombreux concitoyens et, donc, j'ai demandé aux fédérations des mutualistes et des assureurs de remettre de l'ordre dans leurs rangs ; et de ne pas utiliser ce prétexte pour augmenter leurs tarifs. Il est normal que les mutuelles augmentent leurs tarifs parce que la population vieillit et parce que le coût des soins augmente, et ça c'est une augmentation je dirai structurelle du système. Mais en aucun cas, la réforme du reste à charge 0 ne peut justifier une augmentation de tarifs, ça avait été totalement négocié.
RENAUD DELY
Alors début janvier ici même à votre place, nous recevions votre secrétaire d'Etat Christelle DUBOS, et voici ce qu'elle nous expliquait à propos de ces courriers des mutuelles.
CHRISTELLE DUBOS
L'ensemble des mutuelles et la Fédération des mutuelles se sont engagées à rembourser justement auprès de ces personnes-là – qui allaient payer en début d'année une augmentation – à rembourser ce delta parce qu'il n'y aura pas d'augmentation de mutuelle ; et qu'il n'y aura pas d'augmentation (je dirai) annuelle traditionnelle de la part des mutuelles.
RENAUD DELY
Donc si des Français ont reçu des augmentations depuis le début du mois de janvier, les mutuelles vont les rembourser ?
AGNES BUZYN
Non, alors c'est plus… pour être plus précise, ce sont pour les mutuelles d'entrée de gamme ou les assurances d'entrée de gamme, qu'on appelle au ticket modérateur, c'est-à-dire ça concerne à peu près 1 million de personnes. Ce sont des mutuelles qui couvrent en général des personnes qui ont assez peu de pouvoir d'achat pour acheter des mutuelles plus chères ou des couvertures plus chères. Et là, c'est un bras de fer que nous avons eu avec les mutualistes à la fin de l'année en disant : vous devez participer à redonner du pouvoir d'achat aux Français. Ils se sont engagés pour que ces mutuelles d'entrée de gamme n'aient pas d'augmentation de tarifs en 2019 et remboursent le trop perçu entre guillemets, c'est-à-dire l'augmentation prévue et qui a déjà été prélevée chez les gens.
RENAUD DELY
Celles-ci mais uniquement celles-ci, d'autres mutuelles peuvent augmenter !
AGNES BUZYN
Oui et c'est normal, je le rappelle, c'est normal puisque le coût de la santé augmente, le coût de l'assurance-maladie augmente parce que notre population augmente et vieillit et que le coût des médicaments augmentent et ça, c'est une augmentation structurelle, normale qui doit être de 1 ou 2 % par an, mais pas au-delà.
RENAUD DELY
Mais pas plus. Parmi les autres mesures, les annonces en tout cas en termes de pouvoir d'achat du président de la République qui remontent maintenant au 10 décembre, Emmanuel MACRON a annoncé la hausse de la prime d'activité, en particulier pour les gens qui sont payés au Smic. Il ne reste plus que 8 jours pour pouvoir la percevoir avant le 5 février !
AGNES BUZYN
C'est cela, si on devait être sûr de la percevoir le 5 février, il faut avoir rempli son dossier avant le 25 janvier. Mais il sera toujours temps ensuite de continuer à remplir son dossier, à ce moment-là on la touchera le 5 mars. Ce qui est extraordinaire c'est le regain d'intérêt pour cette prime d'activité…
RENAUD DELY
Aujourd'hui, on en est à combien ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui, nous avons 30 000 demandes par jour, ça augmente de jour en jour, 30 000 nouvelles demandes qui sont traitées en temps réel par les Caisses…
RENAUD DELY
Les Caisses d'Allocations familiales.
AGNES BUZYN
D'Allocations familiales, pardonnez-moi. Et donc nous avons 300 000 demandes qui sont parvenues dans les 15 premiers jours, elles ont été traitées, ce qui veut dire que nous attendons encore plusieurs centaines de milliers de demandes. Nous espérons couvrir 1,2 million de foyers supplémentaires, c'est ce que nous avions calculé…
RENAUD DELY
Pour arriver à un total de 5 millions de personnes ?
AGNES BUZYN
A peu près, un peu plus probablement de personnes couvertes. Et surtout les foyers qui percevaient déjà la prime d'activité vont voir cette prime d'activité augmenter. Donc il y a d'une part une augmentation de la prime d'activité et, d'autre part, une augmentation des critères qui va permettre à beaucoup plus de foyers d'en bénéficier. Donc aujourd'hui, il suffit d'aller sur CAF.FR, c'est très simple à remplir, on ne demande pratiquement aucun papier, ça se remplit sur Internet, on peut aussi aller à sa Caisse d'Allocations familiales, mais CAF.FR vous avez un simulateur qui vous permet de savoir si vous y avez droit. Et je rappelle…
RENAUD DELY
Si vous êtes…
AGNES BUZYN
Pardonnez-moi, je rappelle que beaucoup de gens ne savent pas qu'ils y ont droit, ça n'est pas que pour les salariés, ce sont toutes les personnes qui ont un travail indépendant, les personnes qui travaillent à domicile, les agriculteurs et les fonctionnaires par exemple, ceux de catégorie C qui ont des petits salaires peuvent bénéficier de la prime d'activité. C'est vraiment lié aux revenus de la famille et, donc, tout le monde peut avoir accès.
RENAUD DELY
Alors outre les questions de pouvoir d'achat qui sont dominantes évidemment depuis 2 mois, il y a aussi – et on le voit apparaitre dans ce grand débat qui a débuté depuis maintenant quelques jours – toutes les questions relatives à ce qu'on appelle la France dite des oubliés, qui a le sentiment d'être abandonnée par l'Etat, par les services publics et notamment la question des déserts médicaux qui est un problème crucial, on l'a déjà vu abordé lors du débat qui se sont tenus dans l'Eure mardi. Comment allez-vous vous attaquer Agnès BUZYN à ces déserts médicaux ?
AGNES BUZYN
Alors ça, c'est une réforme qui est déjà en cours puisque nous avons concertés toute l'année dernière avec les fédérations hospitalières, les malades, les élus pour construire une réforme du système de santé, qui va se mettre en place dès cette année, elle est déjà en train de se mettre en place…
RENAUD DELY
Mais quand les effets s'en feront-ils sentir ?
AGNES BUZYN
Ils vont être progressifs, nous sommes en train de créer des postes d'assistants médicaux pour redonner du temps médical aux généralistes, de façon à ce qu'ils puissent voir plus de patients. Nous sommes en train de créer des postes de médecins généralistes salariés des hôpitaux, qui vont aller dans les zones désertiques, nous sommes en train de créer ou plutôt de labelliser – et ça va être dans la loi de santé que j'avais présenté dans un mois – créer des hôpitaux de proximité qui vont apporter un réel service de proximité aux citoyens. Donc tout ça est…
RENAUD DELY
Mais ça va prendre 3, 5, 10 ans !
AGNES BUZYN
Ah non ! Non, je pense que déjà dès cette année, nous verrons des effets, dès cette année et j'espère bien dans les prochains mois déjà certains. Maires vont voir apparaître sur leur territoire des médecins salariés par exemple.
JEROME CADET
La ministre de la Santé Agnès BUZYN est notre invitée ce matin sur France Info. D'autres questions pour vous juste après l'info, il est 9 heures moins 20.
(…)
JEROME CADET
Agnès BUZYN, ministre de la Santé et des Solidarités, est notre invitée ce matin. Renaud DELY.
RENAUD DELY
Nous évoquions à l'instant les services publics et puis la question des déserts médicaux. Un problème très précis, un sujet très concret qui est la fameuse fermeture de la maternité de Bernay dans le département de l'Eure, c'est un dossier qui a été reporté mais qui n'est pas annulé. Emmanuel MACRON a été interpellé mardi lors de sa rencontre avec des maires dans l'Eure, sur cette question de la maternité de Bernay voici ce qu'il leur a répondus.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Il faut trouver une solution, il faut que vous aussi vous puissiez faire un chemin et il faut qu'on sorte d'un discours que j'ai parfois vu de contrevérités qui serait de dire : c'est fait pour réduire des emplois, ce n'est pas vrai. Je prends l'engagement, la ministre va venir vous voir, elle viendra sur le site avant que toute décision finale soit aboutie.
RENAUD DELY
Alors vous y allez quand Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Dans les 2 semaines ou 3 semaines qui viennent, j'ai déjà demandé à mon cabinet de contacter les élus et de trouver un rendez-vous.
RENAUD DELY
Donc la fermeture de cette maternité de Bernay n'est pas acquise ?
AGNES BUZYN
Alors d'abord je veux rappeler ici que quand il y a un changement dans l'intitulé d'une maternité, puisqu'en fait on ne ferme pas les maternités, nous les transformant en centre de périnatalité, ça veut dire que les femmes vont simplement aller accoucher ailleurs pour l'acte d'accouchement, mais tout le suivi médical de la grossesse se fait dans la maternité ; et elles reviennent après leur accouchement pour prendre soin du bébé et se rapprocher de leurs familles. Donc ce sont des centre de périnatalité qui fonctionnent extrêmement bien, c'est donc une transformation. Mais ce que je veux dire aujourd'hui à ceux qui nous écoutent, c'est qu'en aucun cas les fermetures entre guillemets de maternité, c'est-à-dire les transformations en centres de périnatalité sont faites pour des raisons financières ou…
RENAUD DELY
Mais elles ont des conséquences immédiates quand même sur les femmes qui sont obligées de faire maintenant de nombreux kilomètres parfois pour aller accoucher, ça c'est une conséquence concrète et immédiate !
AGNES BUZYN
Alors d'abord c'est toujours lié à des problèmes de sécurité pour l'accouchement des femmes, c'est le seul critère. Et la maternité de Bernay fait partie d'un hôpital qui n'est pas certifié par la Haute autorité de santé. Je rappelle qu'il est très très rare qu'un hôpital ne soit pas certifié…
JEROME CADET
Donc elle n'est pas sûre aujourd'hui cette maternité de Bernay, c'est ce que vous nous dites ?
AGNES BUZYN
Absolument et c'est toujours pour ces raisons de sécurité qu'il y a des transformations. C'est soit parce qu'il n'y a pas assez d'obstétriciens, soit parce qu'il n'y a pas de pédiatres pour prendre soin des bébés, soit parce que les procédures qui sont utilisées ne sont pas conformes. Et donc les seules raisons pour lesquelles nous transformons ces centres en service de périnatalité, ce sont des questions de sécurité des femmes et des enfants. Et je rappelle qu'il y a encore rien que cette semaine une femme qui est décédée dans une maternité en France. Donc ça arrive assez régulièrement.
JEROME CADET
Y a-t-il d'autres maternités Agnès BUZYN comme celle de Bernay qui ne sont pas sûres, qui ne sont pas certifiées ?
AGNES BUZYN
Alors non, c'est vraiment un hôpital qui n'est pas certifié pour l'instant, il y en a très très peu, il y en a moins de 1 % en France, donc ça veut dire qu'il faut modifier les pratiques dans cet établissement pour le rendre de nouveau plus sécurisé. Et ce que je veux dire, c'est que nous organisons dans ces centres de périnatalité les transports des femmes ; et nous avons des procédures aussi pour qu'elles soient reçues dans la maternité où elles accouchent plusieurs jours avant, de façon à ce que s'il y a le moindre doute sur un risque d'accouchement, il n'y ait pas cette angoisse du transport. Donc tout ça fait partie de la prise en charge, y compris le transport.
RENAUD DELY
Oui mais y aura-t-il d'autres cas qui seront concernés dans l'année qui vient, parce qu'il y a eu la maternité du Blanc, il y a eu celle de Clermont dans l'Oise à la fin de l'année, est-ce que d'autres maternités vont comme ça fermer ou être transformée, comme vous dites, en tout cas ne permettront plus aux femmes d'y accoucher dans le courant de l'année ?
AGNES BUZYN
Alors ce sont des choses qui sont discutées au niveau des Agences régionales de santé, je ne suis pas au courant et je ne suis pas informée de tous les changements de structures qui adviennent sur le territoire. Il y a quand même je crois plus de 500 maternités en France. A ma connaissance, les 2 qui aujourd'hui sont sur le devant de l'actualité, c'est celle du Blanc et celle de Bernay. Et donc nous travaillons avec les élus pour expliquer à quel point ces centres de périnatalité sont utiles et efficaces pour les femmes. Je pense à la maternité de Die qui posait exactement le même problème il y a un an…
RENAUD DELY
Dans la Drôme.
AGNES BUZYN
Dans la Drôme, aujourd'hui les élus sont très satisfaits du centre de périnatalité. Et je veux rassurer les Français, on apporte un service de grande qualité et on règle en amont ces problèmes de transport. On ne va pas laisser les femmes seules avec leur inquiétude de devoir faire 30 ou 40 kilomètres pour aller accoucher, tout cela est évidemment pris en compte lorsque nous transformons une maternité en centre de périnatalité.
RENAUD DELY
Vous évoquiez à l'instant les questions de sécurité en maternité ou à l'hôpital Agnès BUZYN. On se souvient qu'il y a un peu plus d'un an, il y avait eu un terrible drame, une jeune femme Naomie MUSENGA qui était décédé après que le SAMU du Bas-Rhin ne l'avait pas prise en charge. On se souvient de l'échange glaçant qu'elle avait eu avec une opératrice qui l'avait éconduite. Un an après, la famille de Naomie MUSENGA vous interpelle sur l'enquête d'une part et sur les réformes que vous allez mettre en oeuvre pour changer et modifier ces services d'urgence. Vous avez rencontré la famille ?
AGNES BUZYN
Oui, alors d'abord j'avais appelé la famille le jour où j'avais appris évidemment cet accident, enfin cet événement tragique. Et puis je les avais reçus après avoir travaillé avec les urgentistes et les Samu, pour savoir quel plan d'action nous pouvions mettre en oeuvre. Je crois que je l'ai reçue le 11 de juillet de l'année dernière. Depuis, nous avons mis en oeuvre la totalité des actions qui avaient été programmées, c'est-à-dire que nous allons créer un diplôme pour les assistants de régulation médicale, qui sera opérationnel le 1er janvier… pardon, le 1er septembre 2019. Ce sera une formation d'un an avec plus de 1.400 heures de cours à la fois théoriques et pratiques. Et donc ce diplôme d'assistant de régulation médicale va être effectif cette année. Par ailleurs, j'ai demandé à tous les Samu de France d'harmoniser leurs procédures pour les traitements des appels. Et donc aujourd'hui normalement, nous allons aboutir à un système qui sera le même dans tous les Samu de France. Nous travaillons aussi sur un numéro d'appel simplifié et ça, c'est quelque chose sur lequel nous travaillons…
RENAUD DELY
Un numéro unique ?
AGNES BUZYN
Nous sommes… voilà ! Nous sommes en discussion aujourd'hui parce que l'affaire de Naomi MUSENGA montre aussi que lorsqu'il y a un passage d'appel entre un 1er écoutant et un 2ème écoutant, il peut y avoir une modification de l'information et, notamment, lors du passage l'appel concernant madame Naomi MUSENGA, je crois que le régulateur des pompiers avaient transmis l'appel en disant au régulateur du SAMU : Madame MUSENGA a la grippe. Je pense que ça avait pu tordre la perception de la gravité…
RENAUD DELY
Influencer le deuxième écoutant !
AGNES BUZYN
Et donc je pense qu'il est impératif, justement si nous allons vers un numéro unique, qu'il n'y ait aucun risque de perte d'information ou de distorsion d'information dans les passages d'appels entre la police, les pompiers, le SAMU. Et tout ça nécessite énormément de travail, d'harmonisation…
RENAUD DELY
Et du temps avant de mettre en place cette harmonisation Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Non, nous sommes déjà en train de travailler depuis plusieurs mois. Il y a eu un rapport de l'IGAS et de l'Inspection générale de l'administration pour travailler justement sur ces questions de régulation…
RENAUD DELY
Parce que ce décès est intervenu il y a plus d'un an maintenant !
AGNES BUZYN
Oui mais tout ça… alors sur le diplôme il est fait, l'harmonisation des procédures des SAMU c'est fait, il y a évidemment tous ces travaux avec les pompiers pour harmoniser les procédures, tout ça est opérationnel et sera opérationnel dès 2019, nous y sommes.
RENAUD DELY
Ça, ça concerne en particulier les appels d'urgence, mais il y a aussi évidemment les services d'urgence et depuis il y a eu un nouveau drame, ça c'était mi-décembre à l'hôpital Lariboisière à Paris, une patiente qui est décédée au service des urgences. Il y a un rapport interne qui a été publié en début de semaine et qui montre que le problème, c'est un problème d'effectif très clairement.
AGNES BUZYN
Non, alors… enfin vous simplifiez un peu. Il y avait une légère suractivité dans ces urgences parce qu'il y avait eu un médecin manquant dans la journée, donc ça avait reporté un peu d'activité en fin d'après-midi et dans la soirée. Donc ils étaient à 260 passage versus 240 ans en temps normal, mais…
RENAUD DELY
Et il manquait de médecins, il y a un ratio de médecins inférieur à Lariboisière par rapport à d'autres services d'urgence ?
AGNES BUZYN
Mais surtout et aussi, il y a des procédures normalement qui sont validées par tous les services d'urgence, qui visent à orienter les gens dès le départ entre ce qu'on appelle les circuits courts, c'est-à-dire des gens avec des pathologies peu graves ; et des circuits longs, c'est-à-dire des personnes avec des pathologies plus complexes qui doivent être prises en charge plus rapidement.
RENAUD DELY
Donc c'est une erreur humaine pour vous, il n'y a pas de problème d'effectif ?
AGNES BUZYN
Non, non, je ne vais pas vous dire ça monsieur DELY, je dis : on ne peut pas simplifier à outrance, ce n'est pas que des questions de moyens. Il y avait aussi une question d'organisation interne dans ces urgences, je veux quand même rappeler et rassurer quelque part les Français, ce drame est épouvantable, il y en a eu d'autres, ça peut arriver que des gens attendent de façon anormale aux urgences par rapport à la gravité de leur situation. Heureusement tout n'aboutit pas au décès, mais il y a 25 millions de passages aux urgences, cela augmente de 2 à 3 % par an. Et donc aujourd'hui, nos urgences ne sont pas toutes dimensionnées pour recevoir un tel nombre de passages, certains hôpitaux ont 20 ans d'âge, 30 ans d'âge et donc il faut redimensionner, refaire des travaux pour que les urgences puissent mettre en place ces circuits. Et tout ça est évidemment en cours, mais vous ne transformez pas un système de 3 000 hôpitaux publics, 500 je crois services d'urgence en France… 600 services d'urgence en France en l'espace de quelques mois. Et donc ça va prendre un certain temps. Surtout ce que je demande aujourd'hui aux urgentistes, c'est d'appliquer aussi attentivement les procédures qui ont été mises en place.
JEROME CADET
La ministre de la Santé Agnès BUZYN avec nous jusqu'à 9 h 00.
(…)
JEROME CADET
La ministre de la Santé Agnès BUZYN est notre invitée ce matin. Renaud DELY.
RENAUD DELY
Avant-hier, votre collègue chargé de l'Agriculture Didier GUILLAUME était l'invité de nos confrères de BFMTV. Et il a déclaré ceci.
DIDIER GUILLAUME
Je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres. L'addiction à l'alcool est dramatique et, notamment, dans la jeunesse avec le binge drinking etc., c'est dramatique. Mais je n'ai jamais vu à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sorte de boîte de nuit et qui est saoul parce qu'il a bu du Côte du Rhône, du Crozes-Hermitage, du Bordeaux, des Costières de Nîmes, jamais.
RENAUD DELY
Ça vous fait sourire Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Oui, nous en avons parlé évidemment.
RENAUD DELY
Est-ce que c'est drôle ?
AGNES BUZYN
Non, ce n'est pas drôle. Nous en avons parlé et j'ai rappelé évidemment à Didier GUILLAUME que si… évidemment le vin fait partie de notre patrimoine, c'est en cela qu'on peut considérer qu'il n'est pas un alcool comme un autre, il fait partie de la culture française et de notre patrimoine national. Par ailleurs, la molécule d'alcool qui est contenue dans le vin est évidemment exactement la même que la molécule d'alcool contenue dans n'importe quelle boisson alcoolisée ; et qu'aujourd'hui je me bats contre le binge drinking des jeunes qui est dramatique, qui est accidentogène, je me bats contre l'alcoolisation foetale, c'est-à-dire dans des femmes enceintes boivent de l'alcool aujourd'hui ; et puis contre l'alcoolisme chronique qui est malheureusement lié aussi à une surconsommation d'alcool en France…
RENAUD DELY
Donc ce genre de propos du ministre de l'Agriculture, c'est dangereux de tenir ce genre de propos ?
AGNES BUZYN
Non, je crois…
RENAUD DELY
De banaliser ainsi la consommation du vin, y compris auprès des jeunes ?
AGNES BUZYN
Je pense qu'on ne peut pas banaliser la consommation d'alcool, tout le monde sait que l'alcool aujourd'hui en France tue près de 50 000 personnes. Ce n'est pas que des boissons alcoolisées fortes, c'est aussi lié à l'alcoolisme chronique dans notre pays. Et 50 000 décès, c'est la 2ème cause de mortalité dans notre pays après le tabac, c'est la 2ème de cause de cancer dans notre pays…
RENAUD DELY
Mais comment se fait-il alors Agnès BUZYN…
AGNES BUZYN
Je suis obligée de dire que les deux sont vrais, c'est-à-dire que le vin fait partie de notre patrimoine et par ailleurs, c'est la même molécule d'alcool dans le vin et dans n'importe quelle boisson alcoolisée.
RENAUD DELY
50.000 décès, vous le disiez à l'instant, comment se fait-il que le gouvernement ait adopté fin décembre un plan national de mobilisation contre les addictions. Il y a 19 priorités, 200 actions, il y a plein de choses sur la cigarette, sur le tabac, sur le cannabis, il n'y a rien sur l'alcool ou sur le vin !
AGNES BUZYN
Alors j'avais déjà mis des mesures dans mon plan priorité prévention que j'avais présenté en mars 2018…
RENAUD DELY
Donc tout est fait, il n'y a pas besoin de lutter contre l'addiction d'alcool ?
AGNES BUZYN
Non, je n'ai pas dit que tout est fait, j'ai dit que j'avais écrit dans mon plan priorité prévention des mesures déjà en faveur des 2 populations cibles que sont les jeunes et les femmes enceintes, ça c'est absolument impératif. Après moi, je continue mon combat…
RENAUD DELY
Est-ce que le vrai problème, ce n'est quand même pas le poids du lobby vinicole, y compris auprès des responsables politiques et d'ailleurs de l'Elysée aussi ?
JEROME CADET
Est-ce qu'un lobbyiste du vin parlerait autrement que ne l'a fait Didier GUILLAUME ?
AGNES BUZYN
Je ne sais pas, seul Didier GUILLAUME peut me dire s'il est en relation avec eux, ce n'est pas le problème. En réalité ce que je pense, c'est qu'il y a du lobbying partout et il y a des intérêts partout, il y a des intérêts évidemment dans le monde du tabac, dans le monde de l'alcool. Et donc le devoir d'un politique, c'est de décider ce qui est bon pour les Français. Quelque part le seul intérêt, c'est l'intérêt général et c'est là-dessus que nous sommes attendus et c'est là-dessus que je prendrai mes décisions, c'est ce qui est bon pour la santé publique, c'est ça qui me concerne.
RENAUD DELY
Quand Emmanuel MACRON l'année dernière dit, en marge du Salon de l'agriculture : tant que je serai président, il n'y aura pas d'amendement pour durcir la loi Evin. Est-ce qu'il est soucieux de l'intérêt général ou est-ce qu'il est sensible aux intérêts du lobby vinicole ?
AGNES BUZYN
J'imagine qu'il fait un choix entre les intérêts je dirais de l'agriculture française et les intérêts de santé publique. Ça ne m'empêchera pas d'informer les Français…
RENAUD DELY
Il a choisi les intérêts de l'agriculture française.
AGNES BUZYN
Non pas que parce que la loi Evin est fort heureusement maintenue, mais mon travail…
RENAUD DELY
Elle aurait pu ne pas l'être ?
AGNES BUZYN
C'est d'informer et d'informer les Français qu'il est nécessaire de réduire sa consommation d'alcool, cet impératif. L'alcool quel qu'il soit, parce que toutes les molécules d'alcool se valent quel que soit l'alcool, est responsable de la 2ème cause de mortalité en France.
JEROME CADET
Agnès BUZYN, l'université de Lille distribue gratuitement cette semaine des protections hygiéniques aux étudiantes, 30 000 kits sont distribués pour lutter contre la précarité menstruelle. Le problème se pose à Lille, il se pose sans doute dans beaucoup d'autres universités de France, est-ce que c'est une bonne initiative ?
AGNES BUZYN
Je trouve que c'est une bonne idée, c'est vrai que les femmes ont une sorte de pénalité puisqu'elles sont obligées d'acheter ces protections… voilà, chaque mois. Alors un jour…
JEROME CADET
Beaucoup d'entre elles ne peuvent pas le faire ?
AGNES BUZYN
Un jour, des garçons m'ont dit : mais nous, on est obligé d'acheter des mousses de rasage et des rasoirs, bon ! Effectivement. Mais je pense que c'est bien de pouvoir aider les femmes jeunes, on le fait aussi dans les circuits notamment… quand je dis on, les Restos du Coeur, les grandes associations le fond notamment pour aider les femmes les plus vulnérables à accéder à ces garnitures. Et donc c'est très important évidemment d'avoir une attention particulière sur cette forme de vulnérabilité, dont on ne peut pas parler très facilement.
JEROME CADET
Les associations, les universités et l'Etat, est-ce que la gratuité des protections hygiéniques pourrait être mise en place en France, des pétitions le demandent, l'Ecosse l'a fait récemment ?
AGNES BUZYN
Oui, en tous les cas aujourd'hui ça n'est pas à l'ordre du jour, je pense qu'il y a énormément de femmes…
JEROME CADET
Pourquoi ?
AGNES BUZYN
Parce qu'il y a énormément de femmes qui peuvent les payer, on le voit bien aujourd'hui avec la crise des gilets jaunes que cette crise du pouvoir d'achat, elle touche une certaine partie de notre population et on doit y être très attentif et les aider…
JEROME CADET
Là, on est au coeur du sujet Agnès BUZYN !
AGNES BUZYN
Absolument, mais si vous rendez quelque chose de gratuit et universel, quelque part vous utilisez de l'argent public pour aider des gens qui n'en ont pas besoin…
RENAUD DELY
Pas forcément universel mais sous conditions de ressources.
AGNES BUZYN
Oui, sous conditions de ressources…
RENAUD DELY
Non mais on pourrait instaurer la gratuité pour des femmes en situation de précarité !
AGNES BUZYN
Oui mais quelque part… absolument, en situation de précarité par exemple et c'est ce que feront les grandes associations…
RENAUD DELY
Mais par l'Etat !
AGNES BUZYN
Non, pas l'Etat aujourd'hui.
RENAUD DELY
Mais demain c'est possible ?
AGNES BUZYN
Ça a été fait dans d'autres pays, donc je pense que là… vous venez de le dire, donc je pense qu'on peut se poser la question. Aujourd'hui ça n'avait pas été mis à l'ordre du jour, je pense que c'est intéressant dans ces débats.
JEROME CADET
Merci à vous Agnès BUZYN d'avoir répondu à nos questions ce matin. Ministre de la Santé et des Solidarités. Bonne journée à tous.
RENAUD DELY
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 janvier 2019