Déclaration de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le projet de loi relatif à l'énergie et au climat, à l'Assemblée nationale le 26 juin 2019.

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Circonstance : Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi à l'Assemblée nationale

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, (nos 1908, 2031, 2032, 2063).

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. La présentation d'un projet de loi est toujours, pour un ministre, un moment particulier. Celui qui vous est soumis aujourd'hui a fait l'objet d'un long travail préparatoire. Sa discussion, d'abord à l'Assemblée puis au Sénat, durera quelques semaines, mais nous souhaitons – c'est la raison pour laquelle nous l'avons voulu ramassé – qu'il soit adopté le plus rapidement possible, car il nous permettra non seulement de réaffirmer notre ambition en matière de lutte contre l'effet de serre et le dérèglement climatique, mais aussi de mettre en oeuvre la Programmation pluriannuelle de l'énergie, PPE, qui en sera en quelque sorte l'application.

C'est un sentiment – partagé, je crois – de responsabilité qui nous anime au moment d'aborder un tel débat. Tout d'abord, la canicule actuelle, dont nous ignorons encore combien de temps elle durera, en témoigne : les Français sont directement confrontés aux effets du dérèglement climatique. Certes, nous avons déjà connu de tels épisodes de canicule par le passé mais, chacun le constate, ils sont de plus en plus fréquents, de plus en plus importants et de plus en plus intenses. Tel est le cas également d'autres phénomènes météorologiques, autrefois considérés comme exceptionnels et qui deviennent récurrents ; je pense aux tornades, aux tempêtes et aux cyclones que subissent notamment nos compatriotes d'outre-mer ou aux pluies extrêmement violentes, telles que celles qui ont causé, à l'automne dernier, des dégâts extrêmement importants, y compris des morts, dans l'Aude ou dans le Var.

Notre discussion intervient, par ailleurs, dans un contexte spécifiquement français, citoyen même, celui du mouvement de protestation que nous avons connu à la fin de l'année dernière et que certains ont voulu présenter, à tort, comme anti-écologique. En réalité, le mouvement dit des « gilets jaunes » traduisait une aspiration à un meilleur pouvoir d'achat, à un meilleur revenu, à une baisse des impôts et des taxes dans tous les domaines, bref à une plus grande liberté individuelle face à l'accumulation des dépenses contraintes. Or parmi celles-ci figurent, bien entendu, les dépenses d'énergie liées au chauffage et aux transports, qui sont précisément, par ailleurs, les deux principales sources d'émissions de gaz à effet de serre.

Ensuite, le grand débat, voulu par le Président de la République et auquel il a lui-même participé à plusieurs reprises, dans l'ensemble des régions de France, tout comme les députés et les ministres, nous a permis de mesurer combien les Français aspirent à donner leur avis sur la politique nationale – ce qu'ils n'avaient jamais pu faire de cette manière – et veulent que soit menée une action écologique plus forte. Ainsi, je le rappelle, près de 75 % des Français qui ont participé au grand débat se sont déclarés prêts à agir personnellement en faveur de l'écologie.

Il me faut citer également la récente pétition pour le climat – jamais une telle pétition n'avait recueilli autant de signatures en France – et les manifestations de la jeunesse, notamment lycéenne et estudiantine, en Europe et parfois au-delà, en faveur de cette belle cause d'intérêt général qu'est la protection, non pas de la planète, mais de nous autres, êtres humains, face au dérèglement climatique.

Enfin, nous avons pris connaissance, ces dernières semaines, de l'état de la science sur les émissions de gaz à effet de serre en France. Le Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique a en effet publié les chiffres de l'année 2018, chiffres qui indiquent une baisse de 4,2 % des émissions de gaz à effet de serre, après plusieurs années de hausse, notamment l'année 2017. Ces chiffres, nous n'en tirons évidemment aucune gloire particulière. Il ne s'agit pas de s'endormir sur ses lauriers mais, au contraire, de poursuivre les efforts.

Le Haut Conseil pour le climat, qui a remis, hier soir, son rapport au Premier ministre, au côté duquel je me trouvais, vient en effet nous rappeler que, si ces émissions ont baissé en 2018 dans les secteurs de l'habitat – logements, bureaux – et du transport, les résultats demeurent néanmoins insuffisants pour que nous nous inscrivions dans la trajectoire de l'accord de Paris sur le climat et de la stratégie nationale bas-carbone – SNBC – de la France, dont le respect est nécessaire si nous voulons contenir le réchauffement à 1,5 degré.

M. Sébastien Jumel. Le Haut Conseil est beaucoup plus sévère que cela !

M. François de Rugy, ministre d'État. J'estime, pour ma part, que toute politique écologique doit absolument s'appuyer sur ces données scientifiques. De fait, il faut regarder la réalité en face, que la situation se dégrade ou qu'elle s'améliore. Les quelques progrès que nous enregistrons peuvent être liés, pour certains, à des effets conjoncturels ; je pense au chauffage, l'année 2018 ayant été plutôt douce. En revanche, dans le secteur des transports, la baisse de la consommation de carburant, pour les véhicules particuliers et utilitaires, marque clairement l'amorce d'un changement de comportement des automobilistes français, qui utilisent moins leur voiture ou qui utilisent des voitures consommant moins de carburant.

Que ce soit dans le domaine social, économique ou, bien sûr, écologique, nous devons nous féliciter de cette dynamique et poursuivre dans cette voie, car tous y gagnent : le climat, l'économie française, encore trop dépendante des importations de pétrole et de gaz – on voit actuellement combien les tensions internationales peuvent peser sur les prix du pétrole – mais aussi les ménages et les entreprises. En effet, en octobre et en novembre dernier, au moment où les 3,5 millions de Français qui se chauffent encore au fioul ont rempli leur cuve, ils ont constaté que, pour mille litres, leur facture passait de 750 euros à 1 000 euros. Cette augmentation était due, non pas à la taxe carbone, comme certains ont tenté de le faire accroire de façon grossière, mais à la hausse des prix du pétrole. Pour se prémunir durablement contre ces variations, il faut permettre aux Français de se libérer de cette dépendance au pétrole. À cette fin, l'État, les collectivités locales et les entreprises doivent les aider à s'engager dans la transition écologique, qui sera bénéfique pour la planète comme pour le porte-monnaie.

Depuis deux ans, un certain nombre de mesures importantes ont été prises, qui commencent à produire des résultats. Tout d'abord, l'Assemblée nationale a voté, à une majorité assez large, à la fin de l'année 2017, la loi mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures dans notre sous-sol.

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Très bon texte !

M. Julien Aubert. Cela ne sert à rien !

M. François de Rugy, ministre d'État. Nous sommes l'un des rares pays au monde à avoir adopté un tel texte. Lors des débats, je m'en souviens, certains se demandaient, de manière tout à fait légitime du reste, pourquoi se priver d'une ressource qui se trouve sous nos pieds, qu'il s'agisse des gaz et des pétroles de schiste ou du pétrole extrait, de manière plus classique, à l'aide de forages en mer, tels que ceux qui existent au large de certains territoires d'outre-mer. En tout état de cause, cette loi a eu pour effet concret de conduire à refuser plus de cinquante demandes de permis de recherche ou d'exploitation pour la seule année 2018.

Par ailleurs, les ménages, notamment les plus modestes d'entre eux, ont pu bénéficier d'aides qui n'existaient pas jusqu'à présent. Je pense notamment à la prime à la conversion qui, en 2018, a permis à 300 000 automobilistes d'acheter une voiture moins polluante, qui consomme moins et qui est moins coûteuse à l'usage. Ont ainsi été mises à la casse 300 000 vieilles voitures, qui sont parmi celles qui émettent le plus de gaz à effet de serre et, rappelons-le en cette période de canicule, qui sont les plus polluantes. Là encore, et la collectivité et les automobilistes y gagnent. Du reste, la tendance se poursuit et est même à la hausse en 2019.

Nous avons créé un dispositif analogue pour les chaudières au fioul. Des opérateurs privés démarchent les personnes concernées pour leur proposer un dossier unique, clé en main : ils s'occupent de toutes les démarches et des recherches d'aides. Ainsi, les Français les plus modestes peuvent remplacer leur chaudière pour un euro seulement ! J'ai moi-même rencontré un certain nombre de ménages qui ont bénéficié de cette aide et qui m'ont dit que le remplacement de leur vieille chaudière au fioul, qui pollue, par une pompe à chaleur électrique, par exemple, leur permettait de réduire de 1 000 à 1 500 euros leur facture annuelle de chauffage. Le nombre des ménages ayant bénéficié de cette aide est déjà de 60 000 pour les cinq premiers mois de l'année 2019.

Enfin, la Programmation pluriannuelle de l'énergie, que le Président de la République, le Premier ministre et moi-même avons présentée à la fin de l'année dernière sera mise en application grâce au vote de ce projet de loi. Elle définit, vous le savez, la stratégie française en matière d'énergie pour les dix années qui viennent et trace des trajectoires précises pour chaque production d'énergie, de façon à donner une visibilité aux industriels, aux investisseurs ainsi qu'aux particuliers et aux collectivités locales.

Le projet de loi poursuit trois objectifs.

Premièrement, il s'agit de permettre la publication de la Programmation pluriannuelle de l'énergie qui, en vertu de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, prend la forme d'un décret. En 2017, mon prédécesseur a constaté que l'objectif de limiter à 50 % la part du nucléaire dans la production d'électricité n'était pas atteignable. Une opération vérité devait donc être menée ; elle l'a été. Le projet de loi fixe ainsi la nouvelle échéance à 2035. Si nous avions voulu fermer les centrales nucléaires en plus grand nombre pour atteindre l'objectif en 2025, il nous aurait fallu, je le rappelle, construire à la va-vite des centrales thermiques pour prendre le relais. Or notre stratégie permettra le remplacement progressif de vieilles capacités nucléaires par des énergies renouvelables tout aussi décarbonées, non polluantes et économiquement compétitives, puisque les coûts de production du solaire photovoltaïque et de l'éolien, terrestre et marin, baissent et se rapprochent des prix de marché, nécessitant de moins en moins de subventions.

Ce projet de loi tend par ailleurs à rehausser nos objectifs pour le climat et à renforcer les moyens permettant de les atteindre. Avant même que le texte soit adopté en conseil des ministres, certains ont cru bon de lancer une polémique autour de l'objectif et du concept même de neutralité carbone, qui servait pourtant de référence à l'accord de Paris sur le climat. Il est vrai que la loi sur la transition énergétique, adoptée à l'été 2015, n'en faisait pas mention. Mais l'accord de Paris ayant été conclu en décembre 2015, nous adaptons notre législation à ce nouveau cadre. Notre objectif est donc clairement défini et chiffré : d'ici à 2050, nous ne devons plus émettre davantage de gaz à effet de serre que nos forêts – et, plus généralement, l'ensemble des végétaux – ne peuvent en absorber en France.

Pour y parvenir, nous devrons diviser nos émissions de gaz à effet de serre par six, au moins, par rapport aux émissions de l'année 1990, qui sert de référence. Par ailleurs, très bientôt, dès la fin de la prochaine décennie nous proposons de porter de 30 à 40 % l'objectif de réduction de la consommation d'énergies fossiles afin de renforcer la lutte contre le climat.

L'article 2 prévoit d'officialiser la création du Haut Conseil pour le climat. Nous avions voulu installer ce dernier sans attendre dès la fin de l'année 2018. Il a commencé ses travaux dès le début de 2019 et a rendu hier son premier rapport, dont le contenu confirme d'ailleurs l'indépendance de l'institution. Nous souhaitons que le HCC s'inscrive durablement dans notre arsenal d'outils en faveur du climat. Si vous adoptez ce projet de loi, les experts scientifiques pourront, au moins une fois par an, nous rendre compte de l'état de la science sur le sujet.

Par ailleurs, ce texte vise à nous donner les moyens légaux et incontestables de fermer les dernières centrales à charbon. Quelques unités de production d'électricité par le charbon perdurent en effet dans notre territoire, au grand étonnement des Français qui pensaient qu'elles avaient disparu depuis longtemps pour ne survivre qu'au-delà du Rhin, en Allemagne ou en Pologne. C'est vrai, ces pays en comptent beaucoup plus que chez nous mais il nous en reste encore quatre importantes. Elles pourront fermer d'ici à 2022, conformément à l'objectif politique annoncé l'année dernière et auquel nous avons commencé à réfléchir avec les entreprises, les salariés et les territoires concernés. Ces quatre centrales à charbon, je le rappelle, émettent autant de gaz à effet de serre que 4 millions de voitures individuelles.

Cela étant – et M. le rapporteur ne le sait que trop bien du fait de son territoire d'élection, le Gard –, nous n'avons pas l'intention de fermer ces centrales sans prévoir d'accompagnement. Il n'y aura pas de fermeture sèche, comme cela a pu se produire dans le passé. De nombreuses centrales au fuel ont fermé ces dernières années en France sans le moindre accompagnement social ou territorial, ce dont les territoires peuvent souffrir terriblement. En conséquence, en plus du plafonnement du nombre d'heures de fonctionnement qui permettra de sortir de la production d'électricité par le charbon, le projet de loi prévoit des dispositifs d'accompagnement spécifiques pour les salariés de ces centrales, pour ceux des entreprises sous-traitantes et pour les territoires concernés.

Enfin, les dispositions de ce texte devraient nous permettre de résoudre des problèmes laissés trop longtemps en suspens. Ainsi, la clarification des dispositions relatives à l'autorité environnementale devrait mettre fin à l'insécurité juridique actuelle, laquelle a favorisé la multiplication des contentieux et fragilisé les petits projets de production d'énergie renouvelable, notamment solaire ou photovoltaïque.

Autre problème, celui posé par les dispositions relatives aux tarifs régulés du gaz, que vous aviez adoptés après en avoir longuement débattu lors de l'examen de la loi, dite PACTE, relative à la croissance et la transformation des entreprises. M. le président de la commission s'en souvient fort bien.

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. J'en garde un souvenir ému !

M. Sébastien Jumel. Le Conseil constitutionnel aussi !

M. François de Rugy, ministre d'État. Le Conseil constitutionnel avait en effet, par la suite, censuré ces dispositions considérées comme des cavaliers législatifs. Nous les réintégrons donc dans ce texte.

Troisième problème, celui posé par les tarifs régulés de l'électricité.

M. Pierre Cordier. Parlons-en !

M. François de Rugy, ministre d'État. Les hausses décidées pour ces tarifs ont donné lieu à de nombreuses interpellations. Si toutes n'étaient pas de bonne foi, je reconnais que les Français ont pu légitimement s'en inquiéter, notamment lors de la dernière augmentation de 5,9 %, intervenue au début du mois de juin.

M. Sébastien Jumel. Cela continuera !

M. François de Rugy, ministre d'État. Je m'étais alors engagé à proposer des outils concrets afin de stabiliser les prix au cours des prochains mois.

M. Sébastien Jumel. Il suffit de baisser la TVA !

M. François de Rugy, ministre d'État. Cela étant, je ne fais pas de fausse promesse. Certains déclarent que demain, ils raseront gratis et baisseront tous les tarifs. Je préfère être honnête. Les dispositifs en vigueur permettent de maîtriser les évolutions tarifaires en contenant les hausses dans des limites raisonnables. Nous devons nous en tenir au principe des tarifs régulés, qui sont supposés couvrir les seuls coûts de production de l'électricité.

M. Sébastien Jumel. Ce n'est pas le cas.

M. François de Rugy, ministre d'État. Le texte adopté en commission doit nous permettre de répondre à cet objectif.

Je note au passage que le projet de loi est sorti enrichi des débats en commission du développement durable et en commission des affaires économiques. Et je salue le travail à la fois précis et précieux effectué par les deux rapporteurs, Nathalie Sarles et Anthony Cellier. Depuis des mois, les auditions qu'ils mènent en parallèle de leur travail préparatoire, ainsi que les amendements qu'ils ont déposés, ont permis d'améliorer le texte.

En commission, les députés ont, quasiment à l'unanimité, introduit la notion d'urgence écologique et climatique. Or celle-ci n'a de sens que parce qu'elle s'inscrit dans un projet de loi qui définit des objectifs, les moyens de les atteindre étant, eux, déterminés par la programmation pluriannuelle de l'énergie. Nous aurions pu nous faire plaisir en nous contentant de proclamer l'urgence climatique et écologique, mais cela n'aurait eu aucun effet – sinon d'annonce.

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Exactement.

M. François de Rugy, ministre d'État. Je veux, au contraire, transformer notre politique énergétique afin d'en obtenir des effets concrets, sans toutefois mentir aux Français sur les changements que cela est susceptible d'entraîner dans nos modes de production, voire dans nos modes de vie.

Ce sont en effet parfois les mêmes qui invoquent l'urgence écologique et climatique mais s'empressent ensuite, par démagogie, d'affirmer aux salariés, consommateurs ou citoyens que rien ne changera pour ce qui les concerne !

En réalité, le changement doit être progressif, mais profond et durable, et nous devons tous y oeuvrer. Les déclarations ne suffiront pas pour réussir ; il faut des mesures concrètes.

L'examen en commission a également permis de préciser la notion de neutralité carbone et les missions du Haut Conseil pour le climat et de consolider les dispositifs d'accompagnement des salariés des territoires concernés par les fermetures de centrales à charbon.

Par ailleurs, en lien avec le Gouvernement, des mesures louables visant à renforcer la lutte contre les passoires thermiques ont été adoptées. Elles permettent d'abord de considérer que certains logements très énergivores relèvent du décret du 9 mars 2017 relatif aux caractéristiques du logement décent, dit « décret décence ». La définition du caractère décent ou indécent d'un logement, qui portait jusque-là sur des questions sanitaires et de salubrité, est ainsi étendue à la consommation énergétique, dès lors que celle-ci dépasse les limites de ce qui est acceptable ou supportable pour ceux qui y vivent. Le décret sera donc modifié à la suite de l'adoption du texte pour prendre ce nouveau critère en considération.

Ces mesures permettent, ensuite, de renforcer l'information du locataire, du propriétaire ou de l'acquéreur d'un logement, grâce à l'audit énergétique obligatoire et aux indications sur l'estimation des factures énergétiques. Il est en effet nécessaire de rendre transparentes ces informations capitales, y compris pour les habitations dont le chauffage n'est pas couvert par les charges collectives. L'acheteur ou le locataire, avant de signer le compromis de vente ou le bail, doit connaître la consommation d'énergie de son futur logement.

Ces nouvelles dispositions empêcheront par ailleurs, lors d'un changement de bail, d'augmenter le montant du loyer d'un logement que le diagnostic de performance énergétique aura classé F ou G.

Enfin, une mesure innovante – et soulevant par là même de nombreuses questions – proposait la consignation d'une partie du prix de vente d'un logement pour financer des travaux de rénovation énergétique. La commission avait adopté cette mesure à titre expérimental, uniquement pour certains territoires où la demande de logement est importante et les prix de l'immobilier élevés. Mais le sujet a suscité des questions parfaitement légitimes. Aussi le Gouvernement, la majorité et le rapporteur déposeront-ils un nouvel amendement venant remplacer ce dispositif insuffisamment abouti.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Bien !

M. François de Rugy, ministre d'État. Nous avions d'ailleurs indiqué, en commission, qu'il méritait d'être retravaillé. Il sera donc supprimé et remplacé par une mesure plus large touchant à la rénovation énergétique et à la lutte contre les passoires thermiques.

Les effets d'une telle mesure se feront ressentir en hiver, bien sûr. Je suis bien certain que vous avez, en tant que députés, reçu nombre de vos concitoyens, comme je l'ai fait moi-même à l'époque où je l'étais, qui vous ont sollicités au sujet de leurs dépenses d'énergie. Je me souviens d'une famille, locataire d'un pavillon, qui payait plus de 3 000 euros de factures de chauffage par an, soit l'équivalent de trois mois de leurs salaires. Locataires, ils ne pouvaient que subir les conséquences de la mauvaise isolation de leur logement, le propriétaire refusant d'engager des travaux.

De telles situations soulèvent des enjeux écologiques puisqu'elles renforcent l'émission de gaz à effet de serre et conduisent à gaspiller l'énergie. Le but est de chauffer les logements, pas l'atmosphère ; pourtant, les cartographies thermiques établies dans de nombreuses collectivités mettent en évidence l'importance du gaspillage actuel.

Les enjeux sont également économiques et sociaux puisque les dépenses d'énergie affectent directement le pouvoir d'achat des habitants. Il y va en outre de la solidarité entre les propriétaires et les locataires.

Mais les effets de cette mesure se feront aussi ressentir en été. Les passoires thermiques sont synonymes d'inconfort, qui peut conduire à des situations dangereuses pour les plus fragiles, les nourrissons, les personnes âgées, exposés à des températures très élevées au sein de logements dont ils ne peuvent sortir facilement.

Souvenons-nous des conséquences dramatiques de la canicule de 2003. Nous devons en tirer les leçons, pas seulement durant les épisodes de forte chaleur. En commission, la semaine dernière, certains contestaient les dispositions relatives à l'installation de toitures végétalisées sur les lieux de travail. Pourtant, les salariés qui travaillent dans des bâtiments mal isolés sont eux aussi exposés à des températures excessives, aux heures les plus chaudes de la journée, qui plus est. Ce n'est donc pas trois jours avant une canicule, au moment où Météo France lance l'alerte, qu'il faut commencer à s'en soucier ! Notre rôle est d'anticiper ces situations. En l'espèce, le sujet des passoires thermiques est loin d'être mineur puisqu'il concerne 7 millions de logements.

Les Français, pour supporter la canicule, en sont réduits à acheter des climatiseurs. Ils devront régler une facture de chauffage élevée l'hiver et une d'électricité, non moins importante, l'été ! Or c'est un cercle vicieux : plus on recourt aux climatiseurs, plus on consomme d'énergie, plus on augmente l'émission de gaz à effet de serre, sans parler du réchauffement que subissent les villes en raison de leur bâti.

Le paquet de mesures relatives à la rénovation énergétique est d'autant plus nécessaire que le bâtiment représente 40 % de notre consommation d'énergie et plus de 25 % des émissions de gaz à effet de serre – logements et bureaux.

Enfin, mesdames et messieurs les députés, vous avez accepté un amendement du Gouvernement qui permet d'agir concrètement sur le plafond de l'ARENH – accès régulé à l'énergie nucléaire historique – dans la limite de 150 térawatt-heures, ce qui permettra, également, dans le cadre des discussions que le gouvernement français a avec la Commission européenne, d'engager un travail sur le prix de l'ARENH, qui n'a pas bougé depuis plus de sept ans.

M. Sébastien Jumel. Dramatique !

M. François de Rugy, ministre d'État. Grâce à son intégration au mode de calcul des tarifs régulés de l'électricité, cette disposition sera de nature à stabiliser les prix de l'électricité.

M. Sébastien Jumel. C'est tout le contraire !

M. François de Rugy, ministre d'État. Il faudra être sinc��re, et bien dire aux Français que, si nous voulons limiter les hausses futures des tarifs de l'électricité, il faut voter cette mesure. Il faudra également leur dire que ceux qui s'y opposeront veulent, de fait, pour les prochaines années, une hausse au moins aussi importante que celle que nous avons constatée au premier semestre, sur la base des coûts de production de l'année dernière.

M. Pierre Cordier. On n'a donc pas le droit de ne pas être d'accord !

M. François de Rugy, ministre d'État. On a parfaitement le droit de ne pas être d'accord, mais il faut l'assumer !

M. Sébastien Jumel. Nous allons vous expliquer pourquoi nous ne sommes pas d'accord !

M. François de Rugy, ministre d'État. Il n'est pas possible de dire, un jour, aux Français qu'on veut stabiliser les prix de l'électricité et de refuser tout net, un autre jour, le dispositif qui le permet, car cela revient, en réalité, à choisir les intérêts particuliers de quelques opérateurs au détriment de l'intérêt général des consommateurs.

M. Pierre Cordier. Ce n'est pas ce que nous avons dit. Cessez de caricaturer !

M. le président. Mes chers collègues, laissez le ministre d'État s'exprimer : lui seul a la parole.

M. François de Rugy, ministre d'État. Je vous remercie, monsieur le président.

M. Sébastien Jumel. C'est une privatisation, que vous organisez !

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Bobard !

M. Pierre Cordier. M. le ministre d'État a oublié son passé.

M. Sébastien Jumel. Nous allons le lui rappeler !

M. le président. Le débat sera long, mes chers collègues, et chacun aura l'occasion de s'exprimer. Pour le moment, nous écoutons le ministre d'État.

M. François de Rugy, ministre d'État. Le texte qui vous est soumis aujourd'hui comporte donc de nouvelles dispositions qui touchent, concrètement, au quotidien des Français, s'agissant notamment des tarifs de l'électricité – il n'y a rien de plus important dans le quotidien des Français que les tarifs de l'électricité. C'est bien la marque de fabrique de la majorité que de partir du vécu des Français pour résoudre les problèmes et réaliser des progrès.

L'engagement pour le climat, je le partage de sa dimension la plus globale à sa dimension la plus locale, avec le développement des énergies renouvelables sur tout le territoire – une nouveauté par rapport à l'ancien système, qui était beaucoup plus centralisé.

Par-delà les dispositifs adoptés par le Parlement et le Gouvernement, par-delà l'action de l'État pour les mettre en oeuvre, par-delà celle des entreprises publiques et privées – il y a toujours eu, en France, dans le domaine de l'énergie, des entreprises publiques et des entreprises privées,…

M. Sébastien Jumel. Non, pas depuis toujours !

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. Si.

M. François de Rugy, ministre d'État. …des entreprises privées dont, non seulement, nous revendiquons l'existence mais dont nous voulons le développement :…

M. Sébastien Jumel. Je vois : vive le marché !

M. François de Rugy, ministre d'État. …nous les souhaitons même toujours plus nombreuses, afin qu'elles créent, dans les territoires, des activités fondées sur les nouvelles technologies –, par-delà, dis-je, tous ces acteurs, sans oublier les collectivités locales, qui agissent le plus souvent au plus près des Français, c'est la mobilisation même des citoyens qu'il faut promouvoir, parce que le climat est l'affaire de tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)


source http://www.assemblee-nationale.fr, le 9 juillet 2019