Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à France 2 le 7 février 2019, sur la vie politique et la présence des jeunes dans le grand débat national.

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Média : France 2

Texte intégral

CAROLINE ROUX
Bonjour Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

CAROLINE ROUX
Nous allons parler de la jeunesse, mais d'abord un mot sur l'affaire BENALLA. La chef du groupe de sécurité du Premier ministre est soupçonnée d'être à l'origine des enregistrements clandestins d'Alexandre BENALLA et Vincent CRASE révélés par MEDIAPART, après l'Elysée, c'est donc Matignon qui se retrouve aux premières loges dans cette affaire, ce n'est toujours pas une affaire d'Etat ?

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, moi j'ai lu comme vous que c'est une information qui avait été démentie par Matignon, parce que démenti par l'intéressé, à partir de là la justice fait son travail et c'est à elle de déterminer la vérité dans cette affaire.

CAROLINE ROUX
Vous avez du mal à vous en sortir de l'affaire BENALLA ?

GABRIEL ATTAL
Ce qui est certain, c'est que ce matin j'aurais préféré vous parler de la jeunesse et du grand débat et que ça revient assez régulièrement. Et c'est vrai qu'il y a une forme de feuilleton qui nous empêche de parler des sujets qui, je pense, intéressent les Français. Mais, moi je suis là pour répondre aux questions qui me sont posées et donc je réponds à ces questions même si c'est la justice qui doit répondre sur le fond à cette affaire.

CAROLINE ROUX
Mais Matignon n'a pas démenti avoir donné des informations au parquet ?

GABRIEL ATTAL
Matignon a déclaré avoir répondu à des questions de la presse qui lui étaient posées et à partir de là parce que la presse posait des questions et que Matignon faisait des réponses…

CAROLINE ROUX
Sur les conditions d'enregistrement.

GABRIEL ATTAL
Et que Matignon faisait des réponses à la presse, il semblait normal pour Matignon de donner les mêmes informations à la justice que celles qui avaient été données à la presse, c'est ce qui s'est passé.

CAROLINE ROUX
Qui ont déclenché une perquisition dans un journal.

GABRIEL ATTAL
Je ne sais pas si c'est ça qui a déclenché la perquisition dans un journal, en tout cas Matignon a donné des informations à la presse et dès lors qu'ils répondaient à des questions de la presse, c'est normal que le procureur de la République, la justice soient informés de ce qui est dit à la presse, ça me semble assez, ça me semble plutôt sain, c'est-à-dire que c'est de la transparence sur les informations qui sont données et sur les questions auxquelles on répond.

CAROLINE ROUX
Même si ça déclenche une perquisition encore une fois au siège d'un journal comme MEDIAPART. Le compagnon de la chef de sécurité du Premier ministre, on parle bien de la chef de sécurité du Premier ministre, qui est impliquée dans un sulfureux contrat russe avec BENALLA, vous ne trouvez pas que ça jette le discrédit sur des personnages qui sont censés assurer la sécurité de l'exécutif, du Premier ministre, du président de la République ?

GABRIEL ATTAL
Ce qui est certain c'est qu'il va falloir continuer à faire la lumière sur cette affaire, c'est une évidence, c'est ce que fait la justice, c'est ce que fait une commission d'enquête parlementaire au Sénat. Moi si j'avais d'autres choses à vous dire sur le fond, ça serait plutôt inquiétant. Moi, je n'ai pas d'autres choses à dire que ça, c'est-à-dire que moi je fais confiance à la justice et à la commission d'enquête pour travailler sur ces questions-là.

CAROLINE ROUX
Et vous faites confiance aussi au personnel qui entoure le président de la République et le Premier ministre ?

GABRIEL ATTAL
Oui je fais confiance.

CAROLINE ROUX
Juste, vous avez été membre de la commission des affaires culturelles à l'Assemblée, en charge pendant longtemps de toutes les questions liées à l'audiovisuel, vous veniez souvent sur ce plateau pour nous en parler, le président de la République a reçu quelques journalistes et il a fait part de sa volonté d'une forme de mise sous tutelle de la presse, afin d'assurer sa neutralité, ce sont les mots qu'il a utilisés et la vérification des informations, est-ce que c'est l'idée que vous vous faites de la presse ?

GABRIEL ATTAL
Alors moi je n'étais pas présent à cette rencontre, je n'ai pas entendu président de la République s'exprimer sur ce sujet. Si je comprends bien ce qui est relayé, c'est la volonté de donner plus de moyens à la presse de fact- checker, de vérifier les informations, a partir de là, ça me semble plutôt une bonne idée, après je n'ai pas les détails.

CAROLINE ROUX
Une agence d'Etat de vérification de l'information…

GABRIEL ATTAL
Je n'ai pas les détails de comment les choses pourraient se faire, en tout cas je pense que…

CAROLINE ROUX
En tout cas ce n'est pas l'idée que vous vous en faites.

GABRIEL ATTAL
Je pense que ça part du constat qu'il a besoin aujourd'hui de vérifications des informations qui circulent notamment sur les réseaux sociaux…

CAROLINE ROUX
C'est ce qu'on a vu à l'instant.

GABRIEL ATTAL
C'est ce qu'on a vu à l'instant, il y a un vrai enjeu, je crois que par ailleurs le 20h00 de France 2 s'est engagé aussi dans cette démarche-là avec une rubrique de fact- checking, donc aller dans cette direction ça me semble être une bonne idée.

CAROLINE ROUX
Il y a quelques semaines encore, vous étiez alors membre de la commission des affaires culturelles et vous étiez aussi porte-parole du groupe La République En Marche, député vous-même, Matthieu ORPHELIN, proche de Nicolas HULOT a décidé de quitter la majorité ; son constat est rude, il évoque aucune avancée obtenue depuis 20 mois sur les questions écologiques. Il parle d'un échec collectif. Vous le regrettez son départ ?

GABRIEL ATTAL
Vous venez de le dire Matthieu ORPHELIN, c'était le compagnon de route historique de Nicolas HULOT et son départ c'est un peu une réplique logique et même assez attendue au départ de Nicolas HULOT qui a eu lieu il y a quelques mois. On savait que ça allait arriver, c'est une question de calendrier, on en revient au mêmes débats qu'au moment du départ de Nicolas HULOT. Certains et moi je l'entends parfaitement et je connais très bien Matthieu ORPHELIN, c'est un ami, souhaiteraient qu'on aille encore plus vite, qu'on fasse beaucoup plus tout de suite et on fait ce qu'on peut, on avance aussi vite qu'on peut, on avance beaucoup. Encore une fois moi, je pense qu'il faudrait trouver un gouvernement qui a fait autant sur les questions d'écologie depuis 20 mois, il y en a assez peu, voire pas du tout, toutes les réformes qui ont été prises, il y en a d'autres qui vont être prises, un projet de loi sur l'économie circulaire qui va arriver. Moi je me réjouis qu'on continue à avancer comme ça, après je regrette aussi…

CAROLINE ROUX
Ce qui l'a fait partir, c'est un texte, la Loi, comme on l'appelle la Loi anti-casseurs, il y a 50 députés qui se sont abstenus. Vous, vous êtes à l'aise avec l'idée qu'on confie à une autorité administrative le droit de priver quelqu'un de manifester ?

GABRIEL ATTAL
Moi, d'abord je crois que le texte a beaucoup évolué entre le moment où il est arrivé à l'Assemblée et le moment où il a été adopté à l'Assemblée. Il y a un certain nombre d'amendements qui ont été adoptés, notamment pour remettre la juge, le contrôle du juge dans le cadre de l'autorisation administrative. Moi ce qui m'importe c'est qu'on puisse encore exercer son droit constitutionnel de manifester en France et ce que je constate, c'est qu'aujourd'hui il y a des gens qui ont peur d'aller en manifestation, parce qu'il y a des violences qui sont inédites, qui sont du jamais vu aujourd'hui, qui s'expriment dans la rue contre des manifestants notamment. Et donc il faut protéger le droit de manifester.

CAROLINE ROUX
50 députés qui se sont abstenus, une vingtaine d'entre eux des mêmes députés qui proposent le retour de l'ISF sous conditions, ça ressemble à un début de fronde ?

GABRIEL ATTAL
Ça fait 2 ans qu'on voit venir à certains moments…

CAROLINE ROUX
Là c'est différent.

GABRIEL ATTAL
… un début de fronde, moi je ne crois pas du tout, d'ailleurs je ne crois pas, je ne vois aucun député dans le groupe qui soit en désaccord avec la ligne politique et celle du gouvernement et de la majorité. Qu'il y ait des propositions, c'est normal, encore une fois on bascule toujours entre 2 extrêmes ou parfois on parle de godillots pour les députés de la majorité et parfois de frondeurs, je pense que la réalité se joue entre les deux.

CAROLINE ROUX
Tout va bien au sein du groupe La République En Marche ?

GABRIEL ATTAL
Je ne dis pas ça, je dis que ça se joue entre les deux. Il peut y avoir des débats sur certains sujets…

CAROLINE ROUX
Un peu d'état d'âme.

GABRIEL ATTAL
C'est normal.

CAROLINE ROUX
Allez, vous accompagnez le président de la République en Saône-et-Loire pour un débat à la rencontre de jeunes, pourquoi sont-ils absents du débat, les jeunes ?

GABRIEL ATTAL
Vous savez quand on a lancé le grand débat, moi je me suis tout de suite mobilisé et j'ai tout de suite lancé un appel à la jeunesse pour qu'elle participe au débat, parce qu'on sait que quand on est jeune, aller dans une réunion publique avec des personnes qui ont tout un vécu, des expériences, une vie un peu plus longue et donc beaucoup plus de choses sur quoi s'appuyer pour faire des propositions, ça peut être intimidant, inhibant. Donc pour un jeune ce n'est pas forcément facile. Donc il faut construire un cadre, c'est ce qu'on est en train de faire pour permettre aux jeunes de s'exprimer dans ce débat. Donc j'ai mobilisé les réseaux de MJC, les associations étudiantes, les associations lycéennes et c'est en train de partir sur le terrain. On voit de plus en plus de réunions qui ont lieu avec les jeunes sur le terrain. La réunion aujourd'hui, elle va être importante parce qu'elle va permettre à beaucoup de jeunes en voyant les images du président au milieu de la jeunesse, de se projeter, de se dire qu'ils ont aussi leur place.

CAROLINE ROUX
Vous savez, ce sont les mêmes qui ne votent pas.

GABRIEL ATTAL
Oui.

CAROLINE ROUX
Est-ce que vous pensez qu'ils attendent encore quelque chose de l'Etat ?

GABRIEL ATTAL
Oui je pense, je pense parce que moi je rencontre beaucoup de jeunes, je me déplace beaucoup dans les lycées, dans les collèges, ils attendent beaucoup de choses.

CAROLINE ROUX
Qu'est-ce qu'ils attendent de l'Etat ?

GABRIEL ATTAL
Quand on est jeune aujourd'hui, on grandit dans un environnement qui est extrêmement anxiogène, on entend toute la journée que la planète est en train de se dégrader, que l'environnement s'écroule, qu'on n'est pas sûr de trouver un boulot et que si on en trouve un, on n'est pas sûr de le garder très longtemps, qu'il y a des enjeux de sécurité, de risque terroriste. Ce qu'il faut c'est répondre aux angoisses des jeunes et c'est ce qu'on fait. C'est ce qu'on fait quand on met 15 milliards d'euros sur la table pour la formation professionnelle pour leur permettre de trouver un boulot. C'est-ce qu'on fait quand on crée 80.000 logements pour les jeunes parce que le logement c'est un enjeu majeur. C'est-ce qu'on fait en créant le service national universel qui va être un moment de mobilité de cohésion de la jeunesse formidable.

CAROLINE ROUX
Vous êtes optimiste, vous pensez que vous allez réussir à les faire revenir dans le débat ?

GABRIEL ATTAL
Moi, je pense qu'on fait tout pour la jeunesse et qu'on agit pour son émancipation, sa mobilité et ce que je constate c'est que sur le terrain la jeunesse est en train de s'emparer de ce débat, mais il faut qu'on continue, qu'on la mobilise, qu'on lui montre qu'elle a toute sa place.

CAROLINE ROUX
C'est ce que vous allez faire aujourd'hui.

GABRIEL ATTAL
Et c'est pour ça qu'on va avec le président aujourd'hui en Saône et Loire.

CAROLINE ROUX
Merci à vous, Gabriel ATTAL.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2019