Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La ministre du Travail, Muriel PENICAUD, est notre invitée ce matin. Bonjour Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Beaucoup d'actualité pour vous aujourd'hui. On va dire un mot justement, effectivement, de cette décision sur l'affaire TAPIE et sur le sort du PDG d'ORANGE, Stéphane RICHARD, s'il est condamné, est-ce qu'il doit effectivement remettre sa démission et ne plus être patron d'ORANGE ?
MURIEL PENICAUD
Alors, j'ai été, moi, au Conseil d'administration d'ORANGE, donc je connais assez bien cette entreprise. Avant même de parler de l'aspect judiciaire, je voudrais dire que Stéphane RICHARD, sur le plan social, sur le plan de l'innovation, fait un très bon travail de dirigeant. Ensuite, c'est la justice qui va se prononcer, évidemment quand il y a une condamnation, il y a des conséquences. Mais je voudrais dire aussi que, voilà, il y a…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous lui rendez hommage, mais on ne sait pas s'il sera encore en poste…
MURIEL PENICAUD
Ecoutez, on tiendra compte de la décision de justice.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre décision de justice, décidément, beaucoup de judiciarisation de la vie politique, c'est celle concernant les Ordonnances Penicaud, les ordonnances qui ont modifié considérablement la manière dont on peut se séparer d'un salarié, en tout cas, de la manière dont on connaît le coût par avance de ce que coûte le licenciement d'un salarié, sans faute réelle et sérieuse pour le licencier, ça s'appelle le barème. Il faut expliquer que désormais toute entreprise, notamment les petites entreprises, c'est important pour elles, savent combien ça coûte de se séparer d'un salarié, au maximum, et donc ça a libéré, j'ai envie de dire, ça a libéré la décision d'embauche, c'est ce que vous disent d'ailleurs les petits patrons, je crois, or là, peut-être que la Cour de cassation va casser votre barème.
MURIEL PENICAUD
Alors oui, le fait… Dans les ordonnances il y a beaucoup de choses, un des aspects c'était ces barèmes aux prud'hommes qui permettent aux entreprises, notamment les petites, d'avoir une visibilité, et c'est vrai que ça a beaucoup libéré la confiance dans le fait d'embaucher. Ceci dit, le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel se sont déjà prononcés sur ce sujet qui est : est-ce que ces barèmes prud'homaux sont compatibles avec les règlements de l'Organisation internationale du travail ? C'est le tour de la Cour de cassation de se prononcer, ça sera le 17 juillet, donc nous attendons la réponse de la Cour de cassation.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que s'ils suppriment ce barème, ce plafond si je puis dire, d'indemnisation, est-ce que ça met par terre, j'ai envie de dire, est-ce que ça ruine votre travail que vous avez fait l'an dernier, enfin il y a un an et demi sur les ordonnances ?
MURIEL PENICAUD
Ecoutez, moi pour l'instant je m'en tiens à ce qui est avéré : position du Conseil d'Etat, position du Conseil constitutionnel, nous verrons le 17 juillet.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui mais la Cour de cassation dira peut-être autre chose.
MURIEL PENICAUD
Eh bien nous verrons. Et quand vous vous déplacez, dans toute la France les patrons vous disent : « Merci, parce que grâce à vous on sait combien coûte un éventuel licenciement et donc on n'a plus peur d'embaucher au fond ».
MURIEL PENICAUD
Disons qu'en économie, la psychologie ça compte.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr.
MURIEL PENICAUD
Le fait avoir confiance, parce qu'il y a des règles claires, ça contribue et c'est pour ça qu'on a fait ces barèmes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais il n'y en aura peut-être plus demain. Le 17 juillet, on vous réinvitera. Alors il y a une autre mesure, enfin une autre grande réforme que vous portez, c'est celle de la réforme de la l'indemnisation du chômage, or il y a, cette semaine j'ai vu l'INSEE (sic) qui révèle que 1,2 million de Français potentiellement peuvent être impactés par votre réforme, peuvent avoir des indemnités chômage plus faibles, 1,2 million de personnes, ce n'est pas ce que vous nous aviez dit. Vous nous aviez dit de 250 000 personnes.
MURIEL PENICAUD
Alors, ce n'est pas l'INSEE c'est l'UNEDIC…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, l'UNEDIC, pardon.
MURIEL PENICAUD
Mais l'UNEDIC, qu'est ce que dit l'UNEDIC ? L'UNEDIC ne projette pas les effets de la réforme, l'UNEDIC parle d'aujourd'hui, mais il ne tient pas compte des changements de comportement qui sont induits par la réforme. Pourquoi on fait cette réforme ? En mettant le paquet sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi, sur la formation, avec des règles d'indemnisation plus justes, plus équitables…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous changez le calcul, il faut maintenant 6 mois au lieu de 4 mois, sur une période courte, 24 mois…
MURIEL PENICAUD
De 2 ans.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais du coup, il y a…
MURIEL PENICAUD
Mais pourquoi on change ça ? C'est pour qu'au moment où on crée beaucoup d'emplois, on n'adapte les règles à une dynamique d'emploi qui est très forte. Vous savez qu'on a créé 470 000 emplois en France, nets, depuis 2 ans, 93 000 au premier trimestre, et une entreprise sur deux cherche et ne trouve pas des ressources. Donc il faut que nos règles d'assurance chômage s'adaptent à ce contexte. En même temps les entreprises embauchent de façon beaucoup plus courte…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut inciter les chômeurs à accepter des offres d'emploi.
MURIEL PENICAUD
Oui, enfin il faut aussi que les entreprises fassent leur boulot et d'où le bonus-malus, il faut aussi qu'elles soient responsables et qu'elles arrêtent d'embaucher 9 fois sur 10 aux contrats très courts, ce n'est pas un bon marché du travail si on embauche les personnes qu'en contrats très courts. Comment on peut vivre si on n'a pas de manière de se projeter au-delà de la semaine, comment on peut avoir un loyer, comment peut avoir une vie de famille, une vie personnelle, alors qu'on ne vous propose que des contrats courts ? Donc c'est une réforme qui prend tous les aspects en question. Nous, lorsqu'on a fait les estimations, avec les comportements induits, nous on pense qu'au maximum il y aura 600, 700 000 personnes concernées, mais on va créer, on va permettre à 150 à 250 000 personnes de retrouver un travail. Le but de cette réforme c'est de permettre à plus de nos concitoyens de retrouver un travail, et un travail qui soit stable, qui soit durable, qui ne soit pas un job Kleenex.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors c'est un pari, mais en même temps, ce que nous dit l'UNEDIC c'est que toute chose étant égale par ailleurs, la réalité de cette réforme c'est de baisser l'indemnisation du chômage pour 1,2 million de personnes potentiellement.
MURIEL PENICAUD
Non. Non non, l'UNEDIC ne dit pas ça, UNEDIC : sans prendre en compte les effets de la réforme.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais c'est ça.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais si on fait une réforme et qu'elle n'a pas d'effets, ça n'a pas de sens, on fait évidemment une réforme pour qu'elle ait des effets pour l'emploi et contre la précarité.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le pari c'est qu'il y ait moins de chômeurs, parce que les entreprises auront fait plus d'efforts et que les chômeurs aussi auront fait plus d'efforts et que donc, il y ait moins de chômeurs indemnisés.
MURIEL PENICAUD
Ce n'est pas simplement plus d'efforts, c'est les règles logiques.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est comme ça que vous allez continuer la réforme.
MURIEL PENICAUD
Vous savez qu'une personne sur cinq qui est au chômage, touche plus aujourd'hui en entrant au chômage que quand elle travaillait. Ça c'est le bon sens, c'est absurde, c'est d'ailleurs décourageant pour les autres personnes qui travaillent, et en plus le demandeur d'emploi… Le demandeur d'emploi, ce n'est pas lui qui fait les règles, c'est pas les demandeurs d'emploi qu'il faut incriminer, c'est les règles, et donc on fait notre travail de responsabilité qui est de faire des règles qui soient plus justes et qui incitent les employeurs à faire de l'emploi moins précaires et tout le monde à aller vers le travail.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On dressera le bilan dans quelques mois pour savoir effectivement si ça a permis de baisser le chômage et si, ou au contraire si ça a pénalisé les chômeurs en baissant leurs indemnités.
MURIEL PENICAUD
Vous savez pourquoi je suis confiante ? Parce qu'on ne fait pas que de l'indemnisation, on fait la responsabilisation des employeurs, et puis surtout on met des moyens inédits, il y a 4 000 personnes de Pôle emploi, dont 1 000 de plus, mais 4 000 qui vont être face aux demandeurs d'emploi en plus qu'aujourd'hui, qui vont les aider dès le premier mois, avec deux demi-journées où ils vont les accompagner. On met des moyens de formation énormes, des moyens d'accompagnement énormes, et je pense que, vous savez, les demandeurs d'emploi, ce qu'ils veulent c'est un travail, et nous le but c'est qu'ils trouvent un travail. Toute la réforme est basée là-dessus, donc je suis confiante qu'on va progresser.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, un autre combat c'est évidemment l'égalité des salaires femmes/hommes. Déjà les grosses entreprises de plus de 1 000 salariés devaient publier leur index de l'égalité salariale, vous allez baisser ce seuil aux entreprises de plus de 250 salariés. C'est pour quand ça ?
MURIEL PENICAUD
Alors, les entreprises, la Loi avenir professionnel a prévu que les entreprises de plus de 250 salariés, ce sera pour le 1er septembre, il y a beaucoup de médias d'ailleurs…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
1er septembre.
MURIEL PENICAUD
On va regarder de près, et parce qu'il y a encore un peu de travail à faire aussi dans les médias, et il y a des…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On est à plus de 1 000 salariés, donc on a déjà cette indication.
MURIEL PENICAUD
Oui, vous c'est déjà, je les connais tous. Et au 1er mars de l'année prochaine ce sera les entreprises de plus de 50 salariés. Et je voudrais dire qu'on peut être fier et je vais vous raconter une anecdote. Samedi jetés à Bâle, voilà, à Bâle en Suisse, et il y a un rendez-vous qui s'appelle le « Global summit of women », c'est les 1 000 femmes entrepreneuses et dirigeantes dans le monde. J'ai présenté la réforme de la Loi Avenir professionnel, notre index de l'égalité, standing ovation, ça venait de 70 pays…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Standing ovation, ça veut dire qu'on vous a applaudie, en se mettant debout.
MURIEL PENICAUD
Ça veut dire… oui, ce n'est pas moi qu'on applaudit, c'est la France et la France a été applaudie, la délégation des 70 femmes était super fière. Pourquoi ? Parce qu'on a la loi la plus avancée dans le monde, on va y arriver, aujourd'hui on a…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas vous qui avez fabriqué le t-shirt, on l'a fabriqué pour vous.
MURIEL PENICAUD
Non, en France, made in France, par une société française qui fait du beau travail textile.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'accord et alors ce qui est important, c'est que désormais aussi vous allez, comme dans d'autres secteurs, faire pratiquer ce qu'on appelle le name & shame, ça veut dire nommer les entreprises qui ne respectent pas finalement le rattrapage progressif des salaires des femmes.
MURIEL PENICAUD
Oui, et aussi nommer celles qui sont les meilleures. Aujourd'hui, sur les entreprises de plus de 1 000 salariés, donc, qui ont déclaré au 1er mars, il y en a 16 % qui sont en alerte rouge, c'est-à-dire vraiment très mauvaises sur l'égalité des salaires, c'est-à-dire qui ne respectent pas à travail égal salaire…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'on put les connaître celles-là, les 16 % On va sur le site du ministère du Travail ?
MURIEL PENICAUD
Oui.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et on connaît, on identifie les entreprises…
MURIEL PENICAUD
Et toutes les entreprises doivent publier leur index. Et ça c'est très intéressant, parce que quand on publie l'index, vous avez trois effets : un, vous voulez attirer des gens pour venir dans votre entreprise. Les jeunes et les moins jeunes, femmes et hommes, maintenant ils vont regarder l'index en disant : mais je ne vais pas entrer dans cette entreprise du XIXème siècle…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc les femmes qui nous regardent ce matin, peuvent aller sur le site du ministère pour voir…
MURIEL PENICAUD
Les hommes aussi, n'allez pas dans les entreprises ringardes qui ne respectent pas l'égalité hommes/femmes. Donc…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah, vous avez raison.
MURIEL PENICAUD
Donc je pense que l'effet réputationnel est important, et moi je vois beaucoup de dirigeants d'entreprise, et maintenant ils disent : eh ben nous, tant qu'à faire, puisqu'on est obligé, on veut être les meilleurs, parce que ça va être un argument pour attirer chez nous. Et puis inversement, la queue du peloton eh bien il y aura des sanctions très fortes. Il y a le name & shame, mais il y a aussi des sanctions financières très fortes. Mais je pense que la grande partie des entreprises vont progresser par le fait de cet index, et je pense qu'on peut être fier d'être Français et Françaises sur ce sujet.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, la méthode Pénicaud de dénoncer aussi ceux qui ne respectent pas les règles, va valoir aussi bientôt pour le travail illégal, vous allez aussi publier bientôt le nom des entreprises ou des secteurs, enfin surtout des entreprises qui utilisent trop de travailleurs de manière illégale, aussi de travailleurs détachés sans les déclarer j'imagine. C'est pour quand ça ?
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord je voudrais dire que ma méthode ce n'est pas le name & shame, ça c'est un but…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous aimez bien le name & shame, quand même, on en a souvent parlé ensemble.
MURIEL PENICAUD
Moi je crois aux approches où on met tous les moyens pour réussir un objectif important. L'égalité hommes/femmes c'est une obligation, une transparence, une responsabilisation, du dialogue social, du name & shame et des sanctions, c'est un ensemble. Pareil…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pour le travail illégal.
MURIEL PENICAUD
Pour le travail illégal, donc je présidais ou nom du Premier ministre le Comité, la Commission nationale de lutte contre le travail illégal.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, c'était hier.
MURIEL PENICAUD
C'était hier, tout le monde s'y retrouve, donc il y a l'Inspection du travail, il y a l'URSSAF, les services fiscaux, il y a Tracfin, il y a la MSA, il y a la police, il y a la gendarmerie, il y a la justice, il y a les transports, enfin tout le monde est là. C'est très interministériel.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que ces acteurs-là, peuvent dénoncer, trouver, identifier les travailleurs illégaux.
MURIEL PENICAUD
Et travaillent, vraiment il y a un travail commun, aujourd'hui 30 % des contrôles pour lutter contre le travail illégal se font déjà ensemble. On a décidé dans le nouveau plan pour les 3 ans qui viennent, de passer à 50 %. Pourquoi ? Parce qu'il y a le travail dissimulé, mais il y a aussi de véritables filières organisées, il y a même des filières de traite des personnes humaines, et il faut pour ça, il faut y aller ensemble, parce que peut-être que c'est les services fiscaux ou des douanes qui vont trouver la piste, où l'URSSAF ou l'Inspection du travail, mais très souvent les fraudeurs ils sont organisés sur tous les plans, eh bien nous on veut être encre plus organisés qu'eux, on va d'ailleurs depuis la Loi antifraude et la Loi avenir professionnel, pouvoir partager les données, donc là on est en train de connecter toutes nos données, on va faire du travail ciblé, et je pense qu'on va faire de grands progrès dans ce domaine-là et beaucoup plus de contrôles.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous allez aussi publier le nom des entreprises…
MURIEL PENICAUD
Alors, dans la Loi avenir professionnel on a prévu que les entreprises qui seraient condamnées, avec des circonstances aggravantes parce qu'elles utilisent du travail illégal ou de la fraude au travail détaché, seraient publiées, et donc ça compte beaucoup puisqu'on responsabilise aussi les donneurs d'ordres. Vous savez, c'est souvent le sous-traitant du sous-traitant, le travail illégal.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr.
MURIEL PENICAUD
Et l'effet c'est que c'est des conditions sociales désastreuses pour les salariés, mais ça nuit aussi à la concurrence. L'artisan, le commerçant, l'agriculteur, la petite entreprise, comment elle peut lutter ? Donc on le fait pour des raisons sociales, pour des raisons économiques, et puis tout ça c'est des contributions sociales et fiscales qui ne rentrent pas dans la solidarité et qui doivent y rentrer. On est très résolu et j'ai été très encouragée hier parce que j'ai vu vraiment tous les services, tous les organismes de contrôle, tout le monde augmente ses contrôles, moi j'ai doublé le nombre de contrôles de l'Inspection du travail, tout le monde est très motivé, et je pense qu'on va avoir des grands résultats.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, avec ces contrôles, vous les avez doublés effectivement, il y a le travail illégal, mais il y a aussi le travail de travailleur détaché qui n'est pas forcément illégal, je le rappelle, en revanche il est en hausse de plus 14 % l'an dernier. Comment ça se fait ?
MURIEL PENICAUD
Alors, effectivement, dans la lutte contre le travail illégal, on lutte aussi contre l'abus du travail détaché. Quand il est fait dans les règles…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
+ 14 % l'an dernier.
MURIEL PENICAUD
Alors, + 14 % c'est-à-dire l'année dernière c'était…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous parliez des artisans, ils sont très concernés par ça.
MURIEL PENICAUD
C'est 518 000 personnes qui sont venues, en moyenne quelques semaines, enfin pas personnes, la moitié de personnes, mais 518 000 contrats, c'est beaucoup, et pourquoi ça a augmenté ? Pour deux raisons. La première c'est que maintenant il y a une obligation de déclaration aux plateformes et des sanctions lourdes si vous ne déclarez pas. Donc ça on l'a fait avec la directive détachée, et la transposition qu'on a fait dans le droit français il y a quelques mois, et du coup ça révèle plein de choses qui étaient cachées, qu'on ne voyait pas, tout le monde en voyait autour de soi…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas que le travail détaché était en hausse, c'est qu'on le contrôle mieux.
MURIEL PENICAUD
Il y a une partie, c'est parce qu'on le voit mieux, et une partie parce qu'on est en pleine embauche, je le disais, dans le pays, une entreprise sur deux cherche du monde. Si elle ne trouve pas, eh bien la solution légale, si elle n'a pas trouvé, c'est de prendre un travailleur détaché. Et donc ça, ça reboucle avec ce que je disais sur l'assurance chômage, sur la formation, sur l'apprentissage, plus on investit pour permettre aux jeunes d'avoir un apprentissage, aux demandeurs d'emploi d'avoir une formation et de trouver un emploi, eh bien moins on a besoin de travail détaché donc tout ça va ensemble, pour plus d'emplois en France et si possible qu'on ait moins recours au travail détaché et en tout cas qu'il soit parfaitement légal quand on le fait, c'est-à-dire à travail égal salaire égal.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous parliez des jeunes, il y a un chiffre incroyable : 2,5 fois plus d'accidents et de morts chez les jeunes au travail que chez les plus anciens. Pour quelles raisons ? Il y a une campagne qui vient d'être lancée par l'INRS je crois…
MURIEL PENICAUD
Oui.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
… qui est un des services du ministère, qui s'appelle : « Mortel ton taf », pour sensibiliser les jeunes travailleurs aux dangers du travail, notamment utiliser son téléphone portable, c'est comme sur la route, dans des cas où ce n'est pas du tout recommandé, il y a du stand up, c'est fait pour les jeunes, avec notamment Inès REG, qui fait partie la troupe de la… du Jamel Comedy Club. C'est vrai qu'il y a plus de jeunes… d'accidents de travail pour les jeunes ?
MURIEL PENICAUD
Alors, d'abord, il y a beaucoup trop encore d'accidents au travail en France, c'est 488.000 accidents du travail l'année dernière…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
488.000 accidents du travail sur une année !
MURIEL PENICAUD
Sur une année…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et vous me racontiez en coulisse, que tous les jours, on vous rapporte les cas d'accidents du travail, et que c'est terrible…
MURIEL PENICAUD
Non, j'ai demandé qu'on me rapporte personnellement tous les cas d'accidents mortels, mais aujourd'hui, on a trop d'accidents au travail, on veut travailler là-dessus avec que les partenaires sociaux. Et il y en a beaucoup chez les jeunes, il faut savoir qu'une grande partie des accidents du travail, il y en a beaucoup aussi sur le trajet, et là, c'est le téléphone portable souvent, le trajet domicile-travail, mais il y a aussi trop d'accidents du travail, alors il y a des professions qui font un travail de fond là-dessus, je pense au BTP, au bâtiment, qui fait vraiment un travail de fond là-dessus, on a encore du travail à faire avec toutes les professions pour aller beaucoup plus loin sur ce sujet. Et c'est une des prochaines réformes sur la prévention et de la santé au travail.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, une autre réforme, ce n'est pas la vôtre cette fois-ci, pour une fois, c'est celle de votre collègue Agnès BUZYN, la réforme des retraites. La semaine prochaine, le 18 juillet, le lendemain de la décision de la cour de cassation, Jean-Paul DELEVOYE présentera ses recommandations pour la réforme des retraites, et la réforme des retraites, c'est pour quand, est-ce qu'elle aura vraiment lieu, parce qu'on dit qu'il y aura des mesures, j'ai envie de dire, techniques et financières à la rentrée dans le PLFSS, et que la réforme des retraites sera pour plus tard ?
MURIEL PENICAUD
Elle aura lieu. La réforme des retraites, elle était un engagement de campagne du président de la République, elle est importante, pourquoi, parce que vous le savez, il y a 42 régimes, c'est assez injuste des régimes à l'autre, et puis, même, c'est injuste dans la vie, si on a travaillé par exemple pour les femmes à temps partiel une partie, et puis, après, à temps plein, ou l'inverse, on n'a pas du tout la même retraite selon qu'on est dans un régime ou un autre, pour le même euro cotisé, on n'a pas du tout la même retraite, c'est ce à quoi s'attaque Jean-Paul DELEVOYE avec les partenaires sociaux, et ça fait 18 mois qu'ils discutent pour bien comprendre tout le système, puisque ce n'est pas une petite réforme, c'est une très grande réforme pour pouvoir avoir un système juste…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc elle aura bien lieu cette réforme…
MURIEL PENICAUD
Elle aura lieu, mais c'est normal qu'on prenne le temps et du diagnostic et de la concertation et des différentes pistes, ce n'est pas une réforme qu'on peut faire rapidement, c'est une réforme de fond qui sera faite…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous reculez parce que vous avez peur de la mobilisation sociale ?
MURIEL PENICAUD
Non, on ne recule pas, mais…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Laurent BERGER, de la CFDT, disait hier que ça serait très facile de mobiliser contre la réforme des retraites.
MURIEL PENICAUD
Alors, moi, je dirais, je comprends ce qu'il veut dire, et je dirais, c'est pour la même raison que c'est important de la faire et de la réussir parce qu'elle concerne tout le monde. Et je pense que c'est un sujet qui intéresse tout le monde d'avoir un système demain qui soit plus juste, plus équitable, robuste. Moi, vous savez, l'autre jour, j'étais dans un CFA à Charleville-Mézières, il y a quelque chose qui m'a…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Centre de formation des apprentis…
MURIEL PENICAUD
Centre de formation des apprentis, pardon, c'est le 52ème que je visite, j'étais avec Jean-Michel BLANQUER, ça m'a fendu le coeur, une gamine qui… donc on donnait la parole, il y avait 500 jeunes, la première qui m'adresse la parole, elle avait 18 ans, elle me dit : est-ce qu'il faudra que je travaille jusqu'à ma mort ou est-ce qu'il y aura encore un système de retraite, quand je serais… plus tard…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai que tous les jeunes se posent la question…
MURIEL PENICAUD
Eh bien, on doit aussi parmi tout ce qu'on doit léguer à la génération suivante, le climat, etc., il faut vraiment mettre l'accélération, il faut aussi qu'on ait un système de retraite robuste, qui marche, pas pour nous, nous, il va marcher, de toute façon, là, on est dans un horizon de temps qui est court, mais qui marche aussi pour les générations suivantes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on va faire de la politique politicienne, pour terminer, avec la bataille de Paris, La République En Marche va aujourd'hui auditionner les candidats, alors, il y en a moins qu'il y a quelques jours, mais il y en a encore au moins deux très importants, enfin, en tout cas, l'un des deux sans doute va gagner Cédric VILLANI et Benjamin GRIVEAUX, vous avez une préférence pour être candidat à la mairie de Paris ?
MURIEL PENICAUD
Moi, j'ai une préférence, qu'on gagne, parce que je pense qu'il y a tellement à faire à Paris, il n'y a qu'à demander aux Parisiens, que ce soit propreté, circulation, travaux, qualité de vie…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je crois que vous alliez me dire, j'ai une préférence, c'est Edouard PHILIPPE, non ?
MURIEL PENICAUD
Et donc, moi, je fais confiance à la Commission nationale d'investiture, et je soutiendrai celui qui sera retenu, et on l'aidera à faire campagne.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et Edouard PHILIPPE ?
MURIEL PENICAUD
Il n'en a jamais parlé, donc, bon…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a une rumeur, vous savez ?
MURIEL PENICAUD
Les rumeurs, il y en a…
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Que pour gagner Paris, comme vous le disiez, qui est une bataille importante pour Emmanuel MACRON, il pourrait envoyer son Premier ministre…
MURIEL PENICAUD
La politique, c'est le monde express des rumeurs.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Muriel PENICAUD d'avoir été notre invitée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juillet 2019