Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à RTL le 7 février 2019, sur la politique de l'environnement et le Grand débat national.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez donc ce matin, Emmanuelle WARGON, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, et co-animatrice du grand débat national.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et merci beaucoup d'être ce matin dans ce studio de RTL. Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.

ELIZABETH MARTICHOUX
Après Nicolas HULOT, Matthieu ORPHELIN, qui est un proche de l'ancien ministre, une incarnation de l'écologie dans la majorité, claque la porte ; cette majorité justement, elle est fâchée à ce point avec la défense de l'environnement ?

EMMANUELLE WARGON
Moi, bien sûr, je regrette le départ de Matthieu ORPHELIN, c'est un député engagé, passionné par les sujets écologiques, et je pense qu'il a tort de voir le verre à moitié vide, parce que l'écologie, on se bat tous les jours pour, la semaine dernière, on est allé à Fessenheim signer le projet de territoire qui rend concrète la fermeture de la centrale nucléaire, les deux tranches nucléaires, on ferme en 2020, c'est la première fermeture française ; on est engagé sur les territoires pour la transition agricole, pour la transition énergétique, pour le transport plus durable, pour la rénovation du bâtiment, on peut toujours faire plus vite plus fort, mais je crois que le combat, c'est maintenant, et d'ailleurs, la transition écologique est aussi au grand débat.

ELIZABETH MARTICHOUX
Alors c'est vrai que lui souligne, dans la lettre qu'il a adressée au groupe La République En Marche, que ce combat, finalement, il a l'impression de le perdre jour après jour, il dit par exemple que vous êtes prisonnier des logiques budgétaires et d'arbitrages politiques de court terme. Est-ce qu'il a tort, quand on apprend par exemple hier que Bercy a tenté de réhabiliter le diesel des voitures neuves en les réintégrant dans la catégorie des vignettes Crit'Air 1, est-ce qu'il a tort ?

EMMANUELLE WARGON
La question du diesel et des vignettes, c'est une question scientifique. Donc ce n'est pas une décision industrielle, c'est une décision pour savoir ce qui est bon pour la santé des gens, ce qui est bon pour la transition écologique. Chaque ministère est dans son rôle en poursuivant sa propre vision, mais je voudrais vous rassurer, et d'ailleurs, je crois que ça a été dit dans votre reportage, le ministère de l'Ecologie est contre, ça n'aura pas lieu.

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous admettez, vous, ou pas, puisque c'est un peu la question de fond aussi qui est en débat entre les ministères, que… vous, vous dites : le diesel, voilà l'ennemi, et on doit s'en séparer absolument, qu'elles qu'en soient les conséquences économiques, notamment en termes d'emplois, c'est une filière qui emploie 40.000 personnes, ou est-ce que vous dites : eh bien, non, il y a des diesels dernière génération, qui, finalement, polluent moins que certaines voitures essence ?

EMMANUELLE WARGON
Ce que je dis, c'est que la transition écologique, elle doit primer, parce que l'urgence qui est devant nous, c'est l'urgence du changement climatique, et l'urgence de l'épuisement des ressources naturelles. Mais cette transition, elle doit entraîner une transition dans tous nos secteurs de production, transition industrielle, ça veut dire que quand on ferme un site de production, je vais reprendre l'exemple des centrales à charbon, on dit aux personnes qui travaillent dans ces centrales : oui, cet outil industriel, il pose trop de problèmes écologiques, on va l'arrêter et on va reconvertir, la question du diesel, soit, on arrivera à trouver vraiment du diesel propre, et c'est une analyse scientifique…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites : ça n'est pas le cas ? Vous dites ça n'est pas le cas ?

EMMANUELLE WARGON
Soit, on n'y est pas, si on n'y est pas, eh bien, dans ce cas-là, la décision, ça doit être une décision qui respecte l'urgence écologique et la santé.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous engagez le gouvernement ce matin, il n'est pas question de réhabiliter le diesel neuf ?

EMMANUELLE WARGON
Le jour où ce sera démontré que ces véhicules sont des véhicules qui ont toutes les garanties en matière de lutte contre la pollution, à la fois gaz à effet de serre et aussi autres polluants, type particules fines, la décision s'imposera scientifiquement.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et pour l'instant, ça n'est pas le cas, c'est ce que vous dites... ;

EMMANUELLE WARGON
A ma connaissance, ça n'est pas le cas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites aux constructeurs et aux lobbies du diesel : apportez-nous la preuve que, vraiment, vous ne polluez pas, ça n'est pas le cas, vous ferez rempart de votre corps, Emmanuelle WARGON, si Bercy devait revenir à la charge ; Bercy reviendra à la charge, vous le savez ?

EMMANUELLE WARGON
Ça sera une décision scientifique, quand on sera clair sur avantages/inconvénients, on décidera, pour moi, le moteur de la décision, c'est l'impact sur la planète.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous rencontrez des gilets jaunes régulièrement, je crois, en déplacement, en marge des déplacements présidentiels, d'ailleurs encore aujourd'hui, vous allez les rencontrer à Autun, en Saône-et-Loire.

EMMANUELLE WARGON
Oui, je serai avec le président pour ce grand débat avec les jeunes, et à chaque fois qu'il le souhaite, je rencontre de délégations de gilets jaunes, je l'ai fait à beaucoup de reprises maintenant.

ELIZABETH MARTICHOUX
Jamais avec le président ?

EMMANUELLE WARGON
Le président a vu des personnes qui portent des gilets jaunes, la dernière fois, c'était à Bourg-de-Péage, dans la Drôme, il était dans un grand débat citoyen, et je ne sais pas si vous vous souvenez des images, mais il a fini dans une grande discussion avec un monsieur qui portait un gilet jaune qui l'a interpellé, assez positivement d'ailleurs…

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais aujourd'hui, il ne sera pas avec vous quand vous les rencontrerez, vous, par parenthèses, même si ce n'est pas secondaire, ça ne risque pas de lasser ces marathons présidentiels ?

EMMANUELLE WARGON
Le grand débat, c'est 4.000 réunions programmées, dont environ 1.300 qui ont déjà eu lieu, et 2.700 qui n'ont pas encore eu lieu…

ELIZABETH MARTICHOUX
Je vous parle des marathons présidentiels…

EMMANUELLE WARGON
Mais ce que je veux vous dire, c'est que, à l'intérieur de ces 4.000 réunions, il y a eu, pour l'instant, cinq ou six réunions dans lesquelles le président s'est engagé, quelques autres dans lesquelles les membres du gouvernement se sont engagés, mais la grande masse des réunions, la grande masse du grand débat, elle se fait sans les membres de l'exécutif, elle se fait entre les citoyens qui débattent avec des maires ou des associations.

ELIZABETH MARTICHOUX
4.000 réunions en tout, un peu plus d'un millier déjà, donc encore plus de 2.000 à faire, vous n'avez pas répondu à ma question, est-ce que ça ne risque pas de lasser, ces marathons présidentiels, on entend même, au sein de la majorité, des voix s'élever pour dire : bon, il faudrait peut-être qu'il s'efface un peu, il prend toute la lumière, et puis, finalement, l'effet produit au début qui était positif, on le voit d'ailleurs dans les sondages, peut finalement s'estomper et se retourner contre lui.

EMMANUELLE WARGON
Je crois qu'il y a aussi une demande de rencontres, de discussions sur le même plan entre le président, des élus de terrain, des associations, des citoyens, là, c'est une rencontre avec des jeunes aujourd'hui, des apprentis, des lycéens, les jeunes sont encore relativement peu mobilisés dans le grand débat, si ça permet de les mettre en valeur, si ça permet de donner envie, je trouve que c'est bien. Donc à ce stade, je ne crois pas.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous nous confirmez qu'il a renoncé à envoyer sa lettre aux Français, la fameuse lettre qu'il avait fait paraître sur les réseaux sociaux, et dans laquelle, il justifie les grands débats, il pose les questions, elle n'arrivera pas dans les boîtes ?

EMMANUELLE WARGON
Je confirme qu'à ma connaissance, cette lettre ne sera pas postée physiquement, elle a été diffusée par plein de médias, elle est disponible…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi ? C'est trop cher, trop compliqué ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, on s'est posé deux questions, la question du prix et aussi la question des délais, parce que ce grand débat est une opération qui aura une nouvelle phase à partir de mi-mars, et donc si cette lettre arrive après…

ELIZABETH MARTICHOUX
Le risque était qu'elle arrive après. Aussi encore une petite question, il avait annoncé des conférences dans chaque région avec des citoyens tirés au sort, tirés au sort comment, sur la base des listes électorales ou sur la base de numéros choisis de façon aléatoire ?

EMMANUELLE WARGON
Toute la méthodologie du grand débat, elle est sous le contrôle et en discussion avec les cinq garants qui ont été nommés par le président de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique et social, et le gouvernement, et nous avons eu cette discussion avec les garants, pour savoir comment tirer au sort des citoyens, donc, d'abord, je voudrais vous dire : ces conférences citoyennes, elles auront bien lieu…

ELIZABETH MARTICHOUX
Dans chaque région…

EMMANUELLE WARGON
Elles auront lieu dans chaque région, en métropole et en outre-mer, et on en fera une transversale uniquement avec des jeunes, pour être sûr que la parole des jeunes est entendue…

ELIZABETH MARTICHOUX
Une transversale, donc…

EMMANUELLE WARGON
Elle aura lieu quelque part, mais multi-régions, dans laquelle on ne tirera au sort que des jeunes, probablement entre 16 et 25 ans, on est en train de travailler sur la méthodologie, elles auront lieu dans la deuxième quinzaine de mars, probablement les week-ends, et quant à la méthodologie de tirage au sort, on a regardé avec les garants avantages et inconvénients de plusieurs méthodes, et les garants nous suggèrent de ne pas prendre les listes électorales, mais de prendre les numéros de téléphone, et nous allons respecter leurs propositions.

ELIZABETH MARTICHOUX
Allô, allô, c‘est le grand débat, on peut tous recevoir éventuellement un coup de fil…

EMMANUELLE WARGON
Exactement !

ELIZABETH MARTICHOUX
Allô, c'est le grand débat, qu'est-ce qui se passera ?

EMMANUELLE WARGON
Est-ce que vous accepteriez de participer à une conférence régionale du vendredi fin de journée au samedi fin de journée, pour réfléchir aux propositions et permettre d'avancer.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc voilà les précisions sur ce tirage au sort, c'est intéressant. Emmanuelle WARGON, une des questions en suspens, et qui est fondamentale pour que les Français ne se sentent pas floués après ce grand débat inédit en France, c'est : comment vous allez traiter cette masse de contribution, de propositions, d'avis, de doléances, vous pouvez nous en dire plus ?

EMMANUELLE WARGON
Oui, on avance…

ELIZABETH MARTICHOUX
La question d'indépendance et de transparence…

EMMANUELLE WARGON
On avance sur ce sujet, et on a posé deux principes très forts, le premier, c'est l'exhaustivité, et le deuxième, c'est la transparence, exhaustivité, ça veut dire que toute contribution sera lue et traitée, alors, ce qui arrive sur le site, par définition, c'est déjà numérisé et disponible pour traitement, mais on a aussi la question des courriers, on reçoit une centaine de courriers par jour, et des cahiers citoyens, on a près de 10.000 cahiers en mairie, et c'est important de les traiter. Donc on travaille à la numérisation, par exemple, on est en train de discuter avec la BNF, la Bibliothèque Nationale de France, pour nous aider à savoir comment numériser, traiter tout ça, et d'ailleurs, comment archiver, parce que ça sera très important d'archiver toute cette matière. Le deuxième principe, c'est la transparence, tout sera rendu public ou disponible aux chercheurs, le seul critère entre public, c'est-à-dire en ligne, ou disponible aux chercheurs, étant notre capacité à anonymiser, parce que certains courriers décrivent des situations personnelles, et les personnes qui nous écrivent n'ont pas forcément donné un consentement pour que leurs courriers soient publiés, donc si ça n'est pas publiable, ça sera rendu disponible, parce qu'il est très important que les chercheurs et tous les acteurs politiques qui s'intéressent à ce qui se passe dans le grand débat aient accès à ces contributions.

ELIZABETH MARTICHOUX
Tous les cahiers de doléances seront archivés et numérisés…

EMMANUELLE WARGON
Numérisés, puis, archivés…

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça veut dire, on pourra parler des doléances, cahiers de doléances de 2019 dans des centaines d'années, et tout sera, tout sera traité, vous avez parlé d'exhaustivité…

EMMANUELLE WARGON
Oui…

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est un défi considérable, ça veut dire…

EMMANUELLE WARGON
Ce sont les deux principes que nous cherchons à atteindre…

ELIZABETH MARTICHOUX
La collecte a commencé ?

EMMANUELLE WARGON
Exhaustivité, transparence…

ELIZABETH MARTICHOUX
Pardon, est-ce que la collecte, par exemple, de ces cahiers de doléances a commencé, parce qu'il y a une question de temps et de délais-là ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, la collecte, les cahiers sont pour l'instant encore très largement en mairie, certains ont déjà été envoyés à Paris, nous sommes en train de finir toute la contractualisation, nous respectons le code des marchés publics et tout ceci commencera en deuxième quinzaine de février.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et donc tous les Français pourront consulter, ça, vous vous y engagez, rien ne sera mis sous le boisseau, rien de gênant ne sera effacé dans le traitement, en cours de traitement ?

EMMANUELLE WARGON
Mais c'est extrêmement important que la parole soit retranscrite et prise en compte, donc exhaustivité et transparence, la seule limite, c'est la capacité à publier des contributions qui ne sont pas anonymes et qui sont personnelles, et pour lesquelles, on n'a pas eu l'autorisation de la personne qui nous a écrit pour nous dire : je souhaite que mon courrier soit rendu public.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous nous apprenez donc que la Bibliothèque Nationale de France, qui a l'habitude de numériser les écrits, donc sera sollicitée…

EMMANUELLE WARGON
Participera à cette opération.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est quel budget tout ça ?

EMMANUELLE WARGON
Alors le budget n'est pas complètement consolidé, on s'est engagé à le rendre public quand l'opération sera finie, on n'a pas signé la totalité des marchés, et donc les prix ne sont pas encore complètement déterminés, pas de réponse à ce stade, mais la réponse viendra.

ELIZABETH MARTICHOUX
Allez, rien à voir, pour finir, il reste quelques secondes, victoire pour les défenseurs des oies sauvages, le Conseil d'Etat a ordonné la suspension immédiate d'un arrêté autorisant la prolongation de la chasse aux oies sauvages en février, c'est une bonne nouvelle pour la Ligue de protection des oiseaux en tout cas ?

EMMANUELLE WARGON
On change de vision sur la chasse, c'est difficile de répondre en quelques secondes. On a posé avec les parlementaires, les chasseurs et les associations de protection de la nature, une vision qui s'appelle la gestion adaptative des espèces. En gros, au lieu de se dire, soit, on peut tuer toute une espèce ou zéro d'une espèce, la gestion adaptative, c'est des prélèvements en fonction de l'état de conservation de l'espèce. Pour les oies, le gouvernement pensait qu'on pouvait chasser quelques oies en février, le Conseil d'Etat a dit non, ça n'est pas conforme au droit communautaire, ça pose aussi la question du droit communautaire.

ELIZABETH MARTICHOUX
C'est Brigitte BARDOT qui va être contente, parce qu'elle a écrit récemment à François de RUGY en l'insultant, etc., peut-être qu'elle va vous écrire, Emmanuelle WARGON, vous dire bravo…

EMMANUELLE WARGON
On lui répondra…

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci à vous d'avoir été sur RTL ce matin.

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.

YVES CALVI
Sur le départ de Matthieu ORPHELIN, je le regrette, il a tort de voir le verre à moitié vide. Sur le diesel, dans l'attente de preuves scientifiques, le ministère s'opposera donc à la vignette Crit'Air 1 pour le diesel dernière génération. Enfin, l'intégralité des cahiers de doléances sera archivée et consultable avec l'aide notamment de la très grande Bibliothèque, vient de nous dire Emmanuelle WARGON.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2019