Interview de Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, à LCI le 11 février 2019, sur la réforme du permis de conduire, le Grand Débat national, la pastille Crit'Air 1, la limitation de vitesse et le projet de Charles-de-Gaulle Express.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Christophe JAKUBYSZYN reçoit Elisabeth BORNE, la ministre des transports, ce matin.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Mon invitée ce matin est en effet la ministre des Transports. Bonjour Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, on va réagir tout de suite à ce que l'on vient d'entendre, ce débat sur le statut des auto-écoles, la multiplication des plateformes, l'ubérisation du métier, qui permet aussi aux gens de passer leur permis beaucoup moins cher. Est-ce qu'il faut aller dans ce sens-là ? Il y a un rapport qui va être remis au Premier ministre demain sur ce thème, est-ce qu'il faut aller dans le sens d'une plus grande reconnaissance des candidats libres qui passent par des plateformes pour apprendre à conduire ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, l'objectif du président de la République et du gouvernement est clair, c'est qu'il faut que le permis coute moins cher pour les jeunes. Le permis de conduire c'est bien souvent indispensable, d'abord pour se former, pour par exemple les apprentis qui doivent à la fois se rendre sur leur lieu de formation. Dans l'entreprise, quand on n'a pas de permis de conduire, qu'on n'a pas de voiture, c'est extrêmement compliqué, et on a des jeunes qui renoncent de ce fait à cette formation. Donc ce permis de conduire, il faut qu'il soit plus accessible aux jeunes, c'est ça le sens de l'action du gouvernement, et du rapport qui a été demandé, qui sera remis demain.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Même si c'est au prix de la colère des auto-écoles, qui considèrent que l'on va brader le coût des leçons de conduite et que l'on va ouvrir la voie aux plateformes indépendantes ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, il y a de nouvelles solutions qui existent, on ne peut pas les écarter…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et pourquoi pas, vous dites ?

ELISABETH BORNE
On ne peut pas les écarter, évidemment il ne s'agit pas de faire un permis de conduire au rabais, il y a des enjeux de sécurité routière auxquels évidemment on est attentif, on va regarder le rapport qui nous sera remis demain, et évidemment il y aura une concertation avec les auto-écoles, on ne va pas se précipiter, sans écouter aussi ce que les auto-écoles peuvent proposer, par rapport à cet objectif qui est clair : que le permis de conduire coûte moins cher.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes toujours droits dans vos bottes, au gouvernement, il y a eu les bus Macron, il y aura le permis de conduire Macron, moins cher.

ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, on cherche les solutions qui facilitent la vie des Français, je pense que c'est un peu ce qu'on attend de nous.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, autre question sur le permis de conduire, avant de passer à l'actualité plus lourde des violences, on voit sur la Une du Parisien Aujourd'hui en France, cette jeune femme fauchée par un conducteur de 92 ans, amputée. Ça relance la question de : est-ce qu'il faut, à un moment donné, rendre obligatoire peut-être un examen médical à un certain âge ?

ELISABETH BORNE
Moi je comprends bien l'émotion de cette jeune femme, je pense que là aussi il ne faut pas se précipiter pour prendre des décisions, je pense que le fait…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas la première fois que des conducteurs très âgés sont à l'origine d'accidents, en raison de leur âge et pas en raison d'alcool ou de choses comme ça.

ELISABETH BORNE
Oui, alors est-ce qu'on peut peut-être aussi attendre que chacun soit capable d'évaluer ses capacités, sans qu'il y ait forcément besoin de légiférer, de remettre des contrôles. Voilà. Moi je pense qu'on ne peut pas non plus oublier que les personnes âgées celles qui habitent loin des villes, elles ont aussi besoin de se déplacer, il faut qu'elles le fassent en responsabilité aussi.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui mais elles sont dangereuses, c'est-à-dire d'aider les familles, il y a souvent des familles, les conjoints, les enfants, qui ne peuvent pas dire à une personne âgée « arrête de conduire », et que peut-être que s'il avait le poids de l'autorité médicale, ça permettrait en douceur, de dissuader les personnes très âgées, je ne sais pas, on peut passer un examen à 80, à 85 ans, de conduire.

ELISABETH BORNE
Mais que les médecins puissent jouer leur rôle, que la famille puisse alerter, mais vous voyez, il ne faut pas à chaque fois se dire qu'on va légiférer.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Justement, on ne peut pas contraindre, vous savez qu'aujourd'hui on ne peut pas contraindre.

ELISABETH BORNE
Oui, mais je pense que l'on ne va pas non plus légiférer, parce que les proches n'osent pas dire à une personne âgée qu'elle ferait mieux de ne pas conduire. On ne peut pas appeler systématiquement la loi à la rescousse parce qu'on n'ose pas dire à ses proches qu'ils ne peuvent pas conduire. Donc je pense qu'effectivement que les médecins soient attentifs, que chacun soit attentif sur ses capacités, il ne faut pas forcément tout de suite passer par la contrainte.

ELISABETH BORNE
Alors on va parler de, à nouveau ce week-end de violence, parce que ça commence vraiment à faire beaucoup, et c'est très choquant, on a vu des images devant l'Assemblée nationale de ces casseurs, on a vu le domicile du président de l'Assemblée nationale, Richard FERRAND, incendié dans le Finistère, on a vu aussi hier, on a appris un qu'un véhicule de l'administration pénitentiaire avait été pris à partie, vitres cassées, le conducteur a évité le jet d'un cocktail Molotov, et puis on a vu aussi ce véhicule des militaires de l'opération Sentinelle, brûlé. Ça ne vous inquiète pas ce climat de violence dans le pays ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense qu'on l'a vu, on a eu une mobilisation en baisse samedi, mais à nouveau des violences, comme vous dites, très choquantes, et je pense que les Français n'ont pas envie de revivre tous les samedis, ces scènes de violence, ceux qui veulent…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui mais c'est vous qui êtes au pouvoir, c'est le gouvernement.

ELISABETH BORNE
Je peux vous assurer que le gouvernement est déterminé à faire respecter l'ordre républicain. Je voudrais rendre hommage à nos forces de l'ordre qui ont été à nouveau très mobilisées ce week-end. Qui face à ces débordements de violence font preuve de beaucoup de sang-froid et de professionnalisme. Vous avez vu que le gouvernement est aussi, a repris une proposition de loi qui avait été présentée au Sénat, qui a été votée à l'Assemblée nationale…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
La loi anticasseurs, sur laquelle 50 députés La République En Marche se sont abstenus.

ELISABETH BORNE
Oui, mais donc le débat va se poursuivre au Sénat et revenir à l'Assemblée nationale. On a besoin, et c'est ce que les Français attendent de nous, d'avoir aussi les moyens pour éviter ces débordements de violence systématique, qui pénalisent tous ceux qui veulent se déplacer dans les villes qui sont concernées, qui pénalise les commerçants qui sont durement touchés depuis le début du mouvement, donc en tout cas le gouvernement est déterminé à faire respecter l'ordre.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a la violence, il y a aussi la haine, 70 à 80 élus parlementaires touchés par des actes de violence, des menaces, la résidence secondaire de Richard FERRAND brûlée…

ELISABETH BORNE
Oui, le président de l'Assemblée nationale.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, je ne sais pas si ça a un lien, mais on a vu aussi, on en a parlé ce matin, des tags antisémites à Paris sur des commerces. Cette haine qui se manifeste dans le pays elle est très inquiétante, Elisabeth BORNE.

ELISABETH BORNE
C'est effectivement inquiétant, je pense qu'on a beaucoup de violence qui s'exprime, je pense que le grand débat qui a été voulu par le président de la République doit aussi permettre qu'on se reparle, et moi je vois que les Français se saisissent de ce grand débat, on a besoin de retrouver les voies d'un dialogue, où chacun peut se parler, peut évoquer des vraies difficultés, qui peuvent être à l'origine de colères, et qu'on bâtisse ensemble des réponses. La violence, vous savez, ça n'apporte rien. Quand on empêche les commerçants de faire leur travail, quand on a ces débordements de violence, ça ne fait pas progresser le prix pays, ça ne résoudra en rien les problèmes que les Français ont exprimés, et auxquels il faut apporter des réponses.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que ça doit passer, pour les Gilets jaunes, par une organisation politique, des listes aux européennes ? On a appris aujourd'hui sur le site putsch, il y a l'interview d'un des porte-paroles des Gilets jaunes, une des figures, Hayk SHAHINYAN, et on apprend dans cette interview qu'il n'est pas français, donc d'ailleurs il ne pourra même pas se présenter aux élections européennes.

ELISABETH BORNE
Ecoutez, c'est le choix des Gilets jaunes de savoir comment ils veulent s'organiser ou s'ils ne veulent pas s'organiser. Je comprends que beaucoup ne veulent pas s'organiser, en tout cas moi j'invite chacun à participer à ce débat, parce que les problèmes qui ont été exprimés, sont des problèmes très profonds, des problèmes qui viennent de loin, des territoires qui se sentent abandonnés, des Français qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, et donc ces problèmes évidemment il faut qu'on s'en saisisse, il faut qu'on en parle ensemble. Moi j'étais vendredi dernier un débat à Quiberon, je peux vous dire qu'on parle de choses très concrètes, de difficultés très concrètes, auxquelles il nous faudra apporter des réponses.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le fait que monsieur SHAHINYAN révèle qu'il n'est pas français, ni européen, et donc qu'il ne peut pas de toute façon être candidat aux élections, est-ce que ça le rend illégitime ou pas, pas moins ?

ELISABETH BORNE
Je pense que ça ne l'empêche pas de participer aux débats, ça l'empêchera effectivement d'être sur une liste électorale, mais je pense que c'est important vraiment que tout le monde s'empare du débat, du reste c'est ce qui se passe, 4 500 réunions qui ont été recensées, 750 000 contributions, c'est considérable. 9 000 cahiers qui ont été remontés des mairies où les Français ont pu exprimer leurs difficultés et leurs propositions. Donc je pense que ce moment il est vraiment très important, pour qu'on réponde à des sujets qu'on a peut-être mis trop sous le tapis et auxquels les Français attendent des réponses.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, le débat c'est bien, Elisabeth BORNE, les solutions c'est mieux. Qu'est-ce qui va se passer à l'issue de ce Grand débat ? Est-ce que c'est un changement de politique qui se prépare ou pas ?

ELISABETH BORNE
Je pense que le président de la République l'a dit très clairement, à l'issue de ce débat on ne va pas reprendre le cours de nos vies comme si rien ne s'était passé.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça vous nous le garantissez ce matin ?

ELISABETH BORNE
Mais je ne vous assure que le président de la République l'a dit lui-même.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On ne va pas faire semblant ? Vous n'allez pas faire semblant.

ELISABETH BORNE
Je dis, on ne va clairement pas faire semblant, il y a des problèmes, voilà, très difficiles et qui viennent de loin, qui ont été exprimés, auxquels il faudra apporter des réponses. Je voudrais aussi dire qu'on ne peut pas, dans un claquement de doigts, régler tous ces problèmes de territoires qui se sentent abandonnés. Moi dans mon domaine je vois bien ces territoires qui sont victimes du tout TGV, dont les réseaux se dégradent, ces territoires où les petites lignes ferment, où on n'a proposé aucune solution alternative à la voiture…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça veut dire quoi dans 2 ans vous vous êtes trompé de politique, Elisabeth BORNE ?

ELISABETH BORNE
Non, c'est exactement ce que j'ai porté. Vous savez, moi ça fait 2 ans que je porte cette préoccupation, cette nécessité de revoir nos investissements, d'arrêter de promettre des grands projets, des TGV, sans se préoccuper des territoires où il n'y a aucune solution alternative à la voiture, c'est le projet de loi qui sera débattu au Sénat et que j'ai présenté en novembre en Conseil des ministres. C'est quelque chose que je porte vraiment très profondément…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais qu'est-ce qu'il y aura de changer alors si ce projet de loi existait avant ? Qu'est-ce que le grand débat va changer ?

ELISABETH BORNE
Ce projet pourra être enrichi par le débat. Vouez, quand j'étais vendredi à Quiberon, moi des Français me disent : les aides que vous avez mises en place par exemple pour changer de voiture, eh bien on ne les connaît pas ou bien elles ne marchent pas bien, eh bien on pourra adapter ces aides. Que les employeurs doivent se saisir davantage des questions de mobilité domicile – travail, on est en train justement d'en débattre avec eux, avec Muriel PENICAUD la ministre du Travail, et donc on pourra enrichir le texte en fonction de ce qui se dira dans ce Grand débat.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc le grand débat, il va se décliner partout, dans toutes les politiques publiques, il y aura les conclusions, les conséquences de ce qu'auront dit les Français.

ELISABETH BORNE
Alors, vous avez vu qu'il y a quatre thèmes qui ont été mis au débat, mais qui sont très larges, quand on parle de fiscalité et de dépenses publiques, quand on parle de démocratie et de citoyenneté, ça pose peut-être la question que vous évoquiez, comment on s'exprime autrement que par la violence, comment on arrive à se sentir représenté, la transition écologique, moi c'est des sujets dont les Français me parlaient vendredi dernier. Voilà. Tous ces sujets sont très importants, et je peux vous assurer que le président de la République et le gouvernement, est déterminé à proposer des réponses concrètes à l'issue du débat.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Y compris pourquoi pas par référendum.

ELISABETH BORNE
C'est une possibilité, mais vous voyez, on ne va pas faire le débat sur la sortie du débat, pendant que le débat se déroule. Ecoutons d'abord les préoccupations des Français, réfléchissons aux réponses qu'on peut construire ensemble, et je pense que c'est ça qu'on attend de nous.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, il y a au départ de cette crise sociale un ras-le-bol contre l'Etat, un ras-le-bol contre l'Etat qui prétend savoir ce qui est bon pour nous, qui nous impose des solutions sans forcément nous demander notre avis. On va prendre plusieurs exemples, regardez le diesel, il y a ce débat depuis quelques jours, entre ministres, entre vous, entre Bruno LE MAIRE entre l'écologie, sur, est-ce qu'il faut dire qu'aujourd'hui les diesels sont bons pour l'environnement et leur donner par exemple la vignette Crit'Air 1, alors ça concerne les gens qui habitent dans les grandes villes, qui permettent de circuler n'importe quel jour ou presque. Il y a ce débat, finalement vous, vous pensez quoi, qu'aujourd'hui le diesel est plus propre que l'essence ? Ou aussi propre que l'essence ?

ELISABETH BORNE
Alors, ce que je peux vous dire très clairement, c'est qu'on ne va pas changer les règles qui permettent de donner la pastille Crit'Air 1, et qu'en effet aujourd'hui on a des problèmes de pollution avec le diesel qui émet des particules, qui émet aussi des oxydes d'azote, et donc on ne va pas baisser les règles du Crit'Air 1 pour donner cette pastille aux véhicules diesel. Moi je pense que c'est très important que notre filière automobile se tourne vers l'avenir, mette beaucoup d'énergie pour développer les véhicules propres, par exemple les véhicules électriques, les véhicules au biogaz, dont on est certain qu'ils ne polluent pas.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, vous allez voir que le PDG de TOTAL, Patrick POUYANNE, c'était l'invité du Grand Jury hier, n'est pas du tout d'accord avec vous. On l'écoute.

PATRICK POUYANNE, PDG DE TOTAL – EXTRAIT GRAND RENDEZ-VOUS
Les moteurs diesel aujourd'hui émettent moins de gaz carbonique qu'un moteur à essence. C'est au moment où on maîtrise cette technologie, qu'on décide qu'elle est mauvaise, qu'elle est responsable de la pollution dans les villes, mais ce n'est…

JOURNALISTE
Encore une décision irresponsable des politiques.

PATRICK POUYANNE
Ah ben je suis désolé, c'est une décision émotionnelle.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
« Une décision émotionnelle et politique ».

ELISABETH BORNE
Ce n'est pas très sérieux, vous voyez, je pense que le PDG de TOTAL il sait très bien qu'effectivement le diesel émet peut-être moins de gaz à effet de serre, mais émet plus de particules, des particules fines, des particules ultrafines, et des oxydes d'azote. Donc voilà, je pense que ce n'est pas très responsable de tenir des propos de ce type-là.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Autre polémique qui concerne les Français, c'est sur le pétrole, découverte justement par TOTAL d'un gisement de gaz naturel au large de l'Afrique du Sud, le gouvernement de Pretoria se réjouit, mais la France, à travers la voix de Brune POIRSON, votre collègue, sur Twitter, explique que « TOTAL a fait une découverte de drogues dures. Nous devons réduire notre dépendance, la France a voté l'interdiction de l'exploitation des hydrocarbures, laissons les hydrocarbures là où ils sont, dans les sols ». Vous êtes d'accord avec elle ?

ELISABETH BORNE
Ce que je pense que veut dire Brune POIRSON, vous savez, c'est qu'on voit…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Eh bien elle veut dire qu'il ne faut pas exploiter le gaz au large de l'Afrique du Sud.

ELISABETH BORNE
Oui, qu'il faut se préparer à sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Et moi je partage tout à fait le fait qu'il faut se préparer à sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Vous savez, quand on a une crise au Moyen-Orient, dans le Golfe ou à l'autre bout de la planète, et que vous voyez le cours du Baril qui se retrouve immédiatement dans ce que vous payez à la pompe. c'est quand même un problème, c'est aussi un problème de souveraineté, d'être dépendant de régions du monde qui son, dans lesquelles il y a des conflits, dans lesquelles on a beaucoup d'instabilité, développons les énergies renouvelables, et ce sera une bonne façon, à la fois de rééquilibrer notre balance commerciale, de protéger la planète et d'éviter d'être dépendant des crises qui se passent quelque part dans la planète.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais, Elisabeth BORNE, c'est vrai mais c'est un peu la langue de bois. A court terme, ces technologies alternatives ne sont pas prêtes, est-ce qu'il ne faut pas mieux qu'un groupe français comme TOTAL soit capable d'exploiter de nouveaux gisements pour qu'en attendant le 100 % de renouvelable et l'électrique on puisse être avoir des ressources en hydrocarbures ?

ELISABETH BORNE
Il faut évidemment gérer des transitions, mais je pense que ce serait important que TOTAL et de fait ils le font, mette aussi beaucoup d'énergie pour préparer les énergies de demain, les énergies qui donneront aussi une autonomie énergétique à notre pays…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pour Brune POIRSON, c'est un peu maladroit.

ELISABETH BORNE
… le solaire, les biocarburants…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous nous dites quand même qu'il faut être moins radical que ça.

ELISABETH BORNE
Voilà, je pense que c'est très important que tous nos industriels mettent beaucoup d'énergie à préparer les énergies dont on a besoin demain.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un peu maladroite, Brune POIRSON.

ELISABETH BORNE
Voilà.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Voilà. Bon, on va parler des 80 km/h, parce que c'est un sujet qui passionne les Français depuis des semaines et des semaines, qui est sans doute à l'origine le catalyseur du mouvement des Gilets jaunes. Alors le président leur au cours d'un débat, a dit qu'effectivement c'était peut-être pas une mauvaise idée de relocaliser un peu cette décision, de proposer aux présidents de conseils départementaux, avec les préfets, route par route, d'adapter peut-être cette mesure, et puis on a vu Premier ministre fermer un peu le banc, donner le bilan des nombres de morts sur les routes. C'est pour quand l'assouplissement sous les 80 km/h ? Il y en aura ou il n'y en aura pas ?

ELISABETH BORNE
Enfin, moi je vous rappelle que dès le départ on a dit que cette mesure ferait l'objet d'une évaluation début 2020. Comme le Premier ministre l'a expliqué, cette limitation de vitesse elle a permis de réduire la mortalité sur nos routes, et c'est un enjeu important, quand on a 150 vies qui ont été épargnées, c'est un enjeu important. Ensuite le débat viendra le moment venu, sur la façon dont on peut adapter, il y a cette demande très forte qui s'exprime, dont on peut adapter pour tenir compte des réalités locales.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes d'accord avec le président, il faudra l'adapter au niveau local.

ELISABETH BORNE
Mais je pense qu'on a toujours dit qu'on aurait une évaluation de cette mesure et qu'on en tirerait les conséquences. Voilà, donc on verra à quel moment cela intervient, mais effectivement il y a cette très forte demande à laquelle on est attentif.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, autre fléau de la route, décidément, vous avez beaucoup de sujets d'actualité pour vous aujourd'hui, on en parle très rarement, il y a 16 000 morts par an liés au bruit notamment des transports, des routes, des aéroports, c'est une étude qui a été révélée la semaine dernière par l'institut BruitParif, alors ça concerne beaucoup les gens qui vivent en ville, mais regardez cette carte, on peut perdre jusqu'à 42 mois de vie en moins quand on est dans les zones comme ça, aéroportuaires. Qu'est-ce qu'on fait pour lutter contre ces morts, un peu anonymes, victimes du bruit, donc du manque de sommeil, du stress ?

ELISABETH BORNE
Alors c'est évidemment un sujet qui me tient à coeur, les transports ils sont là pour faciliter la vie des gens, ils ne sont pas là pour causer des nuisances. Là vous montrer la carte sur les aéroports, moi, dans le cadre…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On voit les routes aussi, regardez, les grandes routes, les grands axes.

ELISABETH BORNE
Absolument. Dans le cadre de la grande concertation que j'ai lancée sur le transport aérien, c'est un des sujets effectivement, progresser sur le bruit au voisinage des aéroports, mais ça a été montré par l'étude, les 2/3 quasiment des personnes qui sont victimes de ces nuisances sonores, c'est du fait de la circulation routière, et y compris dans les arrondissements de la périphérie de Paris, donc ça me conforte dans le fait qu'il faut vraiment proposer, a fortiori quand on est dans des grandes villes comme Paris, des alternatives à la voiture, ça nous conforte dans le fait qu'il faut investir dans les transports en commun…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Là on parle des avions, beaucoup.

ELISABETH BORNE
Oui, mais je vous dis, 60% des personnes qui sont concernées par ces problèmes de nuisances sonores…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est les voitures.

ELISABETH BORNE
C'est les voitures. Là on a des solutions qu'on peut proposer quand on est dans une grande ville comme Paris, c'est tout le sens de l'investissement très important qu'on mène avec la région, en faveur des transports en commun, il faudra aussi…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et pour les avions, qu'est-ce qu'on peut faire ?

ELISABETH BORNE
Pour les avions c'est les exigences qu'on peut avoir sur les moteurs qui sont de moins en moins bruyant, c'est aussi toutes les trajectoires d'atterrissage des avions, auxquelles on travaille pour les rendre, effectivement, pour gêner le moins possible les populations.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, est-ce qu'il s'agit du premier bug dans l'organisation des Jeux olympiques Paris 2024 ? Une inquiétude en tout cas la part du Comité olympique qui nous dit que vous seriez sur le point de sacrifier le Train express qui doit relier Paris à l'aéroport Charles-de-Gaulle, pour les Jeux olympiques, ça ne serait pas prêt pour les JO, pourquoi est-ce que vous décidez de sacrifier ce RER express ?

ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense que le Comité olympique pourrait écouter aussi tous les Franciliens qui souhaitent s'assurer, et c'est ma conviction, ce CDG Express il doit se faire, il ne doit pas se faire au détriment des transports du quotidien, notamment le RER B.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez peur de perturber la vie des gens pendant des années, c'est ça, des mois ?

ELISABETH BORNE
Moi j'ai confirmé la réalisation de CDG Express, je signerai tout à l'heure le contrat de concession pour que les travaux démarrent, mais on attend les conclusions que le préfet de région nous rendra, sur les 15 très gros chantiers qui doivent se dérouler au même endroit, dans les prochaines années, justement sur ce faisceau du RER B, et je vous dis, il y a quelque chose de très clair, ce train, ce CDG Express, il ne devra pas se faire au détriment des transports du quotidien.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est quand même un engagement de… C'est la parole de la France, on a dit quand on a eu les JO, qu'on ferait ce Train express avant les JO.

ELISABETH BORNE
Le calendrier, à ce jour, SNCF Réseau nous dit que ce calendrier est tenable, moi j'attends les conclusions que le préfet de région me remettra prochainement, pour savoir à quelles conditions ce serait possible, et si… enfin, et de veiller à ce que ça ne se fasse pas en créant beaucoup de perturbations sur le RER B.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Elisabeth BORNE d'avoir été notre invitée. Beaucoup de sujets lourds dans votre portefeuille.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 février 2019