Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Elle est ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, elle a été aussi à l'Intérieur, elle s'appelle Jacqueline GOURAULT, elle est en direct sur l'antenne de Radio Classique. D'abord bienvenue. Gabriel ATTAL, que vous connaissez, donc jeune ministre, parle, à propos notamment de l'affaire Ferrand et puis de l'inscription « Juden » sur une boulangerie, parle de fascisme carrément, enfin il a employé le mot, et c'est vrai qu'on est dans une situation qui est particulière. Et si je vous pose cette question, Madame GOURAULT, ce n'est pas tellement en tant que ministre qu'en tant que professeur d' Histoire, que vous avez été. Nous sommes face à quoi exactement ?
JACQUELINE GOURAULT
Nous sommes face à des violences absolument inimaginables, comme on l'a vu encore samedi, à effectivement l'incendie d'un président de l'Assemblée nationale, des inscriptions antisémites, à Paris, mais il y en a déjà eues à Strasbourg récemment, il y a aussi, lors d'une manifestation, des cris antisémites à Strasbourg devant la synagogue, tout cela sent mauvais.
GUILLAUME DURAND
Et une présence de l'extrême gauche aussi.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, c'est vrai, et donc tout cela sent mauvais, comme on dit, et il est certain que ça rappelle d'autres périodes de l'Histoire, et ce matin je voyais qu'à Budapest il y a des manifestations, de jeunes, nostalgiques du IIIe Reich. Donc il y a un mouvement en Europe, qui existe, qui est une réalité, et auquel nous n'échappons pas. Donc, la situation est grave, et je crois qu'un certain nombre d'intellectuels, appelons-les comme cela, de politiques, etc., devraient prendre davantage la parole pour condamner ce qui se passe dans notre pays.
GUILLAUME DURAND
Ce que vous faites ce matin.
JACQUELINE GOURAULT
Ce que je fais, je condamne fermement, on est là à discutailler sur des détails, parfois, et on ne voit plus l'essentiel. Donc moi je condamne fermement tout ce qui se passe, et ce que je note aussi c'est qu'une grande partie de la population en a assez, et voit…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais enfin les chiffres de soutien existent toujours, ils sont supérieurs à 60 %, c'est un sondage de YouGov pour CNews, 64 % des gens… alors ça paraît assez incompréhensible, puisqu'il n'y a plus que 50.000 manifestants, et en même temps il y a un soutien qui dépasse 60 %. Vous expliquez ça comment ?
JACQUELINE GOURAULT
Je ne sais pas. En tout cas moi je suis beaucoup sur le terrain et je rencontre assez peu de gens qui soutiennent ce qui se passe le week-end, à Paris, à Toulouse, à Marseille et dans toutes les grandes villes, ou même des petites villes comme La Roche-sur-Yon, ce qui est absolument incroyable, en Vendée. Donc je pense qu'il y a une organisation, qui est parfaite, d'un certain nombre de groupes extrémistes, et que la situation n'est pas aussi claire qu'on veut bien le penser.
GUILLAUME DURAND
Question – alors vous allez me dire elle est brutale, Madame GOURAULT – est-ce qu'il faudrait, à terme, à interdire ces manifestations, étant donné leur caractère justement extrémiste ? Vous avez été à l'Intérieur.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, j'ai été à l'Intérieur, j'étais numéro 2.
GUILLAUME DURAND
Parce que là il y a une loi, qui est la loi anticasseurs, qui d'ailleurs est contestée, par des avocats, mais est-ce qu'il faut aller jusqu'au bout du bout du bout ?
JACQUELINE GOURAULT
On ne peut pas interdire le droit de manifestation, d'ailleurs je vois beaucoup…
GUILLAUME DURAND
C'est une question, ce n'est pas un point de vue !
JACQUELINE GOURAULT
Oui, oui, bien sûr, j'ai bien compris ; d'ailleurs je suis assez fascinée de voir comment des gens s'émeuvent de la loi qui a été votée récemment, qui dit que des personnes bien déterminées ne doivent pas aller manifester, ne peuvent pas aller manifester, sur décision du préfet, sous contrôle du juge quand même, je dois le préciser, alors qu'on ne s'émeut pas du tout d'empêcher les gens d'aller et venir, il y a, comme on l'a dit tout à l'heure, des blocages de routes avec des centaines de camions qui ne peuvent pas travailler, je trouve qu'il y a une espèce de démesure, de déséquilibre pardon, c'est ce que je voulais dire, entre les condamnations.
GUILLAUME DURAND
Vous connaissez l'argument, l'argument c'est de considérer que sont délinquants des gens qui n'ont pas encore commis des délits, on a même cité, dans un éditorial de Laurent JOFFRIN, la référence à « Minority Report » de SPIELBERG, mais c'était la semaine dernière, nous n'en sommes pas là. Question qui est quand même elle aussi compliquée - j'ai été dans ces manifestations, ce n'est pas de l'héroïsme d'aller voir ce qui se passe, ça fait partie de notre boulot, en plus ce n'est pas très compliqué, c'est à Paris - moi j'ai entendu au début « MACRON démission », et maintenant j'entends « MACRON à mort » ou « mort à MACRON », donc dans ce rapport à la haine il a une certaine forme de responsabilité, puisque, au fond, c'est une réponse qui lui est apportée ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, il a une responsabilité, bien sûr, enfin, juste à l'instant Guillaume TABARD a bien décrit, il y a à la fois les institutions de la Ve République qui font que le président de la République est au centre des institutions et de la vie politique, et puis deuxièmement il y a la personnalité du président de la République qui, effectivement, s'engage personnellement. Tout à l'heure Guillaume TABARD a dit « il y a une espèce d'orgueil », je dirais…
GUILLAUME DURAND
« Crâne » a-t-il dit.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, mais je dirais plus c'est de l'honneur. Quand on est attaqué, on monte au front, on se défend, et je crois que c'est l'honneur du président de la République et l'honneur de la France.
GUILLAUME DURAND
Quand le maire de Toulouse – autre question – dit ce matin, puisqu'il va bien falloir qu'on parle des débouchés, puisque je rappelle que vous êtes ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, et que personne dans les journaux, ce matin, ne sait très bien comment ça va se terminer, il y a des pistes sur le plan fiscal, sur le plan justement des 80 km/h qui pourraient devenir 90 à certains endroits, sur le cumul des mandats sur lequel on pourrait revenir, etc. Mais le maire de Toulouse, par exemple, qui est président de France urbaine, dit « moi ce que j'attends surtout c'est des dédommagements de l'Etat pour les centres-villes et les commerçants qui ont été massacrés. »
JACQUELINE GOURAULT
C'est tout à fait normal que le maire de Toulouse, et président de France urbaine, le dise, je voudrais cependant rappeler que dès la semaine dernière le Premier ministre a débloqué 3 millions pour des dossiers qui nous seraient adressés, la ministre auprès du ministre de l'Economie, Agnès PANNIER, a ce matin dit que nous n'avions pas suffisamment de dossiers pour dépenser les 3 millions que nous avons débloqués. Il faut aussi que les commerçants qui ont eu des dégâts se fassent connaître, c'est très important, et nous les aiderons, c'est tout à fait normal, et nous allons négocier aussi avec les assurances.
GUILLAUME DURAND
Vous voulez dire que tous les commerçants, qui ont été dévastés ces derniers temps, ne se sont pas adressés au gouvernement ?
JACQUELINE GOURAULT
Non, pas tous, non, bien sûr, certains, mais pas tous.
GUILLAUME DURAND
Et pourquoi ?
JACQUELINE GOURAULT
Je ne sais pas.
GUILLAUME DURAND
Ils traitent directement avec les assurances ?
JACQUELINE GOURAULT
Ils traitent avec les assurances, bien sûr, ceux qui sont bien assurés, mais il faut que ceux qui ne sont pas bien assurés, ou qui sont dans une situation particulière, le fassent savoir.
GUILLAUME DURAND
Parce que 3 millions, une enveloppe, pour l'ensemble de la France, ce n'est rien du tout par rapport à ce qui a été cassé.
JACQUELINE GOURAULT
Alors non, c'est un premier déblocage.
GUILLAUME DURAND
Mais il y aura un déblocage important, vous le pensez ?
JACQUELINE GOURAULT
On débloquera en fonction des dossiers que nous recevrons, bien évidemment.
GUILLAUME DURAND
Jacqueline GOURAULT en direct, question, ça vous concerne. Est-ce que vous pensez qu'on va revenir, dans certaines régions, sur cette histoire des 80 km/h ?
JACQUELINE GOURAULT
Non, ce qu'a dit le président de la République, et le Premier ministre d'ailleurs, c'est qu'il se peut qu'on demande – enfin il se peut, ce que j'ai compris – qu'on demande l'avis des conseils départementaux pour le choix des tronçons qui sont mis à 80 km/h.
GUILLAUME DURAND
Donc ça ne sera plus une loi absolue ?
JACQUELINE GOURAULT
C'est-à-dire que…
GUILLAUME DURAND
D'après ce que vous savez.
JACQUELINE GOURAULT
C'est-à-dire que… bon, d'abord la sécurité routière ça a toujours été une affaire de l'Etat, et ça a toujours été du réglementaire, et quand Jacques CHIRAC a décidé de mettre la ceinture obligatoire, ça a été toute une histoire, on s'en souvient, très bien. Aujourd'hui on sait que le règlement dit que c'est l'Etat qui fixe la vitesse en France, les collectivités locales peuvent fixer un chiffre en dessous, d'ailleurs vous voyez, dans beaucoup d'endroits, c'est 50 km/h en ville, vous voyez beaucoup de maires qui ont mis à 30 km/h, qui ont des aménagements routiers pour ralentir encore la circulation. Ce qui là a été dit c'est qu'on pourrait demander aux départements de partager le choix des tronçons avec l'Etat.
GUILLAUME DURAND
Question qui vous concerne aussi, puisque vous êtes ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, est-ce que vous croyez que cette affaire qui consiste à rendre les mandats uniques n'est pas devenue finalement totalement pénalisant pour les territoires que vous représentez ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors on n'est pas en mandat unique aujourd'hui, on est en mandat double à condition que ce ne soit pas un exécutif, je veux dire par-là un député peut être conseiller départemental…
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais pas être maire.
JACQUELINE GOURAULT
Mais il ne peut pas être maire parce qu'il ne peut pas avoir un exécutif.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que ce n'est pas une ânerie totale ?
JACQUELINE GOURAULT
Je ne sais pas parce que…
GUILLAUME DURAND
Je sens que vous êtes perplexe.
JACQUELINE GOURAULT
Non, non, je ne suis pas perplexe, je sais que…
GUILLAUME DURAND
Vous n'allez pas reprendre ma formule parce qu'autrement…
JACQUELINE GOURAULT
Non, je ne suis pas perplexe, je pense qu'effectivement être maire – on va reprendre l'exemple de Toulouse – être maire de Toulouse et parlementaire ça ne me semble pas compatible. On peut imaginer…
GUILLAUME DURAND
Enfin dans le passé, vous connaissez des exemples, DEFFERRE il était à la fois ministre, parlementaire, maire de Marseille, ça a été le cas pour les grands maires lyonnais, pour les grands maires bordelais, pour Pierre MAUROY à Lille, etc., etc. On a vécu pendant des années avec justement ce lien entre Paris et les territoires, pourquoi l'avoir supprimé finalement ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors, je ne dis pas qu'il faille supprimer le lien entre les élus et les territoires, d'ailleurs je suis contre le mandat unique, ça c'est clair. Alors, faut-il rétablir le cumul des mandats ? Je pense qu'on se le pose pour les plus petites communes, mais je ne pense pas qu'on se le pose pour les grandes communes, parce que d'abord les temps ont changé… vous savez, quand j'ai commencé à être maire il n'y avait pas les réseaux sociaux, et je crois que les réseaux sociaux ont beaucoup bouleversé la vie politique.
GUILLAUME DURAND
Notamment en fabriquant des communautés de la haine.
JACQUELINE GOURAULT
Et en fabriquant des Fake news. Vous avez vu, j'ai été très impressionnée par un reportage que j'ai vu sur TF1 avec l'AFP, de photos qui ont été encore une fois des photos montage, montrant soi-disant une manifestation à Paris, alors que c'était des manifestations qui avaient eu lieu en Espagne, en Catalogne, très précisément il y a 2 ans, où il y avait eu des blessés, et tout ça a été monté et on a fait croire que c'était à Paris.
GUILLAUME DURAND
Dernière question Madame GOURAULT, vous êtes en direct sur l'antenne de Radio Classique, on a beaucoup parlé la semaine dernière, ou la semaine précédente, d'un référendum, et puis après on s'est dit mais pourquoi pas le Congrès. Est-ce que vous avez la moindre idée ce matin de ce que mitonne Emmanuel MACRON ?
JACQUELINE GOURAULT
Je crois que le président de la République n'a pas décidé encore.
GUILLAUME DURAND
Mais c'est quand même bizarre qu'un pays, quand même, où il y a 47 millions de votants, en soit aujourd'hui à attendre les desideratas d'un président de la République de 40 ans. Ce n'est pas l'âge qui est en question, mais c'est quand même… ça calmerait peut-être les choses de savoir.
JACQUELINE GOURAULT
Vous savez, Monsieur DURAND, il y a un débat qui est lancé jusqu'au 15 mars…
GUILLAUME DURAND
800.000 contributions jusqu'à présent.
JACQUELINE GOURAULT
Et le 15 mars c'est dans un mois…
GUILLAUME DURAND
Ça fait quatre week-ends de manifestation des gilets jaunes en plus !
JACQUELINE GOURAULT
Ah mais je sais bien, je sais bien, mais j'espère que tout ça va… enfin la raison va l'emporter.
GUILLAUME DURAND
Jacqueline GOURAULT était notre invitée ce matin sur l'antenne de Radio Classique, je rappelle qu'elle est ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 février 2019