Déclaration à la presse de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, sur le budget de la Zone euro et sur le refus de la Commission européenne d'autoriser la fusion Alstom-Siemens, à Bruxelles le 11 février 2019.

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Circonstance : Déclaration à la presse de M. Bruno Le Maire,  ministre de l'économie et des finances, à son arrivée à la réunion de l'Eurogroupe le 11 février 2019

Texte intégral

Q - What does the Italian government need to do to repair relationships with the French government ?

R - Nous, nous sommes très attachés à l'amitié entre le peuple français et le peuple italien. Nos deux pays, l'Italie et la France, sont liés par l'Histoire, sont liés par la culture, sont liés par une amitié profonde et c'est une raison supplémentaire pour ne pas accepter des déclarations ou des comportements qui sont inacceptables entre deux pays amis. Et je crois que le Président de la République a eu raison de marquer le coup. Mais au bout du compte, je n'ai aucune inquiétude, c'est l'amitié entre nos deux peuples qui l'emportera.

Q - Will you be talking to the Dutch finance minister about KLM and the situation with the CEO ? Is that something that you would perhaps do today ?

R - I would have a meeting today with Wopke Hoekstra about many issues, including the question of KLM. But I will keep the discussion between Wopke and myself.

Yes, we are supporting Mr. Lane. We think that he is the right man at the right place, he is a very good candidate and I hope that all the member states will be in the same mood and will support Mr. Lane who will be, I think, really a great chief economist ECB.

Q - What are your expectations concerning the discussions about the European budget ?

R - Sur le budget de la zone euro, vous permettrez que je réponde aux Français. Nous avons des décisions qui ont été prises désormais par les chefs d'Etat au cours des conseils européens. La décision c'est de mettre en oeuvre un budget de la zone euro.

Donc aujourd'hui nous voulons entrer dans le vif du sujet. Nous voulons commencer à regarder les modalités de mise en oeuvre d'un budget de la zone euro dont le principe a été accepté par les chefs d'Etat.

Ce à quoi la France est attachée, c'est d'abord une gouvernance à 19 [Etats membres]. La zone euro ce sont 19 Etats membres, il est légitime que la gouvernance appartienne au 19 Etats membres.

Le deuxième point auquel nous sommes attachés c'est les ressources propres. Il est important que le budget de la zone euro, pour être efficace, ait des ressources propres.

Et le troisième point que je vais défendre aujourd'hui, c'est un budget qui permette d'investir pour l'avenir, qui nous permette de favoriser la convergence entre les économies de la zone euro, parce que chacun voit bien que nous ne pouvons pas continuer avec une zone euro dans laquelle il y a autant de divergences, de résultats économiques ou de politiques économiques entre les Etats membres. Et je crois profondément que ce budget de la zone euro, avec une capacité d'investissement, doit nous permettre de renforcer la convergence entre les Etats membres de la zone euro.

Donc voilà quels sont les objectifs de la France. Le principe a été accepté par les chefs d'Etat, maintenant il faut passer aux travaux pratiques, mettre en oeuvre concrètement ce budget et le plus tôt sera le mieux.

Q - Your government was disappointed about the decision on Siemens-Alstom. Do you think there should be a new bid and, this time, the Commission should look at it differently ?

R - Je crois que chacun a conscience que face à la montée en puissance de la Chine, face à des géants industriels qui émergent dans tous les secteurs, le secteur ferroviaire, le secteur spatial, le secteur de l'énergie, le secteur de l'intelligence artificielle, il faut rassembler des forces européennes, pas les diviser.

C'est pour cela que je considère que la décision de la Commission européenne sur Siemens Alstom a été non seulement une erreur économique mais aussi une faute politique. Et nous devons en tirer toutes les conséquences. Quand j'entends dire par exemple que CRRC ne serait pas présent en Europe, c'est faux. CRRC est déjà présent notamment dans l'est de l'Europe pour les trains à grande vitesse.

Donc nous devons maintenant en tirer toutes les conséquences. Et la première conséquence que nous en tirons, c'est la nécessité de réformer le droit de la concurrence européenne. Et il y a urgence. Cela fera partie des propositions que je ferai avec mon homologue allemand Peter Altmaier, le ministre de l'économie allemand, d'ici quelques semaines, pour proposer de nouvelles orientations pour le droit de la concurrence européen, pour nous permettre de créer ces champions industriels européens.

Nous avons depuis des années une politique de la concurrence mais nous n'avons pas de politique industrielle forte. Il est temps que l'Union européenne se dote d'une politique industrielle forte pour avoir des champions industriels qui soient à la hauteur des enjeux du XXIème siècle.

Et un point sur lequel je voudrais insister pour terminer, le monde va vite, il va très vite, très très vite, et il ne nous attendra pas. La Chine ne nous attendra pas, l'Asie ne nous attendra pas. Il y a aujourd'hui des bouleversements économiques, géopolitiques qui vont très vite, dans tous les domaines, notamment l'intelligence artificielle, notamment les transports, notamment le spatial, il est urgent que l'Europe se ressaisisse, rassemble ses forces et se donne les moyens de faire la compétition à armes égales avec nos grands compétiteurs, sinon l'Europe sera laissée de côté et moi je crois profondément que l'Europe a au XXIème siècle une carte à jouer. Pour cela elle doit se rassembler.

Q - Vous avez parlé du budget de la zone euro, est-ce que vous ne craignez pas que les positions du gouvernement italien, et sur le plan économique et sur le plan politique, puissent être un obstacle dans les négociations à venir sur le budget de la zone euro ?

R - Non je ne crois pas, je pense que chacun a conscience que le budget de la zone euro c'est un enjeu stratégique pour l'avenir de la zone euro. La zone euro n'est pas achevée, c'est une formidable réussite inachevée. Alors quand on a une formidable réussite, il faut aller au bout de cette réussite, et aller au bout de cette réussite c'est doter la zone euro d'un budget autonome, gouverner à 19 [Etats membres] avec un vrai budget d'investissements, des ressources propres qui nous permettent de donner plus de prospérité et plus d'emploi à la zone euro.

Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins et l'enjeu stratégique qui, je pense, dépasse les querelles de circonstance, c'est mettre en place ce budget de la zone euro, avancer très concrètement et commencer à mettre en place les premiers éléments concrets de ce budget de la zone euro. Le principe a été accepté, maintenant il faut passer aux travaux pratiques.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 février 2019