Interview de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, à RTL le 15 février 2019, sur le Brexit, la crise des "Gilets jaunes" et le Parlement européen.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Nathalie LOISEAU.

NATHALIE LOISEAU
Bonjour !

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous êtes consciente qu'on n'est pas prêt ?

NATHALIE LOISEAU
Qui n'est pas prêt ?

ELIZABETH MARTICHOUX
On n'est pas prêt, près de 30 000 entreprises françaises ne sont pas prêtes à affronter un Brexit dur, un Brexit sans accord ? C'est ce que le président du MEDEF a dénoncé hier. Vous avez négligé de les préparer, on est à 6 semaines jour pour jour du Brexit, de la date butoir ?

NATHALIE LOISEAU
D'une date butoir où on ne sait pas ce qui va se passer, donc je ne reproche pas à des entreprises d'être dans l'interrogation et je vais dire à nos amis britanniques qu'il serait temps de se décider, à savoir s'ils veulent partir à l'amiable ou partir brutalement. Le choix est le leur mais c'est vrai que cette incertitude qui dure, qui a encore été renforcée hier pas un nouveau vote compliqué aux Communes pour madame MAY sur les entreprises. L'Etat est prêt, l'Etat s'est préparé, nous avons passé une loi, nous avons pris des ordonnances. La réalité c'est que demain au 30 mars, s'il doit y avoir une séparation brutale, nous sommes capables de faire entrer des marchandises ou de les faire sortir de France vers le Royaume-Uni en ayant à la fois des échanges fluides et les contrôles nécessaires puisque le Royaume-Uni quitte l'Union européenne. Nous sommes prêts, il est vrai que les entreprises ont leur part du travail à faire.

ELIZABETH MARTICHOUX
Pour être précis, les entreprises, elles vont découvrir ce que le marché commun, entre guillemets, avait enlevé, c'est-à-dire des contrôles douaniers, des contrôles vétérinaires, des nouvelles taxes. C'est tout ça, un Brexit dur ?

NATHALIE LOISEAU
C'est tout ça un Brexit dur, tout est expliqué, il y a un site internet, nous avons fait des réunions avec Agnès PANNIER-RUNACHER pour rencontrer les fédérations professionnelles.

ELIZABETH MARTICHOUX
Votre collègue du gouvernement …

NATHALIE LOISEAU
… depuis octobre. Ceci étant, c'est vrai que, pour en particulier des PME qui n'ont jamais travaillé que dans le marché unique, c'est autre chose.

ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, les grandes entreprises sont prêtes, les entreprises de taille moyenne …

NATHALIE LOISEAU
Les grandes entreprises sont prêtes, même si elles ont suspendu beaucoup de décisions d'investissement parce que pour les entreprises qui travaillaient de part et d'autre de la Manche, décider d'investir au Royaume-Uni aujourd'hui sans savoir ce qui va se passer, c'est évidemment irréaliste.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il reste six semaines donc pour ces entreprises qui ne sont pas prêtes pour avoir les outils, les munitions propres à exporter leurs marchandises comme avant ?

NATHALIE LOISEAU
Mais les outils et les munitions, ils sont à leur disposition.

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce que nous, on a beaucoup d'échanges. On est un des pays européens qui a le plus d'échanges.

NATHALIE LOISEAU
On est excédentaire avec le Royaume-Uni. Les outils et les munitions, toutes les directions des douanes, les directions départementales sont dans un rôle de conseil en ce moment aux entreprises et moi, ce que je dis aux entreprises ce matin, renseignez-vous, ça ne vas pas être plus compliqué qu'autre chose de faire un formulaire douanier vis-à-vis du Royaume-Uni, simplement ne le découvrez pas le 30 au matin et si vous importez des marchandises du Royaume-Uni, assurez-vous qu'elles sont certifiées pour le reste de l'Union européenne et pas simplement au Royaume-Uni.

ELIZABETH MARTICHOUX
Marine LE PEN dit que c'est vous, vous Bruxelles vous les Européens et ceux qui sont à pouvoir qui bloquaient, qui empêchaient Theresa MAY, les Britanniques de renégocier l'accord. Elle demande à renégocier ça, on le sait vous l'avez dit, elle a encore perdu un peu de temps d'ailleurs hier avec un vote négatif au Parlement. Est-ce que c'est vous qui l'empêchez d'avancer ?

NATHALIE LOISEAU
Marine LE PEN est extraordinaire parce qu'elle se dit nationaliste mais elle prend toujours le parti des autres pays contre la France et contre nos intérêts, c'est systématique et c'est le cas encore dans le Brexit.

ELIZABETH MARTICHOUX
Elle est cohérente, elle est pro Brexit.

NATHALIE LOISEAU
Alors, écoutez, je ne sais pas tout à fait si elle est cohérente parce qu'elle est anti-française, elle est contre les entreprises françaises et ça il faudrait peut-être qu'elle le dise et qu'elle l'assume. Ce que nous faisons depuis deux ans, c'est respecter la décision britannique, nous la regrettons mais nous la respectons, ça fait deux ans que les Européens ont négocié avec le gouvernement britannique pour permettre une sortie à l'amiable en douceur et d'ailleurs, le gouvernement britannique avait signé avec nous les conditions de cette sortie. Aujourd'hui, il y a une classe politique britannique qui s'affole, qui se divise, qui se dispute parce que c'est facile de dire « on sort », c'est plus difficile de dire où on va. C'est un sujet britannique. Nous, dans cette phase notre rôle de responsable politique, c'est de défendre l'intérêt des entreprises et des citoyens français.

ELIZABETH MARTICHOUX
Justement si Bruxelles renégociait, on y perdrait ?

NATHALIE LOISEAU
On y perdrait énormément !

ELIZABETH MARTICHOUX
Parce qu'ils veulent quoi, ils veulent l'argent du beurre, le beurre, etc. ?

NATHALIE LOISEAU
D'abord, on ne sait pas parce depuis trois semaines maintenant Madame MAY nous dit il faudrait tout rouvrir mais elle n'est venue avec aucune proposition, ni elle, ni aucun de ses ministres, j'ai rencontré Jeremy HUNT en début de semaine.

ELIZABETH MARTICHOUX
Qui est votre homologue.

NATHALIE LOISEAU
Qui est le ministre des Affaires étrangères britannique, qui m'a dit « ce serait bien si on renégociait », je lui ai demandé « quoi ? » et il m'a dit « bientôt sur vos écrans » et bientôt, c'est le 29 mars et bientôt, c'est la sortie.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ce qu'il voudrait, c'est par exemple pouvoir justement faire circuler les marchandises comme avant mais la circulation des citoyens, la libre circulation …

NATHALIE LOISEAU
Ah non mais ça, ils ne l'ont pas du tout dit. Nous ne savons pas du tout ce qu'ils veulent.

ELIZABETH MARTICHOUX
Ils n'ont rien posé sur la table ?

NATHALIE LOISEAU
Rien ! Ce qu'ils disent, c'est que ce que nous avions pris comme précaution pour la frontière irlandaise, ils n'arrivent pas à le faire voter par leur parlement, alors d'une part et c'était leur proposition qu'il nous avait mise sur la table, que nous avions acceptée et que, eux avaient signée c'est un peu compliqué de comprendre que leur proposition, ils n'arrivent pas à la vendre !

ELIZABETH MARTICHOUX
Le suspense pourrait durer jusqu'à quand ? Est-ce que ça peut durer jusqu'au 29 mars minuit moins 12 ?

NATHALIE LOISEAU
Ecoutez, le 29 mars, on saura qu'il n'y a pas d'accord et c'est bien pour ça que nous nous y sommes préparés, c'est bien pour ça que ….

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ça peut durer jusque-là ?

NATHALIE LOISEAU
Ecoutez c'est un choix purement britannique. Nous, nous nous leur disons « dépêchez-vous » parce que pour nos entreprises, pour nos citoyens, rester dans l'incertitude pour les Britanniques qui sont en France à qui je veux dire qu'ils restent les bienvenus et que nous avons pris toutes les décisions.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a déjà un nombre d'entreprises important que vous avez inventoriées, d'entreprises britanniques qui reviennent en France ?

NATHALIE LOISEAU
Qui viennent partout en Europe, en France et aux Pays-Bas, en Irlande.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et en France, on le sait ?

NATHALIE LOISEAU
Oui bien sûr ou qui ouvrent des succursales ou qui mettent des têtes de ponts sur le continent notamment en France. Il y a par exemple une usine pharmaceutique qui se construit à Dunkerque au lieu de se construire au Royaume-Uni.

ELIZABETH MARTICHOUX
Nathalie LOISEAU, on va à Strasbourg, il a beaucoup été question de la crise des Gilets jaunes au Parlement européen. Le gouvernement français a eu sans doute les oreilles qui sifflent puisqu'il a été question du recours des armes LBD dans le cadre des manifestations et des violences en France.

NATHALIE LOISEAU
Alors pardon de vous corriger un petit peu, Elisabeth MARTICHOUX, je pense que c'est la presse française qui doit avoir les oreilles qui sifflent ce matin parce que hier, la presse française s'est précipitée sur ce qui était une proposition de résolution qui venait de monsieur Yannick JADOT et d'une partie de la gauche française qui voulait faire condamner la France pour les manifestations et le comportement des forces de l'ordre. Je déplore personnellement que Yannick JADOT, au lieu de s'adresser aux Français, aille au Parlement européen parler des violences.

ELIZABETH MARTICHOUX
Il l'a dit largement en tout cas via les médias qu'il était contre l'usage des LBD ?

NATHALIE LOISEAU
Oui mais il va parler des violences policières sans parler des 1 200 forces de l'ordre blessées pendant les manifestations.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous déplorez qu'il ne s'inquiète pas davantage de la santé des forces de l'ordre.

NATHALIE LOISEAU
Cette proposition de monsieur JADOT a été très largement rejetée par plus de 400 voix et ce qui finalement a été adopté cette un texte qui parle de l'ensemble de l'Union européenne sans parler d'un pays en particulier, qui demande que les forces de l'ordre répriment avec modération les manifestations pacifiques et là, pardonnez-moi de vous dire que ce qui se passe depuis plusieurs samedis en France ne ressemble pas vraiment à des manifestations pacifiques. Simplement, la presse française s'est engouffrée en reprenant la proposition rejetée comme étant un texte voté. Il y a beaucoup trop de fake news aujourd'hui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Je ne sais pas si c'est la presse française. Je lis dans l'AFP en tout cas de 21h50 qu'effectivement, le Parlement européen a dénoncé le recours à des interventions violentes et disproportionnées de la part des autorités publiques lors de protestations et manifestations pacifiques. C'est ce que vous avez dit et c'est dans la dépêche. Donc il n'y a pas d'erreur.

NATHALIE LOISEAU
C'est une dépêche corrigée à notre initiative et je déplore que dans cette période de fait que fake news, où on a du mal à expliquer qu'il y a une presse professionnelle et des réseaux sociaux qui racontent n'importe quoi, il n'y ait pas davantage de vérification. Je déplore aussi que quelques députés français aient cru utile de décrire notre pays comme s'éloignant de la démocratie et proche de la dictature dans un Parlement européen qui les a regardés avec beaucoup de surprise.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez eu le temps de d'écouter Alain JUPPE hier lors de ses adieux à Bordeaux ?

NATHALIE LOISEAU
Je l'ai évidemment écouté, vous savez ma proximité avec Alain JUPPE.

ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez travaillé avec lui au d'Orsay il y a quelques années, vous le connaissez bien, vous avez été surprise par sa décision ?

NATHALIE LOISEAU
Ecoutez, je trouve que c'est une bonne décision. D'abord c'est un bon choix de Richard FERRAND.

ELIZABETH MARTICHOUX
Le président de l'Assemblée nationale.

NATHALIE LOISEAU
Pas surprise parce qu'il avait il avait toujours dit et qui ne voulait pas faire le mandat de trop à Bordeaux, il avait toujours dit qu'il avait son âge et qu'il voulait continuer à être utile mais différemment et je trouve que le voir partir au Conseil constitutionnel, ça sera un sage parmi les sages. C'est un homme qui a vraiment l'Etat et l'intérêt général chevillés au corps.

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que vous souhaitez qu'il prenne position dans le cadre de la campagne européenne parce que c'est une voix, c'est une incarnation des positions très pro-européennes ?

NATHALIE LOISEAU
Mais il a déjà pris position !

ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'il faut qu'il le fasse juste avant voilà d'entrer dans cette période où il sera contraint à un devoir de réserve, il ne pourra plus dire, il ne pourra plus encourager les Français à voter ?

NATHALIE LOISEAU
Je crois qu'Alain JUPPE est un homme qui a le sens de sa fonction et je suis convaincue que son devoir de réserve, il va l'exercer très vite mais il a déjà pris position. Nous étions ensemble il y a quelques semaines à Bordeaux pour parler d'Europe et il avait dit à cette occasion qu'il n'y avait pas une feuille de papier à cigarette entre la position européenne du gouvernement et la sienne.

ELIZABETH MARTICHOUX
Votre candidature tête de liste la République en Marche …

NATHALIE LOISEAU
Laquelle ?

ELIZABETH MARTICHOUX
…elle progresse ?

NATHALIE LOISEAU
Je ne suis pas candidate, merci de m'avoir posé la question, ça me permet de répondre !

ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous pourriez préférer après tout, vous pourriez dire que vous préférez rester à votre ministère parce que ce vous y faites, vous êtes passionnée par le défi européen plutôt que d'aller siéger à Strasbourg. Est-ce que ce serait le cas ? Est-ce que c'est le cas ? Est-ce que vous avez envie de rester au ministère ?

NATHALIE LOISEAU
J'espère être utile là où je suis, ça n'est pas à moi d'en décider de dévaluer mon utilité mais j'espère être utile là où je suis. On a parlé Brexit, on peut parler Italie on veut parler de beaucoup de choses dans l'Union européenne dont je m'occupe au quotidien qui me passionne, je vous le confirme, et je vous le redis, je ne suis pas candidate mais je ferai campagne.

ELIZABETH MARTICHOUX
Et on entend que votre ministère vous intéresse. Notre ambassadeur à Rome, il a été rappelé, on le sait, pour protester contre le coup politique du leader 5 étoiles, DI MAIO. Où en êtes-vous ?

NATHALIE LOISEAU
Il repart aujourd'hui.

ELIZABETH MARTICHOUX
Aujourd'hui ?!!!

NATHALIE LOISEAU
Il repart aujourd'hui à Rome.

ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà une information. Il repart aujourd'hui à Rome en fonction.

NATHALIE LOISEAU
Absolument.

ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça y est, le dossier est clos.

NATHALIE LOISEAU
Ecoutez, le président de la République italienne, Monsieur MATTERELLA, a appelé le président MACRON, ils se sont parlés, ils ont dit ensemble à quel point l'amitié entre la France et l'Italie était importante, à quel point les deux pays avaient besoin l'un de l'autre. Nous avons aussi entendu des leaders politiques qui s'étaient laissé aller à des paroles ou à des comportements franchement inamicaux et inacceptables montrer qu'ils le regrettaient. On a entendu monsieur SALVINI dire qu'il ne voulait pas de guerre avec la France, on a entendu monsieur DI MAIO dire des choses compliquées mais c'est vrai qu'il s'était mis lui-même dans une situation très compliquée. Je crois que l'Italie a besoin de la France, donc travaillons ensemble !

ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Nathalie LOISEAU d'avoir été ce matin sur RTL.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 février 2019