Interview de M. Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse à CNews le 18 février 2019, sur le conflit social et les violences lors des manifestations des gilets jaunes.

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Intervenant(s) : 
  • Gabriel Attal - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education nationale et de la jeunesse

Média : CNews

Texte intégral

ROMAIN DESARBRES
Les attaques antisémites et les insultes, les violences des Gilets jaunes mais aussi le SNU, le Service National Universel, Gabriel ATTAL, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Education et de la Jeunesse est l'invité de Jean-Pierre ELKABBACH ce matin dans La matinale. C'est tout de suite.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bienvenue Gabriel ATTAL.

GABRIEL ATTAL
Bonjour.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour, merci d'être avec nous. Vous avez été le premier et peut-être le seul au début, à affronter sur les plateaux de télé, les Gilets jaunes. A l'origine, l'opinion les soutenait, désormais l'opinion paraît fatiguée, indifférente ou hostile. Est-ce que le temps n'est pas venu aujourd'hui d'annoncer le début de la fin ou en tout cas leur échec ?

GABRIEL ATTAL
Oui, je crois que ça fait un moment maintenant que les Français ont envie que ça s'arrête, et c'est vrai que j'avais débattu avec des Gilets jaunes au mois de décembre, on était dans une toute autre période. Il y avait des revendications très claires…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ces revendications, il faut en tenir compte, et le président devra le…

GABRIEL ATTAL
... légitimes, sur le pouvoir d'achat notamment. Oui, il en a déjà tenu compte, avec ses annonces du 10 décembre, 10 milliards d'euros qui ont été annoncés pour le pouvoir d'achat…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des miettes. Des miettes, on l'entendait sur les ronds-points, des miettes.

GABRIEL ATTAL
Oui, enfin, je ne crois pas que les personnes qui aujourd'hui bénéficient de la prime d'activité, qui n'en bénéficiaient pas avant, qui parfois touchent plusieurs centaines d'euros en plus par mois, considèrent que c'est des miettes. Il y a eu cette première réponse politique…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a le Grand débat, et à l'issue du Grand débat, comment on va tenir compte des revendications d'un mouvement qui a été historique ? Mais aujourd'hui on voit bien que les Gilets jaunes se combattent, ils ont éjecté de leur manifestation Ingrid LEVAVASSEUR, qui était un des symboles de leur mouvement, ils l'ont même écoeurée, on a l'impression qu'ils se dévorent entre eux.

GABRIEL ATTAL
Oui, c'était au départ un mouvement de colère et c'est devenu un torrent de haine, ce mouvement. On voit bien haine à l'égard, oui, à l'égard des juifs comme ça a été vu, à l'égard des représentants publics, à l'égard des institutions, et puis haine entre eux, puisqu'Ingrid LEVAVASSEUR, j'ai vu les images aussi, qui sont très choquantes, elle a été bousculée, c'est une femme, elle a été bousculée, elle a été prise à partie, elle a dû être exfiltrée du mouvement, on voit bien que…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils l'ont même découragée de faire de la politique. Eric CIOTTI, lui, demande l'interdiction des manifestations des Gilets jaunes et noirs.

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, ça c'est au ministère de l'Intérieur de le dire. Dès lors qu'une manifestation est déclarée, moi je suis attaché au droit de manifester, quand il y a des débordements, il faut qu'ils soient sanctionnés, condamnés, il faut qu'il y ait une fermeté policière, judiciaire, pénale, et ça c'est ce qui s'applique maintenant tous les week-ends.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites la haine, les haines même, vous ne m'avez pas tout à fait répondu : est-ce que c'est l'échec, non pas des revendications, dont il faudra tenir compte, mais du mouvement et de ce qu'il est devenu ?

GABRIEL ATTAL
C'est une dérive grave, c'est une grave dérive. Il y avait des revendications au départ, il ne faut pas les oublier, et d'ailleurs on a commencé à y répondre, et vous avez raison de dire qu'il y a le grand débat, qui va devoir permet de répondre à d'autres revendications qui ont été portées sur la question des services publics dans la ruralité par exemple, sur la question des institutions, de la participation démocratique, et moi la lueur, le positif que je vois dans cette période, c'est quand même que le Grand débat est un formidable succès, on en est à 8 000 je crois, réunions, qui se tiennent dans les territoires, on approche du million de contributions déposées sur la plateforme, on est à près de 2 millions de personnes qui s'y sont connectées.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il ne faudra pas décevoir tous ceux qui ont écrit et qui participent.

GABRIEL ATTAL
Il ne faudra pas décevoir.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais nous avons vécu, et les Français ont vécu encore un week-end de haine, d'agressions, de violences, d'injures racistes. En 20 mois, une certaine France a lâché ce qu'elle avait de pire en elle, quelle est la part de responsabilités que vous sentez avoir ?

GABRIEL ATTAL
Il y a…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pas vous personnellement, mais collectivement, dans ce que vous représentez ?

GABRIEL ATTAL
Il y a de la haine dans notre pays et il y a de l'antisémitisme qui ne date pas d'aujourd'hui, et ce mouvement, en tout cas ce qu'il est devenu, a permis de libérer cette parole, de libérer ces actes qui doivent être condamnés. Nous, ce qu'on doit faire, et ce qu'on fait depuis qu'on a été nommé, depuis que le gouvernement a été nommé, c'est agir et prendre de nouvelles mesures contre l'antisémitisme. C'est ce qu'on a fait.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais comment on est passé d'un conflit social, en 3 mois, à la chienlit, au chaos ?

GABRIEL ATTAL
Mais parce que ceux qui au départ se sont mobilisés, il y avait plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue au départ, qui se sont mobilisés sur des revendications et sur des mots d'ordre légitimes et partagés par une partie des Français, sur le pouvoir d'achat, eux sans doute participent au Grand débat, eux sans doute ne partagent pas les mots d'ordre de haine qui se sont développés, et donc ceux qui restent dans la rue, ceux qui continuent à manifester, c'est un socle, dont moi j'avoue avoir du mal à voir les revendications aujourd'hui, c'est un socle qui va contre les institutions, qui va contre le pouvoir, qui va contre le président de la République, et qui a en son sein…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais beaucoup ne comprennent pas comment la société en est arrivée à tabasser des policiers et des gendarmes, on a vu ce qui s'est passé par exemple à Lyon, avec la voiture de policiers, c'était scandaleux et extrêmement dangereux. Comment on en est arrivé à agresser des élus et leurs familles chez eux ? Comment on en est arrivé à vouloir destituer le président de la République et le gouvernement, et en même temps proférer des menaces et des injures antisémites, comme c'est arrivé, le cas à Alain FINKIELKRAUT ?

GABRIEL ATTAL
Oui, mais c'est…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et qu'est-ce que vous en avez pensé ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien j'en pense…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et comment on en est arrivé là ?

GABRIEL ATTAL
Eh bien j'en pense que c'est très choquant, j'en pense qu'il y a des personnes dans le pays qui sont contre les institutions, qui sont sans doute antisémites, qui sont contre le pouvoir, et qui sont un mélange d'anars, de factieux, et que malheureusement il y en a toujours eu, je ne sais pas s'il y en a plus qu'avant, en tout cas leur parole se libère et leurs actions se libèrent et elles doivent être toutes condamnées avec une grande fermeté et même on doit adapter notre arsenal pour les réprimer, et c'est ce qu'on a fait avec la loi anticasseurs qui a été adoptée à l'Assemblée nationale…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et pas encore au Sénat.

GABRIEL ATTAL
Pas encore au Sénat, qui va être adoptée au Sénat.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a des discussions et ça fait des problèmes même au sein de votre propre majorité. Vous avez vu que les réseaux sociaux se déchainent, on dit : « FINKIELKRAUT est un provocateur », même le grand avocat, je ne sais pas ce qu'il a fait là comme dérive, Jean-Pierre MIGNARD qui dit : « Il a ce qu'il mérite, FINKIELKRAUT ».

GABRIEL ATTAL
Oui, j'ai lu ce tweet. Au mieux c'est une très grande maladresse, au mieux, et effectivement on voit…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va lui accorder la maladresse.

GABRIEL ATTAL
Effectivement, on voit sur des réseaux sociaux des propos inadmissibles, et plus grave encore, on voit des responsables politiques qui sont dans une forme d'ambiguïté malsaine. Quand je vois Jean-Luc MELENCHON qui parle d'instrumentalisation de l'antisémitisme, alors que la semaine dernière on a eu les chiffres, sur le fait que les actes antisémites ont augmenté de 74 %, alors qu'on a vu tout ce qui s'est passé ces dernières semaines, on attend de lui qu'il condamne, point barre, on n'attend pas de relativiser, de mettre du doute, un peu de théorie du complot en parlant d'instrumentalisation, c'est objectivement inadmissibles, et d'ailleurs ça rejoint l'ambiguïté malsaine du Rassemblement national. On voit là qu'il y a un même état d'esprit qui se rejoint, qui est absolument inadmissible.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alain FINKIELKRAUT a été chahuté, on l'a vu samedi, on a constaté peut-être pour la première fois aussi nettement, la présence d'islamistes, et le ministère de l'Intérieur dit de quelques salafistes, comme celui que l'on va voir à nouveau.

UN MANIFESTANT
Facho ! Rentre chez toi ! Palestine ! Dégage ! Palestine !

UN MANIFESTANT
La France elle est à nous ! Antisémite ! La France elle est à nous, elle est à nous la France ! Espèce de raciste, t'es un haineux.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il n'est pas le seul, la France est à nous. La France est à nous, c'est-à-dire pas à FINKIELKRAUT et aux intellectuels ou à ce que FINKIELKRAUT représente. Lui ne veut pas porter plainte, la LICRA le fait, et puis le Parquet de Paris ouvre une enquête. Demain soir il y a une marche rassemblement place de la République, est-ce que vous irez ?

GABRIEL ATTAL
Oui, j'irai à cette marche, j'ai envie de témoigner aussi mon refus de la haine, de l'antisémitisme, du racisme, mon attachement aux valeurs de la République, donc je serai présent à cette marche Place de la République à 19h00.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Julien DENORMANDIE disait ici vendredi qu'il irait. Est-ce que ça veut dire que vous êtes autorisé par l'Elysée et Matignon, les ministres ?

GABRIEL ATTAL
A ce stade, ce n'est pas interdit. Oui oui, je pense que l'on est autorisé. Moi j'ai envie de me mobiliser et demain au ministère je vais réunir des mouvements de jeunesse, des mouvements de jeunesse qui luttent contre le racisme et l'antisémitisme, notamment évidemment l'Union des étudiants juifs de France, mais aussi des collectifs étudiants, des syndicats lycéens, étudiants, sans doute la section jeunes de la LICRA. Moi je pense que la jeunesse elle peut être un rempart face à cette situation. Moi, ce que je constate…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et des jeunes des banlieues, des jeunes aussi des banlieues ?

GABRIEL ATTAL
Oui, eh bien des mouvements de jeunesse, il y a…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous les associerez aux mouvements des associations de jeunesse ?

GABRIEL ATTAL
Il y a des jeunes de banlieue dans des mouvements de jeunesse qui luttent contre l'antisémitisme, et heureusement, mais moi je pense que la jeunesse peut être un rempart. Je me déplace beaucoup, je rencontre beaucoup de jeunes, je suis en charge de la jeunesse au gouvernement, et je me rends compte qu'ils ont un regard particulier, une mobilisation particulière, toutes les questions d'égalité, de lutte contre les discriminations, ils ont un regard particulier sur le monde, et je pense qu'on peut s'appuyer sur les jeunes pour…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas une vision optimiste.

GABRIEL ATTAL
Eh bien moi je suis un éternel optimiste, mais non j'y crois, je pense sincèrement…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Moi aussi, mais en même temps il y a les réalités, parce que c'est vrai que dans l'histoire, le pire commence toujours par des actes antijuifs. Pourquoi pour cette manifestation ou cette marche de demain, on n'associe pas, je veux dire, et on ne marche pas contre l'homophobie, contre l'islamophobie, contre le harcèlement misogyne, contre tout ce qui est la part malade de notre propre société ? Pourquoi on le fait, probablement, d'après ce qu'on entend jusqu'ici, simplement contre les agressions antijuives ?

GABRIEL ATTAL
Ecoutez, c'est une manifestation, un mouvement qui a été initié après ce qu'on a vu ces dernières semaines, après le portrait de Simone VEIL qui a été tagué d'une croix gammée, après des propos absolument intolérables, évidemment qu'il y a aussi des actions et heureusement contre l'homophobie et contre le racisme.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et puis il y a des attaques aussi contre les églises, les chrétiens, les catholiques, contre les cimetières etc., des profanations, comme dit d'ailleurs Alain FINKIELKRAUT : « Juifs et catholiques cette fois-ci, contrairement à 1930, sont dans le même bateau ». Mercredi, le président de la République va parrainer en quelque sorte le dîner traditionnel organisé par le CRIF, qui est inquiet de la montée des périls. Est-ce que là aussi vous irez ?

GABRIEL ATTAL
Oui, j'y serai aussi, j'ai été invité comme l'an dernier et j'y serai évidemment présent, le président de la République sera présent. L'an dernier, au précédent dîner du CRIF il avait annoncé un certain nombre de choses et notamment qu'une mission était lancée justement pour lutter contre les discours de haine, racistes, antisémites sur Internet.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
On voit les résultats.

GABRIEL ATTAL
On en voit les résultats, la mission elle a rendu son rapport et on a un projet de loi qui va prochainement arriver devant le Parlement, justement pour mieux lutter contre ces discours et ces injures sur internet. On sait que les réseaux sociaux, Internet c'est devenu un vecteur énorme pour libérer cette parole, et il faut réussir à adapter notre arsenal pour la réprimer.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le CRIF n'a pas invité tous les partis politiques représentés au Parlement, c'est-à-dire pas le Front national, je ne sais pas si c'est une erreur ou pas, si même le Front national, enfin l'ex-Front national serait venu, mais est-ce que vous ne pouvez pas demander au CRIF d'éviter des positions qui sont peut-être sectaires et trop communautaires ?

GABRIEL ATTAL
Moi je n'ai pas de leçon à donner au CRIF qui invite…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on le lui dit ce matin.

GABRIEL ATTAL
... qui invite ceux qu'ils veulent à leur dîner. Par ailleurs, le Rassemblement national n'est pas représenté au Parlement, puisqu'ils n'ont pas de groupe, mais c'est le CRIF qui fait ses invitations et moi je n'ai pas de commentaire à faire. Je pense qu'apparemment…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Rassemblement national est représenté au Parlement.

GABRIEL ATTAL
Ils n'ont pas de groupe mais ils ont des…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ah bon... Mais ils sont représentés, ils ont des élus, et ils sont reçus par le président de la République, ils sont reçus par le Premier ministre.

GABRIEL ATTAL
Moi j'entends que s'ils considèrent qu'il y a une ambiguïté aussi dans certains propos, comme on a pu le voir et comme on peut en parler, donc qu'ils n'aient pas souhaité les invités, c'est à eux de le voir.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Demain vous réunissez des jeunes, vous allez mardi à la manif et à la marche, et mercredi au CRIF. A partir du mois de juin, ça c'est directement votre responsabilité, les 3 000 premiers jeunes volontaires pour le Service national universel vont porter l'uniforme. Quel uniforme ?

GABRIEL ATTAL
Alors ça sera un en uniforme qui va être fait par les jeunes, pour les jeunes.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire ils vont inventer l'uniforme qu'ils porteront.

GABRIEL ATTAL
Ouais, je lance aujourd'hui un concours avec 13 lycées professionnels, des filières mode et design, qui vont faire une proposition sur la base d'un cahier des charges, que je vais leur adresser aujourd'hui, couleurs tricolores, les symboles de la République, et puis un certain nombre d'éléments qui devront se retrouver dans cet uniforme. Et puis ensuite il y a un jury de quatre personnes qui va choisir l'uniforme que porteront les jeunes. Dans ce jury il y a le Général Benoît PUGA, qui est l'ancien chef d'état-major particulier de plusieurs présidents de la République, qui est aujourd'hui grand Chancelier de la Légion d'honneur, il y a Marie TRELLU KANE, qui est la fondatrice de l'association Unis-Cité…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ils sont quatre, dont une lycéenne que vous avez choisie…

GABRIEL ATTAL
Une lycéenne qui est élue au Conseil national de la vie lycéenne.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais votre préférence, c'est le bleu sombre, c'est le kaki, c'est le gris, c'est ... ?

GABRIEL ATTAL
Moi, il faut que les couleurs tricolores soient très présentes, et c'est ça qui m'importe, après imiter en uniforme militaire je ne suis pas certain que ce soit nécessaire, je pense que…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors ils vont apprendre les règles de la République, c'est-à-dire, les jeunes ?

GABRIEL ATTAL
Dans le Service national ? Les valeurs de la République, les institutions, il va y avoir des modules de formation sur ces questions-là, qui sont l'aboutissement de ce qu'on apprend à l'école avec l'enseignement moral et civique, et peut-être de manière plus active, avec de la simulation, du jeu de rôle, du débat, pour mieux s'emparer de ces questions-là. Il y a aussi des formations sur la protection civile, comment est-ce qu'on réagit face à une catastrophe naturelle, comment on intègre un poste de secours, comment on réagit face à un attentat terroriste.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et tout ça en un mois et en deux périodes.

GABRIEL ATTAL
Deux périodes de 15 jours obligatoires.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est mixte ?

GABRIEL ATTAL
C'est mixte.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cette fois-ci ils seront 3 000, mixtes. Où ils seront logés ?

GABRIEL ATTAL
Ils seront logés, soit dans des internats de lycées, soit dans des bâtiments qui dépendent des armées, soit dans des centres de formation.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout est organisé.

GABRIEL ATTAL
Tout est organisé, c'est une course contre la montre jusqu'en juin pour organiser cette phase pilote, mais on a beaucoup de personnes qui travaillent pour que ça soit une réussite.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et alors c'est l'apprentissage des valeurs, de la discipline, de la vie presque militaire, pendant... D'ailleurs, comment vous les appelez ? Des gadgets de la République ou des soldats ?

GABRIEL ATTAL
Les appelés. Ce sont des appelés au Service national, ils sont répartis dans des maisonnées, qui sont elles-mêmes réparties dans des compagnies, tout ça est très…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ils sont encadrés par ?

GABRIEL ATTAL
Ils seront encadrés... c'est un encadrement hybride, il y a à la fois des éducateurs spécialisés, des animateurs, des militaires, plutôt des réservistes opérationnels, des anciens militaires pour la plupart, et puis des éducateurs sportifs. Il y a vraiment un encadrement hybride.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et c'est ouvert aussi aux apprentis, parce qu'il n'y a pas seulement ceux qui sont des élèves de seconde, de 16/17 ans, les apprentis.

GABRIEL ATTAL
C'est universel donc il faut que tous les jeunes soient présents, indépendamment de leur statut. A cet âge-là en seconde, à peu près 90 % d'une classe d'âge est au lycée, il reste 10 % qui sont soit apprentis, soit décrocheurs, et évidemment il faut qu'ils soient aussi présents au travail pour qu'ils puissent intégrer ce service.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quand ils croiseront leurs personnes qui les encadrent, ils les saluent ? Comme à l'armée.

GABRIEL ATTAL
Ça, il va y avoir un règlement intérieur qui va être défini dans les prochaines semaines, mais je note la proposition.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci. Est-ce que ils pourront porter des tenues ou des signes d'appartenance à une religion ou à leur religion ?

GABRIEL ATTAL
Non, vous savez, avec Jean-Michel BLANQUER on est attaché à ce que la laïcité s'applique dans le cadre du Service national universel, comme elle s'applique…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il n'y aura aucun signe, pas de voile pas de…

GABRIEL ATTAL
Comme elle s'applique dans le cadre scolaire, donc la neutralité religieuse, la laïcité s'appliquera, on a demandé plusieurs rapports, il y en a un qui est déjà sorti, le Conseil des sages de la laïcité, présidé par Dominique SCHNAPPER, va nous rendre un rapport dans les prochaines semaines aussi, donc il n'y a pas d'inquiétude à avoir.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous ne retenez parce que vous a dit l'Observatoire qui est d'une certaine laïcité ou d'une laïcité singulière, de reconnaître et d'accepter le voile, la kippa etc., les signes.

GABRIEL ATTAL
Je crois que ce que l'Observatoire a dit, c'est qu'il voyait éventuellement un vide juridique, et justement c'est pour ça qu'on a missionné aussi le Conseil des sages, des juristes, si vide juridique il y a, il sera évidemment comblé, la neutralité religieuse s'appliquera au Service national.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cette fois-ci, 3 000 en juin, dans quelques semaines…

GABRIEL ATTAL
Entre 2 000 et 3 000.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et après ? A quel moment il y aura les 800 000 jeunes d'une même classe d'âge ?

GABRIEL ATTAL
Alors, déjà ce que je peux vous dire, c'est que dès l'année prochaine l'ensemble des départements lanceront de Service national universel, là aussi avec des petites cohortes pour démarrer. Ensuite il y aura une montée en puissance, le rapport du Général MENAOUINE propose qu'en 2026 on ait 800 000 jeunes, l'ensemble d'une classe d'âge. Moi je souhaite qu'on puisse aller plus vite, donc j'ai demandé qu'on regarde dans quelle mesure on pouvait aller plus vite, potentiellement en 2022/2023, on travaille sur ce sujet-là et la phase pilote nous dira beaucoup de notre capacité à faire plus rapidement. Donc aujourd'hui je ne peux pas annoncer le calendrier, à l'issue de la phase pilote…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous pouvez dire ce que cela coûterait en 2022.

GABRIEL ATTAL
Non plus, puisque le coût va dépendre beaucoup des choix qu'on fait à l'issue de la phase pilote, notamment en termes de taux d'encadrement, d'organisation, là on est parti sur la phase pilote sur un taux d'encadrement très élevé, un encadrant pour 5 jeunes, ce qui est beaucoup, on verra ensuite ce qu'on décidera pour le rythme de croisière.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je ne vous demande pas ce que vous savez de ce qui va sortir du Grand débat, ça viendra probablement bientôt, si c'est un référendum, pas référendum, d'abord les élections européennes, après le référendum on le fera une autre fois, mais simplement, aujourd'hui la justice va se prononcer pour ou contre la sortie mercredi en salles du film de François OZON qui s'appelle « Grâce à Dieu », et qui vient d'être récompensé au Festival du cinéma de Berlin, sur l'homosexualité dans l'Eglise etc. Est-ce que vous souhaitez qu'il soit autorisé, pour les jeunes, pour que les jeunes apprennent ?

GABRIEL ATTAL
Il y a une décision de justice qui va être rendue aujourd'hui, et donc ce n'est pas mon rôle de l'influer d'une manière ou d'une autre. Moi je suis attaché à la liberté de création, je le dis, mais c'est la justice qui déterminera si la présomption d'innocence…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est déjà une position et c'est déjà une piste.

GABRIEL ATTAL
C'est ce que je vous dis ce matin, c'est la justice qui est la mieux à même de déterminer si, en lien avec la présomption d'innocence, puisque je crois que le procès ne s'est pas encore tenu, il faut que le film soit…

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Surtout que l'église catholique va subir une semaine très douloureuse avec une réunion jeudi par le Pape François de cardinaux qui viennent du monde entier pour parler de l'homosexualité, et qu'il y a le live Sodoma qui sort et qui raconte Le Grand Secret à l'intérieur de l'église, c'est autre chose. Mais pour montrer peut-être que les Français sont plus tolérants qu'on ne le croit, j'ai noté que, on en parle avec Olivier BENKEMOUN, il y a déjà 4 millions de Français qui ont vu le film avec Christian CLAVIER « Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu ? » et que dans les prévisions ce sera 8 millions. Les Français sont là, rient et aime ce signe de tolérance et de dignité. Merci d'être venu…

GABRIEL ATTAL
C'est pour ça que je suis optimiste, on en revient à ce qu'on disait au début, moi je ne pense pas que les Français soient antisémites, je ne pense pas que les Français soient un peuple haineux, je pense qu'il y a des individus qu'il faut traiter avec fermeté, mais je pense que les Français, notamment la jeunesse, sont beaucoup plus tolérants que ce qu'on veut bien faire croire.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venu. Il faut que je vous salue ? Non. Pas vous, pas vous.

GABRIEL ATTAL
Non, pas encore.

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2019