Texte intégral
RENAUD DELY
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE
Bonjour.
RENAUD DELY
Les agressions antisémites se sont multipliées dans notre pays ces dernières semaines, des chiffres alarmants sur les statistiques en 2018 ont été publiés la semaine dernière, une progression de 74 % des actes antisémites. Alain FINKIELKRAUT a encore été victime d'une agression antisémite ce week-end. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays, Jean-Michel BLANQUER ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il se passe, je pense, une sorte d'exacerbation des haines, et celle-ci en est une, malheureusement, parmi les plus archaïques et les plus anciennes, donc ça libère certaines énergies mauvaises, on l'a très bien vu ce week-end. C'est aussi notre rôle à tous que de, à la fois d'être dans un travail d'éducation pour empêcher que ceci existe, mais aussi d'être dans un travail d'apaisement, et en même temps de fermeté par rapport à ces enjeux, je crois que pour moi c'est les trois mots clés.
RENAUD DELY
Est-ce que ce contexte vous inquiète, est-ce que vous avez peur aujourd'hui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pas du tout, la peur est le dernier sentiment à avoir, je pense que tous ceux qui cherchent à exciter les haines, comme l'antisémitisme ou d'autres haines, veulent la peur, et donc nous nous devons ne pas vouloir la peur, nous devons montrer que la République est toujours solide. C'est pour ça d'ailleurs que je serai demain soir à la manifestation, dans un esprit qui est celui qu'il faut avoir, c'est-à-dire la République ferme et solide, tranquille, qui ne prend pas peur, mais qui dit fermement ses principes.
MARC FAUVELLE
Vous y serez avec tout le gouvernement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je ne veux pas me prononcer pour chacun des ministres, mais je pense qu'il y aura une bonne partie du gouvernement, mais ce n'est pas le gouvernement qui y va, c'est, je pense chacun qui à titre personnel doit y aller.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON sera là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il ne me l'a pas dit en tout cas.
MARC FAUVELLE
C'est une possibilité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ecoutez, je ne sais pas. Enfin, le président de la République ne va pas à chaque manifestation, mais c'est à lui de décider.
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas tout à fait une manifestation comme un autre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je vous l'accorde, mais c'est une décision qui lui appartient totalement.
RENAUD DELY
Mais on se souvient qu'en 1990, après la profanation du cimetière juif de Carpentras, le président de la République de l'époque, François MITTERRAND, s'était rendu à une manifestation qui avait rassemblé 200.000 personnes à l'époque.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait, mais sauf erreur de ma part il n'avait pas prévenu à l'avance.
RENAUD DELY
Mais est-ce qu'on peut espérer une telle mobilisation, ou est-ce qu'aujourd'hui, malheureusement on l'a vu déjà ces derniers mois, lorsqu'il y a eu des assassinats antisémites, la mobilisation, en général, elle est moindre. Est-ce que vous avez le sentiment aujourd'hui que l'ensemble des Français, peut-être, ont du mal à se mobiliser pour dénoncer l'antisémitisme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, je ne pense pas, je pense que demain il y aura beaucoup de monde, qu'au contraire l'immense majorité des Français ont le coeur soulevé. Vous savez, moi je n'aime pas les discours qui consistent à laisser penser que notre peuple serait particulièrement antisémite ou quoi que ce soit, je crois que c'est tout le contraire. Bien sûr il y a des relents antisémites dans certaines parties de la population, on ne saurait le nier, mais moi je crois qu'on a un peuple au contraire magnifiquement mobilisé sur les enjeux républicains dès qu'il sent que quelque chose ne va pas, donc je pense que demain il y aura du monde.
MARC FAUVELLE
Vous venez de rappeler le devoir d'éducation à faire, Jean-Michel BLANQUER, face à l'antisémitisme, est-ce que vous souhaitez que les enseignants, que les chefs d'établissement, aient un mot particulier, dans les jours qui viennent, pour les élèves, pour leur rappeler ce qu'est l'antisémitisme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, d'ailleurs il se trouve que ces derniers temps nous avions beaucoup travaillé sur cette question, donc on a proposé toute une série d'outils pédagogiques aux professeurs, on a des conventions aussi avec des organismes comme la LICRA et toute une série d'institutions qui se dédient à cet enjeu. Donc, je vais écrire aujourd'hui même, d'ailleurs, aux chefs d'établissement pour un petit peu donner tout l'élan nécessaire à ces dispositifs. De façon générale il ne faut pas non plus trop réagir à l'événement, il faut plutôt être dans une vision en continu sur le sujet. Et puis, vous le savez, je considère qu'il y a d'abord le sujet direct, de lutter contre l'antisémitisme, avec tous ceux qui peuvent nous aider pour cela, et puis il y a le sujet indirect qui est aussi important, c'est-à-dire plus nous réussirons à avoir des élèves qui savent lire, écrire, compter, qui ont du sens logique et une culture générale solide, plus on luttera contre la bêtise tout simplement, et donc contre l'antisémitisme.
RENAUD DELY
Cette haine antisémite dont il a été victime samedi, Alain FINKIELKRAUT il la définit en ces termes, on l'écoute.
ALAIN FINKIELKRAUT
La haine est là et elle m'attend assez souvent, c'est terrible à dire, parce qu'à travers moi, ce qui est visé, ce sont les juifs en tant que sionistes, c'est-à-dire du fait de leur souci d'Israël.
RENAUD DELY
D'où elle vient cette haine à vos yeux ? Ce week-end, en dénonçant cette agression, Jean-Michel BLANQUER, vous avez évoqué l'antisémitisme sous les masques successifs qu'il prend en notre temps. C'est quoi ces masques ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y en a beaucoup malheureusement. D'abord l'antisémitisme, pour moi, renvoie à quelque chose de très archaïque dans les sociétés humaines, c'est pour ça que j'ai utilisé le mot de « hordes », c'est-à-dire que, et le phénomène du bouc-émissaire en particulier, c'est-à-dire qu'il y a une tendance négative chez l'être humain de se mettre à plusieurs contre un, et, d'une certaine façon, l'antisémitisme est une des manifestations les plus lamentables de cela, les plus… et malheureusement les plus anciennes, donc ça cristallise des choses. Et ça cristallise, alors des choses qui peuvent venir de différents courants politiques, qui peuvent venir…
RENAUD DELY
D'où ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord, on le sait très bien, il y a un certain nationalisme qui a toujours généré cela, et ça de manière ancestrale, si j'ose dire, on sait très bien que le fondamentalisme islamiste s'est ajouté à cela depuis facilement une vingtaine d'années et qu'on ne saurait le nier, et puis peut-être plus récemment je dirais qu'il y a une espèce d'antisémitisme de notre société de communication, avec une espèce de dédramatisation du sujet, une espèce de côté société de l'information liée à l'antisémitisme qui crée cet espèce d'antisémitisme…
RENAUD DELY
Qu'est-ce que vous voulez dire, il y a une forme d'irresponsabilité collective, y compris médiatique ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense qu'il y a des gens qui ne savent pas de quoi ils parlent, il y a des gens qui ne se rendent pas compte des mots qu'ils utilisent, je pense qu'une certaine inculture…
RENAUD DELY
Par exemple ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On l'a vu là avec la Ligue du LOL par exemple, ou ce type de phénomène, où on voit finalement du jeu avec ça, de la désinvolture, finalement assez significative de notre époque et d'une certaine superficialité liée aux réseaux sociaux et à d'autres choses, donc on dit n'importe quoi, n'importe comment, sans parfois se rendre compte de la portée de ce qu'on dit. C'est ce qu'on peut trouver chez certains de nos élèves qui parfois ne se rendent pas compte, répètent des choses, répètent des slogans, c'est pour ça qu'on a besoin de structurer l'esprit public, pour que le débat se passe sur des bases saines, et donc on a besoin tout simplement, encore une fois, de logique et de culture générale, et ça aura des bénéfices. Si vous voulez, l'antisémitisme est un symptôme de ce qui ne va pas, c'est non seulement un problème en soi, mais c'est un thermomètre des problèmes d'une société, et donc plus nous réussirons à faire baisser l'antisémitisme, pas seulement en tant que fièvre qui se voit, mais en tant qu'élément de causes plus profondes, mieux ce sera pour notre société.
MARC FAUVELLE
Il y a un antisémitisme de gauche, Jean-Michel BLANQUER ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, et depuis longtemps.
MARC FAUVELLE
Qui vient d'où ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous faites un peu d'histoire…
MARC FAUVELLE
… des idées.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si vous faites de l'histoire des idées au début du 20e siècle, vous avez eu des grands leaders de gauche qui étaient antisémites, au moment de l'affaire Dreyfus ce n'était pas gauche contre droite, c'était, l'antisémitisme pouvait diviser, et la gauche, et la droite, donc il y a évidemment des racines antisémites aussi à gauche, et on le voit bien de nos jours, et d'ailleurs je dirais qu'aujourd'hui l'antisémitisme se manifeste de manière particulièrement inquiétante à l'extrême gauche.
MARC FAUVELLE
On va en reparler dans un instant si vous voulez bien, Jean-Michel BLANQUER, vous restez avec nous. (…)
RENAUD DELY
Certains députés envisagent de déposer prochainement une proposition de loi pour pénaliser l'antisionisme qu'ils considèrent comme un masque de l'antisémitisme. Le député la France insoumise Eric COQUEREL, député de Seine-Saint-Denis, était notre invité ce matin sur France Info, et lui il critique cette initiative, il s'oppose à cette proposition de loi.
ERIC COQUEREL, DEPUTE DE SEINE-SAINT-DENIS
On doit pouvoir critiquer la politique de monsieur NETANYAHOU, comme d'ailleurs on pouvait critiquer la politique de théocratie islamiste, sans passer pour un antimusulman ou sans passer pour un antisémite.
RENAUD DELY
Faut-il une loi pour pénaliser l'antisionisme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça se discute, c'est une initiative que je viens de découvrir. Ça se discute, parce qu'il faut faire attention…
RENAUD DELY
Elle ... à la droite cette initiative ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non, ça mérite d'être discuté, encore une fois, de façon générale je ne suis pas pour aller dans une sorte de course permanente vers la pénalisation des choses qui nous déplaisent, il faut plutôt compter sur l'éducation, le débat, et puis il y a de toutes les façons dès aujourd'hui une forme d'antisioniste qui est bien sûr le masque d'un antisémitisme, mais qui peut justement se détecter comme tel. Donc ça se discute mais il ne faut faire très attention à ne pas, du fait de notre émotion, faire des choses qui sont ensuite contre-productives, il est exact qu'on doit pouvoir critiquer la politique d'Israël sans être pour autant considéré comme antisémite. En même temps, tous ceux qui vont jusqu'à vouloir la disparition d'Israël, se mettent clairement dans une position antisémite, on le sait bien, donc il faut raisonner sur ce sujet et y aller avec discernement.
MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER, est-ce qu'il aurait fallu inviter Marine LE PEN et Nicolas DUPONT-AIGNAN à la grande marche demain contre l'antisémitisme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas, ma position sur cette question c'est qu'une manifestation de ce type doit être ouverte, c'est-à-dire on…
MARC FAUVELLE
A tout le monde.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Je sais bien qu'il y a des points de vue différents là-dessus et je les respecte. Pour ma part je pense qu'on doit toujours postuler la bonne foi et les bonnes causes doivent toujours fédérer au maximum, même des gens…
MARC FAUVELLE
Ce qui veut dire que pour vous il n'y a pas de relent antisémite aujourd'hui dans le parti de Marine LE PEN.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que s'il y en a, elle doit justement être mise devant ses responsabilités pour les éradiquer, si elle veut être un parti républicain.
RENAUD DELY
Mais en l'occurrence une de vos collègues du gouvernement, Agnès BUZYN, la ministre de la Santé, a eu des mots très durs à l'endroit de Marine LE PEN hier. Je vous propose de l'écouter.
AGNES BUZYN, MINISTRE DE LA SANTE
Elle joue un double jeu, elle joue sur l'ambiguïté, elle mange à tous les râteliers, donc elle est contre l'antisémitisme, mais elle a plein de néonazis dans son entourage, et dès qu'elle peut aller en Autriche ou à Bruxelles avec tous les néonazis ou les mouvements d'extrême droite d'Europe et du monde entier, elle y court.
RENAUD DELY
Elle a raison Agnès BUZYN ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je voudrais qu'elle n'ait pas raison, mais c'est à justement, la charge de la preuve est pour Marine LE PEN pour ces questions-là.
RENAUD DELY
Donc elle doit à vos yeux encore aujourd'hui se dédouaner de l'antisémitisme, Marine LE PEN.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Bien sûr. Vous savez, mon raisonnement c'est qu'à partir du moment où il y a malheureusement beaucoup de gens qui votent pour elle, c'est très important de faire en sorte qu'elle ait un discours sans ambiguïté, de façon à ce qu'il n'y ait personne qui soit sur la sur la pente désastreuse de l'antisémitisme.
MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER, Eric CIOTTI, l'un des messieurs sécurité du parti Les Républicains, qui était à votre place il y a quelques jours, affirmait ici même qu'aucun enfant juif n'était scolarisé dans les écoles publiques du département de Seine-Saint-Denis. Il affirmait se baser sur des rapports qu'il aurait lus à ce sujet. Est-ce que vous êtes au courant ou pas ? Est-ce que vous confirmez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un sujet que malheureusement je connais bien, puisque j'ai été recteur de cette partie de la région parisienne…
MARC FAUVELLE
C'est pour ça que je vous pose la question.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qu'il dit il n'est pas complètement exact, mais malheureusement correspond à une tendance qui est vraie, c'est-à-dire qu'il y a eu toute une période, depuis longtemps malheureusement, depuis le début des années 2000, même un peu avant, où l'atmosphère antisémite qui peut exister dans certaines parties de la banlieue a conduit à des formes de persécution physique ou morale des élèves qui faisait se désinscrire des écoles publiques, c'est vrai que ça a existé et moi d'ailleurs j'ai lutté autant que j'ai pu contre ce phénomène, ce qui fait que vous avez fort heureusement encore des enfants juifs dans des écoles publiques, il ne faut pas exagérer…
MARC FAUVELLE
Mais peu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais bien entendu moins que ce que serait l'ordre naturel des choses.
MARC FAUVELLE
Ce qui est assez terrible, non, pour un ministre de l'Education, de dire ça.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, alors ça n'a rien de nouveau, c'est quelque chose malheureusement que…
MARC FAUVELLE
Oui oui, on mais que des enfants de la République ne puissent pas aller dans l'école de la République, en raison de leur religion ou de celle de leurs parents…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui oui, encore une fois je me méfie dans la façon de commenter ça, de ne pas créer des choses qui ensuite accentuent les phénomènes plutôt que de les réparer. Je pense qu'il se passe aussi beaucoup de choses très positives, qui aujourd'hui renforcent cette mixité. Je pense qu'aujourd'hui vous pouvez parfaitement être scolarisé en tant qu'enfant juif dans une école publique de Seine-Saint-Denis.
MARC FAUVELLE
C'est le conseil que vous donneriez à des parents : scolarisez normalement vos enfants dans ce département ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense qu'il faut qu'on joue tous le jeu de toutes les mixités, et y compris celle-ci bien entendu, et de la mixité de toutes les croyances, de toutes les provenances, c'est indispensable. Après, à charge pour nous Education nationale de garantir que tout se passe bien, mais vous savez, il ne faut pas non plus être dans le caricatural. Moi je vois sans arrêt des élèves de Seine-Saint-Denis, je suis souvent dans cette partie du territoire aussi, je vois sans arrêt des élèves qui sont de Seine-Saint-Denis, souvent issus de l'immigration etc., qui sont engagés dans la lutte contre l'antisémitisme. Donc ne nous faisons pas un portrait. Vous savez, c'est ce que je disais en commençant, n'ayons pas peur, ne cultivons pas une vision trop angoissante des choses, sans pour autant être naïf, il y a de l'antisémitisme, il s'est développé tout au long des dernières années, comme je l'ai dit tout à l'heure, du fait d'un certain nombre de phénomènes, y compris le fondamentalisme islamiste, maintenant ils n'ont pas gagné, loin s'en faut, au contraire l'école de la République gagne bien des combats sur ces sujets-là. Vous savez, on a créé les équipes laïcité à l'Education nationale, on est en train de gagner plein de petits combats du quotidien sur ce point. Les professeurs sont souvent magnifiquement engagés sur ce sujet, il y a des initiatives dans tous les sens, donc parlons aussi de cela, parce que je pense qu'il y a aussi toute une génération d'enfants de la République, dont une bonne partie de ceux-là issus de l'immigration qui sont engagés dans la lutte contre l'antisémitisme, et moi c'est quelque chose qui me rend optimiste si vous voulez. Maintenant je suis le dernier à nier le problème, puisque le problème que vous pointez il existe, mais il faut se battre pour qu'il n'existe plus.
RENAUD DELLY
Justement, cette mobilisation contre l'antisémitisme, Jean-Michel BLANQUER, elle concerne l'ensemble de la société, elle concerne aussi le monde artistique. Hier soir le chanteur Michel JONASZ a produit un témoignage extrêmement émouvant, c'était sur France 2.
MICHEL JONASZ, MUSICIEN ET CHANTEUR
La justice, qui doit être à la hauteur du défi, et donc qui doit être beaucoup plus sévère, et surtout la base, l'éducation. Et là je m'adresse aux parents, s'ils me voient, sinon c'est l'Education nationale, oui, qui doit faire des leçons d'Histoire pour éviter le révisionnisme.
RENAUD DELLY
Et il a rappelé lui-même son histoire personnelle, familiale, absolument tragique, Michel JONASZ, ses ancêtres disparus dans les camps. Qu'est-ce que peut faire l'ensemble de la société pour participer à ce combat ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien d'abord faire le travail histoire, bien sûr, il est fait aujourd'hui, il n'y a pas de doute, lorsque l'enseignement de la Shoah pose un problème parce que des élèves le contestent, nous devons réagir à chaque fois, c'est ce que nous faisons.
RENAUD DELLY
Aujourd'hui il y a des problèmes, encore, pour enseigner la Shoah ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, ça peut arriver qu'il y ait des enfants, qu'il y ait des élèves qui se rebellent en quelque sorte…
MARC FAUVELLE
Dans combien d'établissements, Jean-Michel BLANQUER, est-ce qu'on a un chiffre ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, vous aurez un chiffre vers la fin du mois de mars quand on aura parcouru une année, puisque ça fait depuis la fin de l'année scolaire dernière que nous avons commencé à établir toute la méthodologie pour voir cela, mais mon message…
MARC FAUVELLE
Vous diriez que c'est très marginal aujourd'hui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je dirais que cela arrive, mais que c'est loin d'être la majorité des cas.
RENAUD DELLY
Il prend de l'ampleur ce problème quand même, cette contestation de la Shoah ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je pense qu'il a pris de l'ampleur dans… dans les 20 dernières années il a crû, mais je ne pense pas qu'il est… non, je pense que nous sommes en train de le faire décroître, très honnêtement, puisque le message que j'ai envoyé à tous les professeurs de français, « dès que ça vous arrive, vous n'êtes pas seul, appelez-nous », il y a un numéro qui est dédié à cela - enfin il y a une adresse qui est dédiée à ça – et à chaque fois vous avez une équipe qui intervient à chaque fois que ça se passe. Donc, c'est un petit peu ce que je disais tout à l'heure sur la République ferme, solide, tranquille, c'est que nous intervenons, et après tout, à l'âge de l'adolescence, ce genre de choses peuvent arriver, et donc on doit réussir tout simplement à faire que le travail d'éducation se passe avec ces élèves. Mon but c'est que nous ne soyons pas dans une espèce de réaction émotionnelle contreproductive, mais qu'on soit au contraire dans du travail de fond, de terrain, mais aussi quelque chose qui apaise les esprits en allant à la racine des problèmes. (…)
MARC FAUVELLE
Encore un mot sur les manifestations avant d'en venir comme promis au projet de loi sur l'école.
RENAUD DELY
Faut-il envisager d'interdire la manifestation des Gilets jaunes samedi prochain s'il y a une quinzième journée de mobilisation ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De façon générale, le droit de manifester a quelque chose de constitutionnel et de très important.
RENAUD DELY
Des maires ou des préfets peuvent décider de l'interdire.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Je pense que c'est possible selon certaines conditions, donc dans le respect de la loi, on doit pouvoir porter des limites à certains excès. Je pense à toutes les manifestations non déclarées qui, par définition, sont illégales. Et puis, dans le fait peut-être de savoir mieux définir des lieux qui garantissent qu'il n'y a pas de dégâts. On ne peut pas s'accoutumer à cette espèce de désordre hebdomadaire qui est désormais le fait d'une minorité souvent violente, alors même que l'immense majorité des gens qui au départ ont été Gilet jaune se sentent discrédités par ces exactions. Donc on doit vraiment faire la part des choses, ne pas oublier ce qu'il y avait à retenir dans le mouvement et moi je ne change pas de discours sur ce point. Il y a des choses à entendre et c'est ce qu'on est en train de faire dans le cadre du Grand débat. Et moi, je pense aux gens qui ont pu manifester contre nous, être nos adversaires à bien des égards mais qui ont le droit de l'être et qui manifestent des choses qu'il faut entendre. Je fais la part des choses entre ça qui est tout à fait normal et puis les violences. Et je pense même aux premiers en me disant qu'ils doivent être bien malheureux de voir les seconds. Et les seconds, c'est à partir du moment où on est violent, on se met en dehors du droit et on doit être évidemment empêché d'exercer la violence et même sanctionné quand on l'exerce, bien sûr.
MARC FAUVELLE
Jean-Michel BLANQUER, la loi sur l'école qui est donc en cours d'examen à l'Assemblée nationale va imposer le drapeau français et le drapeau européen ainsi que le refrain de la Marseillaise dans toutes les classes de France. C'était vraiment utile ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je pense. Alors ce que je souhaiterais, c'est que sur cette loi qui est extrêmement importante on ne s'attache pas qu'à un ou deux points qui ont marqué les esprits.
MARC FAUVELLE
Pour l'instant c'est raté. Tout le monde ne retient que ça.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui. Mais ça doit vous interroger…
MARC FAUVELLE
C'est aussi de notre faute, vous allez nous dire.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui, c'est de votre faute mais je le dis volontiers. Je pense que… Non, par rapport à tout ce que j'ai dit avant sur la superficialité de notre époque…
RENAUD DELY
Vous l'avez soutenu cet amendement quand même.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr. Vous savez, il y avait mille amendements donc on peut parler des mille amendements mais il y a des choses fondamentales qui ont été votées la semaine dernière…
MARC FAUVELLE
Vous savez que les symboles parfois sont plus importants que le reste.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'instruction obligatoire à trois ans, la formation des professeurs, la visite médicale à trois ans…
MARC FAUVELLE
Si ça peut vous rassurer, on a parlé de tous ces points sur l'antenne de Franceinfo.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Mais en tout cas, je voudrais que les auditeurs aillent peut-être approfondir parce que vraiment il s'est passé des choses essentielles pour l'école. Ce point-là n'est pas négligeable et donc je le commente volontiers mais oui, pour moi c'est important, l'éducation civique et morale de chaque élève et ça passe par la connaissance des emblèmes de notre pays. En l'occurrence j'ai demandé à ce qu'il y ait et le drapeau français et le drapeau européen en plus des paroles de la Marseillaise. C'était déjà en partie le cas puisque vous avez au fronton de nos écoles normalement et la devise et les deux drapeaux. Il faut d'ailleurs s'assurer que ce soit bien le cas puis que ce soit dans la classe d'une manière simple mais qui permette de…
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas forcément un drapeau, ça peut être une affiche.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Ce sera sans doute la plupart du temps une affiche que nous ferons avec les deux drapeaux et les paroles. C'est éducatif, je trouve ça bien. Vous savez, on est un des seuls pays où ce genre de sujet fait débat. J'ai vécu dans d'autres pays, j'en connais un certain nombre. Le fait de bien connaître son hymne et d'avoir du respect pour le drapeau….
MARC FAUVELLE
Vous auriez voulu que les enfants chantent La Marseillaise ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De toute façon, les enfants doivent apprendre La Marseillaise à l'école.
MARC FAUVELLE
Mais par exemple chaque matin avant les cours ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, il ne faut pas non plus exagérer mais par exemple j'ai demandé à ce que systématiquement le 8 mai et le 11 novembre les enfants des écoles soient mobilisés pour aller aux monuments, qu'à certains moments on la chante. Vous savez, les enfants aiment ça. L'autre jour, j'étais dans un collège d'un quartier très défavorisé de Montpellier. Puis j'ai fini ma visite et après j'étais dans la rue tout simplement et j'ai croisé des élèves que j'avais aperçus juste avant. Ils étaient une petite dizaine. Ils sont venus vers moi, on a discuté pendant dix minutes, c'était extrêmement agréable et sympathique et c'est le genre de moment qui vous rend optimiste sur l'avenir du pays. Et à la fin pour me dire « au revoir », spontanément sans que je ne demande rien ils m'ont chanté La Marseillaise.
MARC FAUVELLE
C'est vraiment pour faire plaisir au ministre.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Peut-être que j'ai inspiré ça mais en tout cas, le fait est que…
MARC FAUVELLE
Vous la chantez souvent vous ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, je la chante bien volontiers. Surtout que je vais souvent quand même dans des manifestations publiques où je la chante. Regardez la manifestation en Saône-et-Loire, le Grand débat qu'on a eu avec le Président de la République, cette magnifique Marseillaise qui a été chantée à la fin par mille jeunes quelles que soient leurs opinions, peu importe. C'est ce qui nous rassemble, pour tout pays c'est important. Et si on veut intégrer vraiment tous les enfants de France, qu'ils soient issus de l'immigration ou pas, peu importe, mais si on veut qu'ils se sentent heureux et fiers de ce qu'ils sont, on ne doit jamais mettre notre drapeau dans la poche.
RENAUD DELY
On n'a pas tout à fait le temps de chanter La Marseillaise mais en revanche, encore une question sur la loi sur l'école. Il y a un autre amendement qui a fait polémique, qui a été adopté en première lecture, c'est l'amendement qui vise à remplacer la mention père et mère par parent 1 et parent 2 dans les documents scolaires.
MARC FAUVELLE
Ça vous fait sourire, Jean-Michel BLANQUER.
RENAUD DELY
Cet amendement, vous y aviez émis un avis défavorable si je ne me trompe pas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, j'avais émis un avis défavorable.
RENAUD DELY
Est-ce que vous souhaitez que cet amendement soit supprimé en seconde lecture ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On va retravailler sur ce point. Je comprends l'intention de l'amendement et je la respecte. Je pense que chaque enfant doit se sentir bien à l'école, c'est pour ça qu'on parle d'école de la confiance, quelle que soit sa structure familiale. Donc ça, je le respecte. En revanche, je ne pense pas que les mentions père et mère doivent disparaître. Je l'ai dit, c'est une position que je…
MARC FAUVELLE
Il y aura père et mère et on rayera celui qu'on ne veut pas plutôt que parent 1, parent 2. C'est ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, il y a plusieurs formules qui peuvent permettre d'avoir père et mère tout en permettant à chaque structure familiale d'être respectée.
MARC FAUVELLE
Pardon de vous interrompre. Mais on pourra par exemple avoir père et père au final ? Ou mère et mère ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Par exemple il y a des formules qui peuvent permettre ça si vous mettez père-mère et vous barrez à chaque fois. Mais si vous voulez, parent 1-parent 2, ce n'est absolument pas l'idéal puisque ç'a l'air d'installer une hiérarchie entre les deux parents. Enfin, ça pose plein de problèmes et puis je pense que là encore on peut être d'accord avec une cause et en l'occurrence celle de l'égalité entre tous les enfants quelle que soit la structure familiale, ça j'y suis évidemment très, très attaché. En revanche, il faut faire attention à ne pas au nom d'une cause faire des choses contre-productives pour cette cause. Et donc là, ce serait le cas, donc je l'ai dit. C'est quelque chose de très serein et nous arriverons à un truc.
MARC FAUVELLE
Et vous y reviendrez donc en deuxième lecture, oui.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais je ne voudrais pas que ces deux mesures… Pardon de vous le dire, mais ces deux mesures qui ne sont pas négligeables, je ne méconnais pas leur importance, mais qui sont quand même moins importantes qu'au moins quatre ou cinq choses qui ont été décidées la semaine dernière, que ces quatre ou cinq choses passent à l'as c'est quand même triste d'un point de vue…
MARC FAUVELLE
Vous aurez remarqué, Jean-Michel BLANQUER, qu'on avait prévu de parler plus longuement de la loi sur l'école, qu'il y a eu une actualité assez terrible ce week-end et qu'on a cru bon d'y passer un peu plus de temps.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il faudra me réinviter. Le travail que nous sommes en train de faire sur al formation des professeurs, le travail que nous sommes en train de faire pour valoriser l'école maternelle, pour que chaque enfant de France aille à l'école en confiance en se sentant bien, en se sentant respecté et en respectant les autres et en apprenant les savoirs fondamentaux à l'école primaire, ce travail-là avance avec cette loi. C'est un des éléments pour faire avancer les choses et c'est ce qui a été très important dans ce qui s'est passé la semaine dernière.
MARC FAUVELLE
Merci Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2019