Texte intégral
MARC FAUVELLE
Franceinfo télé et radio réunies jusqu'à neuf heures comme chaque matin pour accueillir notre invitée politique. C'est la ministre des Transports et Renaud DELY est à mes côtés.
RENAUD DELY
Bonjour Elisabeth BORNE.
ELISABETH BORNE, MINISTRE DES TRANSPORTS
Bonjour.
RENAUD DELY
A l'heure qu'il est en ce moment même, le ministre de l'Economie des Pays-Bas est dans le bureau de Bruno LE MAIRE à Bercy après le raid des Pays-Bas sur le capital d'AIR FRANCE-KLM. C'est quoi ? C'est une explication de gravure entre les deux hommes ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, cette entrée au capital de l'Etat néerlandais, c'est effectivement une démarche assez inhabituelle et qu'on peut percevoir comme inamicale puisque ni le conseil d'administration ni le gouvernement n'a été prévenu. Donc effectivement, ça appelle des clarifications et c'est le sens de la réunion qui est en cours entre Bruno LE MAIRE et son homologue, et moi j'aurai un échange tout à l'heure avec ma collègue ministre des Transports pour comprendre, demander des clarifications sur les intentions du gouvernement néerlandais.
MARC FAUVELLE
A quel moment vous vous avez été prévenue de ce raid financier ?
ELISABETH BORNE
Moi j'ai été appelée par ma collègue au moment de la conférence de presse.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire ?
ELISABETH BORNE
Au moment où ils étaient en train d'annoncer…
MARC FAUVELLE
En même temps que la presse vous avez été informée, en gros.
ELISABETH BORNE
Absolument, voilà. Donc du coup, c'est franchement inhabituel. Ce n'est pas du tout les relations qu'on a généralement avec un Etat ami, donc ça appelle effectivement quelques clarifications sur les intentions.
RENAUD DELY
C'est inhabituel comme vous dites : c'est une agression, c'est une humiliation.
ELISABETH BORNE
Ecoutez, on ne va pas employer des grands mots et monter non plus dans l'escalade des mots. Voilà, ça mérite qu'on ait une explication du gouvernement néerlandais sur ses intentions. Moi je vais vous dire, mon objectif c'est clairement l'intérêt d'AIR FRANCE-KLM.
MARC FAUVELLE
Pourquoi vous n'êtes pas présente à cette réunion, madame BORNE ?
ELISABETH BORNE
Moi je vous dis, j'aurai un échange…
MARC FAUVELLE
AIR FRANCE, c'est la plus grande entreprise de transport en France.
ELISABETH BORNE
Oui, oui, mais j'aurai un échange tout à l'heure avec mon homologue et ma collègue donc ministre des Transports. Bruno LE MAIRE a un échange avec son homologue. J'aurai un échange avec ma collègue.
RENAUD DELY
L'avenir de la compagnie justement AIR FRANCE-KLM, il est menacé à vos yeux aujourd'hui ?
ELISABETH BORNE
On a bien vu que cette entrée au capital qui n'est pas très explicable vu des acteurs du secteur a fait baisser le cours d'AIR FRANCE-KLM, donc c'est le premier résultat. On est tous attachés à ce que AIR FRANCE-KLM continue son développement, que ça reste un leader mondial, et donc il y a besoin d'une stabilité dans l'actionnariat. Il y a besoin aussi que les attitudes des uns et des autres soient explicables. Donc il faut absolument qu'on rentre maintenant dans un processus où on comprend les intentions de chacun.
MARC FAUVELLE
Vous diriez que l'offensive des Pays-Bas a fragilisé le groupe ?
ELISABETH BORNE
C'est en tout cas très clairement ce que reflète son cours de bourse.
MARC FAUVELLE
A la Bourse, oui. Mais est-ce que l'alliance elle-même est fragilisée ?
ELISABETH BORNE
Franchement, on ne va pas non plus être alarmiste. Il faut qu'on s'explique avec ce gouvernement néerlandais et qu'on se redise ensemble qu'on défend l'intérêt d'AIR FRANCE-KLM, le renforcement de ses alliances, sa position de leader du secteur au niveau mondial et donc, voilà, c'est ça qu'il faut qu'on clarifie.
MARC FAUVELLE
Est-ce que l'Etat français pourrait racheter davantage de parts pour arriver au-dessus des Pays-Bas ?
ELISABETH BORNE
Objectivement, on ne va pas rentrer dans cette escalade. Aujourd'hui, il y a sans doute des inquiétudes qu'il faut que le gouvernement néerlandais nous explique. Moi j'ai entendu dans la presse néerlandaise des craintes par exemple sur le hub d'Amsterdam. Il n'y a aucune crainte à avoir donc expliquons-nous tranquillement et reprenons un cours normal.
RENAUD DELY
Est-ce qu'il n'y a pas des craintes aussi générées par le management de Benjamin SMITH ?
ELISABETH BORNE
Moi je note que les ministres néerlandais ont affirmé qu'ils soutenaient la stratégie et le management d'AIR FRANCE-KLM donc tout va bien. On a simplement besoin de se clarifier sur les intentions du gouvernement puisqu'on est d'accord sur la stratégie. Pourquoi cette entrée au capital ? C'est ce que Bruno LE MAIRE est en train de demander à son homologue et c'est ce que je demanderai à ma collègue tout à l'heure.
MARC FAUVELLE
Autre dossier, c'est celui de la SNCF.
RENAUD DELY
Guillaume PEPY, le patron de la SNCF, a publié hier les résultats de la compagnie. Ces résultats, c'est un bénéfice divisé par 10 en 2018 par rapport à 2017. Le bénéfice est de l'ordre à peu près de 141 millions d'euros contre 1,5 milliard l'année précédente. Est-ce que c'est de la faute de la grève à la SNCF ?
ELISABETH BORNE
Je pense que ce résultat n'est une surprise pour personne. La SNCF a perdu 900 millions d'euros de chiffre d'affaires du fait des grèves donc ce résultat il était attendu. Ce qui est important, c'est que les voyageurs sont revenus, que la fréquentation est en hausse et c'est bien le sens de la réforme qu'on a menée. C'est d'avoir des trains qui marchent mieux, qui soient plus attractifs pour les voyageurs. Vous savez, quand le train ne marche pas bien, on renforce la dépendance à la voiture. Donc la réforme qui a été conduite l'an dernier, elle a vraiment cet objectif. Plus de trains, des trains qui marchent mieux, un meilleur service, des trains moins chers et c'est ça que moi je suis. Et j'ai eu l'occasion de rencontrer à la fois les représentants des régions cette semaine, les représentants des usagers, les cheminots. L'objectif, c'est que cette réforme se mette en oeuvre et qu'à la fin, on ait ces résultats.
RENAUD DELY
Vous parlez des trains moins chers. Précisément quand on regarde les résultats de la compagnie, ce sont les TGV low cost, les TGV Ouigo qui progressent, dont le trafic progresse fortement, parfois au détriment des TGV classiques. Il y a un risque potentiel de concurrence au sein de la SNCF ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, moi je promeus un modèle de TGV qui dessert largement nos territoires et qui soit accessible à tous.
RENAUD DELY
Hier a été annoncée justement la suppression de dessertes de TGV Nord entre Paris et Douai.
ELISABETH BORNE
La SNCF a engagé une concertation effectivement avec les élus des Hauts-de-France sur une éventuelle réorganisation de dessertes. Moi j'ai dit très clairement à la SNCF que le modèle que je défends, c'est un TGV qui dessert les territoires, pas uniquement les métropoles. Donc cette évolution de dessertes, elle ne peut pas se faire sans l'accord des territoires. Je l'ai dit clairement à la SNCF.
MARC FAUVELLE
Qui décide aujourd'hui des ouvertures et des fermetures de lignes de train ? Est-ce que c'est la ministre ou est-ce que c'est le patron de l'entreprise ?
ELISABETH BORNE
Ce n'est pas la ministre depuis Paris qui va décider des horaires de dessertes dans les territoires. C'est une discussion…
MARC FAUVELLE
Sur les horaires évidemment, ça c'est une responsabilité de l'entreprise. Mais sur les fermetures de lignes ?
ELISABETH BORNE
Alors sur l'orientation générale, la stratégie sur le TGV, je vous le dis, elle est très claire de ma part. C'est un TGV qui reste dans notre modèle, un TGV qui dessert non seulement les métropoles mais aussi les territoires et donc…
MARC FAUVELLE
Je vous pose la question, Elisabeth BORNE, parce qu'Emmanuel MACRON lors d'un Grand débat il y a quelques jours s'est fâché tout rouge contre le président de la SNCF en disant qu'il s'était engagé il y a quelques semaines à ce que la ligne entre Saint-Dié et Epinal dans les Vosges ne ferme pas. Cette ligne finalement a été fermée il y a quelques semaines. Est-ce que la politique de la SNCF désormais elle se fait à l'Elysée ?
ELISABETH BORNE
Elle se fait… Enfin, je pense que le président il a exprimé la colère que moi j'entends aussi dans le territoire quand vous avez ces lignes, ces lignes de dessertes fines, ces petites lignes comme on dit qui ferment sans que personne n'ait été prévenu.
MARC FAUVELLE
Donc elle va rouvrir cette ligne ou pas ?
ELISABETH BORNE
Clairement. Le Président de la République l'a demandé.
MARC FAUVELLE
Et tant pis pour la décision de Guillaume PEPY. On va passer outre.
ELISABETH BORNE
C'est une ligne qui a fermé parce qu'elle est en très mauvais état comme des milliers de kilomètres de lignes dans notre pays. Et c'est aussi un des enjeux de la réforme qu'on a engagée : c'est que pendant des années, il y a eu une politique du tout-TGV, un réseau qu'on n' plus entretenu. C'est vrai sur des lignes principales. Vous savez, quand vous êtes à Clermont, à Limoges, à Rouen, vous mettez plus de temps pour rejoindre Paris que ce que vous faisiez il y a vingt ans.
RENAUD DELY
Et donc la SNCF peut décider de fermer des lignes sans tenir compte de vos consignes ?
ELISABETH BORNE
La ligne, elle a fermé pour des raisons de sécurité et elle doit… On va faire des travaux, on en discute avec la région Grand-Est. On fera des travaux pour que cette ligne puisse rouvrir.
MARC FAUVELLE
Vous savez quand ?
ELISABETH BORNE
On est en train de regarder avec la région Grand-Est le calendrier de ces travaux évidemment avec la SNCF. Mais vous voyez, on ne peut pas dans les territoires fermer des lignes. Il faut qu'on sorte de cette logique qu'on a depuis des années dans lequel on met tout l'argent sur les TGV et dans le même temps, le train que les gens prennent tous les jours se dégrade. Donc c'est le sens des investissements très importants : 3,6 milliards d'euros pendant dix ans qui ont été décidés au moment de la réforme.
MARC FAUVELLE
On va en parler.
ELISABETH BORNE
Et c'est le sens de la politique qu'on mène : faire fonctionner le train de tous les jours, priorité à ces trains de tous les jours. (…)
RENAUD DELY
A quoi va servir l'argent de la SNCF ? Voici la réponse de Guillaume PEPY qui était l'invité de Franceinfo hier soir.
GUILLAUME PEPY, PRESIDENT DU DIRECTOIRE DE LA SNCF
Une des bonnes nouvelles de la réforme, c'est que l'argent du ferroviaire reste dans le ferroviaire. C'est-à-dire que les bénéfices de la SNCF permettent d'accélérer la rénovation des voies existantes.
JEAN LEYMARIE
Donc pas de dividendes versés cette année à l'Etat.
GUILLAUME PEPY
Et pas dans le futur parce que ce qu'a décidé le Parlement dans son infinie sagesse, c'est que l'argent gagné dans le ferroviaire restait pour moderniser le ferroviaire.
MARC FAUVELLE
C'est le patron de la SNCF maintenant qui décide s'il verse ou non des dividendes à l'Etat ? Vous confirmez ce qu'il dit Guillaume PEPY ou pas ?
ELISABETH BORNE
Non. Je pense que le président de la SNCF explique ce que l'Etat a décidé. C'est en effet que l'argent du ferroviaire reste dans le ferroviaire.
MARC FAUVELLE
Donc vous pouvez nous confirmer que la SNCF ne versera pas d'argent cette année à l'Etat vu ses résultats ?
ELISABETH BORNE
Je vous le confirme totalement. Pas cette année et pas les années suivantes.
MARC FAUVELLE
Même s'il y a des gros bénéfices, il n'y aura plus de dividendes.
ELISABETH BORNE
Attendez. Il y a besoin d'un argent considérable pour remettre en état le réseau. Vous savez, quand pendant des décennies vous n'avez pas fait ce qu'il fallait, vous n'avez pas entretenu le réseau, il faut des milliards pour remettre ce réseau en état et c'est ce qu'on va faire.
RENAUD DELY
Et en revanche, la dette de la SNCF, elle s'est alourdie de 3 milliards d'euros l'année dernière. L'Etat va commencer à prendre progressivement en charge cette dette.
ELISABETH BORNE
Alors elle s'est alourdie de 3 milliards l'an dernier comme elle s'alourdit depuis des années de 3 milliards, et on a en effet annoncé qu'on reprendrait 35 milliards d'euros de dette donc en commençant en 2020, 25 milliards. Et donc effectivement, ça va permettre à la SNCF de consacrer tous ses moyens sans être plombée par la dette pour offrir un meilleur service aux Français.
RENAUD DELY
Le mandat de Guillaume PEPY à la SNCF, il s'achève mi-2020, en juin 2020. Quel est le bon profil pour le successeur ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, à partir du 1er janvier 2020, il y a une nouvelle organisation qui se met en place et on va donc devoir, dans les prochains mois, réfléchir au management de cette nouvelle SNCF. Ce n'est pas une question d'actualité aujourd'hui.
RENAUD DELY
Vous avez dirigé la RATP par le passé. Vous pourriez diriger la SNCF.
ELISABETH BORNE
Non. Je vous confirme que je ne suis pas candidate.
RENAUD DELY
Vous ne serez pas candidate.
ELISABETH BORNE
Voilà.
MARC FAUVELLE
Vous ne serez pas candidate.
ELISABETH BORNE
Non, je vous confirme, je ne suis pas candidate à la SNCF.
MARC FAUVELLE
D'accord. Un mot sur un autre grand projet cette fois-ci ferroviaire, c'est le Lyon-Turin. Le nouveau gouvernement italien n'en veut plus. Est-ce que ce chantier est aujourd'hui enterré ?
ELISABETH BORNE
Alors c'est moins simple que ça.
MARC FAUVELLE
Oui. J'avais un peu résumé ma question. Oui, oui.
ELISABETH BORNE
Voilà. Il y a une coalition en Italie.
MARC FAUVELLE
Je comptais sur votre réponse pour l'expliciter un petit peu.
ELISABETH BORNE
Il y a une coalition en Italie dans lequel le Mouvement 5 Etoiles…
MARC FAUVELLE
Qui est contre les grands projets a dit qu'il ne voulait pas de celui-là.
ELISABETH BORNE
Voilà, contre les grands projets et en particulier contre celui-là, tandis que la Ligue du Nord est tout à fait pour. Aujourd'hui, on a du mal à comprendre.
MARC FAUVELLE
Vous, votre homologue ministre il est Ligue du Nord ou il est…
ELISABETH BORNE
Il est 5 Etoiles.
MARC FAUVELLE
Il est 5 Etoiles. Donc il est contre.
ELISABETH BORNE
Lui, il est clairement. Donc ça, il n'y a pas de doutes. Moi je vais vous dire, ce projet il fait l'objet d'un traité entre la France et l'Italie. Donc on a tous les deux décidé ensemble de faire ce projet. Il y a des financements européens, 40 %, qui pourraient être portés à 50 %. C'est un projet très important. Vous savez qu'aujourd'hui, la part du ferroviaire dans le transport de marchandises entre la France et l'Italie, c'est 8 %. Entre l'Italie et la Suisse, c'est 70 %. Les gens n'en peuvent plus des camions qui traversent les vallées dans les Alpes. Ce projet, il sert à ça.
RENAUD DELY
Quand l'Italie doit vous donner sa réponse ? Jusqu'à quand vous pouvez patienter ?
ELISABETH BORNE
On a dit aux Italiens, la Commission européenne l'a dit également, qu'on va perdre des financements s'il n'y a pas une décision rapide. Donc maintenant, le moment est venu pour les Italiens de nous confirmer qu'ils souhaitent bien réaliser ce projet.
MARC FAUVELLE
La France pourrait augmenter sa participation pour essayer de les convaincre ? Aujourd'hui les Italiens payent plus que nous.
ELISABETH BORNE
L'Europe a proposé d'augmenter sa participation. Comme ça, la France et l'Italie paieraient à la même hauteur.
RENAUD DELY
Vous évoquiez la pollution générée par le transport. Précisément ces derniers jours, il y a eu des pics de pollution dans un certain nombre de grandes métropoles françaises et la décision d'alterner, de réguler la circulation n'a pas été prise automatiquement. Il y a parfois eu d'ailleurs des délais qui ont été contestés par certains responsables politiques. Je vous propose d'écouter Emmanuel GREGOIRE, c'est le premier adjoint à la mairie de Paris qui justement déplore le mode de décision.
EMMANUEL GREGOIRE, PREMIER ADJOINT A LA MAIRIE DE PARIS
On est en colère parce qu'il faut bien comprendre que c'est l'accumulation qui aggrave le risque, qui aggrave le danger. Nous ce que nous plaidons depuis longtemps et pas que sur cet épisode, c'est que dès que les scientifiques fixent des normes d'exposition dangereuse, qu'il y ait des principes d'automaticité qui s'appliquent aux méthodes de circulation de façon à dépolitiser le sujet.
RENAUD DELY
Pourquoi aujourd'hui ce n'est pas automatique les interdictions de circulation en cas de pic de pollution ?
ELISABETH BORNE
Franchement, je ne comprends pas ces polémiques. Il y a des procédures très claires. Il y a en effet des scientifiques qui observent le niveau de pollution. Il y a des seuils dans lesquels on commence par donner des recommandations. On limite les vitesses, ensuite il y a des seuils d'information et ensuite on met en place des restrictions de circulation. C'est exactement ce qui a été fait. Je vais vous dire, on ne plaisante pas avec ces choses-là.
RENAUD DELY
Mais c'est long.
ELISABETH BORNE
Moi, je suis parfaitement consciente. Je suis parfaitement consciente qu'il y a 48 000 décès prématurés chaque année pour des problèmes de pollution. Donc on ne peut pas suspecter le gouvernement…
MARC FAUVELLE
Il n'y a pas de filtre politique aujourd'hui, Elisabeth BORNE. Dès que la pollution atteint un certain seuil, le préfet prend la décision.
ELISABETH BORNE
Il n'y a aucun filtre politique, il y a des procédures très claires et vraiment ces polémiques, elles sont parfaitement inutiles.
RENAUD DELY
On ne peut pas raccourcir la procédure ? On ne peut pas aller plus vite, dites-vous, que ce qu'on fait aujourd'hui.
ELISABETH BORNE
Enfin, très clairement, on mesure la pollution. C'est des scientifiques qui le font. En fonction des seuils, il y a des mesures qui sont prises, des mesures de limitation de vitesse puis des mesures de restriction de circulation. C'est exactement ce qui a été fait. Moi je note qu'à chaque fois on a des polémiques, c'est parfaitement contre-productif et inutile. On applique les procédures et on se préoccupe de la qualité de l'air non seulement au moment des pics de pollution, mais vous savez que dans la loi Mobilités qui sera débattue très prochainement au Sénat, on encourage les collectivités à mettre en place des zones à faibles émissions. Il y avait deux villes en France qui avaient mis en place des telles zones, on en a quinze. Quinze métropoles. Le gouvernement a été discuter avec les métropoles pour qu'on agisse dans la durée sur ces questions de pollution et pas simplement les jours de pic.
MARC FAUVELLE
Avouez que c'est quand même très compliqué le système actuel de la vignette Crit'Air. On a vu ces derniers jours plusieurs villes la mettre en place, cette circulation différenciée. Les critères n'étaient pas les mêmes selon qu'on habitait à Lille, à Paris ou à Lyon. A Lyon par exemple, il suffisait d'avoir une vignette quel que soit son numéro pour pouvoir rouler. Est-ce que ce n'est pas trop complexe ?
ELISABETH BORNE
C'est des décisions. Enfin justement, les modalités de gestion de ces problèmes de pollution, je pense que c'est aussi aux collectivités d'en discuter localement en tenant compte de la situation. Ce n'est pas la même chose si vous êtes dans une cuvette comme à Grenoble ou à Strasbourg, si vous êtes à Lyon. Donc que les collectivités aient une responsabilité…
RENAUD DELY
Mais le sens de cette vignette Crit'Air, pourquoi est-ce…
ELISABETH BORNE
Mais le sens. Enfin, le sens de la vignette il est le même partout en France. Les mesures que les collectivités prennent sont adaptées à chacun des contextes. Quand on est à Poitiers, à Lille, à Paris ou à Strasbourg, les situations ne sont pas les mêmes. (…)
MARC FAUVELLE
Elisabeth BORNE, on parlait de la vignette Crit'Air il y a quelques instants, on va parler d'une autre vignette, qui pourrait faire son retour en France, c'est la vignette pour les poids lourds, est-ce que vous confirmez que votre ministère planche en ce moment sur cette question ?
ELISABETH BORNE
Alors, de quoi il s'agit ? vous savez, je pense que les Français, ils le disent aussi ces dernières semaines, ils ont besoin qu'on les aide avec des meilleures réponses en termes de transports, et ça suppose notamment d'investir fortement, d'augmenter nos investissements dans les transports, pour remettre en état le réseau ferroviaire, pour augmenter, faire plus de train autour des grandes villes, pour aussi terminer enfin les routes qu'on a promis depuis des décennies – moi, quand je me déplace en France, quand je suis en Bretagne, on me dit « Le Général de GAULLE nous avait promis la mise à deux fois deux voies de la RN164. »
RENAUD DELY
Plus près de nous que le Général de GAULLE, on se souvient de l'écotaxe, cette vignette poids lourds c'est donc le retour de l'écotaxe 5 ans après ?
ELISABETH BORNE
Donc, du coup, on a besoin d'investir plus dans les transports, et forcément on réfléchit à la façon dont on peut financer ces investissements dans les transports, moi j'ai toujours dit, on a une programmation des infrastructures, sur laquelle on travaille depuis des mois, qui suppose qu'on ait une ressource supplémentaire à partir de 2020.
RENAUD DELY
Une vignette qui s'appliquerait à tous les poids lourds, français et étrangers ?
ELISABETH BORNE
Je vais vous dire, il n'y a aucune décision qui est prise, on a un grand débat qui, justement, traite des questions de fiscalité, notamment de la fiscalité écologique, on va attendre les résultats de ce grand débat.
MARC FAUVELLE
Le journal Le Monde évoquait une piste hier, une vignette qui serait donc pour tous les camionneurs, qu'ils soient français ou étrangers, mais dont seraient dispensés ceux qui font le plein en France et qui payent donc des taxes en France en achetant leur gasoil.
ELISABETH BORNE
Ce que j'ai toujours dit c'est que personne ne peut comprendre qu'on ait tous ces poids lourds, qui font le plein en Belgique ou au Luxembourg, qui traversent notre pays, et qui refont le plein en Espagne, qui évidemment contribuent à l'usure de nos routes, et même au besoin de renforcer ces routes. Donc, il faut trouver un moyen, ça je peux vous confirmer que je pense que ça serait une bonne idée, que ces poids lourds, en France, comme c'est le cas dans d'autres pays, participent à l'entretien et à la modernisation de nos infrastructures.
MARC FAUVELLE
Et l'idée étant que ça coûte le moins cher possible, voire rien du tout, aux camionneurs français, on a bien compris ou pas ?
ELISABETH BORNE
Mais il y a différentes possibilités, beaucoup d'hypothèses, qui peuvent être évoquées, aucune décision n'est prise, et on va attendre les conclusions du grand débat.
RENAUD DELY
Il y a une autre mesure qui concerne directement les transports, qui est entrée en vigueur en juillet dernier, c'est l'instauration de la limitation à 80 km/h sur les routes, il y a une évaluation en cours de cette mesure. Le président du Sénat, Gérard LARCHER, qui était notre invité ici même à votre place hier, réclame qu'on revienne, en tout cas partiellement, sur cette mesure.
GERARD LARCHER, PRESIDENT DU SENAT
En tous les cas il faudra cesser de raisonner nationalement, cesser de gouverner verticalement, c'est typiquement la décision décalée, tout dépend de l'état du réseau, et nous voyons en janvier que l'essentiel de l'accroissement de l'insécurité routière elle est dans les agglomérations et sur les routes à deux fois deux voies, donc revenons au terrain.
RENAUD DELY
Vous allez faire du cas par cas sur les 80 km/h et revenir, selon les routes, ou selon les départements, sur cette mesure ?
ELISABETH BORNE
Alors, vous savez que dès le départ on a dit que cette mesure elle ferait l'objet d'une évaluation début 2020, c'est évidemment un sujet qui est fortement évoqué dans le débat, donc là aussi on va écouter ce qui se dit dans le débat, et les décisions viendront après le débat.
RENAUD DELY
En janvier la mortalité sur les routes est repartie à la hausse.
ELISABETH BORNE
Je vous confirme, il y a beaucoup de radars qui sont dégradés, et je crois qu'on a une augmentation de 270 % des excès de vitesse sur les routes.
MARC FAUVELLE
Pardon, votre collègue de l'Intérieur, Christophe CASTANER, vient de donner un chiffre ce matin, les trois quarts des radars français ont été dégradés pendant le mouvement des gilets jaunes. Vous confirmez ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, si Christophe CASTANER le dit c'est que ce doit être vrai.
MARC FAUVELLE
Si vous m'aviez dit non, j'aurais été très surpris. Est-ce que vous avez déjà chiffré le coût de ces dégradations, à la fois pour les réparer, et puis pour les PV qui n'ont pas été dressés pendant des semaines ?
ELISABETH BORNE
Je peux vous dire que ça je le regarde de près, parce que vous savez, ça a failli mettre en péril le budget des transports cette année, puisqu'une partie de ces amendes radar sert à financer les investissements dans les transports. Donc, on est passé, effectivement dans un moment très difficile, puisqu'il manquait beaucoup d'argent. Le gouvernement s'est dit qu'on ne pouvait évidemment pas pénaliser les Français parce qu'il y avait eu moins d'amendes radars, et donc on a bouclé un budget en augmentation dans les transports, mais je peux vous assurer que, en effet, il y a eu une forte dégradation, et du coup des amendes radars…
RENAUD DELY
Et cette dégradation a fait des morts ?
ELISABETH BORNE
Cette dégradation elle se traduit par une augmentation considérable des excès de vitesse. Le mois de janvier, vous avez vu, on a à nouveau une hausse de la mortalité, alors qu'on avait eu une baisse l'an dernier, avec la mise en place de la mesure.
MARC FAUVELLE
Tous les radars qui ont été dégradés reprendront du service et seront tous réparés ?
ELISABETH BORNE
Je pense qu'on ne va pas reculer sur l'objectif qui est de réduire la mortalité routière, vous savez que c'est une cause de mortalité, c'est plus de 3000 morts par an, c'est 70.000 blessés, des gens dont les vies sont durablement perturbées parce qu'ils ont des blessures graves, donc on ne va pas reculer sur cet objectif.
MARC FAUVELLE
Et il y en aura des nouveaux ?
ELISABETH BORNE
Bien sûr qu'il y aura des nouveaux radars, bien sûr.
MARC FAUVELLE
On va continuer à en installer ?
ELISABETH BORNE
Mais, est-ce que vous pensez qu'on peut mettre des limitations de vitesse, vouloir lutter contre les excès de vitesse, et ne prévoir aucun contrôle, donc bien sûr qu'il faut des contrôles.
RENAUD DELY
Les élections européennes c'est dans moins de 3 mois maintenant, Elisabeth BORNE, La République en marche n'a pas encore de tête de liste, des noms circulent, des noms de certaines de vos collègues du gouvernement, est-ce que vous êtes plutôt Agnès BUZYN ou Nathalie LOISEAU ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, ce n'est pas moi qui vais choisir…
MARC FAUVELLE
A défaut de prendre la présidence de la SNCF.
ELISABETH BORNE
La tête de liste pour les prochaines européennes. Ce qu'on voit c'est qu'effectivement beaucoup de ministres qu'on disait issus de la société civile, souhaitent avoir un engagement politique, et je pense que c'est une très bonne chose.
RENAUD DELY
Effectivement, ces deux ministres seraient tentées par la tête de liste aux élections européennes, vous le confirmez ?
ELISABETH BORNE
Ecoutez, je pense qu'elles pourront vous le confirmer elles-mêmes !
MARC FAUVELLE
Vous serez sur la liste, vous ?
ELISABETH BORNE
Moi je ne pense pas… enfin, moi je pense qu'un engagement politique c'est évidemment important que ça se traduise aussi dans des élections, a priori moi je n'ai pas de projet pour les européennes.
MARC FAUVELLE
Merci à vous Elisabeth BORNE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er mars 2019