Interview de M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à Public Sénat le 26 février 2019, sur la politique agricole.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

CYRIL VIGUIER
Deuxième partie de notre émission « Territoires d'infos » avec la presse quotidienne régionale, les télés locales de France et le réseau Vià Télévision, les Indés Radios, 130 radios sur tout le territoire français qui sont nos partenaires, et avec TV5 Monde, et l'invité politique ce matin, en direct au Salon de l'agriculture et de l'alimentation, eh bien c'est le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, bonjour Didier GUILLAUME, merci d'être avec nous ce matin.

DIDIER GUILLAUME
Bonjour.

CYRIL VIGUIER
Pour vous interroger à mes côtés Oriane MANCINI, la spécialiste politique de Public Sénat, bonjour Oriane.

ORIANE MANCINI
Bonjour.

CYRIL VIGUIER
Et Stéphane VERNAY de Ouest-France, Stéphane vous dirigez le bureau parisien du plus grand quotidien régional français, merci d'être avec nous ce matin.

STEPHANE VERNAY
Bonjour.

CYRIL VIGUIER
Didier GUILLAUME, je me disais tout à l'heure, je vous ai vu arriver, vous mettez le pied dans ce salon et on vous demande déjà des choses. Alors là moi j'ai une question pour vous, parce qu'au fond c'est le moment de toutes les demandes, de toutes les revendications, et on a appris ce matin que l'interprofession des fruits et légumes demande au gouvernement une TVA le plus près possible de zéro.

DIDIER GUILLAUME
Ce que l'on demande dans ce salon d'abord c'est de la convivialité, ce que l'on demande dans ce salon c'est de rencontrer des agriculteurs, des éleveurs, de voir l'agriculture française dans toute son ampleur. Cette agriculture française elle est belle, on a ici des gens, des agriculteurs, dont certains souffrent, dont certains n'ont pas de revenu, dont certains ont vu un des leurs se suicider, un agriculteur se suicide tous les 2 jours, c'est un drame, et c'est la raison pour laquelle il faut répondre à ces questions d'abord. Répondre à ces questions sur le revenu, répondre à ces questions sur l'ambiance, répondre à ces questions pour la lutte contre l'agribashing, et réconcilier ces deux France, réconcilier l'urbain et le rural, réconcilier l'agriculture et la société, c'est absolument indispensable, et je crois que nous sommes en train de le faire. Nous sommes en train de le faire parce que les états généraux de l'alimentation ont amené une première marche, on a franchi une première étape, sur l'augmentation du revenu, sur le fait qu'il n'est plus possible aujourd'hui que l'on paye à un paysan un prix inférieur à ce que ça lui revient, ce n'est plus possible tout cela. Donc alors oui, il y a beaucoup de demandes…

CYRIL VIGUIER
Un allégement de la TVA par exemple, pour cette profession, les fruits et légumes ?

DIDIER GUILLAUME
Je ne vais pas répondre à cette question, j'ai entendu ça ce matin, on n'est pas là pour faire le concours Lépine des bonnes idées ou des mauvaises idées, moi ce qui m'importe c'est une chose. Cette année le budget de la France a réduit la fiscalité pour l'agriculture, -100 millions d'euros, les agriculteurs ont le fuel défiscalisé, les agriculteurs ont la possibilité de faire une épargne de précaution, à hauteur de 150.000 euros, c'est cela qui compte globalement, et surtout l'objectif c'est qu'ils vivent de leur travail. Et nous allons, dans la préparation de la PAC, de la Politique Agricole Commune, post-2020, essayer de faire en sorte que ceux qui souffrent aient de la solidarité territoriale, de la solidarité en fonction des filières, c'est tout cela l'agriculture. Elle est belle cette agriculture, on est sur votre plateau, mais on entend à côté de la volaille, quand on change de hall on voit des vaches, on voit des chèvres, on voit des porcs, on voit des fleurs, on voit des légumes, on voit des fruits, c'est la France qui est là, c'est la France qui est réunie, et la France rurale c'est la France.

CYRIL VIGUIER
Stéphane VERNAY, Ouest-France.

STEPHANE VERNAY
J'ai bien compris que vous ne répondriez pas sur la TVA à zéro…

DIDIER GUILLAUME
Mais je vous ai répondu, j'ai dit que je ne répondrai pas.

STEPHANE VERNAY
Oui, j'ai bien compris que vous ne répondriez pas. N'empêche, je vous relance quand même sur cette question, parce que ce qui est intéressant dans cette histoire de TVA zéro, c'est que c'est une demande qu'on entend chez les agriculteurs, mais aussi chez les gilets jaunes, dans le cadre du mouvement en cours, sauf qu'ils se posent la question de l'acceptabilité d'une TVA à taux zéro au niveau européen, il y a des seuils qui existent, on ne peut pas passer en deçà de ces seuils sans avoir l'accord de l'ensemble des Etats membres. Ma question c'est, vous, en tant que ministre de l'Agriculture, sur les aides ou l'accompagnement que vous pouvez proposer à l'agriculture française, quelles sont vos marges réelles et en quoi est-ce que l'Europe vous empêche par exemple de prendre des mesures fortes qui pourraient permettre à la filière de se porter mieux ?

DIDIER GUILLAUME
Je suis surpris. Bon, vous avez là une question que vous allez répéter toute la journée, et ça va amuser peut-être vous, et peut-être d'autres à côté, mais ça ne rime à rien, je viens de répondre à tout cela. On peut dire la TVA à zéro, puis la TVA à -10, on peut tout faire gratuit aussi, et supprimer les impôts. Moi je connais la filière fruits et légumes, ce n'est pas de sujet. Quand on met l'exonération de charges pour tous les travailleurs saisonniers, ce n'est pas une baisse de fiscalité ? Quand on est en train de travailler aujourd'hui, sur faire évoluer la filière, c'est ça qui compte. Alors après j'ai entendu cette demande, il pourrait y en avoir d'autres dans le salon, mais pour répondre à la question de Cyril VIGUIER sur la vôtre, pourquoi je ne vais pas répondre à ça, je vais vous dire quoi, c'est une bonne idée, c'est une mauvaise idée ? Ça n'a pas de sens. La TVA ce n'est pas la France qui la décide, c'est l'Europe. Par contre, tout le reste, c'est la France qui le décide. Quand nous exonérons les salariés des entreprises arboricoles et légumières, de charges, c'est l'Europe, et ça c'est une grosse baisse de fiscalité, ça s'appelle les TODE, il avait été question de le remettre en cause, ça n'a pas été remis en cause, on a baissé la fiscalité, je vous l'ai dit, donc il y a beaucoup de choses qui sont faites. Mais aujourd'hui, ce n'est pas un problème de TVA, aujourd'hui il y a deux choses. Un, il faut relancer, remonter, le revenu des agriculteurs, et donc des arboriculteurs et de ceux qui travaillent dans la filière légumes, mais surtout il faut que dans les GM&S, dans les grandes surfaces, les prix soient mieux équilibrés, les marges soient mieux équilibrées, afin que les choses ne coûtent pas plus cher.

ORIANE MANCINI
Justement, on va parler de la loi EGalim, décidée par la France, qui vise à rééquilibrer les relations entre producteurs et distributeurs, elle est entrée en vigueur, quand les agriculteurs vont-ils voir les bénéfices de cette loi ?

DIDIER GUILLAUME
Elle est entrée en vigueur le 1er février, nous sommes le 25 ou le 26 février, ça fait même pas un mois, ça a commencé à porter ses fruits dans le domaine du lait, c'est le plus facile, c'est emblématique, dans le domaine du lait, le compte n'y est pas encore pour le la viande de boeuf et le compte n'y est pas encore pour les céréales, il faut aller plus loin, c'est ça l'explication. Nous sommes à l'année 1 de cette loi EGalim et de ce qu'on a appelé le seuil de revente à perte, dont on nous disait qu'il allait faire augmenter les prix dans toutes les grandes surfaces, c'est faux, les études indépendantes viennent de montrer que ce n'était pas le cas, 0,7, 0,8 % sur un panier moyen de 200 euros, autant dire c'est un peu…

ORIANE MANCINI
Donc les consommateurs ne sont pas perdants dans cette loi ?

DIDIER GUILLAUME
Non, les consommateurs ne sont pas touchés directement, mais ce qui compte c'est une meilleure répartition. Vous savez, quand sur les produits d'appel la grande distribution ne fait pas de marge, voire vendait à perte, et quand ils faisaient 20, 30, 40 % de marge, sur les fruits et légumes par exemple, c'est ça qui importe, il faut que les marges baissent sur les produits frais pour que les agriculteurs retrouvent du revenu, c'est ça le sujet, peu importe la façon de faire.

ORIANE MANCINI
Les agriculteurs, je crois que la moitié des agriculteurs français dépendent des débouchés de la grande distribution, est-ce que la grande distribution joue le jeu ?

DIDIER GUILLAUME
La grande distribution a commencé à jouer le jeu, pas assez encore, mais elle a commencé à jouer le jeu, les prix sont remontés, je vous disais, dans le domaine du lait, il y a de contractualisation qui est en train de se faire. Si vous me dites que nous sommes arrivés au but, je vous réponds non. Moi, vous savez, vous me connaissez, je ne fais pas…

ORIANE MANCINI
Mais vous pensez qu'on y arrivera quant au but ?

DIDIER GUILLAUME
On arrivera entre deux et trois saisons, c'est-à-dire cette année c'est la une, l'année prochaine et celle d'après, je crois qu'on aura tout réglé, j'espère l'année prochaine. Mais pourquoi je veux aller vite ? Parce qu'aujourd'hui il y a urgence, dans certaines filières, certains ne pourront pas attendre 2 ans, si les prix ne remontent pas aujourd'hui, il peut y avoir des cessations d'exploitations, donc c'est tout cela. Mais ce que je constate dans ce salon, c'est le salon de la positive agriculture, et c'est ça qui est important.

STEPHANE VERNAY
On parlait de la grande distribution qui joue le jeu ou pas. Hier, à l'Assemblée nationale a été décidé de créer une commission d'enquête sur les pratiques de la grande distribution justement, à la demande du groupe centriste et du groupe de la majorité présidentielle, est-ce que c'est un bon moyen pour mettre une pression, un contrôle, un suivi, et pour s'assurer que les promesses ou les engagements seront effectivement tenus ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, c'est un moyen, moi j'ai regardé ça avec intérêt, ça dépend de l'Assemblée, pas du tout de l'exécutif.

STEPHANE VERNAY
Mais vous y êtes favorable ?

DIDIER GUILLAUME
Je suis favorable, c'est en place, donc moi je regarde ça avec beaucoup d'intérêt, pourquoi ? parce que les états généraux de l'alimentation, qui ont débuté en mai 2017, qui ont duré 18 mois, ont eu pour conclusion que l'ensemble de la distribution, sauf une enseigne, que toutes les industries agroalimentaires, toutes les filières agricoles, se sont mis d'accord sur cette démarche de relèvement du seuil de revente à perte, de taper sur les prix anormalement bas, de faire en sorte qu'on arrête ces promotions qui ne rimaient à rien, dont on a l'impression que rien ne vaut rien, donc tout le monde est d'accord, donc il va falloir avancer, et cette commission d'enquête va permettre justement de mettre tout ça sur la table.

CYRIL VIGUIER
Didier GUILLAUME, c'est le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation qui est notre invité politique ce matin. On revient sur le salon, 4 jours que vous êtes là, on a connu des tensions sociales un peu partout en France, évidemment la crise des gilets jaunes. Les agriculteurs, pourtant en crise, vous le disiez, semblent faire un salon apaisé, ma question c'est, agriculteurs/ gilets jaunes, ce n'est pas le même monde ?

DIDIER GUILLAUME
C'est un salon apaisé, c'est un salon positif, et je veux remercier toutes celles et tous ceux qui y participent. Aujourd'hui, on le disait, des difficultés dans l'agriculture, mais là c'est la vitrine de la ferme France. Moi je suis là depuis vendredi matin, j'ai rencontré beaucoup de monde, et la ligne, l'orientation que nous voulions pour ce salon, avec les responsables, c'est de montrer cette unité, de montrer cette France apaisée, de montrer cette agriculture qui se développe, qui a un avenir, et je veux vraiment les remercier parce qu'ils sont vraiment dans la ligne de cette positive agriculture, dont on a besoin.

CYRIL VIGUIER
Mais quand vous mettez ça en parallèle avec la crise des gilets jaunes, vous trouvez que le monde agricole est plus apaisé, est plus sage ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, le monde agricole a toujours été plus sage, alors parfois ça chauffe, parfois il y a des manifestations, on a tous connu du fumier, des oeufs, etc., ça, ça fait partie de la vie, du militantisme…

CYRIL VIGUIER
Vous pas encore, comme ministre !

DIDIER GUILLAUME
Ça fait partie du syndicalisme ; ça arrivera peut-être, ce n'est pas le sujet.

ORIANE MANCINI
Mais comment vous l'expliquez que cette crise des gilets jaunes ne prenne pas dans le monde agricole, est-ce que c'est parce les syndicats ils sont encore forts ?

DIDIER GUILLAUME
Les syndicats ils sont très forts, mais c'est peut-être aussi tout simplement parce que nous apportons des réponses, avec la loi EGalim, avec… nous apportons des réponses. Lorsque nous faisons la transition agro-écologique que nous apportons des réponses à la fois la société et à la fois aux agriculteurs. Lorsque le président de la République a fait le tour de toutes les filières, qui a réaffirmé que nous souhaitions une chose, c'est faire augmenter le prix payé aux agriculteurs, ça va dans le bon sens. Donc les agriculteurs…

ORIANE MANCINI
Mais ça veut dire que dans les autres domaines le gouvernement n'apporte pas forcément de réponse ?

DIDIER GUILLAUME
Non, mais ça veut dire – vous me parlez du salon – ça veut dire que les agriculteurs s'aperçoivent que nous répondons à cela. Dans les autres domaines, moi je préfère rester sur l'agriculture, mais un mot. Aujourd'hui il y a du monde dans les manifestations, mais enfin ce n'est pas quand même la France entière qui manifeste, il y a beaucoup de casseurs, beaucoup de violence, mais il y a beaucoup en France de gens qui ont des gilets jaunes, et puis il y a beaucoup de gens en France qui ne portent pas le gilet jaune, mais qui sont gilets jaunes, et qui ont envie qu'il y ait des choses qui changent. Et c'est pour cela que le président de la République a mis en place ce grand débat, on nous disait « ça ne va pas marcher », plus d'1 million de contributions, plus de 6000 réunions, eh bien tout cela va marcher, et à la sortie de ce grand débat il faudra qu'il y ait des propositions qui soient faites, il faudra que le président de la République, le gouvernement, annoncent un certain nombre de choses, et c'est ce qu'il fera, et après nous verrons bien ce que diront les Français, mais c'est ça qui est très important.

STEPHANE VERNAY
Alors, le Salon de l'agriculture cette année est placé sous le site de la lutte contre l'agribashing, il y a eu plusieurs sondages avant l'ouverture du salon, qui montrent qu'en fait l'image des agriculteurs aujourd'hui, auprès du grand public, elle est plutôt bonne, voire très bonne, elle n'est pas altérée du tout.

DIDIER GUILLAUME
Oui, je suis ravi de cela. Elle est altérée pour certains militants qui disent qu'il faudrait sortir immédiatement du glyphosate, sortir immédiatement des pesticides, etc., mais nous y allons. la transition agro-écologique que je porte depuis que je suis là, depuis 4 mois, que ce gouvernement porte depuis les états généraux, c'est exactement cela, il faut changer notre modèle agricole, il faut faire muter l'agriculture, et quand je voyais sur le stand de la ferme digitale ces jeunes de start-up, moi j'invite tous vos téléspectateurs, tous les auditeurs, tous vos lecteurs de journaux, à aller voir ces start-up qui innovent dans l'agriculture, qui font que demain on utilisera moins de pesticides. L'agriculteur il n'est pas là pour utiliser du pesticide, ce n'est pas lui qui fait ça pour se faire plaisir, mais il n'a pas d'autre solution aujourd'hui, trouvons d'autres solutions. Et quand hier nous signons, avec 43 organismes, ce qu'on appelle les contrats de solutions pour la transition agro-écologique, c'est exactement cela, il faut sortir…

ORIANE MANCINI
En quoi ça consiste ces contrats de solutions, est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, filière par filière, comment nous pouvons faire, enfin comment peuvent-ils faire, je me mets dedans mais, parce que je suis tellement imbriqué dans tout cela mais, comment peuvent-ils faire pour sortir de la dépendance aux produits pharmaceutiques, c'est cela qui est le plus important, dans la filière végétale, dans la filière animale. Les antibiotiques ont beaucoup baissé, -40%, l'eau est moins utilisée, on utilise 30 % d'eau d'aujourd'hui chez les agriculteurs, qu'il y a 15 ans. Demain il faudra sortir du glyphosate et sortir des produits phytopharmaceutique, d'ailleurs les Français le demandent, et les agriculteurs sont en avance là-dessus. Et aujourd'hui quelqu'un qui dirait « ce n'est pas la bonne direction » est quelqu'un qui est totalement déconnecté de l'agriculture et de la société.

STEPHANE VERNAY
Sur les contrats de solutions, l'objectif est toujours de réduire l'usage des phytosanitaires, tous types de phytosanitaires de 25 % d'ici 2020…

DIDIER GUILLAUME
Oui.

STEPHANE VERNAY
Et de moitié d'ici 2025 ?

DIDIER GUILLAUME
Et de 50 % d'ici 2025, la France va être…

STEPHANE VERNAY
On y sera ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, la France va être le leader au monde. Hier, le travail que nous avons fait, enfin depuis 4 mois maintenant, avec la FNSEA, et avec les 43 partenaires, l'INRA vient d'y rentrer, oui nous allons y arriver. Mais, je vais vous dire une chose, les paysans, leur intérêt à eux, c'est de sortir des produits phytopharmaceutiques, parce que ça coûte cher, parce qu'il y a un risque pour la santé, donc ils y vont, et la signature de ce contrat de solutions que nous avons fait hier, c'est totalement dans cette direction. Aujourd'hui il n'y a plus de débat, il n'y a plus de débat là-dessus.

STEPHANE VERNAY
Et le glyphosate, 85 % de glyphosate d'ici 2021 ?

DIDIER GUILLAUME
Oui, ça sera peut-être plus, peut-être moins, je ne sais pas, l'objectif c'est de sortir de la dépendance aux produits phytos, mais particulièrement du glyphosate, l'Europe s'est donnée jusqu'en 2023 pour éventuellement remettre une autorisation de mise en marché, le président de la République a annoncé 2021, mais nous ne laisserons aucune filière sans solution, moi je pense que nous aurons de très belles surprises.

STEPHANE VERNAY
Il n'y aura pas de filière sans solution, techniquement il n'y a pas des exploitations ou des pratiques qui sont vraiment très dépendantes du glyphosate ?

DIDIER GUILLAUME
Excusez-moi, je me suis mal exprimé ou on ne sait pas compris. Il y a, à l'heure qu'il est, des filières qui n'auront pas de solution pour sortir du glyphosate.

STEPHANE VERNAY
Qu'est-ce qu'on fait pour elles là, du coup ?

DIDIER GUILLAUME
Eh bien elles continueront avec le glyphosate tant que nous n'aurons pas trouvé de solution, mais l'objectif c'est d'ici…

ORIANE MANCINI
Mais ça peut amener à quand ça, à quelle date ?

DIDIER GUILLAUME
Mais peut-être que d'ici 2021 nous aurons trouvé. Avec le contrat de solutions, il y a des filières dont on…

CYRIL VIGUIER
Quels types de filières d'ailleurs, Didier GUILLAUME, expliquez-nous.

DIDIER GUILLAUME
La filière viticole par exemple.

CYRIL VIGUIER
Le vin.

DIDIER GUILLAUME
La filière viticole est capable aujourd'hui, aujourd'hui, de sortir de 50 %, dès aujourd'hui, de tous produits phytopharmaceutiques, et d'arriver à sortir à 80 ou 90 % dans les 2 ans qui viennent sans problème, restera le problème des de la vigne en pente. Mais je vais citer un autre exemple, celui des – on parlait de légumes tout à l'heure – des haricots verts. Aujourd'hui par exemple, pour les haricots verts, nous n'avons pas de solution, la recherche travaille…

CYRIL VIGUIER
Il faut du glyphosate, pour en avoir ?

DIDIER GUILLAUME
Il en fait. Donc, soit on dit on arrête immédiatement le glyphosate sur les haricots verts, pas de problème, mais sur les marchés, à Paris ou ailleurs, on achètera des haricots verts traités au glyphosate, qui viendront d'Espagne ou d'Italie, donc c'est ça que nous ne voulons pas, et c'est l'harmonisation européenne que nous voulons faire. J'ai cité deux exemples, un dont on a une solution immédiate, ça va aller très très vite, un nous n'avons pas de solution, il faut chercher. Et puis peut-être avec des nouvelles techniques, j'ai vu au Salon du machinisme agricole, comme là dans la ferme digitale, des start-up qui mettent en place des machines, des robots, avec des caméras qui fonctionnent aux satellites, qui vont mettre la goutte qui va bien sur l'herbe pour enlever la mauvaise herbe au milieu d'une plante.

ORIANE MANCINI
Alors, puisque vous parlez des nouvelles techniques. Emmanuel MACRON, samedi dans son discours, a pointé le manque d'anticipation, est-ce qu'on est en retard sur la recherche, sur l'innovation ?

DIDIER GUILLAUME
Disons que nous ne sommes pas en avance, et c'est pour ça que j'avais parlé de marche forcée, maintenant il faut accélérer. On sait depuis des années qu'il faudra sortir de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques, je pense qu'on a un peu traîné. Il y a eu des plans Ecophyto qui ont été mis en place, Ecophyto 1, Ecophyto 2, Ecophyto 2+, mais jusqu'à maintenant il y avait deux catégories de gens, il y avait ceux qui étaient un peu conservateurs qui disaient « non, on a toujours fait ça, on va continuer à faire ça », ces gens-là aujourd'hui sont totalement dépassés, ils sont effacés de l'histoire, ce n'est plus cet agriculteur-là. L'agriculture, les syndicats agricoles, sont partis dans cette transition agro-écologique, c'est pour ça que ça va avancer.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur le glyphosate, puisque l'autorité sanitaire va lancer une nouvelle étude en France pour évaluer la dangerosité du glyphosate, est-ce que vous êtes favorable à cette étude ?

DIDIER GUILLAUME
D'autant plus favorable que c'est moi qui l'ai demandée…

ORIANE MANCINI
Avec les ministères de la Santé et de l'Environnement.

DIDIER GUILLAUME
Avec le ministère de la Santé et le ministère de l'Environnement, nous allons faire étudier à l'ANSES les 152 produits phytopharmaceutiques dans lesquels il y a une molécule de glyphosate, pour voir les…

ORIANE MANCINI
Mais pourquoi vous l'avez demandée, vous avez encore un doute sur la dangerosité du glyphosate ?

DIDIER GUILLAUME
Mais non, mais parce qu'on est dans une société qui est telle quelle, moi je n'ai aucun doute sur la dangerosité du glyphosate, aucun doute, je pense qu'il faut en sortir, donc je suis très à l'aise pour en parler…

CYRIL VIGUIER
Vous êtes sûr qu'il est dangereux, voilà.

DIDIER GUILLAUME
Mais je pense qu'aujourd'hui, aujourd'hui il est autorisé dans le monde entier, dans le monde entier, donc nous allons regarder, étudier, enfin faire étudier, moi je ne regarde rien, faire étudier, produit par produit, molécule par molécule.

CYRIL VIGUIER
La foire aux idées fiscales du gouvernement déstabilise les Français, c'est Le Figaro qui fait un papier, d'ailleurs c'est sur lefigaro.fr ce matin qu'on peut le trouver. Qu'est-ce que c'est cette cacophonie gouvernementale sur l'impôt, Didier GUILLAUME, vous n'allez pas en rajouter, j'imagine, ce matin, mais pourquoi ?

DIDIER GUILLAUME
Je ne sais pas de quoi vous parlez.

CYRIL VIGUIER
Je parle des déclarations de Jacqueline GOURAULT qui ont été démentis, puis d'autres déclarations de ministres.

DIDIER GUILLAUME
Démentis, il y a des débats, certains veulent s'exprimer sur tel ou tel sujet…

CYRIL VIGUIER
Pourquoi il y a des débats au sein du gouvernement à ce propos ?

DIDIER GUILLAUME
Il y a des débats parce que le président a lancé un grand débat, donc tout le monde veut débattre, mais moi je suis parti du principe qu'il valait mieux que les ministres ne donnent pas, à l'heure qu'il est, leur position, et attendent la fin du grand débat pour en discuter à l'intérieur du gouvernement. Il y a tout un tas d'idées. Ce qu'a annoncé Jacqueline GOURAULT je l'entends depuis des années, des années, ça a été notamment le thème de la droite républicaine…

CYRIL VIGUIER
Vous voulez dire que vous êtes d'accord avec elle ?

DIDIER GUILLAUME
Non, je ne suis pas d'accord, la droite républicaine a toujours demandé que chaque citoyen devait payer de l'impôt sur le revenu, je n'y suis pas favorable moi, mais elle a le droit de mettre ça sur la table, simplement on ne va pas faire, comme vous dites, la foire à je ne sais trop quoi, aujourd'hui la foire c'est le Salon de l'agriculture…

CYRIL VIGUIER
La foire aux idées fiscales du gouvernement.

DIDIER GUILLAUME
La foire aux idées fiscales, la foire c'est le Salon de l'agriculture. Je pense qu'aujourd'hui la parole est aux Français, et moi qui ai commencé à regarder sur la plateforme des idées, des idées comme celle-là et comme d'autres, il y en a énormément, il faudra traiter ces idées et les ministres devront répondre après, pas avant. Ce n'est pas à nous de placer les choses. La seule chose, moi, que j'ai dite, parce qu'elle me semble évidente, et je ne sais pas quelles seront les décisions, c'est il faut réduire la pression sur les classes moyennes, les classes moyennes ont trop souffert depuis 10 ans, il faut baisser les impôts sur les classes moyennes.

ORIANE MANCINI
Un mot juste sur ce qu'a dit Laurent WAUQUIEZ hier dans les années du salon, il a répondu à la proposition d'Edouard PHILIPPE de demander des contreparties à ceux qui touchent les allocations familiales, il a dit qu'il allait l'expérimenter, lui, dans sa région. Est-ce que c'est une bonne chose ?

DIDIER GUILLAUME
Je le vois dans 5 minutes Laurent WAUQUIEZ, donc j'aurai l'occasion d'en parler avec lui.

ORIANE MANCINI
Vous aurez peut-être l'occasion de lui parler d'autre chose aussi, parce qu'il a aussi dit « Emmanuel MACRON ment, il n'a pas défendu notre politique agricole et nos agriculteurs. » Qu'est-ce que vous allez lui dire ?

DIDIER GUILLAUME
Je vais lui dire ce que je lui ai dit hier, parce que je l'ai déjà croisé hier, que ce n'est pas vrai, que, aujourd'hui, il faut appeler un chat un chat. Le Brexit et le Royaume-Uni s'en va, oui, le budget va baisser, oui le budget de la PAC va baisser, donc dire il ne faut pas qu'il baisse, c'est une absurdité. Mais nous, ce que nous demandons, avec l'Allemagne, avec tous les pays, enfin avec 20 pays européens, c'est qu'il ne baisse que du pourcentage des Anglais, des Britanniques, évidemment, parce que s'il baisse plus nous serions en difficulté.

ORIANE MANCINI
Et vous pensez y arriver, vous pensez arriver à convaincre vos partenaires européens ?

DIDIER GUILLAUME
Oui. Quand nous disons nous voulons maintenir le budget de la PAC tel qu'il est aujourd'hui, moi j'appelle un chat un chat, sans le Royaume-Uni évidemment, sans ça ce n'est pas possible, parce qu'on ne rasera pas gratis, parce que surtout que le même va être favorable à ce que l'on renforce les contrôles aux frontières, à ce qu'on fasse en sorte qu'on traite la question des migrations, de la sécurité, du terrorisme, à un moment, voilà…

STEPHANE VERNAY
Vous voyez Laurent WAUQUIEZ dans 5 minutes, je ne sais pas si vous verrez Yannick JADOT dans la foulée, mais il était sur ce plateau hier et il a eu une phrase assez forte, il disait « on est en train de tuer tous les agriculteurs bio parce que l'Etat ne leur donne pas les aides auxquelles ils ont droit. » Alors, c'est de la politique politicienne ça, ou il y a un vrai souci ?

DIDIER GUILLAUME
C'est pire que ça, c'est à la fois de la politique politicienne, la méconnaissance du terrain, parce que Monsieur JADOT je ne suis pas totalement sûr qu'il ait déjà vu beaucoup d'agriculteurs, qu'il soit beaucoup allé en zone rurale, et c'est surtout la politique qu'il apprend dans les livres, et aujourd'hui moi je suis dans la politique par l'exemple. On sait très bien qu'il y a eu des difficultés, aujourd'hui, je vais vous donner les chiffres…

STEPHANE VERNAY
Elles sont résolues, il n'y a plus de problèmes de versement d'aides ?

DIDIER GUILLAUME
Sur les 4 milliards d'aides qui devaient être versées, il en reste 100 millions qui ne sont pas versées, c'est 100 millions de trop, je vous l'accorde, mais 100 millions, sur 4 milliards, il faut quand même regarder le pourcentage. Il y a eu une défaillance au niveau de l'agence de paiement de la France il y a 3 ans en arrière, on parle de 2016, les aides de 2018 sont payées en 2019 sans aucun retard, les aides de 2016 et 2017 sont payées à plus de 90 %, elles seront payées là dans les semaines qui viennent.

CYRIL VIGUIER
Didier GUILLAUME, Christiane LAMBERT était exactement à votre place il y a quelques minutes, alors figurez-vous qu'elle vous a posé une question, elle savait que vous arriviez, on va l'écouter.

CHRISTIANE LAMBERT
Monsieur Didier GUILLAUME bonjour. Hier soir vous avez signé le préambule du contrat de solutions pour une trajectoire de progrès pour la protection des plantes, c'est l'engagement du gouvernement aux côtés de la profession agricole, comment appréhendez-vous cet engagement de la profession agricole, historique, inédit, porteur d'avenir, et en quoi vous souhaitez l'accompagner ?

DIDIER GUILLAUME
Non mais, je l'ai signé, parce que mon objectif… du gouvernement, c'est la transition agro-écologique, donc évidemment, si je l'ai signé c'est que je pense que c'est important de l'avoir signé. Nous avançons dans cette direction, aux côtés de la profession, moi ce qui m'importe et ce que j'ai vu, et ce qui me fait très plaisir, c'est que la profession agricole est au rendez-vous de l'avenir, est au rendez-vous du futur et est au rendez-vous de la transition agro-écologique, et cela ça va changer totalement l'agriculture française.

CYRIL VIGUIER
Merci Didier GUILLAUME.

DIDIER GUILLAUME
Merci à vous.

CYRIL VIGUIER
Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, d'avoir été notre invité ce matin, bon Salon de l'agriculture.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2019