Texte intégral
AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Nous venons de diffuser une enquête de la rédaction d'Europe 1, qui a interrogé des associations engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Elles expriment une forte désillusion sur les résultats de votre action. Alors, avant d'en parler, je vous propose d'écouter une féministe engagée, l'actrice Eva DARLAN, qui vous met en cause. Elle est interrogée par Jihane BERGAOUI.
EVA DARLAN
Marlène SCHIAPPA va à l'ONU, et elle dit que la France est en tête de l'égalité et de la défense des femmes. Ce n'est pas vrai, c'est un mensonge. Les femmes continuent de mourir au même rythme, nous sommes dans un état de désespoir, les gouvernements précédents, au moins, ont parlé avec les associations, ont essayé de faire des mouvements, sont venus avec nous dans la rue, etc. Mais ce gouvernement-là, rien ! Il n'y a pas d'espoir de changement.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous comprenez sa colère ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, ce que je voudrais dire, c'est que vous avez indiqué que c'était une enquête basée sur les associations, je trouve formidable que des actrices s'engagent, et Eva DARLAN, en s'engageant pour le combat contre les violences envers les femmes, permet de le rendre visible, mais elle n'est pas la porte-parole des associations. Et ce qu'elle dit est faux, je suis navrée de le dire…
AUDREY CRESPO-MARA
C'est faux…
MARLENE SCHIAPPA
Ce sont peut-être des choses qui pouvaient être vraies en début 2017, nous sommes maintenant en 2019, il y a un travail conjoint qui a été mené avec les associations. Et je me permets de le dire, mais dans le reportage dans lequel vous avez uniquement donné la parole à Eva DARLAN et deux, trois personnes autour d'elle…
AUDREY CRESPO-MARA
D'associations…
MARLENE SCHIAPPA
Qui ne représentent pas les associations, il y a beaucoup d'erreurs factuelles, notamment sur les montants, notamment sur le contenu de mes discours. Je remercie Eva DARLAN de mentionner que je suis allée à l'ONU, que j'ai pu présider un conseil de sécurité des Nations-Unies sur la place des femmes dans les processus de paix, que j'ai pu également porter la voix de la France, à deux reprises, pour des conventions mondiales des droits des femmes, et que la France va organiser, sous l'égide de l'ONU, en 2020, le grand forum mondial des femmes – je termine – Pékin+25, qui a lieu une fois tous les 25 ans. Jamais, jamais, je n'ai dit qu'en France, nous étions en pointe sur la lutte contre les féminicides, ce n'est pas le cas, et je ne l'ai jamais dit à l'ONU, j'ai dit que nous étions en pointe sur la place des femmes dans la gouvernance des entreprises, grâce à la loi Copé-Zimmermann, dont je n'ai pas la responsabilité, mais qui a permis de faire augmenter la place des femmes à la gouvernance des entreprises. J'invite chacun à retrouver mes discours à l'ONU pour vérifier cela, ils sont disponibles en ligne.
AUDREY CRESPO-MARA
Bon, ces propos vous agacent manifestement, prenons les chiffres…
MARLENE SCHIAPPA
Très profondément, non, ça m'agace, Audrey CRESPO-MARA, parce que je veux bien qu'on se batte ensemble pour lutter contre les féminicides, mais cette espèce de manière de pointer le gouvernement, alors que le gouvernement travaille au contraire avec les associations, ça m'agace. Il a été dit tout à l'heure que le 39.19 n'avait pas assez de moyens, nous sommes le premier gouvernement à avoir considérablement augmenté les moyens du 39.19, le premier, ça n'a jamais été fait auparavant ! Qu'est-ce que nous avons fait ? Nous avons dit au 39.19, de quoi avez-vous besoin pour pouvoir prendre 100 % des appels, parce que, pour moi, il était insupportable que des femmes téléphonent et que ça sonne dans le vide. Et le 39.19 que nous a dit : nous avons besoin de 120.000 euros, donc avec le Premier ministre, nous avons fait un chèque de 120.000 euros, exactement le montant demandé par le 39.19. J'ajoute, et j'en termine là, que le 39.19 a aussi obtenu le label Grande cause nationale de la part du Premier ministre et a pu donc bénéficier d'énormes campagnes financées par le gouvernement pour le soutenir, et c'est bien normal.
AUDREY CRESPO-MARA
130 femmes, Marlène SCHIAPPA, ont été tuées par leur conjoint ou par leur ex-conjoint en 2017. Quels sont les chiffres pour 2018 ?
MARLENE SCHIAPPA
Pour l'instant, on n'a pas les chiffres exacts, il va falloir attendre la fin de l'année, mais…
AUDREY CRESPO-MARA
La fin 2019 ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, tout à fait, mais ce que je voudrais vous dire par rapport à ça, c'est qu'il y a une régularité assez glaçante dans les féminicides, dans les meurtres de femmes par conjoints ou par ex-conjoints.
AUDREY CRESPO-MARA
Parce qu'effectivement, on sait que la lutte contre les violences faites aux femmes était une grande cause nationale l'an dernier…
MARLENE SCHIAPPA
Ça l'est toujours…
AUDREY CRESPO-MARA
Est-ce que ce n'est pas, quelque part, un échec si malheureusement ce nombre de morts ne diminue pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, le travail que nous menons, c'est un travail de longue haleine, et là, s'il suffisait de faire un chèque ou de déclarer l'égalité femme-homme grande cause du quinquennat pour que d'un seul coup, les hommes arrêtent de taper leurs femmes et que les hommes arrêtent de harceler les femmes dans la rue, et que les hommes arrêtent de les violer, ce serait formidable…
AUDREY CRESPO-MARA
Vous ne le vivez pas comme un échec…
MARLENE SCHIAPPA
Et n'importe quel autre gouvernement l'aurait fait avant nous, ce que nous faisons, c'est que nous faisons de ce sujet une priorité je crois que personne, personne ne me dénie le fait de mettre toute mon énergie à faire en sorte de lutter contre ces violences, c'est pour ça que nous avons voté par exemple la verbalisation du harcèlement de rue, 547 amendes en quelques mois à peine pour harcèlements de rue alors qu'on me disait que ce serait impossible et qui ne serait pas possible de verbaliser le harcèlement de rue.
AUDREY CRESPO-MARA
Il y a le harcèlement de rue, mais revenons d'un mot sur malheureusement les morts, depuis le 1er janvier, 70 femmes sont déjà mortes, si la tendance se poursuit, il y aura plus de 130 victimes à la fin de l'année, donc manifestement, pour l'instant, votre action n'a pas d'effet.
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas vrai que mon action n'a pas d'effet, d'abord, je voudrais commencer, parce qu'on ne va pas faire une bataille de chiffres, et même s'il y avait deux femmes tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint, ce serait deux femmes de trop. Moi, ce que j'ai fait, c'est que dès que ça a été possible, j'ai réuni autour de moi toutes les parties prenantes pour voir à quel moment il y avait eu une faille, qui avait permis que les violences aillent au bout et aillent jusqu'à un féminisme, et ce qui est terrible pour nous, c'est de voir qu'il y a parfois des femmes qui ont déposé des plaintes ou qui ont parlé, et que les pouvoirs publics ne les ont pas assez protégées, puisqu'elles ont néanmoins, malgré leurs plaintes, parfois malgré leurs plusieurs plaintes, été tuées par leur conjoint ou par leur ex-conjoint. Ça veut dire que nous devons aller plus vite, d'abord, dans les décisions de justice, ensuite, ça veut dire que la réponse, elle doit être plus forte, et que nous devons faire davantage connaître les policiers publics. Nous avons par exemple lancé une plateforme, c'est une plateforme anonyme qui est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui permet de chater avec des policiers et des gendarmes pour préparer la plainte et pour qu'elle soit justement qualifiée, mieux prise en compte, et que les femmes soient protégées. Et ça, il faut le faire savoir.
AUDREY CRESPO-MARA
Marlène SCHIAPPA, autre actualité, hier, la députée Agnès THILL a été exclue de La République En Marche. Ça signifie qu'on ne peut pas être opposé à la PMA pour toutes quand on appartient à la majorité ?
MARLENE SCHIAPPA
Pas du tout, je crois que sur les questions bioéthiques, il y a une liberté de vote, ça a été un répété à plusieurs reprises par le délégué général, Stanislas GUERINI, et le président du groupe Gilles LE GENDRE, néanmoins, en ce qui concerne Agnès THILL, ce n'est pas parce qu'elle était opposée à la PMA que la commission des conflits a décidé de l'exclure du mouvement, c'est parce qu'elle a tenu à de nombreuses reprises des propos homophobes, des propos stigmatisants et des propos assez injurieux vis-à-vis de plusieurs personnes.
AUDREY CRESPO-MARA
Elle a dénoncé par exemple l'existence d'un puissant lobby LGBT à l'Assemblée, c'est le cas ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, mais je crois que c'est une espèce de fantasme homophobe, cette existence d'un puissant lobby LGBT, ce n'est pas vrai, il n'y a pas d'existence de lobby gay ou de lobby LGBT nulle part, il y a simplement des gens qui s'engagent pour défendre les valeurs de la République et défendre l'égalité des droits, tout simplement.
AUDREY CRESPO-MARA
Marlène SCHIAPPA, elles ont prévu de recommencer dimanche, nouvelle baignade militante de femmes en burkini, dans une piscine municipale de Grenoble. Dimanche dernier déjà, vous dénonciez une revendication communautaire, mais vous mettez en garde contre les discriminations ; interdire le burkini, c'est une discrimination ?
MARLENE SCHIAPPA
Pas du tout. Moi, je pense qu'il y a un règlement intérieur, et je crois qu'un des grands enjeux, et ça rejoint le premier sujet que nous abordions sur les violences envers les femmes, je crois qu'un des grands enjeux de notre époque, c'est le respect des règles, on parle très souvent de vivre ensemble, je crois que ce qui nous permet entre personnes différentes, entre différents êtres humains de vivre ensemble, c'est le respect des règles communes que nous nous fixons, ces règles communes, ce sont les lois, parmi lesquelles, l'interdiction de frapper sa femme ou de harceler des femmes dans l'espace public, mais aussi les règlements intérieurs, parmi lesquels le fait que quand on est dans une piscine municipale, on ne vient pas en bermuda long et on ne vient pas en burkini non plus. C'est simplement…
AUDREY CRESPO-MARA
Elles parlent de désobéissance civile, ces femmes…
MARLENE SCHIAPPA
Je ne suis absolument pas d'accord. Et je trouve qu'on est, là, dans une forme d'inversion des valeurs, je crois que d'abord, il n'y a pas des millions de femmes en France qui revendiquent le fait de pouvoir aller à la piscine en burkini, ce n'est pas vrai, je pense que c'est le fait d'une petite minorité agissante qui promeut une forme d'islam politique et qui lutte contre les droits des femmes dans le but de créer une forme de nouvelles normes qui seraient le fait de se couvrir lorsque nous sommes en présence d'hommes. Et je ne suis pas d'accord avec cela.
AUDREY CRESPO-MARA
Et faut-il donc interdire cette nouvelle opération burkini dimanche prochain ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça, c'est aux autorités compétentes d'en discuter, est-ce qu'il y a…
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous le souhaitez ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi, je n'ai pas à donner de consigne sur ce sujet, est-ce qu'il y a une menace de trouble à l'ordre public ? Si, oui, il faudrait dans ces cas-là prendre ses responsabilités, est-ce que non, et dans ces cas-là, je crois qu'interdire victimiserait encore davantage les personnes qui mènent cette opération. Donc je ne suis pas sûre que ce soit souhaitable, néanmoins, je pense qu'il y a un combat culturel à mener, et que c'est la responsabilité des élus de rappeler les valeurs de la République et de rappeler que, non, on ne doit pas venir intimider les femmes qui, elles, se baignent en bikini ou en maillot de bain dans les piscines municipales.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
NIKOS ALIAGAS
C'était la secrétaire d'Etat à l'Egalité femme-homme, Marlène SCHIAPPA au micro d'Audrey CRESPO-MARA, pour « L'interview politique ».
source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2019