Interview de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, à France Bleu Loire Océan le 1er mars 2019, sur la lutte contre le dérèglement climatique.

Prononcé le 1er mars 2019

Intervenant(s) : 

Média : France Bleu

Texte intégral

PATRICK CATHALA
Bertrand PIDANCE, François de RUGY est l'invité de France Bleu Loire Océan, ce vendredi matin.

BERTRAND PIDANCE
Ministre de la Transition écologique. Bonjour François de RUGY.

FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.

BERTRAND PIDANCE
Des jeunes vont manifester aujourd'hui à Nantes pour le climat. Vous allez me dire qu'ils ont raison ?

FRANÇOIS DE RUGY
En tout cas c'est une bonne nouvelle que les jeunes se mobilisent pour le climat, c'est une belle cause d'intérêt général, pour toutes les générations, et évidemment les jeunes sont aux premières loges. Souvent on connait des mouvements lycéens ou étudiants, sur des sujets qui concernent vraiment très directement leurs études, l'organisation des réformes, des lycées, des universités, là c'est vraiment sur un sujet d'intérêt général, donc c'est plutôt une bonne nouvelle.

BERTRAND PIDANCE
Alors, après, ils sont impatients, vous le savez, c'est jeunes, d'ailleurs vous les avez rencontrés la semaine dernière, ces jeunes qui manifestent, pas seulement en France d'ailleurs, en Europe. Il y a 20 minutes, sur France Bleu Loire Océan, nous avions Louise, elle est élève en 1ère, elle fait partie du Collectif qui organise cette manifestation aujourd'hui pour le climat à Nantes, et voilà ce qu'elle avait envie de vous dire.

LOUISE
On aimerait bien lui dire qu'il faut arrêter d'avoir une vision à court terme, il faut agir maintenant, mais c'est faire des actions dans la durée, il faut qu'il y ait des décisions courageuses qui soient prises, il faut vraiment avoir une vision à long terme et agir vraiment maintenant.

BERTRAND PIDANCE
François de RUGY, elle parle de manque de courage. Vous vous sentez concerné ?

FRANÇOIS DE RUGY
Ecoutez, je crois que c'est ce que nous essayons de faire, d'agir ici et maintenant, mais pour l'ensemble de la planète en quelque sorte et pour le long terme, puisqu'on sait que les effets les plus destructeurs du dérèglement climatique, si on ne fait rien, on les sentira peut-être dans 20 ou 20 ans. On commence déjà à en sentir les prémices d'ailleurs, les effets du dérèglement climatique, c'est la sécheresse prolongée dans quasiment toutes les régions de France l'été dernier, c'est des pluies torrentielles dans le Var ou dans l'Aude, qui font des victimes. Et par ailleurs, nous prenons des décisions, à chacun de juger si elles sont courageuses, mais je crois que quand nous avons mis en place la taxe carbone en 2013, elle n'existait pas, elle était à zéro euro la tonne de carbone, tout le monde disait « il faut donner un prix au carbone », et aujourd'hui elle est à 45,5 € la tonne de carbone. Je crois que c'est une décision qui n'est pas facile à prendre, qui n'est d'ailleurs pas facile à mettre en oeuvre, parce que cela implique des changements, pour tout le monde, des changements pour les entreprises dans leur mode de production, des changements aussi pour les citoyens dans leur mode de consommation, dans leur comportement, on le voit bien autour de la voiture, ce n'est pas simple, mais aussi quand nous fermons les centrales à charbon…

BERTRAND PIDANCE
Oui, la fiscalité sur les carburants…

FRANÇOIS DE RUGY
... c'est quelque chose qui fait réagir évidemment les salariés qui y travaillent.

BERTRAND PIDANCE
La fiscalité sur les carburants, quand vous reculez, quand l'Etat français recule sur les portiques écotaxe, il y a des signes comme ça.

FRANÇOIS DE RUGY
Sur les portiques écotaxe, là c'est ma prédécesseure, Ségolène ROYAL…

BERTRAND PIDANCE
Oui, oui oui, mais je parle de l'Etat français.

FRANÇOIS DE RUGY
... qui a malheureusement détruit ce système qui était justement un système intelligent. Vous savez, il y a de la fiscalité bête et méchante, en matière écologique c'est de toucher toutes les consommations, par exemple la TVA, vous savez, elle touche tous les produits, qu'ils soient écologiquement positifs ou qu'ils soient destructeurs. Moi je crois qu'il vaut mieux une fiscalité qui soit un peu plus intelligente. Après, il y a d'autres modes d'action que la fiscalité. Vous savez, quand on se bat au niveau européen, comme je l'ai fait en octobre dernier, au nom de la France, pour réduire les émissions de CO2 des voitures, c'est sur les industriels qu'on met la pression. On oblige les industriel, en 2020, première étape, en 2030, deuxième étape, à mettre sur le marché des voitures, à fournir aux automobilistes les voitures qui émettront moins de CO2 et qui au passage d'ailleurs consommeront moins de carburant et donc seront aussi moins chères à utiliser.

BERTRAND PIDANCE
Est-ce que vous pensez qu'une majorité de Français, à l'heure où on parle beaucoup de référendums pour tous les sujets, tenez, un sujet comme le climat, pensez-vous que la majorité des Français est pour faire des efforts pour le climat ? Concrètement, hein, changer sa vie ?

FRANÇOIS DE RUGY
Je crois qu'il y a une majorité de Français... Oui, je crois que les Français sont totalement conscients du problème du dérèglement climatique et du fait que cela implique des changements importants, à la fois politiques, mais aussi dans le comportement de chacune et de chacun.

BERTRAND PIDANCE
Oui, mais de là à faire des efforts après.

FRANÇOIS DE RUGY
C'est sûr qu'il faut regarder secteur par secteur, et que, évidemment, quand on est directement touché, c'est plus difficile, et puis parfois il y a des gens qui ont de bonnes raisons d'avoir des craintes ou même de s'opposer à certains changements, parce que pour eux il faut un accompagnement, c'est ce que nous faisons du point de vue social, quand nous lançons la chaudière à 1 €, le remplacement de la chaudière à 1 €. Je suis venus à Nantes il y a deux semaines d'ailleurs pour en parler, avec deux personnes, qui ont bénéficié de ce système, parce qu'ils ont des revenus modestes, et donc pour elles, changer de chaudière, cela aurait été hors de portée, sans une aide, mais avec ce système, eh bien ils vont pouvoir mettre à la casse des vieilles chaudières qui à la fois émettent beaucoup de CO2, et qui sont aussi chères à utiliser, parce que c'est des grosses factures de gaz, d'électricité ou de fuel, et demain ce seront à la fois des chaudières plus performantes, et qui consomment moins.

BERTRAND PIDANCE
François de RUGY, demain, acte 16 des G, manifestation interrégionale à Nantes. Vous dites : ça suffit ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, ça suffit, moi je le dis déjà depuis de nombreuses semaines. On ne sait plus très bien d'ailleurs quel est l'objet de ces manifestations. Il y a eu des revendications sociales, d'ailleurs, qui allaient au-delà des prix des carburants, qui ont été le point de départ, donc on a fait des mesures d'urgence à la fin de l'année dernière, qui se mettent en oeuvre, ça y est, l'augmentation des salaires comme le smic, grâce à la prime d'activité, la baisse de la CSG pour un certain nombre de retraités, des mesures comme ça sont en train de se mettre en place, ce sont des engagements pris, ils sont tenus. Après il y a des sujets de fond, ça, il faut continuer évidemment, non seulement à en discuter, mais à les résoudre, c'est l'objet du Grand débat.

BERTRAND PIDANCE
Est-ce que l'opinion bascule ? Emmanuel MACRON, Edouard PHILIPPE remontent dans les sondages, vous êtes en train de gagner la partie, là ?

FRANÇOIS DE RUGY
Oh, nous ne sommes pas du tout dans l'idée que ça y est, tout est reparti comme avant, surtout pas. Ce que nous avons voulu, c'était un pari, le Grand débat c'était un pari, beaucoup d'ailleurs étaient sceptiques, beaucoup disaient « ça ne marchera pas, ça n'intéressera pas les gens », vous vous souvenez, même des maires disaient « mais nous on ne va pas en organiser », je crois par exemple à Nantes la mairie n'en a pas organisé, certains ont même boycotté, d'autres l'ont fait, des citoyens, des citoyens, des élus locaux parfois, des députés, et aujourd'hui on est à plus de 6 000 réunions, entre celles qui se sont déjà tenues ou celles qui doivent se tenir. On est à plus de 1,2 million de contributions sur le site Internet du Grand débat. Donc cela montre que les Français avaient envie de s'exprimer, j'étais moi-même dans un débat hier soir, à côté de Lyon, il y avait 200 personnes, dans une commune de 2 500 habitants.

BERTRAND PIDANCE
François de RUGY, vous êtes toujours supporter du FC Nantes ? Excusez-moi, on change de sujet.

FRANÇOIS DE RUGY
Oui, la réponse est oui.

BERTRAND PIDANCE
Vous avez vu, il n'y aura pas de nouveau stade.

FRANÇOIS DE RUGY
Quel gâchis et quelle occasion manquée. On sait qu'à Nantes il y avait depuis longtemps cette idée d'avoir un nouveau stade, on avait la chance, c'était une des seules villes de France où on avait des investisseurs privés, prêts à porter un projet d'un nouveau stade, cela passait par la destruction de l'ancien Stade de La Beaujoire, la reconstruction d'un nouveau stade et un quartier, un nouveau quartier tout autour, un projet urbain qui permettait vraiment d'insérer un stade dans la ville, dans un des sites de Nantes, qui est le mieux desservi par les transports en commun. Mais il faut savoir quand même, deux lignes de tramway, un terminus à La Beaujoire, un autre à Ranzay, la possibilité demain d'avoir la ligne 1, ligne 2 de tramway sur le pont de la Jonelière, déjà le tram-train, des bus, des capacités de parking, donc c'était vraiment une belle opportunité. Il y a beaucoup de questions qui se posent maintenant, quid de la candidature de Nantes à la Coupe du monde de rugby en 2023, avec quel stade ? Est-ce qu'il va falloir que la collectivité publique paie la mise aux normes du stade actuel, este-ce que c'est encore faisable d'ici 2023 ? Cela fait quand même beaucoup de questions qui restent aujourd'hui sans réponse et la crainte c'est qu'évidemment cela se fasse à la charge de la collectivité et que par ailleurs on peut se poser quand même la question sur la capacité à mener des projets importants, certes toujours difficiles, mais des projets importants et utiles pour le long terme à Nantes.

BERTRAND PIDANCE
François de RUGY, ministre de la Transition écologique, sur France Bleu Loire Océan. Merci à vous, passez une bonne journée.

FRANÇOIS DE RUGY
Merci, bonne journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er mars 2019