Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à France Bleu Normandie Rouen le 1er mars 2019, sur le Brexit.

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Média : France Bleu

Texte intégral

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Notre invité ce matin, le ministre des Comptes publics, Gérald DARMANIN interrogé hier à Dieppe par Coralie MOREAU.

CORALIE MOREAU
Gérald DARMANIN, bonjour.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

CORALIE MOREAU
Alors, vous êtes venu à Dieppe pour parler du Brexit qui est en préparation, on s'en approche grandement.

GERALD DARMANIN
Exactement, dans un peu près un mois, moins d'un mois désormais, nos amis britanniques pourront choisir de partir, un divorce sec, sans négociations, de l'Union européenne. Il faut s'y préparer et c'est ce que j'ai fait en tant que ministre des Douanes. Les douanes ne sont pas la seule administration qui s'occupe du Brexit mais c'est la principale, va-t-on dire et donc j'ai annoncé des renforcements d'effectifs. Si demain, les Britanniques décidaient le report du départ ou une négociation différente, nous aurons donc du temps un peu plus mais ce que je veux vous dire ici, c'est que nous sommes prêts et que le 29 mars, il y aura des effectifs douaniers pour faire face à cette nouvelle frontière.

CORALIE MOREAU
Alors avec tout notre littoral, la Normandie est très touchée par ce Brexit notamment pour les échanges. Ça veut dire quoi en termes de préparation, en termes de coût, en termes de moyens ?

GERALD DARMANIN
Ça veut dire une soixantaine de douaniers supplémentaires, au moins la première année parce qu'il faut accompagner des ports comme celui de Dieppe, que j'ai visité où j'ai rencontré les élus bien évidemment. C'est aussi des aéroports, peut-être de moindre importance mais qui ont des échanges très importants avec la Grande-Bretagne et c'est les douaniers qui, en Normandie, je ne sais pas si vous le savez, font la police aux frontières. Donc c'est aussi aux aéroports qu‘il faut faire des renforcements et puis, la douane, ce n'est pas simplement des agents que l'on voit sur les routes qui font des contrôles en uniforme. C'est aussi des agents en civil qui font des opérations commerciales. C'est avant tout une administration fiscale qui récupère de la fiscalité ou qui dédouane, ce sera aussi le cas pour les Britanniques lorsqu'ils rentreront en Angleterre et donc il faut aussi faire l'accompagnement notamment des PME et des très grandes entreprisses, LACTALIS, ISIGNY en région Normandie qui exportent beaucoup en Grande-Bretagne mais aussi des PME qui exportent beaucoup en Grande-Bretagne et il faut les accompagner.

CORALIE MOREAU
Est-ce qu'elles sont inquiètes, ces entreprises ? Vous les avez rencontrées ?

GERALD DARMANIN
Elles sont modérément inquiètes ou elles sont de plus en plus inquiètes ; moi, je regrette un tout petit peu malgré les très nombreuses relances médiatiques – il faut bien dire que la presse a fait son travail, si j'ose dire, d'information devant cet enjeu incroyable qu'est le départ de la Grande-Bretagne de l'Union européenne – mais aussi de l'administration des douanes qui a fait beaucoup, beaucoup d'informations, une vingtaine rien que dans la façade Manche Normandie, les entreprises ont cru au début à une blague. Non, ils vont se mettre d'accord, les Européens ensemble ; non, les Anglais ne vont pas partir. Et puis plus on se rapproche de la date, plus les entreprises, singulièrement les PME, s'inquiètent. Alors, c'est légitime parce que pour beaucoup d'entre elles, elles travaillaient seulement avec les pays de l'Union européenne, elles n'étaient pas dans uen polémique de dédouanement. Celles qui avaient l'habitude d'exporter à travers le monde, elles savent. L'Angleterre deviendra grosso modo la Norvège, le Canada ou les Etats-Unis ; elles sauront faire. Celles qui ne travaillent qu'avec l'Union européenne ne sont pas habituées à cette histoire de douanes et de dédouanement. Donc c'est celles-ci qu'il faut cibler et une par une, si j'ose dire, elles sont appelées, contactées et il faut qu'elles continuent à venir nous voir. Il y a un site Internet spécifique mis en place par l'administration française, qui s'appelle brexit.gouv.fr.

CORALIE MOREAU
Est-ce qu'on peut craindre une complexification des échanges ? Est-ce qu'on peut craindre une lenteur aussi dans le trafic entre les deux pays ?

GERALD DARMANIN
Ce qui est certain, c'est que quand on sort de l'Union européenne, on n'a pas les avantages de l'Union européenne. Donc je ne vais pas vous dire que ce sera pareil avant qu'après le Brexit, bien évidemment il y aura des conséquences pour les voyageurs. Est-ce que les Britanniques devront avoir un visa ? Est-ce qu'ils vont tamponner leur passeport ? Est-ce qu'on va devoir rester, pour les Britanniques, un certain nombre de jours sur le sol français contrairement à avant ? Est-ce que par ailleurs, dans les marchandises, dans les relations, il y aura les mêmes taxes, qui vont s'appliquer par rapport effectivement à la Grande-Bretagne ? Est-ce qu'ils vont changer de normes, ce qui peut être leur choix ? Est-ce qu'ils vont faire venir des produits notamment américains qui vont venir en Grande-Bretagne pour être importés dans l'Union européenne ? C'est évidemment des problématiques que l'on va se poser. Tout dépend de l'union qu'on aura avec les Britanniques : on peut très bien avoir une union douanière, c'est le cas de l'Europe avec la Turquie qui n'est pas dans l'Union européenne, et faciliter les échanges et ne pas en avoir du tout. Alors, je pense que les Britanniques auront intérêt comme nous à avoir une union douanière pour faciliter ces échanges qui ne seront pas parfaits mais qui seront facilités ou le choix peut-être feront-ils d'un Brexit qu'on appelle dur sans aucun accord, dans ces cas-là, ce serait effectivement plus difficile.

CORALIE MOREAU
Vous avez rencontré les douaniers. Est-ce que vous les avez sentis inquiets ? Est-ce qu'ils sont prêts ?

GERALD DARMANIN
Moi, je pense que c'est des gens, les douaniers, qui ont beaucoup de conscience professionnelle. Donc ils ont une appréhension, qu'est-ce qui va se passer, eux qui étaient auparavant dans l'Union européenne pour traiter un pays qui va devenir éloigné de l'Union européenne ? C'est sûr que c'est une appréhension mais c'est à la fois une exaltation, pardon le dire comme ça, mais le métier de douanier, on aurait pu penser qu'il disparaissait au fur à mesure que la mondialisation, que les accords commerciaux et finalement que la norme qui allait se répéter de marché en marché, les frontières, il y a encore dix ans, on disait « elles vont disparaître. » Aujourd'hui, on voit qu'il y a une résurgence des frontières, ce n'est pas le sens de l'histoire, personne ne l'aurait imaginé voilà encore quelques années. Ça a des avantages, ça renforce l'intérêt du métier de douanier qui est d'accompagner ces frontières, de les contrôler, éviter que les jouets qui vont venir de Grande-Bretagne soient des jouets avec des normes qui vont faire mal à vos enfants, chacun le comprendra, éviter que les produits agricoles qui viennent de Grande-Bretagne ne respectent pas les normes sanitaires, chacun comprendrait qu'on n'accepterait pas de l'avoir dans l'assiette, au supermarché et puis en même temps, éviter les trafics de contrebande, de tabac, d'alcool, de stupéfiants. Donc le douanier, c'est avant tout quelqu'un qui, dans le cas du Brexit, retrouve, me semble-t-il, un intérêt à mieux contrôler une frontière et à mieux contrôler ce qui rentre dans le marché commun pour la protection des consommateurs.

CORALIE MOREAU
Une tâche qui peut s'annoncer plus ardue que prévu ?

GERALD DARMANIN
J'ai dit aux élus normands que si la soixantaine d'effectifs supplémentaires de douaniers ne suffisait pas, je rajouterais des équivalents temps-plein évidemment mais il faut attendre de connaître le lien juridique qu'on a avec la Grande-Bretagne. Vous savez la douane, c'est une administration qui est très pragmatique, très souple, qui accompagne beaucoup les entreprises, qui connaît très bien le territoire, qui est la plus vieille administration française, elle saura s'adapter si jamais on a besoin d'elle encore.

CORALIE MOREAU
Gérald DARMANIN, merci.

GERALD DARMANIN
Merci à vous !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er mars 2019