Texte intégral
JEROME CADET
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour.
JEROME CADET
Carlos GHOSN, dans une vidéo diffusée il y a quelques minutes au Japon clame son innocence. Il dénonce un complot. Comment vous recevez les dénonciations, les accusations ce matin de l'ancien PDG de RENAULT-NISSAN ?
BRUNO LE MAIRE
Il y a une affaire de justice et c'est à la justice japonaise de se prononcer. Pour le reste, Carlos GHOSN est un citoyen français, donc il bénéficie de la protection de la France. Il a droit à la protection consulaire. L'ambassadeur lui rend visite régulièrement, s'assure de sa bonne santé, de ses conditions de détention. Donc la protection consulaire est garantie à Carlos GHOSN comme citoyen français. Et puis comme n'importe quel autre justiciable, il a évidemment droit à la présomption d'innocence. C'est un des principes qui m'a guidé depuis le début de cette affaire.
JEROME CADET
Elle est respectée, cette présomption d'innocence selon vous aujourd'hui au Japon ? Carlos GHOSN et ses avocats prétendent que non depuis plusieurs jours.
BRUNO LE MAIRE
La présomption d'innocence est respectée. Elle est respectée en tout cas par l'Etat français qui, dans toute cette affaire, n'a visé qu'une seule chose : garantir la solidité du groupe RENAULT, une des plus grandes industries automobiles françaises, et la solidité de l'alliance entre NISSAN et RENAULT. Mais cette protection consulaire, nous y sommes attachés et nous veillons à ce que Carlos GHOSN y ait droit.
RENAUD DELY
Ses avocats ont accusé le procureur de Tokyo de torturer, c'est le mot qu'ils ont employé, Carlos GHOSN. Est-ce que vous êtes choqué, vous Bruno LE MAIRE, par le traitement judiciaire infligé à Carlos GHOSN ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je n'ai pas à me prononcer sur la justice japonaise. Qu'est-ce qu'on dirait si le ministre des Finances japonais venait expliquer ce qu'il pense de la justice française ? On trouverait que c'est une atteinte inacceptable à la souveraineté française. Je n'ai pas à me prononcer sur le cours de la justice japonaise. Nous veillons juste à ce que les droits de Monsieur GHOSN comme citoyen français soient respectés.
RENAUD DELY
L'épouse de Carlos GHOSN en a appelé à Emmanuel MACRON. Elle a souhaité qu'il manifeste davantage de soutien ou de solidarité à l'endroit de Carlos GHOSN.
BRUNO LE MAIRE
Moi je ne suis pas certain que les interventions politiques soient la meilleure manière de défendre les intérêts de Monsieur GHOSN. Il y a la justice, il y a le pouvoir exécutif. Les deux pouvoirs sont séparés et il est bon dans toute démocratie qu'ils restent séparés.
RENAUD DELY
Alors hier lors de la conclusion, lors de la restitution plutôt du grand débat, le Premier ministre Edouard PHILIPPE s'est exprimé au Grand Palais à Paris et il a eu une formule très forte sur le taux d'impôt dans notre pays. On l'écoute.
EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
Notre pays a atteint aujourd'hui une sorte de tolérance fiscale 0. Je ne sais pas si on peut l'appeler comme ça mais c'est souvent comme ça qu'elle est exprimée. Les débats, je le crois, nous indiquent clairement la direction à prendre : nous devons baisser et baisser plus vite les impôts.
RENAUD DELY
Baisser, baisser plus vite. Lesquels et quand ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord, je partage la formule du Premier ministre. Cela fait plusieurs mois que nous avons commencé la baisse des impôts. Je voudrais juste que nous comprenions pourquoi est-ce qu'il y a une tolérance fiscale 0, pour reprendre la formule du Premier ministre. C'est que depuis dix ans, on ne cesse d'augmenter, précisément depuis la crise de 2008, les impôts des ménages et des entreprises. Et on a fait payer aux ménages français et aux entreprises françaises la crise de 2008 avec une augmentation massive d'impôts qui s'est interrompue à partir de 2014 pour les entreprises avec le CICE, mais qui a poursuivi de manière vertigineuse jusqu'en 2017 pour les ménages. Ça explique cette tolérance 0. Je donne juste des ordres d'idée : c'est de l'ordre de 10 milliards d'euros supplémentaires en plus par an pour les ménages et pour les entreprises. C'est insupportable.
RENAUD DELY
Il faut baisser lesquels ? L'impôt sur le revenu ? Les premières tranches d'impôt sur le revenu ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord je le redis, Renaud DELY, parce qu'avant de se précipiter sur les nouvelles baisses, je voudrais quand même rappeler que nous avons, avec le président de la République, engagé cette baisse des impôts. Que nous avons engagé la baisse de la taxe d'habitation ; que nous avons mis en place les heures supplémentaires défiscalisées ; que nous avons supprimé les cotisations assurance-maladie, assurance-chômage et que cette année, ce sont les chiffres de l'OFCE, deux tiers des ménages français en 2019 vont voir leur impôt baisser de 440 euros en moyenne. Donc nous avons engagé cette décrue des impôts.
JEROME CADET
Vous dites, Bruno LE MAIRE, c'est un mouvement qu'on a constaté depuis longtemps mais il a fallu le mouvement des gilets jaunes et deux mois de grands débats pour qu'Edouard PHILIPPE emploie cette expression de tolérance fiscale 0.
BRUNO LE MAIRE
Mais depuis des mois, nous sommes engagés dans cette baisse des impôts, donc nous étions lucides sur la nécessité de baisser les impôts des Français. Alors je vais répondre à la question de Renaud DELY sinon on va me reprocher à juste titre de ne pas répondre à cette question.
RENAUD DELY
Alors Edouard PHILIPPE a dit : « Il faut aller plus vite ». Voilà. Plus vite et lesquels ?
BRUNO LE MAIRE
Ce que je souhaite et je partage cette idée-là. Je voudrais juste peut-être définir deux ou trois principes pour accompagner cette idée. Le premier, c'est qu'il y ait une cohérence entre la politique fiscale et la politique économique. Et comme ministre de l'Economie et des Finances, je suis très attaché à ce que nos baisses d'impôts soient cohérentes avec notre politique économique. Notre politique économique, c'est le travail. Le travail et le travail. Du travail pour tous les Français et du travail qui paye. Et de ce point de vue-là, il me paraîtrait cohérent que les baisses d'impôts prioritaires soient les baisses d'impôts pour les personnes qui travaillent. Pour les personnes qui reprennent un emploi et qui peuvent se trouver soumises à l'impôt sur le revenu. Je rappelle que l'entrée dans l'impôt sur le revenu est très brutale en France. Vous pouvez avoir des effets de seuil qui font que vous touchez 100 euros supplémentaires : on va vous en prendre 40. C'est beaucoup trop brutal. Donc la cohérence entre politique fiscale…
RENAUD DELY
Donc vous souhaitez abaisser le barème des premières tranches de l'impôt sur le revenu ?
BRUNO LE MAIRE
A mes yeux, la cohérence entre politique fiscale et politique économique pourrait nous amener à baisser en priorité l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire l'impôt de ceux qui travaillent, de la rémunération de ceux qui travaillent. En commençant par ceux qui ont les niveaux de revenus les plus modestes, qui rentrent dans l'impôt sur le revenu et qui y rentrent de manière plus brutale. Est-ce qu'il faudra aller encore plus loin ?
JEROME CADET
La première tranche ? Les deux premières tranches ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas rentrer dans plus de précisions, je donne juste la cohérence. Est-ce qu'il faudra aller ensuite plus loin ? Moi j'ai discuté avec Gérald DARMANIN et les députés de la majorité. Ils souhaitent que progressivement on aille plus loin dans cette baisse de l'impôt sur le revenu. Ce sera au président de la République de trancher. Mais garantir aux Français la cohérence entre notre politique fiscale et notre politique économique autour du travail, je pense que c'est un élément de stabilité. C'est un élément de confiance solide pour nos compatriotes. Le deuxième point important, c'est que ces baisses d'impôts doivent être financées par des baisses de dépenses publiques.
RENAUD DELY
Alors quelles dépenses ?
BRUNO LE MAIRE
Sinon c'est la dette qui va augmenter. Elle approche déjà les 100 %. Il serait déraisonnable de faire des baisses d'impôts sans baisser d'autant la dépense publique.
RENAUD DELY
Lesquelles ? Moins de dépenses publiques, ça veut dire quoi ? Moins de services publics y compris moins de services publics dans les territoires ? Et on a vu à l'occasion du mouvement des gilets jaunes qu'il y avait là des revendications fortes.
BRUNO LE MAIRE
Mais pas nécessairement. On voit bien qu'il y a parfois une multiplication de compétences entre les mains de divers services publics ou de divers organismes publics qui peuvent être mieux organisés…
JEROME CADET
Vous avez un exemple ce matin…
BRUNO LE MAIRE
Mais je vous donne un exemple de choses que nous avons faites parce que j'entends beaucoup de propositions, notamment de l'opposition, pour dire « il faut baisser les dépenses publiques » mais ils n'en votent pas une seule. Regardez le soutien aux entreprises, à notre économie, aux PME. Vous avez les régions qui interviennent, vous avez l'Etat qui intervient, vous avez les chambres de commerce et d'industrie qui interviennent. Nous, nous avons eu le courage de dire : nous allons réformer en profondeur les chambres de commerce et d'industrie pour que chacun ne se marche pas sur les pieds. Elles ne seront plus financées par une taxe, elles seront financées par des prestations qu'elles devront vendre aux entreprises pour montrer l'utilité de ce qu'elles font.
JEROME CADET
C'est ce qui a déjà été fait, Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Les CCI ont joué le jeu et nous allons économiser, grâce à cela, presqu'un demi-milliard d'euros. L'opposition au passage n'a pas voté cette baisse de dépenses publiques. Mais vous voyez que l'on peut très bien…
JEROME CADET
Il va falloir faire plus.
BRUNO LE MAIRE
On peut très bien baisser la dépense publique sans affecter le fonctionnement des services publics uniquement par la réduction des dépenses de fonctionnement et une meilleure organisation. (…)
JEROME CADET
Bruno LE MAIRE, c'est une mesure qui est plébiscitée par les Français : le rétablissement de l'impôt sur la fortune. Il n'en est toujours pas question.
BRUNO LE MAIRE
Elle n'est pas plébiscitée par le ministre des Finances parce que je considère que nous avons fait des choix fiscaux, qui étaient d'ailleurs ceux annoncés par le président de la République dans sa campagne, qui consistaient à baisser la fiscalité sur le capital. C'est la suppression de l'ISF, c'est le prélèvement forfaitaire unique, c'est un ensemble de mesures. Ce n'est pas une mesure isolée que nous aurions pris comme cela de manière symbolique. C'est la volonté de baisser la fiscalité sur le capital pour que nos entreprises, en particulier nos entreprises industrielles, puissent mieux se financer, investir et innover. Et je crois à cette politique. Je pense que si nous avons eu depuis dix ans une véritable hémorragie industrielle : un million d'emplois industriels en moins, cent entreprises industrielles qui ferment par an. Si nous avons réussi à stopper enfin cette hémorragie et à réindustrialiser, au moins commencer le mouvement de réindustrialisation du pays, c'est parce que nous avons réussi à abaisser la fiscalité sur le capital, donc permis aux entreprises de mieux se financer. Cette politique sera évaluée, je l'ai promis, évaluée à partir de septembre-octobre.
JEROME CADET
Donc vous pourriez changer d'avis ?
BRUNO LE MAIRE
Mais attendons l'évaluation indépendante qui sera faite en septembre-octobre. Personnellement je crois à cette politique. Je pense qu'il faut que les entreprises puissent mieux se financer et que la réindustrialisation du pays, qui est à mes yeux une priorité absolue, ça passe par un accès plus facile au capital.
RENAUD DELY
On a vu une conséquence quand même de la suppression de l'ISF, c'est la chute pour la première fois depuis plus de dix ans des dons aux associations et aux fondations. Parce que des contributeurs, des donateurs aisés le font moins parce qu'ils ne bénéficient plus évidemment de la déduction fiscale et qu'il y a moins de contributeurs assujettis à l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière qu'à l'ISF.
BRUNO LE MAIRE
Mais il y a beaucoup de déductions fiscales. On ne peut pas nous reprocher à la fois qu'il y ait trop de niches fiscales…
RENAUD DELY
Une chute des dons de près de 10 % pour la première fois.
BRUNO LE MAIRE
Et puis de l'autre côté, quand nous en supprimons une ou quand nous en limitons une, nous dire : c'est dommage que vous ayez supprimé ou réduit cette niche fiscale.
JEROME CADET
Qu'est-ce que vous dites aux associations qui nous écoutent ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien moi je dis surtout aux personnes qui payent l'ISF, donc qui ont les moyens de donner aux associations : vous ne devriez pas avoir besoin d'une déduction fiscale à l'ISF pour donner aux associations.
RENAUD DELY
Alors il y a un autre débat qui est en cours autour évidemment de la réforme des retraites, la réforme de la retraite par points, et puis il y a une ouverture qui a été tentée ces dernières semaines par le gouvernement : c'est la question du report éventuel de l'âge légal du départ en retraite qui est aujourd'hui fixé à 62 ans. Laurent BERGER, le patron de la CFDT, était l'invité hier de France Inter et voici ce qu'il répond à l'hypothèse formulée par le gouvernement.
LAURENT BERGER, SECRETAIRE GENERAL DE LA CFDT
Le 10 octobre dernier, Monsieur DELEVOYE et Madame BUZYN ont dit devant tous les partenaires sociaux : il n'y aura pas de remise en cause de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Et c'est là-dessus qu'on discute pour une réforme qualitative. C'est pour une réforme qui soit plus juste, plus lisible et des systèmes de retraite qui soient plus justes et plus lisibles. Et là depuis quelques temps, on nous dit : il faut augmenter l'âge légal de retraite. Il faut être très clair sur est-ce qu'on va vers cette réforme systémique et dans le cadre de la concertation engagée par Monsieur DELEVOYE ? Si c'est le cas, on continue. S'il y a le report de l'âge légal, fin de la concertation.
RENAUD DELY
Faut-il reporter l'âge légal ?
BRUNO LE MAIRE
Il faut déjà, comme le dit Laurent BERGER, aller au bout de cette réforme de simplification des retraites. C'est la première chose, c'est ce que fait Jean-Paul DELEVOYE. Je l'ai vu longuement hier pour en discuter à nouveau avec lui. Je l'avais vu la semaine passée autour du Premier ministre. Donc nous discutons avec Jean-Paul DELEVOYE et je tiens à saluer le travail remarquable qu'il fait.
RENAUD DELY
Jean-Paul DELEVOYE a dit : pas question de toucher à l'âge légal de départ en retraite. Vous l'avez vu hier. Est-ce que vous avez rassuré Jean-Paul DELEVOYE là-dessus ?
BRUNO LE MAIRE
Mais je l'ai rassuré. Je lui ai dit d'abord : bravo pour ce que tu fais sur la simplification du système. Parce qu'avoir un système par points qui sera plus lisible, où chacun saura exactement ce qu'il va toucher comme retraite, c'est une question d'unité de la nation française. Et c'est un élément fondamental, la retraite par répartition, qui sera consolidé par les propositions de Jean-Paul DELEVOYE en application du programme du président de la République. Et puis il y a un autre sujet qui n'est pas le report de l'âge légal, ce n'est pas ça le sujet. Le sujet, c'est la durée de travail des Français. Est-ce que nous devons travailler plus longtemps à cause de l'allongement de la durée de vie ? Parce que le fait qu'il y ait beaucoup de chômage en France et que nous partions plus tôt à la retraite que beaucoup de nos partenaires européens a conduit à un appauvrissement des Français, est-ce que donc il faut que nous travaillions plus longtemps ? J'estime que cette question doit rester ouverte parce que derrière, c'est le financement de notre système de protection sociale et c'est la prospérité des Français qui est en jeu. Troisième remarque…
RENAUD DELY
Travailler plus longtemps sans reporter l'âge légal de départ en retraite.
BRUNO LE MAIRE
Travailler plus longtemps, vous m'avez parfaitement entendu, Renaud DELY, ça ne veut pas nécessairement dire reporter l'âge légal de départ à la retraite. Il peut y avoir des incitations à travailler plus longtemps. Il peut y avoir des bonifications de points. Il peut y avoir d'autres…
RENAUD DELY
Des suppressions de jours fériés ?
BRUNO LE MAIRE
Il peut y avoir beaucoup d'options différentes qui permettent de travailler plus longtemps pour avoir un objectif : financer un modèle de protection sociale auquel je suis profondément attaché. Les retraites, nos hôpitaux, tout ce qui permet de garantir la cohésion sociale de notre pays et garantir la prospérité des Français. C'est-à-dire un enrichissement des Français alors que depuis plusieurs années, quand on regarde le niveau de vie moyen des Français par rapport à celui des Allemands, il a diminué en raison du manque de travail global de la France. Je ne dis pas du manque de travail de chaque Français. Chaque Français qui travaille travaille beaucoup, est très productif et réussit remarquablement. Mais quand on regarde globalement ce qui s'est passé en France depuis dix ans, parce qu'il y a un niveau de chômage très élevé, parce que nous partons plus tôt à la retraite, parce qu'il y a des problèmes de formation et qualification, eh bien chaque Français s'est appauvri par rapport à certains de nos voisins, notamment nos voisins allemands.
RENAUD DELY
Est-ce que ce constat justifierait aussi de toucher aux 35 heures ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas du tout à l'ordre du jour et ce n'est pas du tout dans les débats actuels. Donc ne soulevons pas des débats à nouveau, il y en a déjà suffisamment qui sont d'ailleurs très intéressants. Mais je souhaite que ce débat sur : faut-il travailler plus longtemps, comment travailler plus longtemps, comment inciter les Français à travailler plus longtemps tout simplement pour préserver notre système social et la prospérité de chaque Français. Moi je souhaite que nous ayons ce débat là-dessus. Et je considère à la suite des discussions que j'ai eues avec Jean-Paul DELEVOYE que c'est un sujet qui ne devrait pas susciter des réactions de postures des uns ou des autres. Sur l'âge légal, c'est un autre sujet, mais sur le fait de travailler plus longtemps pour financer notre système de protection sociale, j'estime que c'est un débat légitime et un beau débat que nous devons avoir.
RENAUD DELY
Sur ces incitations justement, cette bonification à travailler plus longtemps, quelle forme pourrait-elle prendre ?
BRUNO LE MAIRE
Ça, ce sera à Jean-Paul DELEVOYE de faire des propositions. Je ne vais pas anticiper sur une réforme qui est d'abord dans les mains de Jean-Paul DELEVOYE, sur laquelle Agnès BUZYN travaille, sur laquelle nous discutons avec le Premier ministre régulièrement. Mais je voudrais simplement, quand les Français se disent : mais comment se fait-il qu'on ne vive pas mieux, comment se fait-il qu'on ait tant de mal à la fin du mois, comment se fait-il que nous ayons le sentiment de nous être appauvris depuis plusieurs années ?... Il y a effectivement l'augmentation des impôts, nous allons traiter ce sujet. Il y a le fait aussi que globalement, par rapport à ses partenaires européens, la France en raison de son taux de chômage, en raison d'un départ à la retraite plus tôt, a un niveau de prospérité qui est plus faible que celui de ses grands voisins.
RENAUD DELY
Est-ce qu'il y a aujourd'hui, Bruno LE MAIRE, une bande comme on entend parler dont vous feriez partie ? Une bande de ministres de droite, menée d'ailleurs par le premier d'entre Edouard PHILIPPE, qui ferait pression sur l'Elysée pour éviter une éventuelle inflexion sociale à la sortie du grand débat ? Une inflexion qui pourrait être coûteuse pour les finances publiques.
BRUNO LE MAIRE
C'est une fable, Renaud DELY.
RENAUD DELY
Vous l'avez entendue cette fable.
BRUNO LE MAIRE
Oui, je l'ai entendue. J'aime beaucoup les Fables de La Fontaine mais je n'aime pas cette fable-là. Je n'ai jamais été l'homme d'aucune bande, jamais été l'homme d'aucun clan et je ne serai jamais l'homme ni d'une bande ni d'un clan. Je suis membre d'une équipe autour du président de la République. Je l'ai rejoint avant le second tour de l'élection présidentielle. J'ai été élu député sous l'étiquette de la majorité présidentielle. Et je l'ai rejoint notamment parce qu'Emmanuel MACRON proposait qu'on dépasse ces clivages gauche droite qui ont fait tellement de tort à la France. Ce n'est pas de gauche ou de droite de savoir s'il faut travailler plus longtemps ou pas. C'est juste savoir si on veut financer ou non notre système de protection sociale. Et je m'opposerai à chaque fois à tous ceux qui voudront revenir en arrière et rétablir des clivages gauche-droite qui ont tellement nui à la France parce qu'ils nous ont empêchés de construire des solutions sur le chômage, sur le financement de notre système de protection, sur la croissance française, sur la réindustrialisation du pays. Et je trouve que les débats aujourd'hui devraient dépasser ce clivage pour nous permettre de trouver des solutions pour les Français.
RENAUD DELY
Il y en a au sein de la majorité qui sont tentés de restaurer ce clivage.
BRUNO LE MAIRE
Eh bien j'y suis totalement opposé. Et je ne me suis pas engagé derrière le président de la République avec la volonté qu'Emmanuel MACRON réussisse son quinquennat, parce qu'on sait sinon ce qui se passera derrière, je ne suis pas engagé là-dedans pour voir revenir des bandes, des clans. Je suis dans une équipe. Alors qu'on ait des amis dans une équipe, bien sûr que Sébastien LECORNU ou Gérald DARMANIN soient des amis, évidemment. J'ai travaillé avec eux depuis des années et nous nous entendons très bien. Voilà, c'est comme ça. Ça ne suffit pas à faire une bande. Je ne serai jamais l'homme ni d'une bande, ni d'un clan. Je suis membre d'une équipe. (…)
JEROME CADET
Bruno LE MAIRE, le ministre de l'Economie et des Finances, est notre invité ce matin sur France Info. La loi que vous défendez, Bruno LE MAIRE, la loi PACTE arrive en débat en deuxième lecture au Sénat aujourd'hui et demain, elle prévoit notamment la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS. Pourquoi la défendre, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord parce qu'elle prévoit beaucoup de mesures pour les PME qui sont très attendues : la simplification des seuils, un meilleur accès au financement. Elle prévoit des mesures pour les salariés, pour qu'ils puissent être mieux associés aux décisions de l'entreprise, faire partie du Conseil d'administration, devenir actionnaires de leur entreprise. Elle prévoit la modification du système d'épargne retraite qui sera largement simplifié. Donc il y a beaucoup de choses très concrètes.
RENAUD DELY
... entreprise si rentable ?
BRUNO LE MAIRE
Mais moi j'estime que c'est une nécessité économique, la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS, et je la défends parce que je considère que si nous voulons que demain AEROPORTS DE PARIS soit le premier hub en Europe, devant Londres, si nous voulons qu'AEROPORTS DE PARIS soit l'un des premiers hubs mondiaux, il faut donner les moyens à cette entreprise de se développer, et elle se développera mieux, à mon sens, avec un actionnariat privé. J'estime que ce n'est pas le rôle de l'Etat de s'occuper de la gestion de boutiques, de parkings ou d'hôtels qui représentent, je le rappelle, près de 75 %…
RENAUD DELY
Ce n'est pas que ça, AEROPORTS DE PARIS.
BRUNO LE MAIRE
Eh bien c'est principalement ça, en termes de résultats. Ensuite c'est une frontière, bien entendu, mais je veux dire à tous nos auditeurs que les frontières seront défendues avec la même protection, avec le même moyen de puissance publique que c'était le cas avant. La vraie question c'est : voulons-nous oui ou non le développement d'AEROPORTS DE PARIS ? Je le souhaite et j'estime qu'un actionnaire privé pourra le faire aussi bien, si ce n'est mieux, que l'Etat, et l'Etat de son côté garantira la protection des frontières, le contrôle des personnes, le contrôle des biens, comme il le faisait auparavant.
RENAUD DELY
Il n'empêche que l'Etat est en train de se délester d'une entreprise extrêmement rentable, qui rapportait énormément d'argent à l'Etat, est-ce que vous n'êtes pas en train de renouveler la même erreur que celle qui a été commise lors de la privatisation des autoroutes en 2005, à l'époque vous étiez d'ailleurs directeur de cabinet du Premier ministre Dominique de VILLEPIN qui a décidé de sa privatisation.
BRUNO LE MAIRE
D'abord, l'Etat ne se déleste pas, il investit pour l'avenir et il finance avec cet argent un fonds de 10 milliards d'euros pour financer les innovations de rupture, notamment sur l'intelligence artificielle, dont dépendront demain notre souveraineté, parce que vous n'aurez pas de souveraineté politique si vous ne gardez pas votre souveraineté technologique, et si votre intelligence artificielle est entre les mains des Chinois et des Américains. Donc la souveraineté ce n'est pas uniquement les frontières d'AEROPORTS DE PARIS, c'est aussi la maîtrise des technologies.
RENAUD DELY
Et vous avez tirez les leçons des erreurs commises lors de la privatisation des autoroutes ?
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, je vais être encore plus clair avec vous, il y a eu des erreurs ont été commises, je le reconnais bien volontiers et je prends toutes mes responsabilités, mais j'essaie de tirer les leçons de cette erreur. Quelle est l'erreur qui a été commise ? C'est qu'il n'y a pas eu de contrôle sur les tarifs quand il y a eu la cession des autoroutes. Eh bien nous avons tiré les leçons de cette erreur et il y aura un contrôle par l'Etat, des tarifs négociés tous les 5 ans entre AEROPORTS DE PARIS et l'Etat. S'il n'y a pas d'accord entre AEROPORTS DE PARIS et l'Etat, sur le niveau des tarifs aéroportuaires, c'est l'Etat qui les fixera librement et tant qu'il n'y aura pas d'accord entre l'Etat et AEROPORTS DE PARIS sur le niveau de ces tarifs, l'Etat pourra dire : il n'y a pas d'accord c'est nous qui décidons. Donc vous voyez que nous avons donné toutes les protections nécessaires aux consommateurs et que j'ai tiré personnellement les leçons des erreurs qui ont pu être commises dans le passé avec les autoroutes, pour que dans le cadre de cette cession, elles ne se renouvellent pas.
JEROME CADET
La loi PACTE est donc débattue au Sénat aujourd'hui, Bruno LE MAIRE, l'une des figures du mouvement des gilets jaunes, Eric DROUET, annonce qu'il va être reçu, entendu aujourd'hui par la Commission spéciale sur ce projet de loi, par le Sénat, il est opposé avec d'autres gilets jaunes à la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS, est-ce que sa contribution peut être intéressante au point qu'il soit invité par le Sénat ?
BRUNO LE MAIRE
Pourquoi Eric DROUET ? Je ne vous cache pas ma surprise, mon étonnement de voir que le Sénat interroge Eric DROUET, pour savoir quel est son avis sur AEROPORTS DE PARIS. Il est spécialiste du sujet ? Il est membre d'AEROPORTS DE PARIS ? Il est salarié d'AEROPORTS DE PARIS ? A quel titre est-ce qu'on l'interroge ? Le Sénat veut se faire remarquer ou il veut faire avancer le débat politique sur la question des privatisations que nous avons déjà des débattue très longuement au Sénat ? Je ne trouve pas à cette invitation responsable, et ça n'est pas ma conception de la politique.
RENAUD DELY
C'est une faute ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis que cette invitation n'est pas responsable, que ce n'est pas ça qui fera avancer le débat, et que ce n'est pas les remarques de monsieur Eric DROUET sur la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS, qui permettront de faire avancer ce débat. On peut être pour cette privatisation, et on peut être contre. Il y a de très bons arguments dans un sens comme dans l'autre, moi je crois profondément qu'elle est nécessaire économiquement et qu'elle va permettre le développement d'ADP, le financement de l'innovation de rupture, tout cela avec des garanties pour nos citoyens. Mais je ne vois pas en quoi monsieur DROUET est plus qualifié qu'un autre, et pourquoi le Sénat, sinon pour se faire remarquer, l'invite à débattre de ce sujet.
RENAUD DELY
Le Brexit, normalement, Bruno LE MAIRE, devrait avoir lieu vendredi 12 avril, mais Theresa MAY sollicite un nouveau report jusqu'au 30 juin. Faut-il lui accorder ce nouveau report ? Est-ce que le sommet de Bruxelles de demain doit le décider ?
BRUNO LE MAIRE
Si elle apporte au président de la République, et à travers lui à tous nos compatriotes, des explications claires sur les raisons pour lesquelles elle veut ce report, parce que derrière ce report il faut bien voir ce qui peut se passer, une situation totalement ubuesque, où un Etat qui a décidé de sortir de l'Union Européenne, participeraient malgré tout aux élections européennes du 26 mai prochain ? Vous voyez bien l'aspect totalement…
RENAUD DELY
Ils ont même annoncé la date, déjà, les Britanniques…
BRUNO LE MAIRE
... surréaliste, de cette décision. Donc elle doit nous apporter, elle doit apporter au président de la République aujourd'hui tous les éclaircissements sur les raisons pour lesquelles elle demande ce report et en quoi ça faciliterait au bout du compte, un accord entre la Grande-Bretagne et de l'Union européenne.
RENAUD DELY
Sinon, allons-y pour un Brexit sans accord vendredi soir.
BRUNO LE MAIRE
Je préfère bien entendu qu'il y ait un accord, mais il faut que Theresa MAY nous apporte les raisons pour lesquelles elle demande ce report et que ce soit des raisons qui soit crédibles.
JEROME CADET
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances était l'invité de France Info ce matin. Excellente journée à tous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2019