Interview de Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, à Europe 1 le 8 mars 2019, sur le Grand débat national et les questions écologiques.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Emmanuelle Wargon - Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire

Média : Europe 1

Texte intégral

AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Emmanuelle WARGON.

EMMANUELLE WARGON
Bonjour Audrey CRESPO-MARA.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors, hier vous animiez avec le président un débat sur l'écologie mais l'écologie est loin de tenir la première place parmi les préoccupations des Français d'après les premiers retours de cette grande consultation nationale. Ca vous déçoit ?

EMMANUELLE WARGON
Pas vraiment parce qu'en fait, quand on regarde les contributions notamment sur le site, elles sont assez équilibrées. Le premier thème, c'est la fiscalité et les dépenses mais l'écologie arrive juste après et puis, pour participer à beaucoup de débats, j'en entends très souvent parler et puis la deuxième chose positive, c'est que ce sont les jeunes qui en parlent.

AUDREY CRESPO-MARA
Oui, alors d'un côté, des Français qui sont d'abord préoccupés par leur pouvoir d'achat et de l'autre, un président qui recadre le mois dernier avec François de RUGY ici même. Vous avez pris la défense de la taxe carbone en affirmant qu'elle devait revenir dans le débat et le président vous a immédiatement recadrée en disant que c'était hors de question. C'est exclu ?

EMMANUELLE WARGON
En fait, je crois qu'on est tous d'accord sur un point qui est : on a besoin d'argent pour financer la transition écologique et on a besoin d'argent public et privé. Après la taxe carbone, c'est un levier et ça n'est pas le seul. La taxe carbone a un avantage, c'est que si on l'améliore et si on en affecte la totalité des recettes à la transition écologique, on garantit une visibilité pour financer cette transition mais le président et le Premier ministre ont dit et je crois qu'ils ont raison « on ne va pas sortir d'une crise qui a commencé avec un impôt en sortant avec un nouvel impôt. » Donc ça pose la question de la remise à plat globale de la fiscalité et celle-là, elle est sur la table !

AUDREY CRESPO-MARA
Donc on ne remet pas sur la table la taxe carbone et une éventuelle hausse, c'est exclu ?

EMMANUELLE WARGON
En tout cas, pas d'augmentation globale d'impôts, ça n'a pas de sens, une fiscalité organisé complètement différemment dans laquelle on pourrait aller vers un principe équitable de pollueur/ payeur et dans lequel on irait aussi taxer tous les pollueurs, y compris les gros pollueurs, ça, ça a un sens.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors dans sa tribune sur l'Europe, Emmanuel MACRON affirme que l'Europe doit se fixer l'objectif « 0 carbone pour 2050 » et, en même temps, il refuse le débat sur la taxe carbone. Ce ne serait pas contradictoire ?

EMMANUELLE WARGON
Ah non, ce n'est pas contradictoire du tout !

AUDREY CRESPO-MARA
Ah bon ?

EMMANUELLE WARGON
D'abord, la France s'est fixé un objectif « 0 net carbone en 2050 », c'est-à-dire une division par 8 de nos émissions carbone et le reste en compensation, c'est-à-dire en capacité à stocker du carbone essentiellement dans les sols, c'est le développement de l'agriculture, de l'agro-écologie et de la forêt. L'Europe est en train de se doter d'un objectif pour 2030, une réduction d'environ 40% des émissions de gaz à effet de serre. La question, c'est : est-ce qu'on peut se projeter plus loin collectivement ? Après, ça ramène à la question « pour tout ça, il faut de l'argent » et dans sa tribune, le président propose plus d'investissements sur le climat, peut-être avec une nouvelle banque ou autrement.

AUDREY CRESPO-MARA
Emmanuelle WARGON, le grand débat alors doit finir pile dans une semaine mais Emmanuel MACRON a encore 4 régions à visiter. Vous croyez qu'il va falloir jouer les prolongations, qu'il va falloir reporter la fin du grand débat ?

EMMANUELLE WARGON
Ça ne finit pas exactement dans une semaine. En fait, ce qu'il souhaite …

AUDREY CRESPO-MARA
C'était fin mars au départ, on nous parlait du 15 mars.

EMMANUELLE WARGON
Ce qui se termine actuellement ce sont les réunions locales, elles se terminent le 15 mars et les Français ont jusqu'au 18 mars pour remonter leurs comptes-rendus de réunions sur la plateforme ou pour contribuer sur la plateforme et après, ça s'arrête et les cahiers citoyens sont déjà fermés, ils sont en cours de numérisation et d'archivage et donc pour traitement par la Bibliothèque nationale de France. Ce qui continue après le 15 mars, ce sont : ce qu'on appelle les conférences régionales citoyennes, deux week-ends d'affilée - 16, 17 mars et 22, 23 mars –, entre 80 et 100 personnes tirées au sort dans chacune des régions en France, en métropole pardon et en Outre-mer et une conférence pour les jeunes, qui commencent à débattre et à structurer des propositions. Et enfin un débat parlementaire, un à l'Assemblée, un au Sénat dans les tout premiers jours d'avril.

AUDREY CRESPO-MARA
Et alors comment toutes ces heures de discussions dans les débats, comment tous ces cahiers de doléances et à combien on en est d'ailleurs et combien de contributions numériques et comment tout ça va être traité ?

EMMANUELLE WARGON
Alors, beaucoup de matière. On pensait avoir environ 10 000 cahiers dans des mairies, en fait, on en a 16 000. Sur le site, on a 1,4 million de contributions, un million de réponses aux questions dites rapides et 400 000 contributions aux questions plus ouvertes, tout ceci est traité par deux équipes, l'équipe qui traite tout ce qui est arrivé sur la plateforme où c'est OPINIONWAY qui s'en occupe et une autre équipe avec un consortium qui traite tout ce qui est plus qualitatif dans les cahiers et dans les courriers, on a aussi reçu beaucoup de courriers pour faire une présentation globale, synthétique, exhaustive de ce qui s'est dit avec les principales propositions, probablement autour de quelque chose qui ressemblera à un arbre de connaissances, c'est-à-dire une arborescence de ce qui s'est dit par thèmes, par sous-thèmes, etc.

AUDREY CRESPO-MARA
Ca prend combien de temps, tout ça ?

EMMANUELLE WARGON
On aura tout ça au tournant de fin mars, début avril.

AUDREY CRESPO-MARA
L'idée d'un référendum le jour des européennes du 26 mai serait toujours sur la table. Vous confirmez ?

EMMANUELLE WARGON
Je confirme qu'on ne préempte aucune décision, maintenant que toutes les idées sont sur la table, y compris un référendum, y compris un référendum le jour des européennes.

AUDREY CRESPO-MARA
Vous en auriez parlé mercredi soir lors d'un dîner secret à l'Elysée !

EMMANUELLE WARGON
Il y a eu un dîner à l'Elysée et je n'en dirai pas plus sur ce dîner mais en tout cas, toutes les idées sont bien sur la table. Le président veut se donner du temps avant de décider et tous ces débats organisés localement, je reviens au débat d'hier qui était un débat, cinq heures sur la transition écologique, sur l'écologie, sur l'environnement, sur la nature, c'est aussi le moment où il affine ses convictions.

AUDREY CRESPO-MARA
Donc en tout cas, vous dites aujourd'hui, l'idée d'un référendum le jour des élections n'est pas exclue !

EMMANUELLE WARGON
Je dis : rien n'est exclu !

AUDREY CRESPO-MARA
Rien n'est exclu et si ce n'est par un référendum, comment comptez-vous sortir du grand débat et quand ?

EMMANUELLE WARGON
Le président s'est exprimé hier sur le sujet, il a dit qu'on aurait à la fois des mesures très concrètes à la sortie du grand débat mais probablement aussi des sujets sur lesquels il faudra travailler plus longtemps parce que les questions qui sont posées sont parfois des questions très lourdes, qui sont des sujets sur lesquels finalement, on constate un semi-échec depuis 10, 20, 30, 40 ans. Ca ne se règle pas par une annonce.

AUDREY CRESPO-MARA
Alors, le président s'est prononcé mais ça reste flou, c'est-à-dire qu'on ne sait pas comment on va en sortir et quand on va en sortir vraiment ?

EMMANUELLE WARGON
On entend des choses quand même. Le président parle de décentralisation ; il parle d'un pacte rural, ça c'est un point très important. On a regardé la France comme si elle était homogène, comme si chaque territoire se valait, comme si le seul critère de différenciation, c'est la composition de la famille et les revenus mais en fait, la même famille, avec les mêmes revenus, qui vit en centre ville ou qui vit beaucoup plus loin dans un village, dans un territoire très rural n'a pas le même mode de vie, pas le même mode de logement, pas le même mode de transport. Donc on parle différenciation, on parle services publics de proximité, tout ceci commence à se décanter !

AUDREY CRESPO-MARA
Bon mais c'est encore flou pour le moment pour l'issue en tout cas. Emmanuelle WARGON, le Premier ministre a déjà prévenu que les Français risquaient d'être déçus. Le risque, en effet, c'est que la montagne accouche d'une souris !

EMMANUELLE WARGON
Je crois que ce grand débat nous oblige. Ce grand débat, nous l'avons proposé aux Français et ils ont accepté d'y participer, ils ont trouvé les sujets intéressants, ils ont contribué sous plein de formes. Bien sûr que ça nous oblige ; ça nous oblige à être à la hauteur de ce que les Français nous demandent. Tout ne peut pas se traiter par des annonces à la fin, tout se traitera aussi par l'acte II du quinquennat, la capacité à remettre sur le métier des sujets compliqués, élargir le programme de gouvernement et j'espère bien qu'on ne décevra pas !

AUDREY CRESPO-MARA
Emmanuelle WARGON, nous sommes le 8 mars, c'est la journée des femmes. Est-ce que ce n'est pas un peu comme la Saint-Valentin, la fête des mères, un petit bouquet, un petit bisou et hop, on passe à autre chose ?!

EMMANUELLE WARGON
C'est sûr que si on ne s'intéresse aux femmes que le 8 mars, c'est un peu déprimant. Donc moi, je ne suis pas totalement favorable à ces journées symboliques. Je crois qu'on a dépassé ce cap, je l'espère en tout cas !

AUDREY CRESPO-MARA
Marlène SCHIAPPA dit que la France est un pays sexiste, vous partagez son diagnostic ?

EMMANUELLE WARGON
Je pense qu'on a fait beaucoup de progrès dans l'insertion professionnelle des femmes, dans le respect. Après, on a encore des sujets extrêmement lourds, les violences faites aux femmes et elles le rappellent, il faut absolument qu'on progresse mais dans les représentations même si les femmes accèdent à des postes de responsabilité, nous ne sommes pas totalement jugées de la même manière et des qualités masculines deviennent des défauts féminins et ça, ça devient fatigant !

AUDREY CRESPO-MARA
Par exemple ?

EMMANUELLE WARGON
Quelqu'un de très affirmé, ça sera très positif chez un homme et ça sera limite caractériel ou hystérique chez une femme !

AUDREY CRESPO-MARA
[rires] Ce n'est pas faux ! Vous êtes entrée au gouvernement il y a 4 mois et demi. Quand on devient ministre, on continue à être exposé au sexisme ?

EMMANUELLE WARGON
J'ai la chance d'être dans un gouvernement très paritaire avec des femmes qui occupent des postes à fortes responsabilités, je pense à Agnès BUZYN ou à Florence PARLY par exemple et donc ça permet d'être vraiment dans une équipe. Après, on a des exercices très contraints, les « questions au gouvernement » par exemple, dans lesquels ça consiste à parler le plus fort possible et de la façon la plus directe, voire agressive possible. Ca n'est pas un exercice très féminin !

AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup. Merci Madame WARGON !

EMMANUELLE WARGON
Merci à vous !


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 mars 2019