Interview de M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, à Public Sénat le 10 avril 2019, sur la privatisation d'Aéroports de Paris, la "restitution" du Grand débat national et la sécurité routière.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Marc Fesneau - Ministre chargé des relations avec le Parlement/

Média : Public Sénat

Texte intégral

CYRIL VIGUIER
Deuxième partie de notre émission « Territoires d'infos » avec un invité politique en direct sur ce plateau qui est le ministre chargé des Relations avec le Parlement ce matin. C'est Marc FESNEAU. Bonjour et merci d'être avec nous, Marc FESNEAU

MARC FESNEAU
Bonjour.

CYRIL VIGUIER
Pour vous interroger à mes côtés ce matin, Oriane MANCINI, spécialiste politique de Public Sénat. Bonjour Oriane et bonjour Patrice MOYON de Ouest-France. Merci d'être avec nous sur ce plateau. On va parler dans un instant du Premier ministre qui vient au Sénat pour parler du grand débat tout à l'heure, mais avant tout, cette initiative de partis politiques opposés qui souhaitent un référendum d'initiative partagée contre la privatisation d'AEROPORTS DE PARIS. Comment vous, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, vous jugez cette initiative commune de partis politiques très opposés les uns aux autres ?

MARC FESNEAU
D'un point de vue juridique, je n'ai pas à en juger. Il y a un dispositif qui est prévu dans la Constitution au titre de l'article 11 qui leur permet, dès lors qu'ils sont plus de 185, de soumettre un texte de loi aux Français. Il faut qu'il y ait quatre millions de Français pour qu'il y ait un référendum.

CYRIL VIGUIER
C'est plutôt votre réforme politique.

MARC FESNEAU
Oui, oui. Non mais quand même, il faut rappeler la procédure. Il faut rappeler aussi que c'est le Conseil constitutionnel qui in fine juge de la constitutionnalité de la demande et puis, deux, c'est…

ORIANE MANCINI
Vous pensez qu'elle est constitutionnelle ?

MARC FESNEAU
Moi, il ne m'appartient pas de parler à la place du conseil constitutionnel, on verra. Mais politiquement, il y a quelque chose d'assez intéressant. Enfin, « intéressant »… D'étonnant, on pourrait dire d'étonnant et détonnant d'ailleurs. C'est la photo auquel on a assisté hier, de voir des gens qui à peu près sur rien pensent la même chose mais qui s'unissent sur l'essentiel pour eux. En tout cas, si un certain nombre d'entre eux avaient été d'ardents défenseurs des privatisations et dans des conditions qui sont beaucoup moins cadrées et publiques que celles que nous avons proposées autour d'AEROPORTS DE PARIS, il y a quelque chose d'une alliance de circonstance qui est assez étonnante. Et ça donne plutôt un sentiment non pas de… C'est vraiment le plus petit des plus petits dénominateurs communs qui s'est exprimé hier. Quand on n'a pas soi-même une pensée politique, on essaye de se rassembler sur un sujet…

ORIANE MANCINI
Vous dites que c'est un coup politique, c'est ça ?

MARC FESNEAU
Manifestement c'est un coup politique. Enfin, la mise en scène participe d'un coup politique. Ils ont d'ailleurs le droit de faire des coups politiques, ce n'est pas le sujet. Mais je ne suis pas sûr que les gens soient tout à fait dupes.

PATRICE MOYON
Est-ce qu'il y avait vraiment urgence à privatiser ADP ? L'Etat va se priver de 250 millions de recettes.

MARC FESNEAU
Non, ce n'est pas comme ça qu'il faut poser les choses. C'était dans un plan global. Ce n'est pas la question de l'urgence. C'est une question qui est lancinante depuis un certain nombre d'années sur AEROPORTS DE PARIS. La question de fond, c'est est-ce que l'Etat doit être actionnaire principal et doit s'occuper d'une infrastructure comme celle-là quand sur bien d'autres sujets l'Etat est sollicité, sur d'autres infrastructures d'ailleurs, des infrastructures d'aménagement du territoire. C'était une façon aussi à la fois de désendetter le pays et aussi de se doter de moyens pour répondre au défi des infrastructures. Et puis, 2°) : ça n'est pas une vente, c'est une cession sur un temps long, certes, mais c'est une cession, une concession qui est donnée sur un temps long considérant que des opérateurs d'une autre nature peuvent gérer aussi bien AEROPORTS DE PARIS, reconnaissons aussi que dans les classements mondiaux, l'aéroport, les aéroports de Paris, Orly, Roissy, en particulier, ne sont pas considérés comme ceux qui donnent le plus de satisfaction en termes d'accueil et de services à ceux qui les visitent, si je peux dire, c'est-à-dire les voyageurs, et que c'est peut-être aussi une façon de faire en sorte qu'on améliore le trafic et les conditions d'accueil des voyageurs.

PATRICE MOYON
Demain, le service sera de meilleure qualité ?

MARC FESNEAU
Eh bien, c'est l'objectif, c'est en tout cas la volonté que nous avons, et c'est ce qu'a exprimé à plusieurs reprises le ministre de l'Economie et des finances, d'ailleurs, il y a un certain nombre d'amendements parlementaires qui ont été faits pour permettre en particulier aux collectivités de pouvoir monter au capital, ce qui était aussi une bonne formule.

ORIANE MANCINI
Allez, Cyril le disait, Edouard PHILIPPE sera cet après-midi au Sénat. Il était hier à l'Assemblée nationale. Quel va être le message d'Edouard PHILIPPE aux sénateurs cet après-midi ?

MARC FESNEAU
Eh bien, c'est un message qui vise à faire la restitution du grand débat, je pense qu'on a besoin de ce temps, il y a quand même des gens qui ont pris le temps d'écrire, qui ont pris le temps de participer à des réunions, qui ont pris le temps aussi de les organiser, les maires, des associations, des individus, et je pense que ce temps est un temps de restitution de ce qu'ont dit les Français, de ce qu'ont dit les Français parfois de façon homogène, et puis, de ce qu'ont dit les Français aussi au titre de leur diversité, si je peux dire, et je pense que c'est important que le Premier ministre devant l'Assemblée nationale, il l'a fait hier, devant le Sénat, aujourd'hui, puisse éclairer, comment dirais-je…

ORIANE MANCINI
Ce sera le même discours ou il sera plus orienté territoires, le discours cet après-midi ?

MARC FESNEAU
Eh bien, forcément, on est au Sénat, il y a forcément une tonalité plus territoriale, puisque le Sénat représente les territoires, qui sera exprimée par le Premier ministre, j'imagine, mais il y a une volonté pour le Premier ministre de mettre sur la place publique ce qui a été dit, c'est bien le moins de ce qu'on doit aux Français qui ont pris la peine, soit, de participer directement, soit d'écouter et de se rendre attentifs à ce qui se passait.

PATRICE MOYON
Alors cette crise des gilets jaunes, elle a bien montré aussi l'ampleur de la fracture territoriale, qu'est-ce qui peut être annoncé demain autour de justement ce rééquilibrage grandes métropoles et petites villes, petites communes ?

MARC FESNEAU
Oh, il y a plusieurs choses, me semble-t-il, il y a le rééquilibrage, d'ailleurs, le Premier ministre l'a dit dès hier ou dès lundi, le rééquilibrage entre grandes métropoles et territoires hors métropoles, avec des gens qui se sentent exclus des dynamiques économiques, des dynamiques culturelles, des dynamiques sociales, dont peuvent bénéficier ces métropoles. La deuxième chose, c'est qu'il faut qu'on arrive à construire dans ce qu'on a fait jusqu'alors, c'est-à-dire des grands ensembles, les très grandes régions, les très grandes intercommunalités, il y a un sentiment de déshumanisation, d'éloignement même dans les territoires…

PATRICE MOYON
D'abandon…

MARC FESNEAU
D'abandon. Et un sentiment qu'au fond, ce sont des grandes structures, des technostructures locales qui se sont constituées et sur lesquelles les Français n'ont plus prise. Troisième chose, je pense que dans la décentralisation qui a été à l'oeuvre, on n'a pas réussi, alors, nous sommes au gouvernement, c'est nous qui sommes en responsabilité, mais reconnaissons que c'est une oeuvre collective, on n'a pas réussi à identifier bien plus clairement qu'il ne faudrait les responsabilités de chacun…

PATRICE MOYON
Donc concrètement, qu'est-ce qu'il faudrait faire ?

MARC FESNEAU
Alors, ça veut dire, 1°) : que moi, j'ai entendu des réunions auxquelles j'ai participé, quand on regarde le compte-rendu des débats, 1°) : que les Français, ils n'arbitrent pas tellement décentralisation, pas décentralisation, ils arbitrent pouvoir central, pouvoir local. Mais le pouvoir local, il peut s'exprimer aussi au travers de l'Etat, donc on a besoin à la fois de construire avec les collectivités territoriales un pacte qui permette de mieux identifier les compétences ; il y a sans doute des choses à faire et à retoucher autour de la loi NOTRe, on voit bien ce que le président de la République a appelé les irritants de la loi NOTRe. On a finalement très uniformisé les choses au travers de cette loi, et je pense qu'on a besoin de redonner un peu de différence aux territoires, on ne peut pas gérer une compétence de la même façon, les transports dans la Creuse comme on gère les transports par exemple en Ile-de-France. Et donc on a besoin de donner la capacité aux territoires, soit avec les préfets, soit avec les territoires, les collectivités territoriales, de mieux adapter la façon dont ils gèrent les compétences à la réalité territoriale. Et puis, la deuxième chose peut-être pour éclairer juste par deux sujets, il y a besoin de simplifier. Il y a un certain nombre d'acteurs économiques ou d'acteurs tout court, acteurs associatifs, qui vous expliquent que dès qu'ils veulent prendre une initiative, soit, on n'a pas l'oreille, ou les collectivités ou l'Etat, c'est-à-dire qu'on ne prête pas attention à l'initiative qu'ils portent, soit, les freins sont tellement importants qu'ils renoncent avant même d'avoir pu solidifier, si je peux dire, un projet. Donc on a besoin d'avoir des structures territoriales de l'Etat et des collectivités qui accompagnent les projets. Et puis, il y a un dernier sujet, moi, j'entends aussi beaucoup chez les citoyens la volonté que l'Etat redevienne d'un Etat stratège autour des questions de logique d'aménagement du territoire, des questions économiques, et on voit la réussite d'ailleurs des procédures que nous avons lancées, Territoires d'industrie ou Coeur de Ville où, finalement, c'est l'Etat qui impulse, avec les collectivités territoriales, dans un cadre de bonne entente un certain nombre de politiques ; je pense que ce dont souffrent les gens, c'est le sentiment que les territoires ont été abandonnés par l'Etat, et donc c'est ça aussi qu'il faut réhabiliter.

ORIANE MANCINI
Il y a un sujet qui inquiète le Sénat, les élus locaux, sur lequel les sénateurs alertent, c'est celui de 80 km/h. Edouard PHILIPPE a semblé faire un mea culpa lundi sur la forme, pas sur le fond, est-ce que le gouvernement peut revenir sur cette mesure et suivre le vote du Sénat, qui avait proposé que ce soit les présidents de départements qui décident ?

MARC FESNEAU
Ce n'est pas tout à fait ce qu'avait proposé le Sénat, le Sénat, il avait proposé de, de manière cogérée…

ORIANE MANCINI
De déléguer l'assouplissement aux présidents de département et aux préfets…

MARC FESNEAU
Non, non, et aux préfets. Moi, je pense qu'il faut de la responsabilité. C'est soit les uns, soit les autres, ça ne peut pas être les deux. Soit, on nous explique que les présidents de département sont les seuls et les plus à même de déterminer les portions qui sont les plus dangereuses et qui doivent être à 80 km/h, soit, on dit que c'est le préfet, mais cette espèce de… là aussi, ça entretient la confusion des esprits, me semble-t-il…

ORIANE MANCINI
Donc soit l'un, soit l'autre, mais vous pouviez revenir dessus ?

MARC FESNEAU
Alors, première chose. Deuxième chose, le Premier ministre, il a expliqué, moi j'ai toujours soutenu cette mesure pour une raison simple, c'était une mesure qui vise à diminuer la mortalité sur les routes, ce n'est pas une mesure qui vise à autre chose, alors, elle a pu être mal comprise, on a déjà disserté très longtemps sur cette question-là, mais en même temps, il ne faut pas en rabattre sur la question de sécurité routière et sur le nombre de morts sur la route, on est quand même un pays tiers qui n'a vécu que des épisodes un peu douloureux dès lors qu'on a pris des mesures de sécurité routière, moi, je me souviens d'une époque où, j'étais très jeune, mais quand on a mis en place la ceinture de sécurité, il y avait des gens qui savamment sur les plateaux vous expliquaient que c'était une mesure dangereuse parce qu'on retrouverait les gens incarcérés et brûlés dans leur voiture…

CYRIL VIGUIER
Mais vous avez une réponse politique, c'est quoi ?

MARC FESNEAU
C'est des milliers de morts, non, mais, c'est toujours sur ces questions-là un espèce de démagogie qui est à l'oeuvre et que je regrette, et donc à chaque fois qu'on a des épisodes, il y a eu le permis à points, c'était sous BEREGOVOY, autant que je me souvienne, qui avait bloqué le pays…

ORIANE MANCINI
Est-ce que vous avez l'assouplir ?

MARC FESNEAU
Et donc je pense qu'il faut à la fois des mesures qui envoient des signaux clairs en termes de sécurité routière, après, s'il y a des questions d'adaptation, on regardera, le président de la République et le Premier ministre regarderont. La question, ce n'est pas tant la mesure de sécurité routière, c'est est-ce qu'il y a des portions sur lesquelles il n'y a pas besoin de passer à 80 km/h…

ORIANE MANCINI
Donc vous pourriez laisser, soit aux présidents de département, soit aux préfets le soin d'en décider…

MARC FESNEAU
On verra ce que dit le président de la République, et ce que décideront le président de la République et le Premier ministre, mais la question de la souplesse peut être une question posée, mais la question d'en rabattre sur les questions de sécurité routière n'est pas une question pour moi responsable…

CYRIL VIGUIER
Je voulais sauver des vies, on m'a accusé de remplir les caisses, a dit le Premier ministre…

MARC FESNEAU
Oui, mais c'est vrai, et alors que moi, j'en ai souvent parlé avec le Premier ministre, la volonté, c'était vraiment de sauver des vies, pas de remplir les caisses, et on a fait un mauvais procès, j'ajoute que nous sommes dans une disposition où il y a une grande partie des radars en France qui sont aujourd'hui détruits ou dégradés qui n'officient plus, et on voit bien…

CYRIL VIGUIER
Et on va les remplacer pour des plus performants, vous le savez…

MARC FESNEAU
Oui, très bien, mais en tout cas, dans l'intervalle, c'est là qu'on voit que la répression a son utilité, et moi, je suis un conducteur comme les autres, et je n'aime pas la répression, mais enfin, ne sont verbalisés que ceux qui dépassent la limitation de vitesse, enfin, ce n'est pas une machine qui se met en route pour faire remplir les caisses, enfin, on va dire les choses très clairement, et on voit bien que le nombre de morts sur les routes a commencé à se re-dégrader depuis le mois de janvier, depuis la période où les radars ont été détruits. Donc il faut qu'on trouve un équilibre, mais quand vous êtes en responsabilité, le mot responsabilité a un sens, et sur le nombre de morts sur les routes, il suffit d'avoir été sur un accident une fois dans sa vie pour comprendre que la vitesse est un élément aggravant, et que donc, il faut la traiter avec sérieux.

CYRIL VIGUIER
Marc FESNEAU, ministre des Relations avec le Parlement, est notre invité politique ce matin en direct sur ce plateau. La défiance des Français à l'égard des élus est importante, c'est aussi une des remontées du grand débat national, des voix s'élèvent aussi contre le bicamérisme ici et là, qu'est-ce que vous pouvez faire, vous, qui êtes en première ligne comme ministre chargé des Relations avec le Parlement, pour combattre cela, faut-il le combattre ?

MARC FESNEAU
Eh bien écoutez, il faut les combattre, c'est très difficile de combattre dans le sentiment antiparlementaire, anti-élu qu'il y a, mais je pense qu'on a plusieurs choses à faire, la première, c'est que chacun dans nos attitudes et dans la façon de fonctionner, on fasse fonctionner bien les institutions démocratiques, c'était l'objet d'ailleurs du texte de loi constitutionnelle qui était d'essayer de fluidifier un certain nombre de choses, il faut que chacun puisse exercer ses prérogatives, prérogatives législatives, les prérogatives d'évaluation et de contrôle des deux Assemblées. Il faut aussi qu'on trouve des moyens de mieux montrer, ou même de mieux renforcer, l'interaction avec les citoyens, il peut y avoir des sujets dont se saisissent les citoyens ou qui leur posent questions et dont les Assemblées peuvent se saisir mieux. Et il me semble que ça, c'est un élément assez déterminant, il faut aussi qu'on améliore nos procédures, parce qu'il n'y a rien de plus désastreux que des textes de lois qui sont votés – c'est moins le cas au Sénat pour être très honnête – qui sont votés à 3 ou 4h du matin. Il y a vingt ans, on avait l'impression d'un acte héroïque quand on votait à 3 ou 4h du matin, il y avait quelque chose d'une guerre de tranchées politique qui s'organisait en disant : c'est formidable, on l'a voté à 4h du matin, je pense que les Français, quand ils regardent ça, ils trouvent qu'on est, soit inefficace, soit, on fait des cachotteries…

ORIANE MANCINI
Vous parlez de cette réforme constitutionnelle, on en est où ?

MARC FESNEAU
Eh bien, on verra. Le président de la République, là aussi, s'exprimera là-dessus, notre volonté, c'est, on voit bien qu'il y a un certain nombre de choses qui sont sur la table qui pourraient relever pour un certain nombre d'entre elles d'une révision constitutionnelle, on…

ORIANE MANCINI
Donc elle est toujours à l'ordre du jour ?

MARC FESNEAU
Eh bien, oui, par nature, parce qu'on a parlé tout à l'heure du référendum d'initiative partagée, on voit bien que le seuil d'interpellation est un seuil suffisamment élevé pour qu'en fait, il ne se soit jamais activé, la vérité, c'est ça, et donc, il faut peut-être aussi réfléchir à ça, mais ça, ça relève du champ constitutionnel, on voit bien qu'un certain nombre de gens disent : comment on peut mieux associer les citoyens, est-ce que c'est au travers du CESE par exemple, là aussi, ça relève d'une réforme du CESE, et donc d'un champ constitutionnel. Et pour répondre à votre question…

CYRIL VIGUIER
Conseil Economique Social Et Environnemental…

MARC FESNEAU
Vous avez raison, j'essaie d'éviter les acronymes, mais là, j'en ai fait un assez…

CYRIL VIGUIER
Non, non, pardon, mais pour les téléspectateurs…

MARC FESNEAU
Non, non, mais vous avez raison. Vous avez tout à fait raison de le dire. Après, la question de la révision constitutionnelle, c'est la question de savoir si les deux Chambres peuvent s'entendre et ont la volonté de procéder à une réforme constitutionnelle, et après, chacun prendra ses responsabilités…

ORIANE MANCINI
Et votre avis ?

MARC FESNEAU
Pour l'instant, je n'ai pas d'avis, parce que je ne porte pas de préjugé sur la volonté des uns et des autres, mais c'est au pied du mur qu'on connaîtra ceux qui veulent construire un mur, un mur au bon sens du terme, bâtir quelque chose, une maison institutionnelle qui soit plus performante, et c'est comme ça qu'on arrivera…

CYRIL VIGUIER
Commune ?

MARC FESNEAU
Je n'en demande pas tant. Il y a deux Chambres, donc chacun peut faire un bout de mur. Mais en tout cas, il y a quelque chose qui doit nous interpeller tous, on voit bien qu'il y a des champs, qui sont des champs constitutionnels, on voit bien qu'il y a nécessité de réformer un certain nombre de dispositions constitutionnelles, et moi, j'espère que l'Assemblée nationale et le Sénat enverront des signaux pour montrer leur volonté de réformes, quitte à retravailler sur un texte qui permettrait à chacun de se saisir, mais je vois mal qu'on mobilise le Parlement, parce que c'est un temps long, une révision constitutionnelle, pendant plusieurs séquences de plusieurs semaines pour finalement aboutir à un petit jeu qui serait de dire : je refuse la révision constitutionnelle.

PATRICE MOYON
Marc FESNEAU, l'actualité du jour, c'est la présentation en Conseil des ministres ce matin du programme de stabilité destiné à la Commission européenne. Les marges de manoeuvre aujourd'hui pour la France, elle les trouve où sur le plan… il y a eu 14 milliards déjà d'allégements de la fiscalité, il y a un autre train de mesures qui pourrait être annoncé, comment est-ce que la France va pouvoir respecter ses engagements européens ?

MARC FESNEAU
Eh bien, c'est un peu ce qu'a dit le Premier ministre hier, il y a besoin à la fois d'essayer de trouver des marges, et les marges, c'est aussi par la diminution de la dépense publique, et donc il faut essayer de trouver dans un certain nombre de réformes comment on peut faire en sorte, et c'est tout le travail que nous aurons à l'issue de cette affaire du grand débat parce que je pense qu'en responsabilité on ne peut pas laisser la dette et le déficit se creuser, reconnaissons aussi qu'un chemin a été fait depuis 2017 et que nous sommes passés sous la barre des 3 %, ce n'est pas en soi une satisfaction, il y a des pays qui sont… mais en tout cas, on a fait depuis deux années un exercice budgétaire qui a été un exercice budgétaire plus tenu…

ORIANE MANCINI
Mais ce programme de stabilité sans les mesures des gilets jaunes qui seront annoncées, est-ce qu'il n'est pas insincère ?

MARC FESNEAU
Mais un programme de stabilité, il vise à donner des perspectives sur le moyen et le long terme, et donc c'est normal qu'on envoie – d'abord, c'est une récurrence, si je peux dire, de façon permanente, tous les ans – on envoie ça…

ORIANE MANCINI
Tous les mois d'avril…

MARC FESNEAU (SON TELEPHONE SONNE)
Tous les mois d'avril, au printemps, on envoie à la Commission européenne notre programme de stabilité, je pense qu'on a essayé jusqu'alors, et on l'a plutôt réussi, de tenir une forme… comment dirais-je… d'exigence de tenue des comptes publics, je rappelle que c'est le deuxième poste de dépenses du budget de l'Etat, et que donc, on doit faire en sorte que…

CYRIL VIGUIER
Ce n'est pas le Premier ministre qui vous appelait là ?

MARC FESNEAU
Ce n'est pas le Premier ministre qui m'appelle…

CYRIL VIGUIER
Rassurez-moi…

MARC FESNEAU
Pardonnez-moi, ça m'arrive rarement…

CYRIL VIGUIER
C'est le président, non ?

MARC FESNEAU
C'est le deuxième poste de dépenses de l'Etat, et donc on lègue, on emprunte aujourd'hui, on fait du déficit, et on lègue aux enfants et aux petits enfants…

PATRICE MOYON
Mais les économies, on les fait où ?

MARC FESNEAU
Mais ça participera de la sortie du grand débat, il y a un certain nombre d'éléments qu'il faut mettre sur la table, et je pense que les Français d'ailleurs, ils l'ont exprimé au travers du grand débat, ils voient bien les contingences qui sont celles à la fois d'essayer de trouver des marges de manoeuvre en termes de pouvoir d'achat, mais aussi de ne pas dégrader le déficit.

ORIANE MANCINI
Puisqu'on parle de finances, est-ce qu'il y aura un le projet de loi de Finances rectificative dans les semaines à venir ?

MARC FESNEAU
Ça aussi, ça fait partie de l'ensemble des mesures qui seront annoncées. Il y a deux possibilités, soit un projet de loi de Finances rectificative, soit un projet de loi de Finances à l'automne, on n'est pas finalement très loin de l'automne…

ORIANE MANCINI
Donc pas au printemps ? Parce qu'à un moment, il a été évoqué un projet de loi de Finances rectificative au printemps, non ?

MARC FESNEAU
Vous voyez bien qu'on est le 5 avril (sic), aujourd'hui, en tout cas, ce n'est pas ce qui est sur la table. Et on verra dans les mesures qui seront annoncées si ça nécessite un PLFR ou un projet de loi de Finances rectificative.

CYRIL VIGUIER
Merci.

MARC FESNEAU
Ou un PLF, projet de loi de Finances tout court, mais ça, on le verra dans les semaines qui viennent.

ORIANE MANCINI
Autre question sur la fiscalité, était également envisagée une réforme de la fiscalité locale au printemps, notamment pour définir les modalités de compensation de la taxe d'habitation, elle est d'abandonnée, cette réforme de la fiscalité locale ?

MARC FESNEAU
Eh bien, non, on ne peut pas l'abandonner, puisque de toute façon, à la perspective…

ORIANE MANCINI
En tant que telle, les mesures de compensation peuvent être mises dans le projet de loi de Finances de 2020 ?

MARC FESNEAU
Et ça n'empêche pas, mais de toute façon, vous voyez bien que la question de la fiscalité globalement est posée, que c'est très facile sur les tribunes de dire : il n'y a que refondre la fiscalité locale ou la fiscalité tout court, et que c'est des mesures qui sont de temps long, mais ça peut être une perspective de moyen, long terme. Les mesures de fiscalité

ORIANE MANCINI
Donc là aussi, pas avant l'été ?

MARC FESNEAU
Non, les mesures de fiscalité locale, elles étaient pour répondre à la question de la suppression nette et sèche de la taxe d'habitation, conforme à ce qu'avait dit le Conseil constitutionnel, ça reste sur la table, et cette nécessité reste sur la table.

CYRIL VIGUIER
Marc FESNEAU, le Brexit, alors quels sont les enjeux de ce Conseil européen extraordinaire ce mercredi, on le saura, c'est quoi, c'est l'idée d'un long report de divorce entre Londres et Bruxelles qui est sur la table, s'ils restaient les Anglais, finalement ?

MARC FESNEAU
Alors, la question du report, si question de report il devait y avoir, ce n'est pas une question de rester ou pas rester, c'est les questions de conditions de sortie…

CYRIL VIGUIER
Oui mais la question peut se poser aussi, non ?

MARC FESNEAU
Moi, je voudrais alerter sur une chose…

CYRIL VIGUIER
La question peut se poser aussi ?

MARC FESNEAU
C'est : ne croyons pas qu'un Brexit sec ou une sortie dure, comme on dit, satisferait qui que ce soit. Moi, je ne pense pas que ce soit une voie satisfaisante, mais ce n'est pas chez nous qu'il faut chercher les causes de cette difficulté-là, c'est chez les Anglais qui, manifestement, en tout cas, les responsables publics, on ne va pas faire grief aux Anglais, les responsables publics, qui ont été beaucoup sur les tribunes pour dire : il faut sortir, il faut sortir, et ils voient bien que les conditions de sortie… c'est-à-dire qu'ils voudraient pouvoir sortir et rester, il va falloir qu'ils choisissent.

CYRIL VIGUIER
On parle qu'ils restent, en tout cas, jusqu'à la fin de l'année presque…

MARC FESNEAU
Oui, mais c'est peut-être pour regarder…

CYRIL VIGUIER
Donc s'ils restaient ? La question se pose…

MARC FESNEAU
Non, s'ils restaient jusqu'à la fin de l'année, c'est la question de pouvoir avoir des voies de sortie, parce qu'on voit bien qu'il y a des questions autour de l'union douanière, il y a des questions autour de l'Irlande, puisqu'il y aurait une frontière à l'intérieur de l'Etat et de la Grande-Bretagne, Etat de Grande-Bretagne, et c'est là que ça pose un certain nombre de questions, mais moi, je ne suis pas de ceux qui pensent, et le président de la République non plus, qu'il faut punir qui que ce soit, les Anglais ont décidé de sortir, il faut qu'ils l'assument, ce n'est pas notre décision, c'est la leur. Et 2°) : il faut que ça se fasse dans des conditions qui permettent à chacun de trouver sa place, et il n'y a pas de volonté de dégrader les uns, les autres dans sa place, et moi, je pense que pour la nation française, pour les pour les Français, et même pour les peuples européens, il y a intérêt quand même à ce que le Brexit se passe dans les meilleures conditions. La question d'un Brexit dur est une question qu'il faut essayer d'écarter le maximum.

ORIANE MANCINI
Question très rapide sur la loi anticasseurs, dont l'article phare été censuré par le Conseil constitutionnel, est-ce qu'il y aura une deuxième délibération sur ce texte ?

MARC FESNEAU
D'abord, ça n'est pas l'article phare, il y a un certain nombre d'autres mesures, il n'y a pas de deuxième délibération sur la table…

ORIANE MANCINI
Un des principaux articles quand même, est-ce qu'il y aura une deuxième délibération ou pas ?

MARC FESNEAU
Non, il n'y a pas de deuxième délibération aujourd'hui sur la table, je pense que déjà, on va promulguer la loi, et on verra ses modalités d'application.

CYRIL VIGUIER
Merci beaucoup, Marc FESNEAU, ministre chargé des Relations avec le Parlement, d'avoir été notre invité politique ce matin.

MARC FESNEAU
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 avril 2019