Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé à LCI le 11 avril 2019, sur le niveau de vie des retraités, le climat social et le conflit des gilets jaunes.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

PASCALE DE LA TOUR DU PIN
Peut-être qu'Agnès BUZYN a quelques réponses à apporter ce matin, Christophe JAKUBYSZYN.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, Pascale. Peut-être certainement, c'est l'invitée idoine, la ministre des Solidarités et de la Santé. Bonjour Agnès BUZYN.

AGNES BUZYN
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors on va parler justement du pouvoir d'achat des retraités avant de parler des retraites, parce que c'est un dossier sur lequel vous êtes connue pour être particulièrement franche. On va regarder ces chiffres. L'évolution du pouvoir d'achat en 2019 prévue par l'OFCE, plus 440 euros pour les ménages. Ce sont toutes les mesures de pouvoir d'achat du gouvernement. Mais regardez, moins 240 euros pour un retraité seul, moins 390 euros pour un couple de retraités. Du coup les retraités sont cet après-midi dans la rue. Ils ont raison quand on voit ces chiffres.

AGNES BUZYN
Oui. Alors ces chiffres représentent une moyenne. C'est toujours le même problème avec les moyennes. Nous savons qu'en France en moyenne les retraités ont des revenus un peu supérieurs à ceux qui travaillent et à ceux qui payent, en fait, les pensions de retraite. Donc c'est un problème de société. Nous savons bien que nous sommes le seul pays au monde où, en réalité, le revenu des personnes à la retraite en moyenne est supérieur au revenu moyen des actifs. Et ç'a été un constat que le président de la République a fait pendant sa campagne. Les personnes actives aujourd'hui ont du mal à vivre de leur travail.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on voit beaucoup les grands-parents par exemple qui aident leurs petits-enfants. 1 500 euros par an, on a un chiffre aujourd'hui.

AGNES BUZYN
Oui. Mais est-ce qu'on souhaite que les grands-parents aident ou est-ce qu'on souhaite simplement que les gens qui travaillent aujourd'hui puissent vivre de leur travail ? Donc le choix du gouvernement a été de revaloriser le travail.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous assumez ce rééquilibrage entre les actifs et les retraités.

AGNES BUZYN
Mais c'est quelque chose qu'on a assumé dès le départ parce qu'aujourd'hui, les personnes qui travaillent et qui vivent de leur travail ne sont plus capables de s'en sortir. La crise des gilets jaunes, c'est une crise des personnes qui travaillent et qui ont des revenus modestes et qui n'arrivent pas à vivre de leurs revenus du travail. Donc il a fallu réduire les cotisations sociales pour faire en sorte que les fiches de salaire augmentent, permettent d'avoir des revenus supérieurs. Mais par contre, la moyenne ne traduit pas évidemment des écarts de pension et nous devons être très attentifs aux retraités qui ont aujourd'hui des petites retraites. Parce que ceux-là, moi effectivement j'essaye de les aider. Et j'essaye de les aider en créant une complémentaire santé à un euro par jour. J'essaye par le biais du reste à charge 0, c'est-à-dire le fait que les lunettes, les prothèses dentaires, les prothèses auditives seront sans reste à charge dans trois ans. J'essaye de favoriser un pouvoir d'achat plus élevé pour ces petites retraites.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors toutefois le président, lors de l'avant-dernier débat je crois, a expliqué qu'on ne pourrait pas sortir de ce grand débat sans faire une mesure forte pour les retraités les plus modestes. Dans quelques jours, on devrait donc avoir la proposition du président. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il faut réindexer par exemple les petites pensions sur l'inflation ?

AGNES BUZYN
C'est un sujet qui est sur la table effectivement, la réindexation des petites retraites sur l'inflation. Nous sommes déjà revenus…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous nous l'annoncez quasiment ce matin : on va réindexer les petites retraites sur l'inflation.

AGNES BUZYN
Je dis simplement que le Premier ministre a ouvert ce dossier et qu'il est en train d'être travaillé évidemment. Nous sommes revenus sur la CSG pour les pensions de retraite à moins de 2 000 euros et donc, voilà, il y a déjà eu un effort fait lors des mesures d'urgence…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on va aller plus loin, vous le dites. On va sans doute…

AGNES BUZYN
En tous les cas, c'est sur la table.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'accord.

AGNES BUZYN
C'est en discussion. Je ne dis pas aujourd'hui que la décision est prise parce qu'il va nous falloir faire des choix. Les choix, c'est que nous ne pourrons pas simplement dépenser plus d'argent. Nous allons aussi devoir faire des économies. Les Français le disent, ils ne veulent pas de prélèvement obligatoire supplémentaire. Ils veulent, au contraire, que nous baissions les prélèvements obligatoires. Donc l'effort collectif, il doit évidemment s'accompagner certes de mesures qui répondent aux besoins. Ça peut être des besoins de santé. On l'a vu, la santé a émergé, il y a des besoins. On a besoin d'argent pour nos hôpitaux, pour nos EHPAD et ça, c'est un besoin nouveau pour les personnes âgées. Et quand je fais, juste pour terminer, quand je fais une grande réforme sur la dépendance et c'est une réforme que je vais proposer à la fin de l'année, je touche aussi au pouvoir d'achat des retraités. Parce qu'en réalité, ça touche des personnes âgées qui aujourd'hui ne peuvent pas être accompagnées parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer une aide à domicile par exemple.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors on va parler de ça, parce que ce discours de la raison, vous l'avez… C'est votre marque de fabrique au fond, vous assumez le fait de dire les choses et quelquefois ça vous est reproché. Il y a un peu plus de deux semaines, au Grand Jury, on vous a posé la question de savoir si vous étiez contre la hausse de l'âge de départ à la retraite. Regardez votre réponse.

(Extrait du Grand Jury RTL-LCI)

BENJAMIN SPORTOUCH
Mais vous n'y êtes pas hostile, vous personnellement.

AGNES BUZYN

Je ne suis pas hostile, pourquoi ? Je suis médecin alors je vais être honnête. Je suis médecin, je vois que la durée de vie augmente d'année en année. Est-ce qu'indéfiniment, nous allons pouvoir maintenir sur les actifs le poids des retraites qui vont augmenter en nombre et augmenter en durée ? Nous savons bien que cet équilibre-là va être de plus en plus difficile.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous vous êtes fait taper sur les doigts par le Premier ministre ou par le président pour avoir dit ça ? Qui est du bon sens mais est-ce que vous vous êtes fait taper sur les doigts ?

AGNES BUZYN
C'est du bon sens, on ne va pas se faire taper… C'est vrai qu'à un moment, il faut quand même dire la vérité. Nous allons vivre plus longtemps, il va y avoir de moins en moins d'actifs parce que le nombre de naissances baisse. Et donc la proportion de ceux qui payent les retraites par rapport à ceux qui seront à la retraite va s'inverser ou en tous les cas augmenter avec le temps.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez vu la réponse de Jean-Paul DELEVOYE. Il a dit : « Je démissionne si on… »

AGNES BUZYN
Mais aujourd'hui, j'ai dit simplement…J'ai dit : « Il va nous falloir un jour travailler plus pour payer tout ce que nous avons à payer, et notamment la dépendance qui est un besoin. » Qui est un besoin important. Nous allons devoir accompagner des personnes qui vont avoir 85, 90 ans…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Qui seront de plus en plus nombreuses malheureusement parce qu'on vit de plus en plus vieux.

AGNES BUZYN
Et qui vont être très nombreux. Et c'est une chance et donc ne gâchons pas cette chance. On voit que les retraités sont une priorité pour les Français. On veut faire attention aux personnes âgées. Nous allons avoir besoin de les accompagner plus longtemps avec des besoins humains. Et ça, il va falloir trouver un moyen de le payer.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce que nous expliquent les Français quand on leur dit : « Est-ce que vous êtes pour le report de l'âge de la retraite de 62 à 63, 64 », ils disent non majoritairement. Pourquoi ?

AGNES BUZYN
D'abord on confond toujours l'âge de départ à la retraite qui est le moment où on a le droit d'activer ses droits. C'est un moment minimal, un moment où les personnes qui ont travaillé très longtemps, qui ont eu des métiers pénibles ont le droit d'activer leurs droits. Et le fait qu'on propose à certains de travailler plus longtemps, avec éventuellement des valorisations de ceux qui acceptent de travailler deux, trois ans de plus. Et donc on confond deux problèmes qui sont en fait parallèles et complémentaires. On a le droit de considérer que l'âge minimal de départ à la traite, c'est 62 ans, mais aussi de proposer à certains de travailler plus.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Par exemple pour augmenter sa pension.

AGNES BUZYN
Ecoutez, je pense que quand on est cadre supérieur ou quand on est médecin par exemple, beaucoup de médecins aujourd'hui travaillent à 67, 68, 69 ans et ça ne choque personne. Et donc en réalité, on voit bien que cette question de l'âge de départ à la retraite, il se pose pour les métiers très pénibles, pas forcément pour les cadres supérieurs. Donc, voilà, arrêtons d'en faire un sujet d'hystérisation de la société française. Posons les problèmes tels qu'ils sont. Nous allons vivre de plus en plus vieux, nous allons avoir des besoins pour la dépendance. Comment nous réglons ça ? C'est un problème que les Français doivent régler pour eux.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
J'avais peur que vous fassiez de la langue de bois ce matin, pas du tout. Vous persistez et vous signez et vous avez raison d'ailleurs. Parce que le président lui-même, il l'a dit lors d'un débat. Il a dit : « Pourquoi ne pas poser la question de l'âge de départ à la retraite ? », alors même que c'était une promesse présidentielle de rester à 62 ans.

AGNES BUZYN
Mais vous restez encore sur l'âge de départ à la retraite qui est un droit activable à 62 ans et le fait qu'on peut considérer que certains pourraient travailler plus longtemps, peut-être…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce sera un choix.

AGNES BUZYN
En tous les cas, je pense qu'il faut poser le problème aux Français de comment nous finançons aujourd'hui notre protection sociale. Nous ne voulons pas et on l'entend bien… J'entendais la retraitée qui parlait sur le plateau tout à l'heure. Nous ne voulons pas moins de services publics, nous en voulons plus. Nous ne voulons pas moins de protection sociale, nous avons des besoins qui augmentent en termes de santé, en termes de retraite, en termes de dépendance. Donc comment nous faisons pour faire en sorte que ce bien commun qui est la protection sociale, la Sécurité sociale des Français se maintienne et voire augmente encore les droits ?

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors justement, vous posez cette question. On se la pose aussi parce qu'on a entendu le Premier ministre au début de la semaine faire un discours, une restitution du grand débat, plutôt libéral. Il explique qu'il faut baisser les impôts, il explique il faut baisser la dépense. Mais baisser la dépense, la personne dont vous parlez en a parlé tout à l'heure, c'est aussi peut-être baisser les services publics sur les territoires. C'est baisser les prestations qu'ont les Français et donc ça inquiète les Français. Est-ce que c'est ça l'issue du grand débat ? C'est une politique libérale et avec moins de services publics ?

AGNES BUZYN
Absolument pas. Je crois que dès que nous sommes arrivés au gouvernement, nous avions compris qu'il y avait eu une déperdition des services publics vers les métropoles, vers les grandes villes, et que la ruralité, notamment certaines zones en France mais aussi certains quartiers difficiles en banlieue, souffraient d'un manque absolu de services publics.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, pourtant…

AGNES BUZYN
Nous avions décidé de renverser la vapeur.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est ce qui a suscité la révolte des gilets jaunes, donc ça n'a pas été fait.

AGNES BUZYN
Si, c'est en train d'être fait mais simplement vous ne repeuplez pas la France de services publics quand il y a eu trente ans de décisions politiques, pour des raisons budgétaires que je comprends, mais qui ont abouti à ce que nous ne soyons plus au rendez-vous par rapport à ces Français qui habitent ces zones-là. Moi par exemple, j'entendais madame, moins d'hôpitaux, moins de services publics hospitaliers. Ce n'est pas vrai.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Moins de maternités. Regardez le nombre de cas où on voit des gens protester contre la fermeture des maternités.

AGNES BUZYN
C'est justement le contraire. Je me bats pour que tous les hôpitaux de proximité restent des hôpitaux de proximité et ne ferment pas. Aujourd'hui j'ai pris un engagement devant les Français de ne fermer aucun hôpital. Et quand une maternité ferme, ça n'est pas pour des raisons budgétaires : c'est parce qu'aujourd'hui nous n'avons plus de médecins pour les faire tourner. Donc il faut à un moment que Les Français comprennent que des décisions prises il y a vingt ans sur le nombre de médecins fait qu'aujourd'hui nous avons une démographie mais un nombre de médecins insuffisant. Ce sont de nouvelles organisations.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous allez nous donner vos solutions mais écoutez ce qu'en disait Yannick JADOT, la tête de liste Europe Ecologie-Les Verts aux européennes justement encore au Grand Jury. C'était ce dimanche.

(Extrait du Grand Jury RTL-LCI)

YANNICK JADOT, TETE DE LISTE EELV AUX ELECTIONS EUROPEENNES
Vous savez sur un territoire, quand vous fermez l'endroit où on donne la vie, ça dit très clairement ce qu'on veut faire de ces territoires. On veut les laisser mourir. Là ce que fait ce gouvernement, c'est de mettre en danger la vie des femmes et la vie des enfants. Et dans ce même endroit, il ferme les gares. Donc non seulement les familles vont être à une heure, une heure et quart pour accoucher potentiellement, mais en plus, si vous voulez travailler dans cette zone-là, vous n'avez plus de gare, vous n'avez plus de trains, et ça c'est profondément choquant.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous entendez ce cri que…

AGNES BUZYN
Franchement, je suis très énervée, je vous le dis. Vraiment je trouve qu'il joue sur une corde sensible, et je comprends, et ça émeut tout le monde. Donner la vie, les maternités. Oui, effectivement, c'est important de pouvoir garder une maternité le plus près de chez soi. Mais quand il n'y a plus de médecin, il n'y a pas de pédiatre si l'enfant va mal, il n'y a pas d'anesthésiste s'il faut faire une césarienne en urgence, il n'y a plus d'obstétricien, ce ne sont pas les choix du gouvernement. C'est un choix qui a été fait il y a trente ans de ne pas former assez de médecins. Et vous savez pourquoi ? C'était un choix budgétaire. On a pensé qu'en formant moins de médecins en France, on permettrait de faire des économies et de renverser ce fameux trou de la Sécurité sociale. On le paye maintenant, on le paye très cher. Mais aujourd'hui, je ne peux pas laisser une maternité ouverte quand certaines nuits il n'y a plus personne pour recevoir les femmes. C'est une fausse sécurité. Alors c'est très facile pour un responsable politique, que je trouve irresponsable en l'occurrence, de faire pleurer. En réalité moi, la seule chose qui m'importe c'est la vie des femmes, la vie des enfants. Et donc quand je suis malheureusement obligée de fermer un service, malheureusement je le transforme en centre de périnatalité pour le suivi des femmes et je les fais accoucher ailleurs, je prends un engagement. C'est qu'elles auront une sécurité dans les transports et que nous allons les accompagner pour les transports. Mais on ne peut pas décemment laisser ouverte une maternité où il n'y a pas de médecin pendant 24 heures.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça veut dire quoi la sécurité dans les transports lorsque, comme le dit Yannick JADOT, il n'y a plus de trains ?

AGNES BUZYN
Ça veut dire une présence d'une sage-femme par exemple dans l'ambulance.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'accord.

AGNES BUZYN
Ça, ce sont des choses qui s'organisent. Vous savez en Australie, en Suède où ils ont des distances immenses, les femmes n'ont pas de maternité à trente minutes de chez elles. Et pourtant en Suède, vous avez la mortalité des femmes et des enfants néonatale la plus faible au monde. Pourquoi ? Parce qu'ils ont simplement organisé des transports des femmes. En Suède, vous avez dix fois moins de maternités qu'en France. Et donc les femmes font deux heures de route, trois heures de route et parfois sont transportées en hélicoptère pour aller accoucher. Ça n'est pas ce que je souhaite en France mais nous sommes dans des distances qui sont accessibles, qui sont de 45 minutes, qui sont d'une heure. Et donc on peut organiser des transports sécurisés pour les femmes, c'est l'engagement que j'ai pris. Mais arrêtons de dire que c'est une volonté du gouvernement alors que nous subissons en réalité des décisions prises il y a vingt ans.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors vous allez sans doute être agacée par l'homme politique que je vais vous faire écouter. C'était hier en fin de journée : Jean-Luc MELENCHON qui est allé retrouver les salariés de WHIRLPOOL qui ont été frappé par la fermeture de leur site et le transfert je crois en Pologne. On écoute Jean-Luc MELENCHON.

JEAN-LUC MELENCHON, PRESIDENT DU GROUPE LA FRANCE INSOUMISE A L'ASSEMBLEE NATIONALE
Rendez les coups, les gars, ne vous laissez pas faire. Rendez les coups. Ils ne comprennent que ça. Le président est venu ici, il vous a dit qu'il s'occupait de vous. Vous avez le droit d'aller là-bas, sonner à sa porte et lui dire : « Alors, vous avez dit que vous vous occupez… » Gentil hein, vous ne cassez rien.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Voilà, Jean-Luc MELENCHON.

AGNES BUZYN
C'est un homme politique, ça ? Est-ce que c'est un homme politique i ? Il n'apporte aucune solution. Quelle solution il propose au gouvernement s'il a une idée formidable, s'il a une idée pour les salariés de WHIRLPOOL ? Un homme politique, ça doit apporter des solutions. Les problèmes sont complexes. Le travail que nous faisons quand nous gouvernons, c'est d'apporter des solutions. Et moi, j'entends des hommes politiques qui passent leur temps à critiquer et qui ne proposent rien. C'est ça la faiblesse de nos oppositions aujourd'hui. Qu'est-ce qu'il a proposé monsieur JADOT sur la fermeture des maternités quand il n'y a pas d'obstétricien ? Il propose quoi en réalité ? Et donc c'est d'une irresponsabilité. Moi, je découvre le monde politique depuis deux ans et je me rends compte aujourd'hui que nous ne sommes pas aidés par nos oppositions. Parce qu'après tout, s'il y avait des bonnes idées à prendre, moi je suis prête à les entendre. Je suis prête à les prendre. Là, « rendez coup pour coup », est-ce que c'est un langage responsable ? Est-ce qu'on souhaite une société encore plus violente ? Est-ce qu'on n'en a pas assez de la violence ? Franchement… Voilà, nous avons besoin d'une société apaisée, nous avons besoin de cohésion, nous avons besoin d'un peu de bienveillance et nous avons besoin de solutions parce qu'il y a de nombreux problèmes à régler.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va parler de récents scandales sanitaires, le Mediator, le Lévothyrox. Le Mediator d'abord. Le laboratoire SERVIER a indemnisé de nombreux patients, 3 600 patients pour 115 millions d'euros mais il y a un procès qui doit venir encore. Est-ce que ce procès est utile du coup ?

AGNES BUZYN
Oui. Moi je pense que c'est très utile. Vous mettez en parallèle deux problèmes qui n'ont rien à voir.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, qui n'ont rien à voir mais commençons par le Mediator.

AGNES BUZYN
Le Mediator est un vrai scandale. Il y a eu mensonge du laboratoire, il y a eu une manipulation et les patients en ont souffert, certains ont perdu la vie. Et donc le procès est un procès pénal et moi je crois qu'il doit avoir lieu. Par ailleurs, il y a une indemnisation des victimes qui est facilitée aujourd'hui par une solution amiable qui permet, en fait, aux personnes de toucher de l'argent beaucoup plus rapidement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr.

AGNES BUZYN
C'est très bien, c'est un office d'indemnisation qui s'en occupe, mais le procès pénal doit avoir lieu. Ça n'a rien à voir avec la question du Lévothyrox.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le Lévothyrox effectivement, vous avez raison, la justice n'a pas reconnu le préjudice 4 000 victimes qui avaient porté plainte. En revanche il y a une autre procédure au pénal qui, elle, se poursuit. Ils doivent continuer à se battre, ces patients, qui estiment que la nouvelle formule de ce médicaments pour la de la thyroïde, l'hyperthyroïdie, qui estiment que la nouvelle formule avait des effets secondaires ? Est-ce qu'ils ont raison de continuer à se battre ?

AGNES BUZYN
Alors moi je ne suis pas là pour donner un avis sur le souhait de patients de porter plainte. Ce que je dois dire, c'est qu'en tant que ministre, quand les patients ont exprimé des effets secondaires et une incompréhension par rapport à cette nouvelle formule, que je découvrais aussi puisque je venais d'arriver comme ministre au moment où elle a été mise sur le marché. J'ai fait en sorte qu'il y ait une offre plurielle. C'est-à-dire que les patients puissent se tourner vers d'autres molécules que j'ai fait importer d'autres pays. Et donc en l'espace d'un mois et demi, j'ai fait venir sur le territoire français quatre ou cinq formules différentes qui permettaient à chacun de trouver le bon médicament qui lui convenait. J'ai répondu à l'angoisse et à la souffrance des patients. Après, le procès dira s'il y a eu des fautes. En tous les cas, il y a eu clairement un défaut d'information sur un changement de formule, et ça c'est inadmissible, et j'ai pris aujourd'hui des mesures pour qu'on soit en capacité en réalité d'informer les patients quand il y a des changements de formule d'un médicament.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une dernière question sur la psychiatrie qui est un peu le parent pauvre de notre médecine. Vous participiez hier soir à une émission sur ce thème. On voit le désarroi des médecins, des infirmières et des infirmiers qui travaillent dans des services de psychiatrie en France. Est-ce qu'on va longtemps laisser cette médecine-là tomber en déshérence ?

AGNES BUZYN
Non, c'est malheureusement une situation qui s'est dégradée depuis vingt ou trente ans. C'est un secteur qui a été insuffisamment financé, insuffisamment régulé et qui a été le parent pauvre, vous le dites, de la médecine. Et aujourd'hui, on a effectivement des besoins qui augmentent en réalité dans nos sociétés. Nous savons qu'une personne sur quatre aura besoin d'accéder à un psychiatre dans sa vie.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Une sur quatre ?

AGNES BUZYN
Ce sont des chiffres dans les pays industrialisés qu'on partage avec mes collègues européens. Une sur quatre. Ça peut être une dépression…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bien sûr, bien sûr.

AGNES BUZYN
Ça peut être une névrose, angoisse ou des maladies plus sévères.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc vous allez faire quoi concrètement ?

AGNES BUZYN
Donc aujourd'hui, j'ai fait une feuille de route que j'ai présentée l'année dernière avec des budgets en augmentation. Clairement, il faut réinvestir dans les murs, il faut réinvestir dans les postes, il faut mieux former parce que nous n'avons plus de pédopsychiatres. Or plus on prend tôt en charge ces maladies, mieux on les soigne. Donc il faut que de nouveau, nos adolescents puissent être pris en charge très facilement. Donc j'ai créé une filière de formation des pédopsychiatres. Et puis j'ai nommé hier un délégué ministériel à la psychiatrie qui va déployer cette feuille de route sur tous les territoires et s'assurer que l'argent arrive bien dans les hôpitaux pour faire les réformes que je souhaite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faudra du temps j'imagine.

AGNES BUZYN
Un peu de temps mais je me suis donné trois ans pour transformer l'essai.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Agnès BUZYN d'avoir été notre invitée.

AGNES BUZYN
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 avril 2019