Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances, à BFM Business le 3 septembre 2019, sur les préparations dans le cas d'un Brexit sans accord.

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Média : BFM

Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Espérer le meilleur, se préparer au pire, c'est ce que vous faites Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour Madame la Ministre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et vous organisez tout à l'heure à Bercy, avec d'autres de vos collègues, Amélie de MONTCHALIN et Olivier DUSSOPT, une réunion de crise avec une centaine d'acteurs de l'économie, pour se préparer au pire, c'est-à-dire un Brexit dur le 31 octobre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, on va appeler les fédérations a pleinement s'impliquer dans la préparation de ce possible Brexit dur.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Probable même.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Disons possible à ce stade, parce que d'un point de vue diplomatique il nous appartient d'essayer de trouver une porte de sortie. Simplement, Boris JOHNSON a tenu des propos assez clairs sur sa façon de gérer le dossier, et donc il n'écarte pas du tout une possibilité de no deal, et ce qui est un peu préoccupant pour les entreprises, c'est qu'on ne sera pas avancé, on n'aura pas une notion de « est-ce qu'on y va » ou « est-ce qu'on n'y va pas », jusqu'au dernier jour. Et donc on ne peut pas dire « j'attends telle date pour me préparer », c'est juste pas possible.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes inquiète de l'état de préparation des entreprises ? Vous dites, en coulisses vous m'avez dit : « Elles sont dans le déni certaines PME ».

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'il est très difficile pour un patron de PME, à qui on dit trois fois : attention, demain c'est le Brexit dur, préparez-vous. Et puis on a l'impression qu'à chaque fois on franchit les étapes, de considérer que ce n'est pas une menace abstraite. Or, ce qu'on veut leur dire aujourd'hui, vous avez 20 000 entreprises qui exportent au Royaume-Uni, c'est que c'est obligatoire de se préparer. D'abord elles ne perdent pas de temps, parce que de toute façon le Brexit, c'est une décision qu'a prise le peuple britannique, donc ça va se poser d'une manière ou d'une autre.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça va se faire d'une manière ou d'une autre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
D'une manière ou d'une autre.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Un jour ou l'autre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà. En tout cas c'est ce qu'a dit peuple britannique, de manière assez nette. La deuxième chose c'est que cette préparation elle ne fait jamais qu'organiser les relations avec le Royaume-Uni, donc on le fait plus tôt, on le fait plus tard, on ne perd pas de temps, et en plus le point essentiel c'est la frontière intelligente pour les entreprises qui exportent. Donc, de toute façon, c'est du temps de gagné.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il faut expliquer ce que c'est, c'est-à-dire que…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Frontière intelligente, c'est la dématérialisation des formalités de passage aux douanes, ça veut dire que lorsque vous avez préparé ça et que votre marchandise est dans le camion, par reconnaissance de la plaque d'immatriculation, vous allez passer plus vite la frontière.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors ça, effectivement c'est bien, mais il faut s'y préparer, comment on s'y prépare concrètement si on est une entreprise qui exporte, par exemple je pense vraiment aux entreprises qui exportent des denrées périssables, l'agro-alimentaire, ça va être un vrai problème pour eux. Comment on se prépare à cette frontière intelligente ? Il faut appeler qui ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est les douanes, et il faut, s'agissant de l'agroalimentaire, s'assurer qu'on a bien les certificats sanitaires qui permettent d'exporter, puisque vous avez deux sujets, vous avez effectivement franchir la frontière, et là vous avez tous les renseignements sur brexit.gouv.fr, et vous avez – Olivier DUSSOPT l'expliquera tout à l'heure – plus de 600 douaniers qui ont été recrutés pour faire en sorte de gérer cette situation, mais en gros vous avez deux files, celle des gens qui auront anticipé et qui seront en fast-track, comme à l'aéroport, voyez, quand vous passez le contrôle avec votre passeport, eh bien vous avez la file des gens qui vont vite et vous avez la file les gens qui arrivent de l'avion, sans avoir préparé, et qui font la queue. Ça sera pareil pour les camions, et il faut s'y préparer. Et puis…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais rassurez-moi, juste, Agnès PANNIER-RUNACHER, s'il y a un Brexit sans accord, absolument aucun accord, il y aura quand même une fast-track ? On pourra quand même passer la douane ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr qu'on passera la douane, mais on sera camion derrière camion, donc il y aura probablement un peu de temps d'attente. Et je rappelle…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais on gagnera un peu de temps quand même, si on est sur la fast-track, par rapport à si on n'a fait aucune démarche ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah non, mais si on est en dématérialisé, on va beaucoup plus vite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
D'accord. Même s'il y a zéro accord.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Même s'il y a zéro accord, et même aujourd'hui vous pouvez allez plus vite.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça c'est rassurant.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc il n'y a pas de… Non non, il y a clairement une différence entre se préparer et opter pour la frontière dématérialisée, et rester en frontière physique.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ça veut dire que malgré l'absence d'accord, si c'est le cas, en coulisses il y a quand même des discussions entre le Royaume-Uni et la France pour faciliter la vie des entreprises qui seront concernées, on est d'accord.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a effectivement, en coulisses et au niveau de la Commission européenne, des discussions pour traiter tous les sujets, je pense par exemple au travail, les Britanniques qui exercent en France, et les Français qui exercent au Royaume-Uni. De ce point de vue là, il y a un certain nombre d'accords, de reconnaissance de métiers etc., qui sont pris, vous ne perdez pas vos droits sociaux du jour au lendemain, donc ça c'est géré, et vous avez tous les détails sur le site du ministère du Travail. Vous avez tout ce qui est financier, échange de contrats, qui a priori est géré avec des Chambres de compensation qui seront en place et la capacité en quelques jours à basculer les contrats en droit Union européenne. Ça c'est géré. Mais vous avez le sujet aujourd'hui des douanes et le sujet des douanes il a deux niveaux : il y a le franchissement de la frontière et les autorisations, puisque du jour au lendemain, lorsque le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne, toutes les autorisations naturelles que nous avons, la reconnaissance sanitaire, vétérinaire, sur les médicaments…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Financières, tous les gens qui opèrent aujourd'hui à Londres, ils savent que du jour au lendemain leur passeport financier qui leur permet d'être opérateur dans les salles de marchés, disparaît.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Disparait, simplement eux ils peuvent en quelques jours, informatiquement, gérer ce point-là, et ça, ça a été anticipé par les banques, alors que sanitairement c'est vous l'entreprise qui émettez, qui devez vous assurer que vous avez bien cette reconnaissance sanitaire. Donc il est très important de s'organiser, c'est pour ça que nous réunissions avec Amélie de MONTCHALIN et Olivier DUSSOPT, les entreprises, pour faire un point sur où on en est du Brexit, parce que c'est aussi un sujet qui est complexe et qu'il faut partager et expliquer. Et puis Olivier DUSSOPT expliquera comment on s'est organisé au niveau des douanes, quel sous tous les plans de contingences qui ont été pris par la France et par l'Union européenne pour avancer, et enfin, le dernier point, c'est mobilisation générale, soyons prêts, n'attendons pas le dernier moment, d'abord pour franchir cette date du 1er novembre si effectivement c'est une date de Hard Brexit, et aussi pour anticiper les conséquences financières du Brexit sur certaines entreprises qui sont surexposées au Royaume-Uni, et il faut savoir qu'on a un certain nombre de dispositifs pour accompagner des entreprises qui seraient en situation de trésorerie difficile, et donc activer ces dispositifs de droit commun.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Déjà on en a beaucoup appris avec vous ce matin, merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER. Et puis je voulais signaler, alors le micro cache un peu, mais vous pouvez déplacer le micro, votre badge, parce que c'est très important, le 39 19, vous êtes associée évidemment comme nous, BFM et BFM Business, à cette campagne de sensibilisation contre les violences conjugales, qui concernent aussi les entreprises, parce que parfois ça crée des situations de détresse de la part des salariés-es.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. Et les entreprises peuvent détecter ces situations. Et c'est vrai, comme on touche à l'intime, les gens se réfrènent et n'osent pas interroger. A chaque fois que vous pouvez aider une femme qui est dans cette situation et accueillir sa parole, et la prendre au sérieux, franchement vous aidez cette cause qui est absolument essentielle.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, et on va encourager les entreprises, évidemment, à suivre ces recommandations.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Brexit.gouv.fr.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Brexit.gouv.fr.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2019